Comment transmettre son entreprise à moindre coût ?

Passé un certain âge, se pose la question de la transmission de son entreprise. Une transmission qui peut être subie (décès de l’entrepreneur) ou anticipée (par le biais d’une donation, notamment). À ce titre, la transmission, par donation ou par succession, de parts ou d’actions d’une société peut être exonérée de droits de mutation à hauteur de 75 % de leur valeur. Pour en bénéficier, les titres transmis doivent faire l’objet d’un engagement de conservation, aussi appelé « Pacte Dutreil ». Retour sur les conditions d’application de ce dispositif.

D’abord un engagement collectif de conservation…

Les associés doivent conserver les titres transmis pendant au moins 2 ans.

Les titres transmis doivent avoir fait l’objet d’un engagement collectif de conservation pris par le donateur ou le défunt, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec un ou plusieurs autres associés de la société. L’engagement « collectif » peut également être pris par une personne seule. En d’autres termes, le dispositif bénéficie aussi aux transmissions de sociétés unipersonnelles (EURL, Sasu…). D’une durée minimale de 2 ans, l’engagement collectif commence à courir à compter de l’enregistrement de l’acte le constatant (pour un acte sous seing privé) ou de la date de l’acte (pour un acte authentique). L’engagement devant, en principe, être en cours au jour de la transmission. En outre, l’engagement collectif doit porter sur un certain quota de titres, à savoir au moins : 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour une société cotée ; ou 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour une société non cotée. Ces quotas devant être respectés pendant toute la durée de l’engagement collectif. Point important, en l’absence d’engagement collectif pris avant la transmission, il est néanmoins possible de bénéficier de l’exonération partielle à certaines conditions. Ainsi, l’engagement collectif peut être « réputé acquis » lorsque le donateur ou le défunt, seul ou avec son conjoint ou partenaire de Pacs, détient, directement, depuis au moins 2 ans, le quota de titres requis et que l’un d’eux exerce dans la société depuis plus de 2 ans, selon les cas, son activité professionnelle principale ou une fonction de direction éligible.

À noter : depuis le 1er janvier 2019, les engagements collectifs peuvent être réputés acquis en prenant en compte les détentions indirectes (un seul niveau d’interposition), y compris celles du concubin notoire.

Autre condition, la société dont les titres sont transmis doit exercer, de façon prépondérante, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, peu importe en revanche son régime d’imposition.

… suivi d’un engagement individuel de conservation

Les héritiers doivent conserver (individuellement) les titres transmis pendant 4 ans après l’expiration de l’engagement collectif de conservation.

Au jour de la transmission, chaque donataire ou héritier doit également prendre l’engagement individuel, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les titres transmis pendant au moins 4 ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif de conservation pris précédemment ou de la transmission si l’engagement collectif est réputé acquis.

Précision : l’engagement individuel peut ne porter que sur une partie des titres transmis, l’exonération étant alors limitée à la fraction des titres faisant l’objet de cet engagement.

Exercice professionnel

En outre, l’un des donataires ou héritiers ayant pris l’engagement individuel, ou l’un des associés ayant souscrit l’engagement collectif doit exercer, pendant la durée de l’engagement collectif et les 3 ans qui suivent la transmission, soit son activité professionnelle principale (dans le cas d’une société de personnes), soit une fonction de direction éligible (dans le cas d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés).

Obligations déclaratives

Enfin, certaines obligations déclaratives doivent être respectées pour pouvoir bénéficier de l’exonération Dutreil. Concrètement, les héritiers ou les donataires doivent joindre à la déclaration de succession ou à l’acte de donation une attestation de la société dont les titres font l’objet de l’engagement collectif certifiant que celui-ci est en cours au jour de la transmission et qu’il a porté jusqu’à cette date sur le quota de titres requis. Puis, dans les 3 mois qui suivent la fin de l’engagement individuel, ils doivent remettre une attestation de la société certifiant que l’ensemble des conditions d’application du Pacte Dutreil ont été respectées jusqu’à leur terme. Si vous souhaitez mettre en place un Pacte Dutreil, il peut être opportun, compte tenu de la complexité du dispositif, de faire appel à votre conseil habituel.

Remise en cause de l’exonération

Si les conditions pour bénéficier du dispositif Dutreil ne sont pas respectées, les avantages fiscaux peuvent être remis en cause.

