Souscription de parts sociales par un époux commun en biens

J’envisage de souscrire des parts sociales dans la SARL gérée par mon beau-frère. Quelles seront les conséquences juridiques de cette opération pour mon épouse si je finance cette acquisition avec des fonds qui nous sont communs ?

Si vous réalisez seul cet apport et que vous le financez avec des deniers communs, les parts sociales obtenues en contrepartie constitueront des biens communs. En revanche, vous seul, en tant que souscripteur, aurez la qualité d’associé dans la SARL. Sachant que votre épouse sera en droit, soit lors de l’apport, soit ensuite à tout moment, de revendiquer la qualité d’associée pour la moitié des parts sociales ainsi souscrites et donc de devenir elle-même associée de la SARL.En pratique, votre épouse devra être avisée de cette opération et la délivrance de cette information devra être justifiée dans l’acte d’apport. Si elle souhaite devenir associée, elle devra notifier personnellement son intention à la société. Puis, le cas échéant, si une clause statutaire l’impose, elle devra être agréée par les autres associés.

Article publié le 21 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Révocation d’un dirigeant de SAS : les statuts, rien que les statuts !

Les conditions dans lesquelles les dirigeants d’une société par actions simplifiée peuvent être révoqués sont fixées par les statuts, un acte extrastatutaire ne pouvant pas prévoir des dispositions contraires.

Les conditions dans lesquelles une société par actions simplifiée (SAS) est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général, sont fixées par les statuts. Les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, mais ils ne peuvent pas y déroger. C’est ce que les juges ont réaffirmé dans l’affaire récente suivante. Le directeur général d’une SAS avait été nommé par décision de l’associé unique. Le même jour, un courrier précisant les modalités de sa collaboration avec la société lui avait été adressé. Ce courrier indiquait notamment qu’il bénéficierait d’une indemnité forfaitaire d’un montant égal à 6 mois de sa rémunération fixe au cas où il serait révoqué sans juste motif. Les statuts, quant à eux, prévoyaient que le directeur général pouvait être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire par décision de l’associé unique et que la cessation de ses fonctions, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, ne lui donnerait droit à aucune indemnité. Quelques années après sa nomination, le directeur général avait été révoqué. Cette révocation étant intervenue sans juste motif, il avait agi en justice contre la société afin d’obtenir le paiement de l’indemnité prévue par la lettre. Mais il n’a pas obtenu gain de cause, les juges ayant considéré que la lettre ne pouvait pas déroger aux statuts et donc qu’une indemnité n’avait pas à être versée au directeur général.

Cassation commerciale, 12 octobre 2022, n° 21-15382

Article publié le 04 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Dissolution d’une société pour mésentente entre associés

La dissolution d’une société est justifiée lorsque son fonctionnement est paralysé en raison de la mésentente entre les associés, ces derniers étant dans l’impossibilité de tenir des assemblées générales et de décider du sort de la société.

En présence d’un juste motif, la dissolution d’une société peut être prononcée par un juge. Tel est notamment le cas lorsque les associés ne s’entendent plus et que cette mésentente paralyse le fonctionnement de la société. Illustration avec l’affaire récente suivante. Trois notaires exerçaient leur activité au sein d’une société civile professionnelle (SCP) dont ils étaient associés égalitaires et cogérants. Quelques années plus tard, des poursuites disciplinaires avaient été engagées à l’encontre de l’un d’entre eux. Les deux autres associés avaient alors souhaité se retirer de la SCP. Leur coassocié n’ayant pas accompli les démarches nécessaires pour rendre leur retrait effectif, ils avaient demandé en justice la dissolution de la SCP pour justes motifs. L’associé « restant » avait alors soutenu que la dissolution n’était pas justifiée puisque le fonctionnement de la SCP avait été dévolu à un suppléant dont la mission consistait à assurer la continuité de la société et que cette dernière était économiquement prospère et ne subissait pas de pertes. Mais les juges ont estimé, au contraire, que la dissolution était justifiée car le fonctionnement de la SCP était paralysé. En effet, aucune assemblée n’était plus convoquée, les comptes de la société n’étaient plus approuvés et aucune décision collective concernant le devenir de la SCP ne pouvait être prise en raison de la mésentente entre les associés.

Cassation civile 1re, 15 juin 2022, n° 20-19781

Article publié le 12 octobre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Pouvoir de représentation d’un directeur général de société par actions simplifiée

Le fait qu’un directeur général soit mentionné sur le Kbis d’une société par actions simplifiée (SAS) implique-t-il qu’il a le pouvoir de la représenter ?

