Les télétravailleurs ont droit aux titres-restaurant !

S’appuyant sur le principe d’égalité de traitement, les juges confirment que les télétravailleurs ont droit aux titres-restaurant dès lors que cet avantage est accordé aux salariés qui travaillent dans les locaux de l’entreprise.

L’épidémie de Covid-19, qui avait contraint de nombreux employeurs à recourir au télétravail, a occasionné de nombreux contentieux s’agissant de l’octroi des titres-restaurant. Des contentieux qui s’articulaient autour d’une même question : les télétravailleurs ont-ils droit aux titres-restaurant ? Autrement dit, est-il possible de réserver cet avantage aux salariés qui travaillent sur site ? C’est pourquoi le ministère du Travail avait précisé, dans sa fiche « Télétravail Mode d’emploi » mise à jour en février 2021, que les télétravailleurs devaient bénéficier des mêmes droits et avantages que ceux accordés aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise, y compris donc des titres-restaurant. Une règle qui avait également été reprise dans le Bulletin officiel de la Sécurité sociale. Et c’est aujourd’hui au tour de la Cour de cassation de « consacrer » le droit aux titres-restaurant des télétravailleurs.

Pas de discrimination entre télétravailleurs et salariés sur site !

Dans cette affaire, un salarié avait saisi la justice afin d’obtenir le paiement de la contribution de son employeur aux titres-restaurant, un avantage qui lui avait été retiré pendant 2 ans en raison de son passage en télétravail. Et les juges lui ont donné raison. Ils ont d’abord rappelé que les télétravailleurs peuvent prétendre aux mêmes droits et avantages que ceux accordés aux salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise. Ils en ont déduit que les télétravailleurs qui remplissent les conditions d’octroi des titres-restaurant (repas compris dans leur horaire journalier de travail) doivent en bénéficier, dès lors que cet avantage est attribué aux salariés qui travaillent sur site. L’employeur a donc été condamné à régler au salarié une indemnité d’environ 1 700 €.

En complément : dans une autre affaire, les juges ont indiqué que lorsque l’octroi de titres-restaurant relève d’un usage, l’employeur ne peut pas suspendre cet avantage sans dénoncer l’usage existant (information des représentants du personnel et des salariés et délai de prévenance suffisant).

Cassation sociale, 8 octobre 2025, n° 24-12373Cassation sociale, 8 octobre 2025, n° 24-10566

Article publié le 14 octobre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Abel Mitjà Varela

Procédure d’injonction de payer : faut-il d’abord tenter une conciliation ?

Le créancier qui engage une procédure d’injonction de payer pour obtenir le paiement d’une somme qui lui est due n’est pas tenu de tenter préalablement une résolution amiable du litige.

Lorsqu’un créancier n’est pas parvenu à recouvrer, après relance puis mise en demeure, une somme d’argent qui lui est due, par exemple par un client, il peut recourir à la procédure d’injonction de payer. Rapide, simple et peu coûteuse, cette procédure lui permet d’obtenir d’un juge une ordonnance qui enjoint son débiteur de régler sa dette.

En pratique : pour obtenir du juge une injonction de payer, il suffit de remplir le formulaire Cerfa correspondant (selon les cas, soit le Cerfa 12946*02, soit le Cerfa 12948*06), disponible notamment sur service-public.gouv.fr, puis de l’adresser, accompagné des justificatifs, au greffe du président du tribunal de commerce si le débiteur est une entreprise ou au greffe du tribunal judiciaire s’il s’agit d’un particulier. Si la requête est fondée, le juge rendra une ordonnance d’injonction de payer que le créancier pourra ensuite remettre à un commissaire de justice pour qu’il la notifie au débiteur.