L’exonération partielle peut être remise en cause en cas de non-respect des engagements collectifs et individuels, notamment en raison de la cession des titres de la société. Cette remise en cause peut concerner soit l’ensemble des héritiers ou donataires, soit seulement l’un d’entre eux. La remise en cause du régime de faveur donne alors lieu à restitution du complément de droits de mutation ayant fait l’objet de l’exonération et au versement d’un intérêt de retard (0,20 % par mois).

Article publié le 26 janvier 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Les cessions de parts de sociétés agricoles détenant du foncier sous contrôle !

Instauré par une loi votée il y a un an, le contrôle administratif des cessions de parts ou d’actions de sociétés qui détiennent ou exploitent des terres agricoles va pouvoir bientôt s’appliquer.

Pour lutter contre la concentration excessive de foncier agricole entre les mains d’une même société, les pouvoirs publics ont instauré, par une loi datant du 23 décembre 2021 (la loi dite « Sempastous  »), un contrôle administratif des cessions de parts ou d’actions de sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles. Mais pour que ce contrôle puisse s’appliquer, un décret d’application de la loi était attendu. Avec un certain retard, ce décret vient d’être publié. Le dispositif va donc pouvoir bientôt entrer en vigueur. Explications.

Une autorisation préfectorale

Jusqu’alors, les transferts partiels de parts sociales ou d’actions de sociétés agricoles échappaient au regard de l’administration et au droit de préemption de la Safer. Ces opérations permettaient ainsi à certaines sociétés de prendre possession d’importantes surfaces agricoles en toute liberté. Avec l’entrée en application du nouveau dispositif, la prise de contrôle, via l’acquisition de parts sociales ou d’actions, d’une société possédant ou exploitant des terres à usage ou à vocation agricole par une personne physique ou par une autre société qui détient déjà des terres agricoles au-delà d’une certaine superficie sera désormais soumise à une autorisation préalable du préfet du département concerné. Il en sera de même lorsque la superficie totale détenue par cette personne ou par cette société viendra à excéder ce seuil à l’issue de la prise de contrôle. Le seuil (on parle de « seuil d’agrandissement significatif ») à partir duquel l’autorisation sera requise sera fixé, par région naturelle ou par territoire ayant une certaine cohérence agricole, par un arrêté pris par le préfet de région après avis de la chambre régionale d’agriculture. Il sera compris entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne (SAURM) fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) et sera réexaminé tous les 5 ans au plus tard. En pratique, les premiers contrôles s’appliqueront aux cessions de parts sociales (ayant pour conséquence une prise de contrôle de la société et le dépassement du seuil d’agrandissement significatif) qui seront réalisées à compter du délai d’un mois après la date d’entrée en vigueur de l’arrêté préfectoral. Cette date sera donc variable d’un territoire à un autre.

À noter : ne seront pas soumises à autorisation :

– les transmissions à titre gratuit (donation, succession) ;

– les cessions de parts ou d’actions au profit d’un conjoint (époux ou partenaire de Pacs) ou d’un parent à condition que ces personnes s’engagent à participer effectivement à l’exploitation des biens agricoles et à conserver les parts ou actions pendant 9 ans ou à les donner en location à un fermier qui s’engage à les exploiter pendant 9 ans ;

– les cessions réalisées entre associés exploitants qui détiennent des parts de la société depuis au moins 9 ans.

 

L’instruction des dossiers par la Safer

En pratique, les demandes d’autorisation devront être adressées à la Safer territorialement compétente qui sera chargée de les examiner au nom du préfet. Elle disposera d’un délai de 2 mois pour délivrer un avis et le transmettre au préfet. Et c’est ce dernier qui, ensuite, délivrera ou non l’autorisation requise. Sachant qu’il pourra autoriser l’opération à condition qu’une compensation soit fournie. Ainsi, le préfet pourra donner son autorisation sous réserve qu’une partie des terres que la société ou l’acquéreur des parts détient soit libérée au profit d’un agriculteur qui s’installe ou qui a besoin de consolider son exploitation.

Décret n° 2022-1515 du 2 décembre 2022, JO du 4

Article publié le 13 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Transfert du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel : quelle publicité ?

L’entrepreneur individuel qui cède, donne ou apporte en société son patrimoine professionnel doit soit publier un avis de transfert au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales soit insérer une annonce dans un support d’annonces légales.

Lorsqu’un entrepreneur individuel souhaite céder son activité à une autre personne (un successeur) ou à une société, il peut lui transférer l’intégralité de son patrimoine professionnel, que ce soit par donation, vente ou apport en société, et ce sans avoir besoin de procéder à la liquidation de ce patrimoine.