Une société par actions simplifiée (SAS) est représentée à l’égard des tiers (fournisseurs, clients, administration…) par son président. Si elle est dotée d’un directeur général, ce dernier peut également disposer du pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers, mais seulement si les statuts de la SAS le prévoient expressément et si les statuts contenant une telle clause ont été déposés au greffe du tribunal de commerce. Du coup, la simple mention du directeur général sur le Kbis d’une SAS ne suffit donc pas à démontrer qu’il a ce pouvoir.

Précision : lorsque, faute d’une clause statutaire le prévoyant, le directeur général de SAS ne dispose pas d’un pouvoir de représentation de la société à l’égard des tiers, ces derniers sont néanmoins juridiquement protégés lorsqu’ils contractent avec la SAS. En effet, ils peuvent se prévaloir à l’égard de la SAS des engagements pris pour le compte de celle-ci par son directeur général, la société ne pouvant pas leur opposer l’absence de pouvoirs statutaires de ce dernier.

Article publié le 24 septembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Quand la responsabilité pénale d’une société est engagée

La responsabilité pénale d’une société filiale d’un groupe peut être engagée lorsque l’organe qui a commis une infraction pour le compte de celle-ci a été identifié comme étant la société holding assurant la présidence de cette filiale

Au même titre qu’une personne physique, une personne morale (une société notamment) peut être condamnée pénalement pour une infraction commise pour son compte par l’un de ses organes ou l’un de ses représentants. Pour qu’une personne morale soit condamnée pénalement, deux conditions doivent donc être réunies : les faits reprochés doivent avoir été commis par un organe ou un représentant de la personne morale ; l’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale.

Précision : les « organes » sont les personnes ou ensembles de personnes qui sont désignés par la loi ou par les statuts de la personne morale pour agir au nom de celle-ci et pour en assurer la direction et la gestion (le gérant dans une SARL, le président dans une SAS…). Quant aux « représentants », ce sont tous ceux qui peuvent agir pour le compte de la personne morale et l’engager aux yeux des tiers. C’est le cas notamment des administrateurs provisoires, mais aussi et surtout des salariés ou des tiers ayant reçu une délégation de pouvoirs de la part du représentant légal de la personne morale.

Attention toutefois, l’organe ou le représentant auteur des faits doit avoir été identifié précisément. Cette exigence est régulièrement rappelée par les tribunaux. À défaut, la responsabilité pénale de la société ne peut pas être engagée. À ce titre, dans une affaire récente, une société a été condamnée (à une amende de 20 000 €) pour blessures involontaires et manquement à la réglementation sur l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail à la suite d’un accident dont l’un de ses salariés avait été victime sur un site industriel qu’elle exploitait. En effet, les juges ont constaté que la société holding qui assurait la présidence de cette société avait été identifiée comme étant l’organe et la représentante légale de cette dernière pour le compte de laquelle elle avait commis les infractions considérées.

Commentaire : l’organe ayant commis une infraction pour le compte d’une société peut donc être lui-même une société, par exemple, comme dans cette affaire, la société présidente de la société condamnée.

Cassation criminelle, 21 juin 2022, n° 20-86857

Article publié le 16 septembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Fin d’un engagement de caution souscrit par un dirigeant de société

Il y a quelques années, je me suis porté caution d’un prêt souscrit par la société dont je suis gérant associé. Je m’apprête aujourd’hui à quitter cette société. Ce départ entraînera-t-il automatiquement la fin de mon engagement de caution ?

Non. La cessation de ses fonctions ne libère pas le dirigeant de son engagement de caution, sauf s’il a été expressément stipulé dans l’acte que le cautionnement était lié à sa qualité de dirigeant et qu’il cesserait de plein droit en cas de perte de cette qualité. En l’absence d’une telle mention, le dirigeant peut toutefois, lorsqu’il cesse d’exercer ses fonctions, résilier son engagement de caution, à condition qu’il ait été souscrit pour une durée indéterminée, en le faisant expressément savoir au banquier. Mais tant qu’il ne résilie pas le contrat, il continue d’être tenu des dettes de la société garanties par le cautionnement !

Article publié le 23 août 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Droit de préemption de la Safer en cas de cession de parts sociales

J’envisage de céder les parts sociales que je détiens dans une EARL. Cette opération est-elle soumise au droit de préemption de la Safer ?

