Envoi d’un redressement fiscal et changement d’adresse

La notification d’une proposition de redressement doit normalement être effectuée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l’administration fiscale, laquelle est déterminée à la date d’envoi de cette proposition.

Lorsque l’administration fiscale adresse une proposition de redressement à un contribuable, celle-ci lui est, en principe, notifiée par voie postale. Une notification qui doit normalement être effectuée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l’administration. Sachant qu’en cas de déménagement, le contribuable doit avertir l’administration de sa nouvelle adresse. Dans une affaire récente, un contribuable avait informé l’administration de son changement d’adresse par courrier. Courrier que l’administration avait reçu après l’envoi d’une proposition de redressement à ce même contribuable mais avant la présentation du pli à l’ancienne adresse de ce dernier. À ce titre, la question s’est posée de savoir à quelle date il fallait se placer pour déterminer la dernière adresse connue de l’administration. À la date d’envoi de la proposition de redressement, vient de trancher le Conseil d’État, et non à sa date de présentation. En l’espèce, la dernière adresse connue de l’administration à la date d’envoi de la proposition de redressement était l’ancienne adresse du contribuable. La notification était donc valable.

À noter : les juges précisent toutefois, que, dans l’hypothèse où le courrier de changement d’adresse du contribuable et le pli de l’administration contenant une proposition de redressement se sont croisés, l’administration doit notifier, de nouveau, la proposition de redressement à la nouvelle adresse communiquée par le contribuable, à moins que celui-ci ait eu connaissance, en temps utiles, de la proposition notifiée à son ancienne adresse.

Conseil d’État, 12 juillet 2023, n° 465351

Article publié le 23 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : ©Jed Share/Kaoru Share/Blend Images LLC

Intégration fiscale : vérification de comptabilité et information de la société mère

La lettre d’information sur les droits, pénalités et intérêts de retard, adressée à la société mère d’un groupe fiscalement intégré dont l’un des membres a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, n’a pas à être revêtue du visa hiérarchique.

En intégration fiscale, lorsqu’un membre du groupe fait l’objet d’une vérification de comptabilité, le redressement est réclamé auprès de la société mère, et non pas auprès de la société vérifiée. Aussi, l’administration a-t-elle l’obligation d’informer la société mère, avant la mise en recouvrement, du montant global, par impôt, des droits, pénalités et intérêts de retard dont elle est redevable. Cette information devant comporter, s’agissant des pénalités, l’indication de leur montant et des modalités de détermination mises en œuvre par l’administration. Par ailleurs, l’administration a l’obligation, au moins 30 jours avant la mise en recouvrement de certaines pénalités, d’adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu’elle envisage de lui appliquer. Cette décision d’appliquer des pénalités fiscales devant être soumise au visa d’un agent ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire. La question s’est posée en justice de savoir comment s’articulait ces deux obligations. Dans cette affaire, une société mère s’était vu notifier, en sa qualité de membre d’un groupe fiscalement intégré, des redressements d’impôt sur les sociétés, assortis de la pénalité pour manquement délibéré. Par une lettre, l’administration fiscale avait ensuite informé cette même société, en sa qualité de société mère du groupe, des conséquences sur le résultat d’ensemble des redressements ainsi notifiés, et notamment du montant des pénalités pour manquement délibéré. La société mère avait alors reproché à l’administration de ne pas avoir fait viser la lettre d’information par un supérieur hiérarchique. À tort, a estimé le Conseil d’État, dans la mesure où l’information adressée à la société mère ne constituait pas une décision d’appliquer les pénalités.

Conseil d’État, 30 juin 2023, n° 459831

Article publié le 18 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : AR LAW KA

Opposition à contrôle fiscal en cas d’inaction de l’entreprise

L’inaction d’une entreprise, même sur une période relativement courte, peut caractériser une opposition à contrôle fiscal, justifiant une imposition d’office.

