Faits commis dans la vie personnelle du salarié et pouvoir de sanction de l’employeur

Des actes commis par un salarié dans le cadre de sa vie personnelle ne peuvent justifier un licenciement disciplinaire que s’ils se rattachent à sa vie professionnelle ou constituent un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail.

Les employeurs peuvent infliger des sanctions disciplinaires (avertissement, mise à pied, licenciement…) aux salariés qui commettent des fautes à l’occasion de leur travail.En revanche, les agissements des salariés dans le cadre de leur vie personnelle ne peuvent pas être sanctionnés disciplinairement sauf si ces agissements se rattachent à leur vie professionnelle ou constituent un manquement aux obligations découlant de leur contrat de travail (obligation de loyauté, obligation de sécurité…).Dans une affaire récente, un mécanicien avait été licencié pour avoir commis quatre infractions au Code de la route sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail. Son employeur, une entreprise spécialisée dans les infrastructures ferroviaires, avait en effet estimé que ces faits se rattachaient à sa vie professionnelle puisque le salarié conduisait un véhicule de fonction et se rendait à son travail.Un point de vue que les juges n’ont cependant pas partagé… Ainsi, ils ont considéré que ces infractions routières relevaient de la vie personnelle du salarié et ne pouvaient ni être rattachées à sa vie professionnelle, ni constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail. Dès lors, pour les juges, ces infractions ne pouvaient pas donner lieu à un licenciement disciplinaire.Pour en arriver à cette conclusion, les juges ont constaté que les infractions avaient été commises en dehors du temps de travail, qu’elles n’avaient pas eu de conséquences sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien et que le véhicule de l’entreprise n’avait pas été endommagé.Cassation sociale, 4 octobre 2023, n° 21-25421

Article publié le 16 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : ZU_09

Congés payés : report après un congé parental d’éducation

Le salarié en congé parental d’éducation a droit au report des congés payés qu’il a acquis avant son congé parental.

Les salariés acquièrent 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de travail effectif pendant une « période de référence » qui s’étale généralement du 1er juin au 31 mai. Soit un total de 5 semaines de congés payés.Ils prennent ces congés payés pendant une période déterminée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par la convention collective applicable dans l’entreprise. En l’absence d’accord, cette période est définie par l’employeur.Que se passe-t-il lorsque les salariés ne peuvent pas poser tout ou partie de leurs congés payés pendant cette période en raison de leur absence de l’entreprise ?Si pour certains évènements (arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail, par exemple), les congés payés sont reportés jusqu’au retour du salarié, ce n’était pas le cas jusqu’à récemment pour le congé parental d’éducation.Ainsi, en 2019, une salariée de retour d’un congé parental d’éducation n’avait pas pris les congés payés qu’elle avait acquis avant ce congé. À la suite d’une rupture conventionnelle, elle avait réclamé en justice le paiement d’une indemnité compensatrice pour ces congés non pris.Saisie du litige, la Cour de cassation a considéré que les congés payés acquis avant un congé parental d’éducation n’étaient pas perdus mais devaient être reportés à l’issue de ce congé. La salariée n’ayant pas pris ces congés payés à son retour de congé parental d’éducation, elle avait donc droit à leur paiement sous la forme d’une indemnité compensatrice.


À savoir : en mars 2023, la loi d’adaptation du droit français au droit de l’Union européenne a intégré dans le Code du travail une disposition selon laquelle le salarié en congé parental d’éducation « conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé ». Ce qui inclut les congés payés acquis avant le début du congé parental d’éducation. Cette intégration met donc fin au débat en confirmant que le salarié de retour d’un tel congé a droit au report de ces congés payés.

Cassation sociale, 13 septembre 2023, n° 22-14.043

Article publié le 11 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Dobrila Vignjevic

Congés payés : les arrêts de travail comptent !