Si la cession envisagée ne porte pas sur la totalité des parts que vous détenez dans la société, ou si elle porte sur la totalité de vos parts mais pas sur la totalité des parts de la société car vous n’êtes pas le seul associé, elle n’est pas soumise au droit de préemption de la Safer. Cette dernière devra simplement être informée de l’opération. En revanche, en cas de cession de l’intégralité des parts de l’EARL, la Safer pourra préempter, sauf si la cession est effectuée au profit d’un membre de votre famille.

À noter : la prise de contrôle, via l’acquisition de parts sociales ou d’actions, d’une société possédant ou exploitant des terres à usage ou à vocation agricole par une personne physique ou par une autre société qui détient déjà des terres agricoles au-delà d’une certaine superficie sera prochainement soumise à une autorisation du préfet du département concerné. Il en sera de même lorsque la superficie totale détenue par cette personne ou par cette société viendra à excéder ce seuil à l’issue de la prise de contrôle. Le seuil à partir duquel l’autorisation sera requise sera fixé par le préfet de région.

Article publié le 29 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Société civile immobilière : les pièges à éviter

La société civile immobilière (SCI) connaît un certain succès tant chez les particuliers que chez les professionnels. Un succès qui s’explique en partie par sa relative souplesse, permettant de répondre à différentes problématiques patrimoniales. Pour autant, la société civile immobilière n’est pas toujours une solution miracle et peut même se révéler contre-productive si elle n’est pas employée correctement. Voici un panorama des principaux pièges à éviter lorsque l’on décide de mettre en place une telle structure.

S’en remettre à des statuts types

Des statuts standards ne peuvent pas convenir à tous les types de sociétés civiles.

La rédaction des statuts est une étape importante dans la constitution d’une société civile immobilière. C’est, en effet, l’acte fondateur qui va permettre de déterminer les modalités de son fonctionnement.Pourtant, il n’est pas rare que des statuts types, trouvés sur internet, soient utilisés. Des modèles génériques qui n’ont pas vocation à s’adapter à toutes les situations, et notamment aux opérations patrimoniales complexes.Seul le recours à des statuts sur-mesure offre cette souplesse en permettant, par exemple, d’intégrer une clause d’agrément pour contrôler l’arrivée de nouveaux associés ou encore de délimiter strictement les conditions de nomination et les pouvoirs du gérant. Il est donc recommandé de faire appel au Cabinet pour rédiger un « contrat de société » conforme aux objectifs fixés par les associés.

Négliger la rédaction de l’objet social

La rédaction de l’objet social d’une SCI doit faire l’objet d’un soin particulier. Mal rédigé, il peut empêcher de réaliser certaines opérations.

La clause des statuts déterminant l’objet social de la société civile immobilière revêt une grande importance puisque c’est elle qui fixe la raison d’être de la société. Rédigée de façon trop restrictive, elle peut empêcher de réaliser certaines opérations.Ainsi, par exemple, si l’objet social vise l’acquisition et la détention d’un immeuble identifié, la société civile immobilière encourt la dissolution au moment de la revente du bien.À l’inverse, rédigée de façon trop large, la clause peut faire perdre certains droits aux associés.Typiquement, en optant pour un objet social étendu tel que « acquérir, administrer et gérer des immeubles », la société civile immobilière sera considérée comme un acteur professionnel du marché et perdra ainsi le bénéfice du droit de rétractation réservé aux acquéreurs non professionnels d’immeubles à usage d’habitation.

Laisser la SCI « vivoter »

Les associés de la SCI doivent réaliser différentes formalités tout au long de l’existence de la SCI.

Bien qu’étant une simple structure destinée à loger une partie d’un patrimoine, la société civile immobilière est une société à part entière. Ce qui signifie qu’il faut respecter un certain formalisme lors de sa création, mais aussi régulièrement, tout au long de son existence.Il convient donc, d’une part, de déposer les différentes déclarations fiscales et, d’autre part, de convoquer chaque année au moins une assemblée générale.Sur ce dernier point, l’établissement d’une feuille de présence et d’un procès-verbal d’assemblée est essentiel pour prouver que ces formalités ont été accomplies. Des documents qui doivent, par ailleurs, être signés par l’ensemble des associés.

Réaliser des prestations de location meublée

Certaines activités de la SCI peuvent contraindre cette dernière à se voir imposer un régime fiscal.

