Liquidation judiciaire : quelles fautes du dirigeant peuvent être retenues ?

Le dirigeant d’une société mise en liquidation judiciaire ne peut voir sa responsabilité engagée pour insuffisance d’actif qu’au regard de sa gestion antérieure à l’ouverture de la procédure collective.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif (c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société.

Précision : une simple négligence de la part du dirigeant dans la gestion de la société ne peut pas être retenue à son encontre pour mettre en jeu sa responsabilité financière.

Sachant que seules les fautes de gestion commises avant l’ouverture de la procédure collective peuvent être retenues à l’encontre du dirigeant. À ce titre, les juges viennent de préciser que lorsqu’une société est mise en redressement judiciaire et que, pendant la période d’observation, le redressement est converti en liquidation judiciaire, les fautes de gestion que le dirigeant aurait commises entre l’ouverture du redressement et celle de la liquidation judiciaire ne peuvent pas être prises en compte. En effet, dans ce cas, il ne s’agit pas d’une nouvelle procédure collective mais d’une conversion de procédure. Dans cette affaire, le liquidateur n’a donc pas été admis à agir contre le dirigeant au motif qu’il aurait poursuivi l’activité déficitaire de la société pendant la période d’observation consécutive au jugement d’ouverture du redressement judiciaire.

À noter : la situation est différente lorsque la liquidation judiciaire est ouverte après la résolution du plan de redressement. Car dans ce cas, la liquidation judiciaire est une nouvelle procédure collective. La responsabilité du dirigeant peut alors être engagée pour les fautes de gestion qu’il a commises entre l’ouverture du redressement judiciaire et celle de la liquidation judiciaire.

Cassation commerciale, 8 mars 2023, n° 21-24650

Article publié le 18 mai 2023 – © Les Echos Publishing 2023

Procédure de résiliation du bail commercial en cas de liquidation judiciaire du locataire

Le commerçant auquel je loue un local commercial vient d’être mis en liquidation judiciaire. Bien entendu, il ne paie plus les loyers. Comment dois-je procéder pour résilier le bail commercial ?

Vous devez demander au juge-commissaire de constater la résiliation de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers. Dans cette situation (débiteur en liquidation judiciaire), vous n’avez pas à faire délivrer un commandement de payer au liquidateur. Mais attention, vous devez laisser s’écouler un délai de 3 mois à compter du jugement d’ouverture de la liquidation avant de formuler votre demande de résiliation. Et le bail ne sera résilié que si les loyers n’ont pas été réglés pendant ce délai.

Précision : lorsque la liquidation fait suite à une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le point de départ du délai de 3 mois est la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Car il s’agit ici d’une conversion de procédure et non pas de l’ouverture d’une nouvelle procédure.

Article publié le 27 avril 2023 – © Les Echos Publishing 2023

Quand une déclaration de créance est effectuée par le débiteur

Lorsque le nom du créancier et le montant de la somme qui lui est due sont mentionnés dans la liste des créanciers que l’entreprise faisant l’objet d’une procédure collective a remise au mandataire judiciaire, ce créancier est présumé avoir déclaré sa créance.

Lorsqu’une personne détient une créance impayée sur un professionnel ou sur une entreprise qui est placé en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, elle doit déclarer cette créance auprès du mandataire ou du liquidateur judiciaire pour espérer recouvrer, dans le cadre de la procédure collective, tout ou partie de cette somme.

Précision : cette déclaration doit être effectuée, en principe, dans un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective. À défaut, cette créance ne serait pas prise en compte dans les éventuelles répartitions qui s’opèreraient ensuite entre les créanciers dans le cadre de la procédure.

Toutefois, lorsque le débiteur faisant l’objet de la procédure collective a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de sa créance. À ce titre, dans une affaire récente, un groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) placé en sauvegarde avait remis au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers. Sur cette liste figuraient le nom et l’adresse d’une coopérative et le montant estimé, échu et à échoir, de la créance de cette dernière, à savoir environ 422 493 €.Par la suite, le Gaec avait contesté la créance de la coopérative, faisant valoir que le seul fait que cette dernière apparaissait sur la liste des créanciers ne valait pas déclaration de créance qu’il aurait faite pour le compte de la coopérative. Mais la Cour de cassation n’a pas été de cet avis. En effet, elle a estimé que la liste des créanciers, remise par le Gaec à son mandataire judiciaire, comportant le nom de la coopérative créancière ainsi que le montant de la créance de cette dernière, faisait présumer la déclaration de créance effectuée par le Gaec pour le compte de la coopérative, dans la limite de ces informations.