Les bases d’imposition sont évaluées d’office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Sachant que l’inaction du contribuable peut caractériser une opposition à contrôle, comme l’ont récemment précisé les juges à l’occasion d’un contentieux. Dans cette affaire, un avis de vérification avait été notifié le 2 juin 2014 à une SARL l’informant du contrôle de l’ensemble de ses déclarations fiscales au titre des années 2011, 2012 et 2013. Une première intervention de l’administration était prévue le 18 juin 2014 au siège de la société. Le 17 juin 2014, la SARL avait sollicité le report de cette intervention au motif que sa comptabilité pour l’année 2013 n’était pas encore établie. Par un courrier distribué le 1er juillet 2014, le fisc lui avait indiqué que l’absence de comptabilité n’était pas un motif valable de report et qu’elle devait prendre contact avec le service vérificateur pour convenir d’une date de début des opérations de contrôle. Courrier auquel la société n’avait pas répondu. En conséquence, l’administration avait, par un second courrier du 11 juillet 2014, transmis un procès-verbal pour opposition à contrôle. Une position validée par les juges, qui ont estimé que l’inertie de la société avait fait obstacle aux opérations de contrôle. Ces derniers n’ont pas tenu compte du délai relativement court qui s’était écoulé entre les deux courriers du 1er et du 11 juillet 2014 (soit 10 jours).

À savoir : l’opposition à contrôle fiscal entraîne, outre l’imposition d’office, l’application d’une majoration de 100 %.

Conseil d’État, 23 décembre 2022, n° 466427 Cour administrative d’appel de Nancy, 9 juin 2022, n° 20NC03697

Article publié le 14 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : PhotoAlto/Eric Audras

Intérêts moratoires : à partir de quand sont-ils calculés ?

Les intérêts moratoires dus à un contribuable sur des sommes qui lui sont remboursées par l’administration au titre d’un dégrèvement d’impôt sont calculés à compter de la date de la liquidation de l’imposition concernée.

Quand un dégrèvement d’impôt est prononcé par un tribunal ou accordé par l’administration fiscale à la suite d’une réclamation portant sur une erreur commise dans l’assiette ou lors du calcul d’une imposition, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au versement d’intérêts moratoires. Des intérêts qui se calculent à compter du jour du paiement des impositions concernées. À ce titre, le Conseil d’État vient de préciser que les intérêts moratoires ne peuvent pas courir au titre d’une période antérieure à l’établissement de l’impôt en cause. Il ne doit donc pas être tenu compte de l’éventuel versement d’acomptes. Dans cette affaire, une société avait présenté une réclamation en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). L’administration lui avait alors accordé des dégrèvements, assortis d’intérêts moratoires, calculés à compter de la date de liquidation des impositions correspondantes. Par une nouvelle réclamation, la société avait demandé des intérêts moratoires complémentaires pour tenir compte de la période qui avait couru à compter des acomptes qu’elle avait versés au titre de ces impositions. Mais cette réclamation avait été rejetée. À raison, selon le Conseil d’État, ce dernier ayant estimé que les intérêts moratoires ne pouvaient pas courir à raison d’une période antérieure à la liquidation du solde de la CVAE et, donc, à compter du versement de chaque acompte.

Observation : cette solution pourrait vraisemblablement être transposée à d’autres impôts pour lesquels des acomptes doivent être versés (l’impôt sur les sociétés, par exemple).

Conseil d’État, 5 juin 2023, n° 465559

Article publié le 11 juillet 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : krisanapong detraphiphat

Redressement fiscal d’une PME : quel délai pour répondre aux contestations ?

L’administration fiscale doit répondre sous 60 jours à une PME qui conteste une proposition de redressement, sauf si le chiffre d’affaires de cette dernière excède le seuil requis au titre de l’un des exercices vérifiés.

Lorsque, à l’issue d’une vérification de comptabilité (ou d’un examen de comptabilité), l’administration fiscale notifie une proposition de rectification à l’entreprise contrôlée, cette dernière peut la contester en présentant des « observations ». Aucun délai ne s’impose alors à l’administration pour y donner suite, excepté à l’égard des PME. Dans ce cas, elle est tenue de répondre sous 60 jours. À défaut, elle est considérée comme ayant accepté les observations de l’entreprise. Cette garantie bénéficie aux entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1 526 000 € pour les activités de vente de marchandises ou de fourniture de logement ou 460 000 € pour les autres activités de prestation de services.

À noter : ce dispositif concerne également les entreprises agricoles dont le montant des recettes brutes n’excède pas 782 000 €.