Rappel : depuis le 15 mai dernier, les entrepreneurs individuels sont soumis à un nouveau statut juridique qui se caractérise par la séparation de leurs patrimoines personnel et professionnel. Grâce à ce nouveau statut, les biens personnels d’un entrepreneur individuel sont protégés des risques financiers inhérents à son activité puisque seul son patrimoine professionnel, composé des biens qui sont « utiles » à son activité, peut désormais être saisi par ses créanciers professionnels.

Ce transfert de patrimoine doit faire l’objet d’une publicité de façon à en informer les créanciers de l’entrepreneur individuel. Et il n’est opposable à ces derniers qu’à compter de cette publicité. Les créanciers peuvent alors s’opposer au transfert.

Attention : les dettes de cotisations et de contributions sociales d’un entrepreneur individuel ne peuvent pas être comprises dans ce transfert de patrimoine.

Jusqu’alors, la publicité de ce transfert de patrimoine professionnel ne pouvait prendre la forme que d’un avis, accompagné d’un état descriptif des biens composant ce patrimoine, publié par l’entrepreneur individuel au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) au plus tard un mois après la réalisation du transfert. Nouveauté : désormais, cette publicité peut également s’opérer, toujours au plus tard un mois après la réalisation du transfert, par l’insertion d’une annonce dans un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département dans lequel l’activité professionnelle de l’intéressé est exercée.

Décret n° 2022-1439 du 16 novembre 2022, JO du 18

Article publié le 21 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Droit de préemption de la Safer en cas de cession de parts sociales

J’envisage de céder les parts sociales que je détiens dans une EARL. Cette opération est-elle soumise au droit de préemption de la Safer ?

Si la cession envisagée ne porte pas sur la totalité des parts que vous détenez dans la société, ou si elle porte sur la totalité de vos parts mais pas sur la totalité des parts de la société car vous n’êtes pas le seul associé, elle n’est pas soumise au droit de préemption de la Safer. Cette dernière devra simplement être informée de l’opération. En revanche, en cas de cession de l’intégralité des parts de l’EARL, la Safer pourra préempter, sauf si la cession est effectuée au profit d’un membre de votre famille.

À noter : la prise de contrôle, via l’acquisition de parts sociales ou d’actions, d’une société possédant ou exploitant des terres à usage ou à vocation agricole par une personne physique ou par une autre société qui détient déjà des terres agricoles au-delà d’une certaine superficie sera prochainement soumise à une autorisation du préfet du département concerné. Il en sera de même lorsque la superficie totale détenue par cette personne ou par cette société viendra à excéder ce seuil à l’issue de la prise de contrôle. Le seuil à partir duquel l’autorisation sera requise sera fixé par le préfet de région.

Article publié le 29 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Transmission d’une entreprise : une exonération possible

Les plus-values professionnelles réalisées lors de la transmission d’une entreprise peuvent, sous certaines conditions, être exonérées, en tout ou partie, si la valeur des éléments transmis n’excède pas 1 M€ (article 238 quindecies du CGI).

Les transmissions concernées

Sont visées les plus-values de cession d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité.

L’exonération vise la transmission, à titre onéreux (cession, apport…) ou à titre gratuit (donation, succession), d’une entreprise individuelle commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ou d’une branche complète d’activité. Elle bénéficie également aux transmissions de l’intégralité des droits ou des parts d’une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu par un associé y exerçant son activité professionnelle.


À noter : lorsque la cession d’une branche complète d’activité est réalisée par une société soumise à l’impôt sur les sociétés, cette dernière doit être une PME (moins de 250 salariés, chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 M€ ou total de bilan n’excédant pas 43 M€) et son capital ou ses droits de vote ne doivent pas être détenus à hauteur de 25 % ou plus par des entreprises qui ne sont pas des PME.

Cas de la location-gérance

La plus-value issue de la transmission d’une activité mise en location-gérance peut également bénéficier de cette exonération. Toutefois, pour cela, l’activité doit avoir été exercée depuis au moins 5 ans au moment de la mise en location. En outre, jusqu’à présent, la transmission devait être réalisée au profit du locataire-gérant. Mais, pour l’imposition des plus-values réalisées à compter de 2021, le dispositif d’exonération est aussi applicable lorsque la transmission est réalisée au profit d’une autre personne que le locataire-gérant. Dans ce cas, la transmission doit porter sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité qui a fait l’objet du contrat de location-gérance.