Cassation commerciale, 8 février 2023, n° 21-19330

Article publié le 19 avril 2023 – © Les Echos Publishing 2023

Quand demander la mise en redressement judiciaire d’un commerçant ayant cessé son activité ?

Le délai d’un an dont dispose un créancier pour assigner en redressement judiciaire un commerçant ayant cessé son activité court à compter de la date à laquelle la radiation de ce dernier a été inscrite au RCS, et non pas à compter de celle à laquelle il a cessé son activité.

Un créancier est en droit de demander en justice qu’un commerçant soit placé en redressement ou en liquidation judiciaire même après que ce dernier a cessé son activité. Dans ce cas, cette demande doit intervenir dans un délai d’un an à compter de la radiation du commerçant au registre du commerce et des sociétés (RCS).À ce titre, dans une affaire récente, un commerçant avait cessé son activité le 11 mars 2019, sa radiation au RCS étant intervenue le 5 août suivant. Son extrait Kbis indiquait bien une radiation au 5 août 2019 mais « avec effet au 11 mars 2019 ». Du coup, la question s’est posée de savoir si le point de départ du délai d’un an était la date de la mention de la radiation au RCS (5 août 2019) ou bien la date d’effet de celle-ci (11 mars 2019).En effet, l’un des créanciers de ce commerçant l’avait assigné en redressement judiciaire le 15 juillet 2020. Ce dernier avait alors fait valoir que cette demande était hors délai puisqu’il avait cessé son activité depuis plus d’un an. Mais la Cour de cassation ne lui a pas donné raison. Pour elle, le délai d’un an court à compter de la date à laquelle la radiation est inscrite au RCS (en l’occurrence le 5 août 2019), peu importe le fait que l’extrait Kbis mentionne une radiation avec effet à une date antérieure (en l’occurrence au 11 mars 2019), « cette précision étant sans incidence sur le point de départ du délai en cause à l’égard des tiers ». L’assignation du créancier était donc recevable.

Attention : cette solution ne s’applique qu’aux personnes physiques exerçant une activité commerciale. Pour les personnes physiques exerçant une activité artisanale, agricole ou libérale, c’est la date de cessation d’activité qui fait courir le délai d’un an. Et pour les sociétés, c’est la date de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation qu’il faut prendre en compte.

Cassation commerciale, 18 janvier 2023, n° 21-21748

Article publié le 27 février 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Cessation des paiements : un prêt consenti à l’entreprise est-il un actif disponible ?

Un prêt consenti au chef d’entreprise en difficulté par ses proches constitue un actif disponible, ce qui lui permet de contester son état de cessation des paiements et sa mise en liquidation judiciaire.

Une entreprise est en état de cessation des paiements lorsqu’elle ne peut plus faire face à son passif exigible (ses dettes à payer immédiatement) avec son actif disponible. Dans ce cas, elle doit, à la demande du chef d’entreprise lui-même ou de ses créanciers, faire l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. À ce titre, la question s’est récemment posée en justice de savoir si un prêt consenti au chef d’entreprise pouvait constituer un actif disponible. Dans cette affaire, un viticulteur qui avait été mis en redressement judiciaire bénéficiait d’un plan de redressement pour une durée de 15 ans. Au cours de ce plan, la caisse de mutualité sociale avait demandé qu’il soit placé en liquidation judiciaire car il n’avait pas payé les cotisations sociales dont il était redevable. Estimant qu’il était en état de cessation des paiements, la cour d’appel avait mis fin au plan de redressement et l’avait mis en liquidation judiciaire. De son côté, le viticulteur avait fait valoir qu’il n’était pas en cessation des paiements puisqu’un prêt lui avait été consenti par sa famille et ses amis pour régler ses cotisations. Mais pour la cour d’appel, ce prêt ne pouvait pas être considéré comme un actif disponible puisque l’intéressé ne pouvait régler sa dette qu’en en créant une autre, peu importe que cette dernière ne soit pas immédiatement exigible. Mais la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. Pour elle, quelle que soit la qualité du prêteur, dès lors que le remboursement immédiat du prêt n’était pas exigé, les fonds remis au viticulteur constituaient bien un actif disponible. Du coup, en l’absence de précisions de nature à établir que son passif exigible excédait son actif disponible, l’état de cessation des paiements du viticulteur n’était pas caractérisé. Ce dernier était donc en droit de contester la remise en cause du plan de redressement dont il bénéficiait et sa mise en liquidation judiciaire.

