Insuffisance d’actif : quelles dettes peuvent être mises à la charge du dirigeant fautif ?

Dans le cadre d’une action en responsabilité contre le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, seules les dettes nées avant le jugement d’ouverture peuvent être prises en compte.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif (c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société. Sachant que seules les dettes nées avant le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire peuvent être prises en compte pour déterminer l’insuffisance d’actif. Les dettes qui naissent après le jugement n’ont donc pas à entrer dans le passif pris en compte pour calculer le montant de l’insuffisance d’actif. C’est ce que les juges ont rappelé récemment pour des sommes correspondant aux frais de recouvrement de comptes clients et de ventes aux enchères, ces frais étant nécessairement postérieurs au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire et ne pouvaient donc pas être pris en compte pour le calcul de l’insuffisance d’actif.

Rappel : une simple négligence ne peut pas être retenue à l’encontre d’un dirigeant pour mettre en jeu sa responsabilité et lui faire payer personnellement une partie des dettes de la société.

Cassation commerciale, 23 octobre 2024, n° 23-15365

Article publié le 29 novembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : opolja / Getty Images

Reprise des actes accomplis pour le compte d’une société en formation

L’assouplissement de la procédure de reprise des actes accomplis par les futurs associés pour le compte d’une société en formation est confirmé. Un acte peut désormais être valablement repris par une société en formation dès lors que la commune intention des parties était de le conclure pour le compte de celle-ci même si cet acte ne le mentionne pas expressément.

Lorsqu’elle est en cours de formation, une société n’a pas encore la personnalité morale car elle n’a pas encore d’existence juridique. Elle n’a donc pas la capacité juridique d’accomplir des actes tant qu’elle n’est pas immatriculée au Registre du commerce et des sociétés (RCS). Par conséquent, ce sont les futurs associés qui accomplissent les actes qui sont nécessaires à la création de la société et au démarrage de son activité (signature d’un bail, souscription d’un prêt…) pour le compte de celle-ci. Et ces actes doivent, une fois que la société est immatriculée au RCS, être repris par celle-ci. Ils sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. À ce titre, jusqu’à maintenant, pour que la reprise de ces actes soit valable, il fallait que les futurs associés inscrivent expressément qu’ils étaient conclus « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation. Et attention, les tribunaux considéraient que les actes qui ne comportaient pas cette mention précise ne pouvaient pas être repris. Du coup, le fondateur ayant conclu ces actes était personnellement tenu des obligations qui en résultaient.

La commune intention des parties de conclure l’acte pour le compte de la société

Mais en novembre 2023, la Cour de cassation a assoupli sa position en n’exigeant plus ce formalisme rigoureux. Ainsi, désormais, elle considère qu’il appartient au juge d’apprécier si, au regard des mentions figurant dans l’acte et aussi de l’ensemble des circonstances, la commune intention des parties n’était pas que l’acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation. Le fait de ne pas mentionner dans l’acte qu’il est conclu « au nom » ou « pour le compte » de la société n’est donc plus rédhibitoire. Cette position vient d’être confirmée dans deux décisions récentes. Dans une première affaire, une personne avait demandé, par une lettre de mission, à une société de conseil de réaliser une étude dans le cadre de la création d’une entreprise, puis elle avait créé une SAS immatriculée ensuite au RCS. Par la suite, la société de conseil avait demandé le paiement de sa prestation à la SAS. Saisis du litige, les juges ont considéré que la SAS était bien redevable de la facture. En effet, ils ont estimé qu’il apparaissait que, dans la lettre de mission, le fondateur de la SAS s’était engagé dans le seul intérêt de celle-ci, et ce d’autant plus qu’il avait incité la société de conseil à remplacer son nom par celui de la SAS sur la facture. Dans la deuxième affaire, un contrat de vente avait été conclu par le fondateur d’une société, le contrat indiquant que l’acquéreur était une société. Après qu’elle a été immatriculée, la société avait demandé l’annulation de ce contrat, faisant valoir qu’il n’avait pas été conclu pour son compte. En vain, car les juges ont relevé que les statuts de la société prévoyaient que l’associé unique conclurait la vente pour le compte de la société et que l’immatriculation de celle-ci avait donc emporté la reprise de ce contrat par la société.

Cassation commerciale, 9 octobre 2024, n° 23-12401Cassation civile 3e, 17 octobre 2024, n° 22-21616

Article publié le 18 novembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : DR

Cession d’actions : l’ordre de mouvement peut résulter d’un formulaire Cerfa

Le formulaire Cerfa n° 2759, qui comporte toutes les informations nécessaires à la société pour qu’elle inscrive une cession d’actions sur le registre des mouvements de titres et sur le compte-titres de l’acquéreur, peut valoir ordre de mouvement.

En cas de cession d’actions, un ordre de mouvement de titres doit être établi et signé par le cédant, puis remis à la société. Ce document permet à la société de transcrire la cession sur le registre des mouvements de titres et d’inscrire les actions cédées sur le compte-titres de l’acquéreur, ce qui entraîne leur transfert de propriété. Cet ordre de mouvement n’est soumis à aucune forme particulière. Il peut donc être délivré à la société par une simple lettre pour peu qu’elle comporte toutes les informations nécessaires. Sachant que lorsque la cession des actions n’est pas constatée dans un acte écrit, elle doit être déclarée à l’administration fiscale, dans un délai d’un mois, au moyen du formulaire Cerfa n° 2759.