Les conditions d’application

L’activité transmise doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans.

Pour bénéficier de l’exonération, l’activité transmise doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans. Une durée qui se décompte à partir du début de l’activité, c’est-à-dire de la création ou de l’acquisition de la clientèle ou du fonds, jusqu’à la date de réalisation de la transmission.Autre condition à respecter : en cas de cession à titre onéreux, le cédant ne doit pas posséder le contrôle de l’entreprise cessionnaire en raison de la participation qu’il y détient ou des fonctions qu’il y exerce. Autrement dit, il ne doit pas détenir, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cessionnaire ou y exercer la direction effective.


À noter : cette absence de as de dépendance entre le cédant et l’entreprise cessionnaire doit être satisfaite à la date de la cession, puis de façon continue pendant les 3 années suivantes.

Enfin, la mise en œuvre de l’exonération nécessite l’exercice d’une option. L’administration fiscale exige que cette option intervienne lors du dépôt de la déclaration de cessation d’activité ou de cession. Elle s’effectue alors au moyen d’un document signé, établi sur papier libre, indiquant, de façon expresse, l’option pour cette exonération ainsi que la date de la cession de l’entreprise, de la branche complète d’activité ou des parts de la société de personnes.

Le montant de l’exonération

L’exonération est totale si la valeur de l’entreprise transmise est inférieure à 500 000 € ou partielle et dégressive lorsque cette valeur est comprise entre 500 000 € et 1 M€.

L’exonération concerne l’impôt sur les plus-values à court terme et à long terme, ainsi que les prélèvements sociaux. En revanche, les plus-values immobilières en sont exclues.Pour l’imposition des plus-values réalisées à compter de 2021, l’exonération est totale lorsque la valeur des éléments transmis est inférieure à 500 000 €. Elle est partielle et dégressive lorsque cette valeur est comprise entre 500 000 € et 1 M€. Dans ce dernier cas, la fraction exonérée s’obtient en appliquant à la plus-value un taux égal au rapport suivant :(1 000 000 – valeur des éléments transmis) / 500 000.Au-delà de 1 M€ de biens transmis, les plus-values sont taxables.


Illustration : un exploitant individuel vend son fonds de commerce pour une valeur de 700 000 € alors qu’il l’avait acquis pour une valeur de 640 000 €. Il réalise donc une plus-value de 60 000 €.Taux d’exonération : (1 000 000 – 700 000) / 500 000 = 60 %Montant exonéré : 60 000 x 60 % = 36 000 €Montant imposable : 60 000 – 36 000 = 24 000 €.

L’appréciation de la valeur des éléments transmis

Pour l’appréciation des plafonds de 500 000 € et de 1 M€, il est tenu compte du prix stipulé des éléments transmis ou de leur valeur vénale, auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités mentionnées au profit du cédant. À ce titre, l’administration fiscale a récemment précisé que les éléments de l’actif circulant (stocks, par exemple) sont pris en compte dès lors qu’ils contribuent à la valorisation des éléments transmis. En revanche, elle souligne que tel n’est pas le cas des biens immobiliers bâtis ou non bâtis et des droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué de tels biens, droits ou parts.

Interdiction de cumul

Ce dispositif ne peut pas se cumuler avec d’autres régimes d’exonération, excepté avec l’abattement pour durée de détention applicable aux plus-values immobilières à long terme (article 151 septies B du CGI) et avec l’exonération pour départ en retraite de l’exploitant (article 151 septies A du CGI).


Commentaire : cette interdiction de cumul doit inciter le cédant à comparer les avantages et les inconvénients de chaque régime afin de choisir celui le mieux adapté à sa situation.

Article publié le 08 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Entrepreneurs individuels : comment transférer votre patrimoine professionnel ?

L’entrepreneur individuel qui cédera, donnera ou apportera en société son patrimoine professionnel devra publier un avis de transfert au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales au plus tard un mois après l’opération.