Cassation commerciale, 14 décembre 2022, n° 21-17706

Article publié le 31 janvier 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Faillite d’un client : comment réagir ?

Lorsque l’un de vos clients dépose son bilan en laissant des factures impayées, vous devez accomplir un certain nombre de démarches pour espérer être payé un jour… Zoom sur la marche à suivre en la matière.

Déclarez votre créance

Lorsque vous apprenez qu’un de vos clients fait l’objet d’une procédure de sauvegarde ou est placé en redressement ou en liquidation judiciaire, la première chose à faire est de déclarer la ou les créances que vous détenez sur lui auprès du mandataire judiciaire (en cas de sauvegarde ou de redressement) ou du liquidateur judiciaire (en cas de liquidation).

À noter : en principe, lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure collective, le mandataire ou le liquidateur judiciaire nommé par le tribunal en informe les créanciers dont il a connaissance. Sachant que si vous êtes titulaire d’une sûreté publiée (une hypothèque, par exemple) ou si vous êtes lié au débiteur par un contrat publié (un crédit-bail…), vous serez personnellement averti, par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), par le mandataire judiciaire chargé de la procédure (ou le liquidateur). Vous pouvez aussi apprendre l’existence de la procédure collective en consultant le bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) ou un journal d’annonces légales. Vous connaîtrez alors le nom et les coordonnées du mandataire ou du liquidateur judiciaire en charge du dossier.

Et attention, cette déclaration doit être effectuée dans un délai de 2 mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) de l’avis faisant état de l’ouverture de la procédure collective, soit par vous-même (en tant que chef d’entreprise ou représentant légal de la société), soit par l’un de vos salariés ou par un mandataire (par exemple, un avocat) muni d’une délégation de pouvoir lui permettant d’accomplir cette formalité. Si vous êtes titulaire d’une sûreté publiée ou si vous êtes lié au débiteur par un contrat publié, les 2 mois se décomptent à partir de l’avis que le mandataire judiciaire vous a adressé. Faute de déclaration dans ce délai, votre créance ne sera pas prise en compte dans la procédure. Sauf à demander au juge-commissaire d’être « relevé de forclusion » en déposant une requête au greffe du tribunal de commerce et en démontrant que le retard (ou le défaut) de déclaration n’est pas de votre fait (par exemple, parce qu’il est dû à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste de ses créanciers).En pratique, la déclaration doit indiquer le montant de votre créance due au jour du jugement d’ouverture de la procédure avec l’indication des sommes exigibles et de la date de leur échéance. Lorsque le montant n’a pas encore été fixé, fournissez-en une évaluation. Vous n’oublierez pas d’y joindre les documents justificatifs (factures, bons de commande). Si la créance est assortie d’un privilège ou d’une sûreté, vous devez en préciser la nature. Enfin, indiquez les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, ainsi que la juridiction saisie si la créance fait l’objet d’un litige. Et pour des raisons évidentes de preuve, il est conseillé d’adresser votre déclaration de créance par lettre recommandée avec avis de réception.

Bon à savoir : pour faciliter l’établissement de cette déclaration, un formulaire (Cerfa n° 10021*01) peut être téléchargé sur le site Internet Service Public.