À ce titre, la question a été récemment posée à la Cour de cassation de savoir si, avant d’engager une procédure d’injonction de payer, le créancier avait l’obligation de tenter une résolution amiable du litige, soit par une conciliation menée par un conciliateur, soit par une médiation, soit encore par une procédure participative (procédure par laquelle ce sont les parties elles-mêmes, assistées obligatoirement par leurs avocats respectifs, qui tentent de mettre fin au différend qui les oppose).

Pas d’obligation de conciliation préalable

La Cour de cassation a répondu par la négative. Pour elle, une tentative préalable de résolution amiable du litige ne s’impose pas dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer, et ce ni dans la phase initiale de la procédure, c’est-à-dire lorsque le créancier dépose sa requête et qu’elle est examinée par le tribunal qui rend ensuite son ordonnance, ni dans l’éventuelle seconde phase, lorsque le débiteur conteste l’existence ou le montant de la créance et fait opposition à l’ordonnance du juge.

Attention : lorsque la procédure tend à obtenir le paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 €, elle doit obligatoirement être précédée d’une tentative de résolution amiable du différend (conciliation, médiation ou procédure participative), sauf dans un certain nombre de cas (notamment en cas d’urgence manifeste ou de circonstances de l’affaire rendant impossible une telle tentative). À défaut, l’action du créancier serait déclarée irrecevable par le tribunal.

Cassation civile 2e, 25 septembre 2025, avis n° 15017

Article publié le 09 octobre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Zero Creatives

Une déclaration d’impôt rectificative constitue-t-elle une réclamation fiscale ?

Selon les juges, une déclaration d’impôt rectificative déposée après l’expiration du délai de déclaration constitue une réclamation fiscale.

Un contribuable qui souhaite obtenir réparation, devant le tribunal, d’erreurs commises dans l’assiette de son impôt doit, au préalable, déposer une réclamation devant l’administration fiscale. Une réclamation fiscale qui doit comporter plusieurs mentions obligatoires, notamment l’imposition contestée, l’exposé sommaire des motifs invoqués et la signature manuscrite du contribuable, et être accompagné de justificatifs tels que l’avis d’imposition. À ce titre, la question s’est posée de savoir si une déclaration d’impôt rectificative, déposée après l’expiration du délai de déclaration, constituait une telle réclamation ? Oui, a tranché le Conseil d’État. Et cette position vient d’être confirmée par la Cour administrative d’appel de renvoi. Dans cette affaire, une société avait adressé par courrier à l’administration fiscale une déclaration rectificative visant à obtenir la restitution d’un trop-versé d’impôt. Faute de remboursement, la société avait alors présenté une demande devant le tribunal. Mais ce dernier avait rejeté cette demande au motif que le courrier adressé à l’administration ne constituait pas une réclamation fiscale faute de comporter les mentions obligatoires requises. À défaut de réclamation préalable, la demande auprès du tribunal était donc irrecevable. Une analyse invalidée par les juges du Conseil d’État, puis de la Cour administrative d’appel de Marseille, qui ont estimé qu’une déclaration rectificative qui tend, par elle-même, à la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul de l’impôt constitue une réclamation fiscale lorsqu’elle a été déposée après le délai de déclaration.

Précision : les juges ont rappelé que l’absence de certaines mentions obligatoires, notamment la désignation de l’impôt, est régularisable et ne retire donc pas à la déclaration rectificative son caractère de réclamation.

Conseil d’État, 13 novembre 2024, n° 473814Cour administrative d’appel de Marseille, 18 octobre 2025, n° 24MA02922

Article publié le 09 octobre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Daniel Grill

Éligibilité au mécénat d’une association gérant une caisse de grève

Une association gérant une caisse de grève qui octroie des aides à tous les salariés grévistes sans tenir compte de leur situation financière n’exerce pas une activité à caractère social ou humanitaire.