Depuis le 15 mai dernier, les entrepreneurs individuels sont soumis à un nouveau statut juridique qui se caractérise par la séparation de leurs patrimoines personnel et professionnel. Grâce à ce nouveau statut, les biens personnels d’un entrepreneur individuel sont protégés des risques financiers inhérents à son activité puisque seul son patrimoine professionnel, composé des biens qui sont « utiles » à son activité, peut désormais être saisi par ses créanciers professionnels. Dans ce cadre, un dispositif est prévu pour permettre la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Ainsi, lorsqu’un entrepreneur individuel souhaitera céder son activité à une autre personne (un successeur) ou à une société, il pourra lui transférer l’intégralité de son patrimoine professionnel, que ce soit par donation, vente ou apport en société, et ce sans avoir besoin de procéder à la liquidation de ce patrimoine. Ce transfert universel de patrimoine devra faire l’objet d’une publicité de façon à en informer les créanciers de l’entrepreneur individuel. Ces derniers pourront alors s’opposer au transfert. À ce titre, les modalités de la publicité de ce transfert et celles de l’opposition des créanciers ont été précisées.

Attention : les dettes de cotisations et de contributions sociales d’un entrepreneur individuel ne peuvent pas être comprises dans ce transfert de patrimoine.

Publicité du transfert du patrimoine professionnel

Le transfert du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel ne sera opposable aux tiers (en particulier aux créanciers) qu’à compter de sa publicité. En pratique, cette publicité devra prendre la forme d’un avis publié par l’entrepreneur individuel au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) au plus tard un mois après la réalisation du transfert. Cet avis devra indiquer notamment les noms et adresse des parties (l’entrepreneur individuel et le donataire, l’acheteur ou la société bénéficiaire de l’apport) et l’activité professionnelle exercée. Il devra être accompagné d’un état descriptif du patrimoine ainsi transféré tel qu’il résulte du dernier exercice comptable clos actualisé à la date du transfert. Cet état descriptif devra contenir les informations suivantes : la valeur globale de l’actif ; la liste des sûretés dont bénéficie l’entrepreneur individuel et les montants des créances garanties par elle ; la valeur globale du passif ; la liste des biens du patrimoine professionnel grevés d’une sûreté et, pour chacun des biens concernés, la nature de la sûreté et le montant de la créance garantie.

Précision : les valeurs de l’actif et du passif doivent être celles qui figurent dans les comptes de l’entrepreneur individuel du dernier exercice clos actualisé à la date du transfert.

Opposition des créanciers de l’entrepreneur individuel

Les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert du patrimoine professionnel de ce dernier pourront s’opposer à ce transfert. Pour ce faire, ils devront saisir le tribunal compétent dans le mois qui suivra la publication de l’avis de transfert au Bodacc.

Décret n° 2022-799 du 12 mai 2022, JO du 13Arrêté du 12 mai 2022, JO du 13

Article publié le 07 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Transmission de l’entreprise : 10 questions à se poser

La transmission de votre entreprise constituera sans doute l’une des opérations les plus délicates de votre vie de dirigeant. En effet, il s’agit d’une opération sensible et complexe, qui nécessite d’être anticipée et bien préparée. Pour la mener à bien, voici 10 questions essentielles que vous devrez vous poser.

1 – Vendre ou donner votre entreprise ?

Première question à se poser : devez-vous vendre ou donner votre entreprise ? En fait, cette question se pose si vous avez un ou plusieurs enfants susceptibles de reprendre le flambeau. Dans ce cas, c’est naturellement à lui ou à eux que vous envisagerez de transmettre, à titre gratuit ou onéreux, votre entreprise. Dans le cas contraire, sauf dans l’hypothèse où vous souhaiteriez donner votre entreprise, par exemple à vos salariés, vous chercherez à la vendre à un repreneur externe. Donation et vente présentent toutes deux des avantages et des inconvénients. Donner son entreprise permet à l’enfant qui la reçoit d’en devenir propriétaire sans rien avoir à débourser, hormis les éventuels droits de donation. Mais de votre côté, vous n’en tirerez aucun profit, sauf à envisager la donation d’une partie seulement de l’entreprise (par exemple, vous conservez la propriété du local professionnel pour le louer au repreneur) ou de la seule nue-propriété des parts sociales (vous en conservez l’usufruit). Et attention, la donation de l’entreprise peut se révéler compliquée si vous avez plusieurs enfants. Car dans ce cas, vous devez donner des biens de même valeur à ceux des enfants qui ne la reçoivent pas. Et lorsque l’entreprise constitue le principal bien de votre patrimoine, l’enfant qui en est le donataire devra indemniser ses frères et sœurs lors de la succession. À l’inverse, la vente de votre entreprise vous procurera un capital – parfois le fruit du travail de toute une vie – qui pourra notamment compléter vos revenus lors de votre départ à la retraite. Mais elle pourra se révéler fiscalement coûteuse. Par ailleurs, si votre entreprise a la forme d’une société, vous aurez ici le choix entre vendre le fonds de commerce ou les titres (parts sociales, actions) de celle-ci. Deux opérations radicalement différentes…

2 – Pourquoi faut-il anticiper ?