À ce titre, le Conseil d’État a récemment précisé que le délai de 60 jours ne s’applique pas lorsque le chiffre d’affaires de l’entreprise contrôlée excède le seuil requis au titre de l’un des exercices vérifiés et rectifiés. Dans cette affaire, une société avait déclaré un chiffre d’affaires de 2 290 153 € au titre d’une année N, de 480 725 € pour l’année N+1 et de 2 548 920 € pour l’année N+2. Selon les juges, la société ne pouvait pas bénéficier de la garantie de délai dans la mesure où les montants de chiffres d’affaires avaient, au moins pour l’un d’entre eux, dépassé le seuil de 1 526 000 €. Autrement dit, l’administration pouvait valablement répondre aux observations de cette société plus de 60 jours après leur réception.

Conseil d’État, 20 juin 2023, n° 467042

Article publié le 06 juillet 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : andrei_r

Pas de droit au recours hiérarchique en cas de contrôle sur pièces !

Dans le cadre d’un contrôle fiscal sur pièces, le contribuable peut demander un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur mais la tenue de cet entretien n’est pas obligatoire.

Les contribuables qui font l’objet d’une vérification ou d’un examen de comptabilité ou encore d’un examen de situation fiscale personnelle peuvent saisir les supérieurs hiérarchiques du vérificateur notamment lorsqu’ils sont en désaccord avec le redressement envisagé afin d’obtenir des éclaircissements supplémentaires. Ce recours étant un droit prévu dans la charte du contribuable vérifié qui s’impose à l’administration fiscale. Autrement dit, le refus de cette dernière de donner suite à une telle demande peut entraîner l’annulation du redressement.Mais tel n’est pas le cas lorsque la proposition de redressement fait suite à un contrôle sur pièces.C’est ce que vient de préciser le Conseil d’État. Dans cette affaire, un contribuable contrôlé sur pièces avait, en vain, demandé à s’entretenir avec la supérieure hiérarchique du vérificateur en charge de son dossier. Selon lui, il avait donc été privé d’une garantie. Une analyse que n’ont pas partagée les juges dans la mesure où la loi ne prévoit aucun droit à un entretien dans le cas d’un contrôle sur pièces, mais seulement une possibilité.


Précision : la position du Conseil d’État est conforme à celle de l’administration fiscale, qui avait déjà souligné que le recours hiérarchique dans le cadre du contrôle sur pièces « ne donne pas obligatoirement lieu à un entretien ».

Conseil d’État, 14 avril 2023, n° 467067

Article publié le 27 juin 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : SDI Productions

Une réclamation fiscale par courriel, c’est possible !

Selon la Cour administrative d’appel de Toulouse, une réclamation fiscale peut valablement être adressée par courrier électronique au service des impôts.

Un contribuable qui souhaite contester une imposition doit adresser une réclamation auprès de l’administration fiscale. Cette réclamation doit normalement être formulée par écrit.

À savoir : il est recommandé d’envoyer une réclamation fiscale par lettre recommandée avec accusé de réception afin, le cas échéant, d’être en mesure de prouver le respect du délai imparti.

À ce titre, et pour la première fois, les juges de la Cour administrative d’appel de Toulouse ont admis qu’une réclamation pouvait être adressée par courrier électronique, aucun texte de loi ne s’y opposant expressément.Dans cette affaire, l’avocat d’une société avait envoyé un courrier électronique à l’adresse de contact du service des impôts des entreprises compétent. Cet envoi mentionnait comme objet « réclamation contributions 3 % » et était accompagné d’une pièce jointe dont le contenu était annoncé comme étant une « réclamation contentieuse relative à la contribution de 3 % ». L’avocat avait immédiatement reçu un courriel de réponse de ce service des impôts accusant réception du message et indiquant que la demande était prise en compte.Selon les juges, cette réclamation était donc valable. Reste à savoir si cette position sera confirmée…

Cour administrative d’appel de Toulouse, 9 février 2023, n° 20TL03803

Article publié le 19 juin 2023 – © Les Echos Publishing 2023

Saisine de l’interlocuteur départemental en cas de redressement fiscal

En désaccord avec le redressement fiscal qui m’a été notifié, puis-je, en même temps que ma demande d’entretien avec l’inspecteur principal, demander la saisine de l’interlocuteur départemental au cas où des divergences subsisteraient ?