Certaines associations peuvent délivrer des reçus fiscaux à leurs donateurs, particuliers et entreprises, afin que ceux-ci bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Ainsi en est-il notamment des associations d’intérêt général ayant un caractère social ou humanitaire. Dans une affaire récente, l’administration fiscale avait refusé de reconnaître à une association gérant une caisse de grève la possibilité de faire bénéficier ses donateurs de la réduction d’impôt pour dons au motif que celle-ci n’exerçait pas une activité à caractère social ou humanitaire. Saisie de ce litige, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé cette décision.

Pas de caractère social ou humanitaire

Les juges ont, en effet, constaté que l’association recevait des dons qu’elle reversait à des salariés à condition qu’ils aient effectué au moins 2 jours de grève consécutifs afin de contester un projet de loi ou un projet d’accord national interprofessionnel. Ayant relevé que ces aides étaient distribuées à tous les grévistes, quelle que soit leur situation économique, y compris donc à ceux ne rencontrant pas de difficultés financières, les juges ont considéré que l’association n’exerçait pas une activité ayant un caractère social ou humanitaire. L’association soutenait également que son activité revêtait un caractère social car, conformément à ses statuts, elle avait mis en place un observatoire de la grève et réalisait des actions de soutien aux personnes victimes de discriminations, ainsi que des actions de sensibilisation auprès du public ou des autorités pour l’exercice effectif du droit de grève et la lutte contre les discriminations. Mais les juges ont estimé que les éléments rapportés par l’association n’étaient pas suffisants pour établir qu’elle exerçait réellement ces activités, à savoir :
– un communiqué, établi par l’association, indiquant qu’elle avait apporté une aide financière à des salariés « réprimés » par leur employeur sans établir toutefois si cette aide avait été versée en raison de l’existence d’une discrimination ou de leur participation à une grève ;
– la mise en ligne sur son site internet d’un questionnaire destiné aux donateurs, de la synthèse des informations récoltées via ce questionnaire et d’un document intitulé « actualités de la grève » ;
– l’organisation d’une réunion publique d’information portant sur les actions réalisées par l’association.

Cour administrative d’appel de Paris, 25 septembre 2025, n° 23PA05262

Article publié le 09 octobre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Copyright: Guillaume Louyot / Onickz Artworks

Quand un travailleur indépendant est, en réalité, salarié…

L’intention de recourir au travail dissimulé est établie dès lors que l’employeur s’abstient d’effectuer les déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales d’un travailleur indépendant qui, selon les juges, travaille, en réalité, dans le cadre d’une relation salariée.

Toute entreprise peut faire appel à un travailleur indépendant (un auto-entrepreneur, par exemple) dans le cadre, notamment, d’une prestation de services ou d’un contrat de sous-traitance. Mais attention, la relation existant entre l’entreprise et le travailleur indépendant doit se limiter à des liens « commerciaux » et ne pas aboutir à un lien de subordination juridique. Car en présence d’un tel lien, le contrat conclu entre l’entreprise et le travailleur indépendant peut être requalifié en contrat de travail par les juges. Dans cette situation, l’entreprise, alors considérée comme employeur, peut être condamnée à régler différentes indemnités au travailleur indépendant, alors considéré comme salarié, au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. Et elle peut aussi devoir lui régler une indemnité pour travail dissimulé…

Rappel : le a de subordination est le a par lequel l’employeur exerce un pouvoir de direction sur un salarié (pouvoir de donner des directives, de contrôler l’exécution du travail, de sanctionner…).

Absence de déclarations liées au salariat = travail dissimulé !