Pour que la transmission de votre entreprise soit réussie, vous devez l’anticiper. En effet, plusieurs années sont souvent nécessaires pour la valoriser au mieux, trouver un (bon) repreneur et, le cas échéant, l’associer en amont à la gestion de l’entreprise, mettre en place le meilleur montage juridique et profiter du plus avantageux des cadres fiscaux. Sans compter le temps qu’il vous faudra sans doute pour vous préparer en douceur à l’idée de vous séparer de votre entreprise.

3 – Comment évaluer votre entreprise ?

L’évaluation de la valeur de votre entreprise sera différente si vous cédez seulement son fonds de commerce ou l’ensemble de ses titres. Dans le premier cas, la valeur du fonds de commerce sera fonction du résultat dégagé par l’activité. Sachant que certains retraitements comptables devront être opérés sur le compte de résultats selon que vous exercez en tant qu’indépendant ou dans le cadre d’une société. Une fois le résultat d’exploitation retraité, on lui appliquera un coefficient multiplicateur qui dépendra de la conjoncture mais aussi du secteur d’activité de votre entreprise (méthode de la rentabilité). On pourra également prendre en compte le chiffre d’affaires réalisé ou encore procéder par comparaison en analysant les résultats des transactions opérées récemment sur des fonds équivalents dans les mêmes zones géographiques. Si vous envisagez de céder les titres de votre société, autrement dit l’intégralité de l’entité, deux approches principales d’évaluation vous seront généralement proposées : la méthode patrimoniale, qui consiste à inventorier les éléments d’actifs et de passif de votre entreprise, à estimer leur valeur économique et à retrancher la valeur des seconds de celle des premiers. Et la méthode par la rentabilité qui, comme celle présentée pour l’évaluation du fonds de commerce, verra appliquer un multiple aux résultats dégagés par votre entreprise en fonction, là encore, des pratiques dans son secteur d’activité ou des perspectives économiques. Panacher plusieurs méthodes d’évaluation est également possible.

4 – Où trouver un repreneur ?

Si vous n’avez pas l’intention de transmettre votre entreprise à vos enfants ou à vos salariés, la question de la recherche d’un repreneur va se poser. À cette fin, vous pouvez compter sur le bouche-à-oreille en diffusant l’information auprès de vos partenaires les plus en lien avec le milieu économique (conseils, fournisseurs, chambre consulaire…), mais vous aurez de meilleurs résultats en ayant recours à des places de marchés. Il existe ainsi, par exemple, une Bourse nationale de la transmission, hébergée par Bpifrance, sur laquelle plusieurs milliers de vendeurs et de repreneurs sont inscrits. Sur le même site, dans la rubrique « Reprendre une entreprise », des dizaines d’autres bourses (classées par secteur ou par régions) ont également été recensées.

5 – Comment présenter l’entreprise à un repreneur ?

Vous devrez transmettre aux potentiels acquéreurs un dossier de présentation attractif et suffisamment exhaustif pour leur permettre de se faire une idée précise de votre entreprise et de formuler une offre de reprise. Le plus souvent, le dossier de présentation contient principalement une présentation succincte (nom commercial, forme juridique, activité, siège social, principaux chiffres), des données relatives à l’activité (définition de l’activité, présentation du secteur et de la place de l’entreprise, données en valeur et en volume, nature de la clientèle et des fournisseurs), un état des ressources humaines (organigramme, organisation du travail, coûts salariaux…) et des éléments financiers (comptes sur 3 ans, rapport du commissaire aux comptes, notation Banque de France, comptes prévisionnels…). Et n’oubliez pas ! Au moment des premiers contacts, vous ne savez pas à qui vous avez affaire. Comme vous transmettez des données sensibles liées à votre entreprise, pensez à faire signer à votre interlocuteur un accord de confidentialité.

6 – Quel est le coût fiscal d’une vente ?