Une fois votre déclaration souscrite, votre créance fera l’objet d’une vérification par le mandataire judiciaire s’il s’agit d’une procédure de redressement judiciaire, ou par le liquidateur judiciaire s’il s’agit d’une procédure de liquidation. Si elle est admise, elle pourra vous être payée mais seulement si l’actif disponible de votre débiteur le permet et ce, après que les créances prioritaires ou « privilégiées » (salaires, frais de justice, Trésor public, Urssaf, créances nécessaires à la poursuite de l’activité…) auront été réglées. Ainsi, faute d’être un créancier privilégié, vous aurez malheureusement peu de chances d’être remboursé…

Faites valoir vos garanties

Vous le voyez : déclarer votre créance ne vous garantit donc pas de la recouvrer. Mieux vaut donc détenir un privilège ou une « sûreté » sur cette créance et le faire valoir. Ainsi, par exemple, si vous avez pris soin d’insérer une clause de réserve de propriété dans le contrat de vente des produits restés impayés, vous pourrez demander à les récupérer en exerçant votre « droit à revendication ». En effet, une telle clause vous permet de rester propriétaire des biens livrés tant que votre client n’en a pas entièrement payé le prix. Mais attention, il vous faut impérativement agir auprès de l’administrateur judiciaire (ou du chef d’entreprise lui-même en l’absence d’administrateur) dans les 3 mois suivant la publication au Bodacc du jugement d’ouverture de ladite procédure, en lui adressant une lettre recommandée avec AR. Passé ce délai, le vendeur ne pourra plus faire valoir son droit de revendication. L’administrateur ou le liquidateur pourra alors vendre le bien au même titre que les autres biens appartenant au débiteur.

Précision : l’action en revendication ne peut être exercée que si la clause de réserve de propriété a été convenue entre l’acheteur et le vendeur par écrit, au plus tard au moment de la livraison des biens vendus à l’acquéreur. En outre, pour que l’action en revendication soit possible, il faut que les marchandises impayées existent en nature au moment de l’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire qu’elles soient identifiables et individualisées entre les mains de l’acheteur. Ainsi, l’exercice de l’action en revendication est impossible lorsque le bien vendu a été transformé par l’acheteur ou assemblé avec d’autres biens.

Si vous bénéficiez d’un cautionnement, vous pourrez réclamer à la caution le paiement de votre facture impayée. Sachant que si la caution est une personne physique, vous devrez attendre le prononcé du jugement arrêtant le plan de redressement ou de cession ou le jugement prononçant la liquidation de votre débiteur pour pouvoir agir contre elle. Enfin, si vous détenez un gage, vous aurez le droit d’être payé en priorité par rapport à tout autre créancier sur le bien objet du gage.

Préoccupez-vous du sort du contrat conclu avec votre débiteur

Si le contrat que vous avez conclu avec l’entreprise en difficulté est en cours au moment de l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, sachez qu’il n’est pas automatiquement rompu du fait de l’ouverture de cette procédure. Du coup, vous avez intérêt à mettre en demeure l’administrateur judiciaire ou, en l’absence d’administrateur, le chef de l’entreprise en difficulté lui-même, de se positionner sur la continuité ou, au contraire, sur la cessation du contrat. Si vous ne recevez pas de réponse dans le délai d’un mois qui suit cette mise en demeure, le contrat sera résilié de plein droit. En revanche, lorsque l’administrateur judiciaire (ou le débiteur) décide de poursuivre le contrat, notamment parce qu’il est essentiel à la poursuite de l’activité, les créances nées de cette continuation seront privilégiées et devront être honorées dans les conditions prévues. Si tel n’est pas le cas, le contrat sera résilié de plein droit.

Article publié le 09 septembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Les effets du consentement d’un époux au cautionnement souscrit par son conjoint

Le consentement donné par un époux au cautionnement souscrit par son conjoint a pour effet d’engager les biens communs du couple mais pas de rendre cet époux partie au contrat de cautionnement.

Lorsqu’une personne mariée sous le régime légal de la communauté souscrit un cautionnement, par exemple un dirigeant de société en contrepartie de l’octroi d’un prêt pour celle-ci, les biens communs du couple ne sont engagés que si son conjoint a donné son consentement à l’acte. Sinon, seuls les biens propres et les revenus de celui qui s’est porté caution peuvent servir de gage au banquier en cas de défaut de paiement.

Précision : les biens propres du conjoint qui a donné son consentement au cautionnement souscrit par son époux restent, quant à eux, à l’abri des poursuites du banquier.