Dans une affaire récente, un travailleur indépendant avait conclu une convention de mandat avec un groupement d’assurances afin d’exercer les missions d’agent commercial. Plus de 4 ans après, il avait mis fin à la relation contractuelle qui le liait au groupement, puis demandé en justice la requalification de la convention de mandat en contrat de travail à durée indéterminée. Saisis du litige, les juges avaient fait droit à sa demande. Ils avaient en effet estimé que le travailleur indépendant exerçait ses missions sous la subordination du groupement d’assurances, et donc dans le cadre d’un contrat de travail : présence obligatoire à l’agence à des horaires précis, remontrances verbales, ordres et directives précis, paiement des cotisations sociales par le biais de commissions, etc. Les juges avaient alors condamné le groupement à payer au travailleur une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé d’un montant de 22 932 €. Une indemnité que le groupement avait contestée estimant que son intention de « recourir » au travail dissimulé n’avait pas été établie. Mais, amenée à se prononcer dans cette affaire, la Cour de cassation a confirmé la décision des juges d’appel. Pour ces derniers, l’absence de déclarations relatives à l’embauche, aux salaires et aux cotisations sociales du travailleur indépendant, qui, en réalité, travaillait dans le cadre d’une relation salariée, démontrait l’intention du groupement de recourir au travail dissimulé. Un groupement qui avait, en effet, cherché à s’exonérer de toutes les obligations liées au contrat de travail « en faisant appel volontairement à l’intéressé sous le statut d’auto-entrepreneur ».

Précision : l’indemnité forfaitaire due au salarié en cas de travail dissimulé est fixée à 6 mois de salaire.

Cassation sociale, 3 septembre 2025, n° 24-13180

Article publié le 02 octobre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Simon Ritzmann

Local commercial impropre à son usage et refus de paiement du loyer

Le locataire qui, en invoquant « l’exception d’inexécution », refuse de payer le loyer au motif que le local commercial est devenu impropre à son usage n’a pas à envoyer au bailleur une mise en demeure préalable.

Dans le cadre d’un contrat, une partie peut refuser d’exécuter son obligation lorsque l’autre partie n’exécute pas la sienne dès lors que cette inexécution est suffisamment grave. On parle « d’exception d’inexécution ». Ainsi, par exemple, dans un contrat de vente, l’acheteur est en droit de refuser de payer le prix tant que le vendeur ne lui a pas livré le bien. De même, dans un contrat de bail, le locataire peut refuser de payer le loyer lorsque le bailleur manque à son obligation de délivrer un local conforme à l’usage auquel il est destiné. À ce titre, les juges viennent de réaffirmer que le locataire peut se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser, à compter du jour où les locaux sont, en raison du manquement du bailleur à ses obligations, devenus impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, de payer les loyers sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable à ce dernier. Dans cette affaire, une société locataire avait cessé de payer les loyers en raison d’importantes infiltrations dans le local commercial. À l’appui de sa décision de refuser de payer les loyers, il avait invoqué l’exception d’inexécution. En effet, selon lui, le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance puisque le local était devenu impropre à l’usage auquel il était destiné et qu’il ne pouvait plus exploiter son activité commerciale tant que des travaux ne seraient pas réalisés. Le bailleur avait alors reproché à son locataire de ne pas lui avoir envoyé de mise en demeure préalablement à la cessation du paiement des loyers, ce qui l’empêchait de se prévaloir d’une exception d’inexécution.

Pas besoin d’une mise en demeure

Mais les juges ont donné raison au locataire. En effet, ils ont rappelé que le locataire peut refuser de payer le loyer à compter du jour où le local devient impropre à son usage en raison du manquement du bailleur à ses obligations. Et que cette exception d’inexécution joue sans avoir à envoyer une mise en demeure préalable.

Cassation civile 3e, 18 septembre 2025, n° 23-24005

Article publié le 01 octobre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : worldofstock

Pouvoir de licencier dans une association

Le licenciement prononcé par le président d’une association qui a été irrégulièrement désigné reste valable.

Les tribunaux sont régulièrement saisis de litiges liés à des licenciements prononcés dans des associations. Le plus souvent, les salariés contestent la compétence de l’organe (président, conseil d’administration, directeur général…) signataire de leur lettre de licenciement puisqu’un licenciement prononcé par un organe ne disposant pas du pouvoir de licencier est déclaré sans cause réelle et sérieuse par les juges. Ainsi, dans une affaire récente, le directeur d’une association, licencié pour motif économique, avait saisi les tribunaux afin de faire déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il soutenait que le président de l’association, qui avait prononcé son licenciement, avait été irrégulièrement désigné par le conseil d’administration, et qu’en conséquence, il n’était pas compétent pour prendre cette décision.