Outre l’imposition immédiate des bénéfices de l’exercice en cours, la vente de votre entreprise entraînera la taxation des plus-values à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Celles-ci pourront toutefois être exonérées, en totalité ou en partie, en fonction du montant de vos recettes, de la valeur des biens cédés, de votre départ à la retraite et/ou de la durée de détention. L’acquéreur sera, quant à lui, redevable de droits d’enregistrement.

7 – Quel est le coût fiscal d’une donation ?

Donner les titres de votre société relevant de l’impôt sur les sociétés n’entraînera pas la taxation des plus-values. Il en ira de même s’il s’agit d’une entreprise individuelle, sous réserve d’opter pour le report d’imposition. En revanche, ces donations seront génératrices de droits de mutation à la charge du bénéficiaire, dont le montant dépend de votre lien de parenté avec lui. Un « pacte Dutreil » peut toutefois être souscrit afin de bénéficier d’une exonération de 75 %. Pour cela, un certain nombre de conditions doivent être respectées, notamment des engagements de conservation des titres, l’exercice d’une fonction de direction ou encore la poursuite de l’exploitation.

8 – Que deviendront vos salariés après la transmission ?

Rassurez-vous, tous les contrats de travail en cours au moment de la cession de votre entreprise seront automatiquement transférés à votre repreneur. Et vos salariés conserveront leur ancienneté, leur rémunération, leur qualification et les avantages dont ils bénéficiaient au titre de leur contrat de travail (clause de non-concurrence, voiture de fonction, logement, etc.).

À noter : vous avez l’obligation d’informer vos salariés de tout projet de vente de votre entreprise en leur précisant qu’ils peuvent formuler une offre d’achat. Et ce, en principe, au moins 2 mois avant la réalisation de la vente.

9 – Quels revenus après la transmission ?

Si vous envisagez de cesser toute activité professionnelle après la transmission, par définition, vous ne percevrez plus de revenus d’activité. Pour vous assurer un niveau de vie confortable, vous avez donc tout intérêt, d’ores et déjà, à étudier vos droits à la retraite (de base et complémentaire). Et si vous constatez que la cession de votre entreprise ne coïncidera pas avec l’attribution à taux plein de vos pensions, vous pouvez encore activer certains leviers pour en augmenter le montant (rachat de points et/ou de trimestres, notamment) ou bien recourir à l’épargne retraite. Et si, malgré ces dispositifs, le montant de vos ressources reste insuffisant à vos yeux, vous pourrez toujours envisager le cumul emploi-retraite.

10 – Qui pour vous accompagner ?

L’opération de transmission est, vous l’avez bien compris, relativement complexe. Mais pour la mener à bien, vous ne serez pas seul ! En effet, votre Cabinet d’expertise-comptable sera à vos côtés dès le départ, pour parler stratégie et valorisation. Et par la suite, il pourra orchestrer l’intervention de différents professionnels spécialisés : un notaire (pour votre situation successorale et patrimoniale), un avocat (pour les questions juridiques et fiscales spécifiques) ou encore un mandataire en fonds de commerce ou un assureur. Surtout, n’hésitez pas à le solliciter dès que vous souhaitez entamer la réflexion !

Article publié le 03 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Vente d’une entreprise agricole dotée de panneaux photovoltaïques : quelle exonération fiscale ?

L’activité de production d’électricité exercée par une EARL doit être dissociée de son activité agricole pour apprécier les conditions d’application de l’exonération d’impôt sur la plus-value professionnelle qu’elle réalise lorsqu’elle est vendue.

Lorsqu’elle est vendue, une petite entreprise relevant de l’impôt sur le revenu peut, sous certaines conditions et en fonction du montant de ses recettes, bénéficier d’une exonération sur la plus-value professionnelle qu’elle réalise à cette occasion. Pour cela, l’activité doit, notamment, avoir été exercée à titre professionnel pendant au moins 5 ans. Mais comment s’apprécie ce délai en cas d’exercice d’activités distinctes ? Dans une affaire récente, une entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL), créée en 1984, avait développé, à partir de 2012, une activité de production et de vente d’électricité d’origine photovoltaïque par l’installation de panneaux solaires sur ses bâtiments agricoles. Le 1er janvier 2016, elle avait cédé son exploitation agricole et sa production d’électricité à un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC). À cette occasion, les associés de l’EARL, qui estimaient bénéficier de l’exonération fiscale, n’avaient déclaré aucune plus-value professionnelle. À tort, selon l’administration fiscale, qui avait estimé que la cession de l’activité de production d’électricité avait généré une plus-value imposable. Ce qu’ont confirmé les juges de la Cour administrative d’appel de Nantes. En effet, pour eux, l’activité de production d’électricité est une activité de nature industrielle et commerciale. Elle devait donc être dissociée de l’activité agricole exercée par l’EARL. Or la plus-value de cession de l’activité de production d’électricité ne pouvait pas bénéficier de l’exonération puisqu’elle était exercée depuis moins de 5 ans, contrairement à l’activité agricole. Le redressement a donc été confirmé.