Les arrêts de travail consécutifs à un accident du travail, un accident de trajet ou une maladie professionnelle ou à un accident ou une maladie non professionnelle doivent être pris en compte pour le calcul des droits à congés payés.

Les salariés bénéficient de 5 semaines de congés payés par an acquises au rythme de 2,5 jours ouvrables de congés par mois de travail effectif.Les salariés absents de l’entreprise continuent à acquérir des congés payés pendant ces absences si celles-ci sont assimilées à du temps de travail effectif par le Code du travail. À ce titre, doivent être pris en compte dans le calcul des droits à congés payés des salariés notamment les congés familiaux (congé d’adoption, de maternité…) et les congés payés de l’année précédente.En revanche, selon le Code du travail, les arrêts de travail causés par des accidents ou des maladies non professionnels ne constituent pas du temps de travail effectif. Ils ne permettent donc pas d’acquérir des congés payés. Quant aux arrêts de travail consécutifs à un accident du travail, un accident de trajet ou une maladie professionnelle, ils ne sont pris en compte que dans la limite d’un an.Depuis plusieurs années, les juges européens considèrent que ces dispositions du Code du travail empêchant les salariés d’acquérir des congés payés pendant leurs arrêts de travail sont contraires au droit européen.

Une mise en conformité avec le droit européen

La non-conformité des dispositions du Code du travail avec le droit européen a récemment conduit la Cour de cassation à ne plus les appliquer dans les litiges qu’elle traite.Dès lors, dans deux affaires récentes, la Cour de cassation a décidé que les salariés avaient acquis des congés payés pendant leur arrêt de travail. Une solution qu’elle a basée sur l’article 31, §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui garantit à tout travailleur une période annuelle de congés payés.Ainsi, désormais, la Cour de cassation assimile à du temps de travail effectif :
– les arrêts de travail causés par des accidents ou des maladies non professionnels ;
– les arrêts de travail consécutifs à un accident du travail, un accident de trajet ou une maladie professionnelle, sans limitation de durée.Autrement dit, les employeurs doivent tenir compte de ces arrêts de travail pour calculer les droits à congés payés de leurs salariés.


À noter : de nombreuses conventions collectives imposent déjà aux employeurs de prendre en compte les arrêts de travail de leurs salariés pour calculer leurs droits à congés payés.

Cassation sociale, 13 septembre 2023, n° 22-17340Cassation sociale, 13 septembre 2023, n° 22-17638

Article publié le 02 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : tolgart

Expertise du CSE : pas d’audition des salariés sans l’accord de l’employeur !

L’expert-comptable désigné par le comité social et économique dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi ne peut pas auditionner les salariés sans l’accord exprès de l’employeur.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le comité social et économique (CSE) doit être régulièrement consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière, ainsi que sur sa politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. Dans ce cadre, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable afin de l’aider à formuler son avis. Mais attention, l’expert-comptable ainsi désigné ne dispose pas des pleins pouvoirs, comme vient de l’indiquer la Cour de cassation… Dans cette affaire, le CSE d’une clinique, consulté notamment sur la politique sociale de la société, les conditions de travail et l’emploi avait eu recours à un expert-comptable. Toutefois, la société avait saisi la justice en vue de contester la durée et le coût prévisionnel de cette expertise, laquelle consistait à réaliser un entretien auprès de 25 salariés. Des entretiens auxquels l’employeur s’était opposé. Saisie du litige, la Cour de cassation a rappelé que, conformément au Code du travail, l’expert-comptable désigné par le CSE a libre accès dans l’entreprise pour les besoins de sa mission et que l’employeur doit lui fournir les informations nécessaires à l’exercice de cette mission. Mais que ces dispositions ne l’autorisent pas pour autant à procéder à l’audition des salariés sans l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés. L’expert-comptable n’a donc pas été autorisé à auditionner les salariés et la durée de l’expertise a bien été réduite.