Mais attention, ce n’est pas parce que le conjoint donne son consentement au cautionnement qu’il devient lui-même caution. C’est ce que les juges ont rappelé dans une affaire récente. Dans cette affaire, une société ayant été placée en liquidation judiciaire, la banque avait agi en paiement à la fois contre le mari qui s’était porté caution pour cette société et contre son épouse qui avait donné son consentement au cautionnement souscrit par ce dernier. La banque espérait ainsi obtenir la condamnation solidaire des deux époux à lui payer certaines sommes. Mais pour les juges, la banque n’était pas en droit agir contre l’épouse car cette dernière ne s’était pas elle-même portée caution.

Cassation commerciale, 21 avril 2022, n° 20-15807

Article publié le 30 août 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Entrepreneurs individuels : que faire en cas de difficultés ?

Lorsqu’un entrepreneur individuel est en difficulté et ne parvient plus à faire face à ses dettes, il doit saisir le tribunal en distinguant ses biens, droits et obligations qui relèvent de son patrimoine personnel de ceux qui relèvent de son patrimoine professionnel.

Depuis le 15 mai dernier, les entrepreneurs individuels relèvent d’un statut unique qui se caractérise par la séparation de leur patrimoine en deux patrimoines distincts. Ainsi, ils disposent désormais d’un patrimoine professionnel, qui est composé des biens « utiles » à leur activité, et d’un patrimoine personnel, qui est composé des autres biens. Gros avantage de ce nouveau statut : sauf quelques exceptions, seuls les biens composant le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont exposés aux poursuites de ses créanciers professionnels. Ses autres biens (donc ceux compris dans son patrimoine personnel, à savoir une résidence, des actifs mobiliers, une voiture…) sont, quant à eux, à l’abri des convoitises de ces derniers. Cette protection vaut aussi en cas de mise en redressement ou en liquidation judiciaire. En effet, dans ce cas, les biens personnels de l’entrepreneur ne pourront pas être vendus par le liquidateur judiciaire en vue de régler le passif de l’entreprise.

Saisir le tribunal

En pratique, lorsqu’un entrepreneur individuel connaît des difficultés financières et ne parvient plus à régler ses dettes, il doit, que ces dettes soient personnelles ou professionnelles, saisir le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire, selon sa profession, et lui transmettre un certain nombre de documents, notamment la situation de sa trésorerie, le montant de ses créances et de ses dettes, les sûretés qu’il a éventuellement consenties, les biens, droits et obligations relevant de chacun de ses deux patrimoines (professionnel et personnel) ainsi que, le cas échéant, les actes de renonciation à la protection de son patrimoine personnel qu’il a souscrits à l’égard de tel ou tel créancier professionnel. Le tribunal procèdera alors de la manière suivante. Lorsque l’entrepreneur individuel sera en état de cessation des paiements seulement sur son patrimoine professionnel, il ouvrira une procédure collective. Lorsque les dettes ne concerneront que son patrimoine personnel, le tribunal renverra le dossier vers la commission du surendettement. Enfin, dernière hypothèse, lorsque les dettes concerneront tant son patrimoine personnel que son patrimoine professionnel, que la distinction de ses patrimoines professionnel et personnel aura été strictement respectée, et que le droit de gage de ses créanciers professionnels ne portera pas sur son patrimoine personnel, le tribunal pourra ouvrir une procédure collective pour le traitement de ses dettes concernant son patrimoine professionnel et saisir la commission de surendettement pour ses dettes concernant son patrimoine personnel.

Précision : pour bénéficier de la procédure de surendettement, l’entrepreneur devra le demander soit au moment de la saisine du tribunal, soit au cours de l’audience devant le tribunal. Si le tribunal décide de transmettre le dossier à la commission de surendettement, les créanciers signalés par l’entrepreneur en seront informés.

Décret n° 2022-890 du 14 juin 2022, JO du 16

Article publié le 29 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Résiliation d’un bail commercial pour défaut de paiement des loyers

Lorsque le locataire commercial fait l’objet d’une mise sous sauvegarde de justice, le bailleur ne peut plus demander au juge qu’il prononce, en vertu d’une clause résolutoire, la résiliation du bail pour cause de défaut de paiement de loyers antérieurs.