Un licenciement valablement prononcé

Cette argumentation avait été suivi par les juges de la cour d’appel. En effet, ils avaient estimé que la composition du conseil d’administration de l’association, qui comptait 11 membres au lieu de 12 comme le prévoyait les statuts, n’était pas régulière et qu’en conséquence, la nomination du président par le conseil d’administration était, elle aussi, irrégulière. Ils en avaient déduit que le président n’était pas valablement investi de ses pouvoirs, notamment de celui de licencier, et que le licenciement du salarié n’était pas valable. Mais la Cour de cassation a rejeté cette solution, estimant que le salarié ne pouvait pas se fonder sur la désignation irrégulière du titulaire du pouvoir de licencier pour contester ce pouvoir. Elle a donc considéré que le licenciement du salarié avait été valablement prononcé.

Cassation sociale, 6 mai 2025, n° 23-21373

Article publié le 26 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Hybrid Images

Quant au droit de se taire lors d’un entretien préalable au licenciement

L’employeur n’est pas tenu d’informer un salarié de son droit de se taire au cours d’un entretien préalable au licenciement.

L’employeur qui envisage de licencier un salarié ou de recourir à une sanction disciplinaire doit, en principe, le convoquer à un entretien préalable. Un entretien durant lequel l’employeur fait état des motifs qui le poussent à considérer une telle mesure et recueille les explications du salarié. Mais cette procédure obéit à certaines règles ! Ainsi, par exemple, (ne s’applique pas pour les sanctions disciplinaires) la lettre de convocation doit mentionner l’objet de l’entretien ainsi que la possibilité donnée au salarié de se faire assister (autre salarié de l’entreprise, conseiller extérieur…). Et récemment, le Conseil constitutionnel a dû répondre à la question suivante : l’employeur est-il tenu d’informer le salarié de son droit de se taire lors d’un entretien préalable ?

Pas d’obligation d’information !

Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont récemment saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité : les règles du Code du travail relatives à l’entretien préalable, qui ne prévoient pas d’information du salarié sur son droit de se taire durant l’entretien, sont-elles inconstitutionnelles ? Et ce, au motif qu’elles méconnaîtraient le principe constitutionnel selon lequel « nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire ». Mais pour le Conseil constitutionnel, ce principe ne s’applique que dans le cadre d’une sanction ayant un caractère de punition traduisant l’exercice de prérogatives de puissance publique. Il n’est pas de mise dans une relation de droit privé, telle que la relation qui existe entre un employeur et un salarié. En conséquence, les règles du Code du travail liées à l’entretien préalable ne sont pas inconstitutionnelles. Et les employeurs ne sont pas tenus d’informer leurs salariés de leur droit de se taire au cours d’un entretien préalable.

Conseil constitutionnel, QPC du 19 septembre 2025, décision n° 2025-1160/1161/1162

Article publié le 26 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : PeopleImages.com – #2597794

Documents de fin de contrat : attention à leur remise tardive !

Le salarié privé de préavis en raison de son licenciement pour faute grave doit se voir remettre ses documents de fin de contrat à la date de notification de son licenciement.

Lorsqu’un salarié quitte l’entreprise, quel qu’en soit le motif (démission, licenciement, rupture conventionnelle homologuée…), son employeur doit lui remettre des documents de fin de contrat, à savoir un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée à faire valoir ses droits auprès de France Travail. Mais en la matière, le Code du travail se « contente » d’indiquer que ces documents doivent être transmis au salarié à l’expiration de son contrat de travail, sans accorder de délai particulier aux employeurs. Une situation qui peut poser certaines difficultés, en particulier lorsque le dernier bulletin de paie du salarié n’est pas encore établi lorsqu’il quitte l’entreprise, et donner lieu à des contentieux. À ce titre, la Cour de cassation a récemment précisé la date à laquelle le salarié qui n’exécute pas de préavis, avant son départ de l’entreprise, doit se voir remettre ses documents de fin de contrat.