Cassation sociale, 28 juin 2023, n° 22-10293

Article publié le 21 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Nitat Termmee

De l’importance de déposer l’accord de participation…

L’exonération de cotisations sociales portant sur les primes de participation ne s’applique qu’à compter du dépôt de l’accord de participation.

Les employeurs instaurent la participation dans leur entreprise, en principe, via un accord qui prévoit notamment sa durée d’application, la formule de calcul de la réserve spéciale de participation ainsi que les modalités et plafonds de répartition de cette réserve entre les salariés. L’accord de participation doit être déposé auprès de la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) via le site TéléAccords. Un dépôt indispensable pour que les primes de participation versées aux salariés soient exonérées de cotisations sociales. Ainsi, dans une affaire récente, une entreprise avait, le 1er octobre 2014, conclu un accord s’appliquant pour les exercices allant du 1er août 2013 au 31 juillet 2014 et du 1er août 2014 au 31 juillet 2015. L’entreprise avait déposé cet accord auprès de la DDETS le 27 juillet 2016. À la suite d’un contrôle, l’Urssaf avait adressé à l’entreprise un redressement de cotisations sociales sur les primes de participation attribuées aux salariés au titre de ces deux exercices. Un redressement que l’entreprise avait contesté en justice. Mais la Cour de cassation a confirmé le redressement. En effet, l’exonération de cotisations sociales ne s’applique qu’à compter de la date du dépôt de l’accord de participation, soit, dans cette affaire, à compter du 27 juillet 2016. Dès lors, toutes les primes de participation versées aux salariés antérieurement à ce dépôt sont soumises à cotisations sociales.

Cassation Civile 2e, 22 juin 2023, n° 21-18363

Article publié le 12 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Jason marz

Le compte professionnel de prévention est aménagé

Le gouvernement souhaite faciliter le recours par les salariés au compte professionnel de prévention.

Depuis octobre 2017, le compte professionnel de prévention (C2P) permet aux salariés soumis à certains facteurs de risques professionnels de cumuler des points destinés à financer une formation vers un emploi non exposé ou moins exposé à ces facteurs de risques, des trimestres supplémentaires de retraite ou un passage à temps partiel sans perte de rémunération. Ces facteurs de risques sont au nombre de six : les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte et les activités exercées en milieu hyperbare. Dans le cadre de la réforme des retraites, le gouvernement a remanié le C2P afin d’améliorer les droits des salariés et de faciliter son utilisation.

Important : le C2P était plafonné à 100 points sur toute la carrière du salarié. Ce plafond a été supprimé au 1er septembre 2023.

Un abaissement des seuils d’exposition

Pour être prise en compte et donner droit à des points, la simple exposition du salarié à un ou plusieurs facteurs de risques prévus dans le C2P ne suffit pas. Il faut, en effet, qu’il ait été exposé à ces facteurs au-delà de certains seuils déterminés par le Code du travail. Étant précisé que ces seuils sont appréciés après application des mesures de protection collective et individuelle mises en place (système de ventilation, bouchons d’oreille…). Deux seuils d’exposition ont été abaissés au 1er septembre 2023. Ainsi, désormais, pour le travail de nuit, il est exigé une exposition du salarié pendant au moins 100 nuits, contre 120 nuits jusqu’alors. Pour le travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures, le seuil d’exposition est diminué de 50 nuits par an à 30 nuits par an.

Une meilleure prise en compte de la polyexposition

Jusqu’à présent, un salarié employé pendant toute l’année civile cumulait 4 points s’il était exposé à un seul facteur de risques et 8 points s’il était exposé à plusieurs facteurs, quel que soit leur nombre. Depuis le 1er septembre 2023, le salarié qui travaille toute l’année acquiert 4 points par facteurs de risque auquel il est exposé, soit, par exemple, 12 points s’il est exposé à trois facteurs de risque pendant un an. Le salarié qui ne travaille pas toute l’année cumule un point par période de 3 mois travaillée pour l’exposition à un facteur de risque, deux points pour l’exposition à deux facteurs, etc.