Très souvent, les contrats de bail commercial comportent une clause, dite « résolutoire », qui prévoit que le bail sera résilié de plein droit (c’est-à-dire automatiquement) en cas de manquement du locataire à certaines de ses obligations, en particulier en cas de défaut de paiement du loyer. En pratique, pour mettre en œuvre une clause résolutoire, le bailleur doit d’abord délivrer un « commandement » au locataire par acte d’huissier de justice. Ce commandement doit mentionner le délai d’un mois dont dispose le locataire pour remédier au(x) manquement(s) qui lui est(sont) reproché(s). Et si, à l’expiration de ce délai, le locataire ne s’est pas exécuté, le bailleur peut saisir le juge pour lui demander de constater la résiliation du bail.

L’action du bailleur paralysée par la procédure de sauvegarde

Mais attention, si le locataire fait l’objet d’une mise sous sauvegarde de justice, l’action engagée précédemment par le bailleur pour demander au juge de prononcer la résiliation du bail en vertu de la clause résolutoire ne peut plus être poursuivie. C’est ce que les juges ont décidé dans une affaire récente. Dans cette affaire, un bailleur avait envoyé à son locataire un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire prévue dans le bail commercial. Un mois plus tard, le locataire n’avait toujours pas payé ses loyers si bien que le bail commercial devait, en principe, être résilié. Or, deux ans plus tard, le locataire avait été mis sous sauvegarde de justice. Saisie du litige en la matière, la cour d’appel avait constaté que le bail avait bel et bien été résilié car la procédure de sauvegarde avait été ouverte ensuite. Mais la Cour de cassation n’a pas été de cet avis. Pour elle, l’action engagée par le bailleur, avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde, en vue de faire prononcer la résiliation du bail commercial en vertu de la clause résolutoire pour des loyers impayés dus avant l’ouverture de ladite procédure ne peut plus être poursuivie après.

En résumé : l’ouverture d’une procédure de sauvegarde paralyse donc la clause résolutoire dès lors qu’une décision définitive constatant la résiliation du bail n’a pas encore été prise. Il est de même en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du locataire. Lorsqu’il est victime de loyers impayés, le bailleur a donc tout intérêt à saisir rapidement la justice pour faire résilier le bail. Car si le locataire fait ensuite l’objet d’une procédure collective, ce ne sera plus possible…

Cassation civile 3e, 13 avril 2022, n° 21-15336

Article publié le 24 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Insaisissabilité de la résidence principale : gare au divorce de l’entrepreneur !

Lorsque, en cas de divorce d’un entrepreneur individuel, la jouissance de la résidence principale du couple a été attribuée par le juge au conjoint de ce dernier, elle n’est plus de droit insaisissable par les créanciers professionnels.

Vous le savez : la résidence principale d’un entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit par ses créanciers professionnels dont la créance est née après le 8 août 2015 (date de la loi ayant instauré cette protection).Mais attention, cette insaisissabilité s’éteint en cas de divorce de l’entrepreneur lorsque la jouissance exclusive de la résidence principale est attribuée par le juge au conjoint de ce dernier. C’est ce qui vient d’être jugé dans une affaire récente. Dans le cadre de son divorce, l’épouse d’un entrepreneur individuel (un coiffeur) avait obtenu, le 19 juillet 2010, la jouissance exclusive du logement familial dont les deux époux étaient copropriétaires. Le 23 juin 2016, cet entrepreneur avait été placé en redressement judiciaire, puis, le 23 juin 2017, en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire avait alors été autorisé à procéder à la vente aux enchères publiques de cette résidence. Estimant que celle-ci était insaisissable de droit, l’épouse avait contesté la vente en justice. Mais la Cour de cassation, devant laquelle le litige avait fini par être porté, ne lui a pas donné gain de cause. En effet, pour elle, le logement familial dont la jouissance exclusive avait été attribuée, par le juge aux affaires familiales, à l’un des époux (en l’occurrence, l’épouse de l’entrepreneur), n’était plus la résidence principale de l’autre époux (en l’occurrence, l’entrepreneur) qui avait été contraint de la quitter. Dès lors, ce logement n’était plus insaisissable de plein droit par ses créanciers professionnels dont la créance était née après le 19 juillet 2010, date à laquelle le juge avait décidé d’attribuer la jouissance du logement à son épouse.

Cassation commerciale, 18 mai 2022, n° 20-22768

Article publié le 03 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022