L’objet social de votre société civile peut évidemment consister à louer un logement dans le but de dégager des revenus fonciers. Mais attention, si vous choisissez la formule de la location meublée, sachez que la société civile immobilière sera soumise d’office à l’impôt sur les sociétés (IS). En effet, fiscalement parlant, la location meublée est considérée comme une activité commerciale.Étant précisé que les dividendes que la société vous versera ensuite seront soumis à l’impôt sur le revenu selon votre taux marginal d’imposition. Un régime fiscal qui peut être pénalisant dans certains cas.

Créer une structure pour plusieurs biens

En présence de plusieurs biens immobiliers (de nature différente notamment), il peut être opportun de créer plusieurs SCI.

Souvent, une seule enveloppe juridique est créée afin d’y loger plusieurs biens immobiliers. Des biens qui peuvent d’ailleurs avoir des usages très différents (immeuble locatif, immeuble de bureaux, résidence principale, par exemple). Cette solution peut être pénalisante, notamment en cas de vente. En effet, il peut être difficile de trouver un acheteur intéressé par l’ensemble des actifs. Dans certains cas, mieux vaut créer une société par type de bien immobilier. Ce qui permet la mise en place d’une gestion individuelle et de procéder plus facilement à des arbitrages. Attention toutefois, le coût de constitution et de gestion des différentes structures est, en toute logique, plus élevé. En outre, cette formule demande un investissement en temps plus important.

Article publié le 21 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Exclusion d’un associé : son vote doit être pris en compte !

La clause des statuts d’une société selon laquelle l’exclusion d’un associé est « décidée à la majorité prévue pour les décisions extraordinaires, calculée en excluant l’intéressé » n’est pas valable car elle prive l’associé concerné de son droit de vote.

Les statuts d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) prévoyaient que l’exclusion d’un associé devait être « décidée par les associés à la majorité prévue pour les décisions extraordinaires, calculée en excluant [le vote de] l’intéressé ». Un associé exclu de la société avait contesté en justice la validité de cette clause, et demandé l’annulation de son exclusion, en faisant valoir qu’elle était irrégulière car elle consistait à le priver de son droit de participer à la décision. Les juges lui ont donné raison. En effet, ils ont rappelé que, sauf dans les cas prévus par la loi, chaque associé a le droit de participer aux décisions collectives, et donc de voter, toute clause contraire étant réputée non écrite. Et dans cette affaire, ils ont estimé que la clause litigieuse, en ne prenant pas en compte son vote pour le calcul des voix, revenait à priver de son droit de vote l’associé dont l’exclusion était envisagée. Elle n’était donc pas valable. La décision ayant prononcé l’exclusion devait donc être annulée.

Observations : cette décision a été rendue pour une Selarl médicale, en l’occurrence une Selarl d’imagerie médicale. Or la loi du 31 décembre 1990 sur les sociétés d’exercice libéral (SEL) et, plus précisément, l’article du Code de la Santé publique, pris sur le fondement de cette loi, applicable aux SEL médicales ou paramédicales (SEL de médecins, de sages-femmes, de chirurgiens-dentistes ou d’auxiliaires médicaux) prévoient que l’exclusion d’un associé « est décidée par les associés statuant à la majorité renforcée par les statuts, en excluant, outre l’intéressé, les associés ayant fait l’objet d’une sanction pour les mêmes faits ou pour des faits connexes, l’unanimité des autres associés exerçant au sein de la société devant être recueillie ». Ces textes étaient donc applicables à la Selarl concernée par cette affaire. La clause litigieuse, qui reprenait cette formulation, était donc a priori valable. Mais curieusement, cet argument n’a pas été invoqué par la Selarl devant les juges…

Cassation commerciale, 21 avril 2022, n° 20-20619

Article publié le 15 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Associés de Gaec

J’envisage de constituer un groupement agricole d’exploitation en commun avec mon frère. Nos enfants mineurs pourront-ils y détenir des parts sociales ?

Non, un groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) ne peut être constitué que par des personnes physiques majeures (2 au minimum et 10 au maximum) qui exercent leur activité professionnelle au sein de la structure. Des enfants mineurs ne peuvent donc pas en être membres. En revanche, si vous décidiez de constituer une EARL plutôt qu’un Gaec, vous pourriez retrouver de la souplesse en la matière car une EARL permet d’accueillir, parmi les associés (1 au minimum et 10 au maximum), des personnes qui n’y exercent pas leur activité professionnelle, et notamment des mineurs. Ce qui peut être une solution pour commencer à transmettre très tôt l’exploitation à ses descendants.

Article publié le 29 avril 2022 – © Les Echos Publishing 2022