Non. Si vous pouvez effectivement demander un entretien avec les supérieurs hiérarchiques du vérificateur en cas de désaccord sur le redressement envisagé, ce recours s’effectue en deux temps. D’abord, vous devez vous tourner vers l’inspecteur principal. Puis, si des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l’interlocuteur départemental. Cependant, la demande de saisine de l’interlocuteur départemental ne peut pas être formée sous la condition que des divergences subsisteraient après l’entretien avec l’inspecteur principal. Ce n’est qu’à l’issue de cet entretien que vous pourrez, si besoin, demander la saisine de l’interlocuteur départemental.

Article publié le 19 juin 2023 – © Les Echos Publishing 2023

Réclamation fiscale et sursis de paiement : quelles garanties ?

Un contribuable peut valablement fournir une caution en garantie d’une demande de sursis de paiement présentée dans le cadre d’une réclamation fiscale dès lors qu’elle est suffisante pour assurer le recouvrement de l’impôt contesté.

Un contribuable qui effectue une réclamation fiscale n’est pas dispensé du paiement de l’impôt contesté dans le délai imparti. Néanmoins, il peut assortir sa réclamation d’une demande de sursis de paiement. Si le montant de l’impôt contesté excède 4 500 €, des garanties « propres à en assurer le recouvrement » (caution bancaire, hypothèque, nantissement de fonds de commerce…) doivent alors être constituées. Sachant que l’administration fiscale peut refuser les garanties qu’elle estime insuffisantes et prendre des mesures conservatoires. À ce titre, la question s’est récemment posée de savoir si le contribuable pouvait fournir une caution. Dans cette affaire, une société avait présenté, en garantie d’une demande de sursis de paiement, la caution de sa société-mère. Mais cette garantie avait été rejetée par l’administration fiscale au motif qu’il ne s’agissait pas d’une sûreté réelle. Une analyse censurée par le Conseil d’État, qui a rappelé que la présentation d’une sûreté personnelle telle qu’une caution figure bien parmi les garanties légalement admises. L’administration fiscale aurait donc dû rechercher si la caution de la société-mère était suffisante pour garantir le paiement de l’impôt contesté, avant de la rejeter ou de l’accepter.

Conseil d’État, 12 décembre 2022, n° 453950

Article publié le 12 juin 2023 – © Les Echos Publishing 2023

Saisine de l’interlocuteur départemental lors d’un contrôle fiscal : ne tardez pas trop !

Un contribuable peut demander la saisine de l’interlocuteur départemental dès l’issue de son entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sans attendre une prise de position formelle de ce dernier.

À l’issue d’un contrôle fiscal (examen contradictoire de situation fiscale personnelle, vérification ou examen de comptabilité), le contribuable qui est en désaccord avec le redressement envisagé peut bénéficier, à sa demande, d’un entretien avec les supérieurs hiérarchiques du vérificateur. En pratique, il doit d’abord se tourner vers l’inspecteur principal puis, si des divergences importantes subsistent, faire appel à l’interlocuteur départemental, et ce avant la mise en recouvrement du redressement.

À noter : ce double recours hiérarchique est une garantie prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui s’impose à l’administration fiscale.

À ce titre, dans une affaire récente, une société avait fait l’objet d’une vérification de comptabilité, à la suite de laquelle l’administration fiscale lui avait notifié un redressement. Cette société avait rencontré le supérieur hiérarchique du vérificateur le 28 novembre 2017. Puis, le 6 décembre 2017, ce dernier avait fait parvenir à la société un courrier confirmant le redressement. Et le redressement avait été mis en recouvrement le 15 décembre 2017. Un redressement dont la société avait demandé l’annulation faute d’avoir disposé d’un délai suffisant entre la réception du courrier et la mise en recouvrement (9 jours) pour saisir l’interlocuteur départemental. Une analyse que n’a pas partagée le Conseil d’État. En effet, les juges ont rappelé que le supérieur hiérarchique n’est pas tenu de prendre expressément position après son entretien avec le contribuable. En l’absence d’une prise de position, le désaccord avec l’administration fiscale est donc présumé persister. En l’espèce, dès la fin de son entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, la société pouvait demander la saisine de l’interlocuteur départemental. Le Conseil d’État a donc estimé que la société avait bénéficié d’un délai raisonnable entre l’entretien avec le supérieur hiérarchique et la mise en recouvrement (17 jours) pour faire appel à l’interlocuteur départemental.

Conseil d’État, 10 mars 2023, n° 464123

Article publié le 03 mai 2023 – © Les Echos Publishing 2023