Dès la notification de licenciement !

Dans une affaire récente, une salariée qui occupait les fonctions de voyageur, représentant et placier avait été licenciée pour faute grave. Elle avait saisi la justice pour contester son licenciement et obtenir diverses indemnités de son employeur. Parmi ces indemnités, elle sollicitait le paiement de dommages et intérêts (4 000 €) en raison de la transmission tardive, par son employeur, de ses documents de fin de contrat, soit près de 2 mois après la date de son licenciement. Amenée à se prononcer dans ce litige, la Cour d’appel de Montpellier n’avait pas fait droit à sa demande. Elle a en effet considéré que, compte tenu de la durée de la période de préavis normalement applicable à la salariée, à savoir 3 mois, la remise des documents de fin de contrat, intervenue seulement 2 mois après la fin de la relation de travail, ne pouvait pas être considérée comme tardive. Mais la Cour de cassation n’a pas retenu ce raisonnement. Pour elle, lorsqu’un salarié est privé de préavis en raison de son licenciement pour faute grave, il doit obtenir ses documents de fin de contrat dès la rupture de son contrat, c’est-à-dire à la date de notification de son licenciement.

Précision : l’affaire sera de nouveau examinée par les juges d’appel qui, le cas échéant, fixeront le montant des dommages et intérêts à régler à la salariée pour indemniser le préjudice subi du fait de la remise tardive de ses documents de fin de contrat.

Cassation sociale, 3 septembre 2025, n° 24-16546

Article publié le 26 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : miniseries

Retrait d’un associé d’une SCP et droit aux bénéfices

L’associé qui se retire d’une société civile professionnelle a droit aux bénéfices jusqu’au remboursement intégral de ses parts sociales.

Lorsqu’un associé se retire d’une société civile professionnelle (SCP), il a le droit de percevoir sa part de bénéfices tant que ses parts sociales ne lui sont pas intégralement remboursées. C’est ce que la Cour de cassation a, une nouvelle fois, affirmé dans l’affaire récente suivante. Un notaire associé dans une SCP avait notifié à la société sa volonté de se retirer de l’étude le 31 mars 2016 et avait demandé le remboursement de ses parts sociales. À cette date, l’intéressé avait donc quitté la société, son retrait ayant été officiellement prononcé par un arrêté du Garde des Sceaux publié le 27 décembre suivant. Et ce n’est que le 17 février 2017 que la société avait procédé au remboursement de ses parts sociales. Le notaire avait alors réclamé à la société le paiement de sa quote-part dans les bénéfices réalisés au titre de l’année 2016 ainsi que celle dans les bénéfices réalisés au titre de l’année 2017 jusqu’au remboursement de ses parts (donc jusqu’au 17 février 2017).

Le droit aux bénéfices jusqu’au remboursement des parts

Les juges lui ont donné gain de cause. En effet, ils ont affirmé que le notaire, qui exerce sa faculté de retrait, conserve ses droits patrimoniaux tant qu’il n’a pas obtenu le remboursement intégral de la valeur de ses parts sociales. Il a donc droit à la rétribution de ses apports en capital et à sa quote-part des bénéfices distribués tant qu’il demeure titulaire de ses parts.

Précision : l’associé qui se retire d’une SCP perd sa qualité d’associé à une date qui varie selon la profession considérée. Pour les notaires, cette date est celle de la publication au Journal officiel d’un arrêté du Garde des Sceaux prononçant le retrait de l’associé.

Cassation civile 1re, 9 avril 2025, n° 23-21102

Article publié le 25 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : LaylaBird