Cour administrative d’appel de Nantes, 7 janvier 2022, n° 20NT03391

Article publié le 19 avril 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Vente d’un fonds de commerce : les dettes sont-elles transmises à l’acquéreur ?

Sauf clause contraire, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la transmission à l’acquéreur des dettes et des obligations dont le vendeur était tenu en vertu d’engagements qu’il avait souscrits auparavant.

En l’absence de clause expresse, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la cession à l’acquéreur des obligations dont le vendeur était tenu en vertu d’engagements qu’il avait souscrits auparavant. Cette règle vient d’être rappelée par les juges dans une affaire récente. Une société avait été chargée de fabriquer et de poser un portail chez un client. Par la suite, elle avait vendu son fonds de commerce à une autre entreprise. Cette dernière avait alors été poursuivie en justice par le client, lequel lui demandait de procéder au remplacement du portail car il était atteint par la corrosion. Mais il n’a pas obtenu gain de cause, les juges ayant constaté que le contrat de vente du fonds de commerce ne prévoyait pas expressément le transfert à l’acquéreur des obligations de garantie dont le vendeur était tenu en vertu d’engagements qu’il avait antérieurement souscrits. Le client ne pouvait donc pas agir contre l’entreprise ayant acquis le fonds de commerce.

Cassation commerciale, 2 février 2022, n° 20-15290

Article publié le 15 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

La prise de contrôle des sociétés agricoles soumise à autorisation !

Un contrôle administratif des cessions de parts ou d’actions de sociétés qui détiennent ou exploitent des terres agricoles vient d’être instauré.

Pour lutter contre la concentration excessive de foncier agricole entre les mains d’une même société, les pouvoirs publics viennent d’instaurer un contrôle administratif des cessions de parts ou d’actions de sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles. Un contrôle qui entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er juillet 2022.

Une autorisation administrative

Jusqu’alors, les transferts partiels de parts sociales ou d’actions de sociétés agricoles échappaient au regard de l’administration et au droit de préemption de la Safer. Ces opérations permettaient ainsi à certaines sociétés de prendre possession d’importantes surfaces agricoles en toute liberté. Désormais, la prise de contrôle, via l’acquisition de parts sociales ou d’actions, d’une société possédant ou exploitant des terres à usage ou à vocation agricole par une personne physique ou par une autre société qui détient déjà des terres agricoles au-delà d’une certaine superficie sera soumise à une autorisation du préfet du département concerné. Il en sera de même lorsque la superficie totale détenue par cette personne ou par cette société viendra à excéder ce seuil à l’issue de la prise de contrôle. Le seuil à partir duquel l’autorisation sera requise sera fixé par le préfet de région. Il sera compris entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA).

À noter : ne seront pas soumises à autorisation :

– les transmissions à titre gratuit (donation, succession) ;

– les cessions de parts ou d’actions au profit d’un conjoint (époux ou partenaire de Pacs) ou d’un parent à condition que ces personnes s’engagent à participer effectivement à l’exploitation des biens agricoles et à conserver les parts ou actions pendant 9 ans ou à les donner en location à un fermier qui s’engage à les exploiter pendant 9 ans ;

– les cessions réalisées entre associés exploitants qui détiennent des parts de la société depuis au moins 9 ans.

Le rôle de la Safer

En pratique, les demandes d’autorisation devront être adressées à la Safer territorialement compétente qui sera chargée de les examiner au nom du préfet. Et c’est ce dernier qui, ensuite, délivrera ou non l’autorisation requise. En cas de refus, une compensation consistant pour l’acheteur à libérer une partie des terres qu’il détient au profit d’un agriculteur pourra être proposée.

Les sanctions encourues

Les cessions de parts sociales ou d’actions réalisées en violation de la procédure d’autorisation pourront être annulées. En outre, une amende pouvant aller jusqu’à 2 % du montant de la transaction sera encourue.

Loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021, JO du 24

Article publié le 22 février 2022 – © Les Echos Publishing 2022