Une utilisation plus efficace du C2P

Les salariés peuvent se servir de leur C2P pour financer un passage à temps partiel sans diminution de leur rémunération. Depuis le 1er septembre 2023, une tranche de 10 points permet de travailler à temps partiel pendant 4 mois, contre 3 mois jusqu’à présent. Par ailleurs, le nombre total de points que les salariés peuvent utiliser avant leur 60e anniversaire pour financer un passage à temps partiel est limité à 80. Une mesure destinée à encourager les salariés à travailler à temps partiel après 60 ans. En outre, il est désormais possible d’utiliser le C2P pour financer des actions de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience (VAE) en vue d’une reconversion professionnelle vers un emploi non exposé aux facteurs de risques professionnels du C2P. Sachant que si ces actions ont lieu pendant le temps de travail, les salariés bénéficient d’un maintien de leur rémunération pendant leur congé. Chaque point cumulé sur le C2P ouvre droit à un montant de 500 € (contre 375 € auparavant) pour abonder le compte personnel de formation du salarié qui souhaite financer une action de formation professionnelle continue vers un emploi non exposé ou moins exposé aux risques professionnels ou une reconversion professionnelle.

En complément : le gouvernement a créé le « fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle » qui a pour mission de participer au financement, par les employeurs, d’actions de sensibilisation, de prévention, de formation et de reconversion au profit des salariés particulièrement exposés à des facteurs de risques professionnels ergonomiques non inclus dans le C2P (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques).

Décret n° 2023-760 du 10 août 2023, JO du 11Décret n° 2023-759 du 10 août 2023, JO du 11

Article publié le 06 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Marco Rosario Venturini Autie

De nouvelles maladies professionnelles pour le secteur agricole

Les cancers du larynx et de l’ovaire provoqués par l’inhalation de poussières d’amiante sont désormais reconnus comme des maladies professionnelles agricoles.

Les exploitants et salariés agricoles peuvent développer des maladies en lien avec leur activité professionnelle. Des maladies qui peuvent être reconnues en tant que maladies professionnelles par la Mutualité sociale agricole. À ce titre, les cancers du larynx et de l’ovaire sont désormais reconnus en tant que maladies professionnelles pour les travailleurs exposés à l’amiante dans le cadre de leur activité agricole. Ainsi, les chefs d’exploitation et les salariés agricoles qui ont effectué certains travaux les exposant à l’inhalation de poussières d’amiante pendant au moins 5 ans et qui contractent un cancer du larynx ou de l’ovaire dans les 40 ans suivant la date à laquelle ils ont cessé d’être exposés à l’amiante peuvent bénéficier de la prise en charge de leur maladie au titre de maladie professionnelle.

Tableau n° 47 ter relatif aux cancers du larynx et de l’ovaire provoqués par l’inhalation de poussières d’amiante
Désignation des maladies Délai de prise en charge Liste limitative des travaux susceptibles
de provoquer ces maladies
– Cancer primitif du larynx
– Dysplasie primitive de haut grade du larynx
40 ans
(sous réserve d’une durée d’exposition minimale de 5 ans)
– Travaux d’isolation utilisant des matériaux contenant de l’amiante ;
– Travaux de retrait d’amiante ;
– Travaux de pose et de dépose de matériaux isolants à base d’amiante ;
– Travaux d’usinage, de découpe et de ponçage de matériaux contenant de l’amiante ;
– Travaux d’entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d’amiante ;
– Travaux de manipulation, d’assemblage, de pièces ou de matériaux contenant de l’amiante ;
– Travaux habituellement réalisés dans des locaux exposant directement à de l’amiante à l’état libre.
Cancer primitif de l’ovaire à localisation :
– ovarienne ;
– séreuse tubaire ;
– séreuse péritonéale

Décret n° 2023-773 du 11 août 2023, JO du 13

Article publié le 05 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Ariel Skelley