Le formulaire vaut ordre de mouvement

À ce titre, dans une affaire récente, les juges ont considéré que ce formulaire Cerfa, qui comporte toutes les informations nécessaires à la société pour qu’elle inscrive la cession sur le registre des mouvements de titres et sur le compte-titres de l’acquéreur, peut valoir ordre de mouvement. Dans cette affaire, l’associé d’une société par actions simplifiée et l’acquéreur des actions de celui-ci avaient signé un formulaire Cerfa pour déclarer la cession à l’administration fiscale. Cette cession avait été inscrite sur le registre des mouvements de titres de la société et sur le compte-titres de l’acheteur. Mais quelques mois plus tard, l’associé cédant avait contesté la validité de la cession au motif qu’un ordre de mouvement de titres n’avait pas été établi. Saisi du litige, les juges n’ont pas été de cet avis, ayant estimé que le formulaire Cerfa, signé par le cédant et comportant toutes les informations nécessaires, valait ordre de mouvement de titres. Le transfert de propriété avait donc bien eu lieu et la cession des actions était régulière.

À noter : dans cette affaire, l’argument selon lequel les statuts de la société prévoyaient que le transfert des actions devait s’opérer par un ordre de mouvement signé par le cédant a été indifférent aux yeux des juges puisque aucun texte législatif ou réglementaire ne régit la forme et le contenu de ce document, ce dernier pouvant donc résulter du formulaire Cerfa.

Cassation commerciale, 18 septembre 2024, n° 22-18436

Article publié le 15 novembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024

Responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif : pas en cas de simple négligence !

Un dirigeant de société en liquidation judiciaire ne peut être condamné pour insuffisance d’actif que lorsqu’il a commis une faute de gestion qui n’est pas une simple négligence.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif (c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société. Sachant qu’une simple négligence ne peut pas être retenue à l’encontre d’un dirigeant pour mettre en jeu sa responsabilité et lui faire payer personnellement une partie des dettes de la société. Du coup, pour condamner un dirigeant pour ce motif, il convient de démontrer qu’il a commis une faute de gestion qui ne soit pas une simple négligence.

Faute de gestion ou simple négligence ?

À ce titre, dans une affaire récente, le dirigeant d’une société mise en liquidation judiciaire avait fait l’objet d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif. Il lui était reproché d’avoir tenu une comptabilité incomplète, irrégulière ou fictive dans la mesure où il avait transmis au liquidateur judiciaire des éléments comptables insuffisants à démontrer qu’il s’était, en sa qualité de dirigeant, acquitté des obligations comptables légales mises à sa charge, le liquidateur restant dans l’attente de la transmission du bilan 2015 et du grand livre de l’exercice 2016. Mais pour la Cour de cassation, ces motifs n’étaient pas suffisants pour caractériser des fautes de gestion qui ne soient pas une simple négligence dans la gestion de la société. La responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif ne pouvait donc pas être mise en jeu pour ces motifs.

Cassation commerciale, 2 octobre 2024, n° 23-15995

Article publié le 07 novembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : RIDVAN CELIK

Cession d’actions : gare à l’inscription en compte des actions acquises !

En cas de cession d’actions, le transfert de propriété intervient à compter de la date à laquelle ces actions sont inscrites sur le compte individuel de l’acheteur ou sur le registre de titres nominatifs de la société. Si cette inscription n’est pas effectuée, l’acheteur n’a pas la qualité d’associé.

Dans une affaire récente, l’associé d’une société par actions simplifiée (SAS) avait cédé une partie de ses actions à des époux. Deux ans plus tard, ces derniers avaient saisi la justice afin de faire désigner un mandataire ad hoc chargé de convoquer une assemblée générale. Le cédant avait alors estimé que cette action n’était pas recevable car, selon lui, les époux n’avaient pas la qualité d’associé puisque le prix des actions n’avait pas été payé et qu’aucun ordre de mouvement n’était intervenu. Saisie du litige, la cour d’appel avait considéré, au contraire, que la vente était parfaite puisque les parties étaient d’accord sur la chose et sur le prix, peu important que ce prix n’ait pas été payé. En outre, ils ont relevé que les statuts de la société avaient été modifiés pour mentionner que les époux étaient associés et que ces derniers avaient, par la suite, été convoqués aux assemblées générales de la société en leur qualité d’associés.

C’est l’inscription des actions qui compte

Mais, saisie à son tour, la Cour de cassation a censuré cette décision. Pour elle, il aurait fallu regarder si les actions considérées avaient été inscrites au compte individuel des acheteurs ou sur le registre de titres nominatifs de la société. Car c’est cette inscription qui détermine le transfert de propriété des actions, l’acheteur des actions acquérant la qualité d’actionnaire à la date effective de cette inscription par la société émettrice.

Attention : les acquéreurs d’actions ont intérêt à s’assurer que la société a bien procédé à l’inscription de ces actions à leur compte individuel ou sur son registre de titres nominatifs.

Cassation commerciale, 18 septembre 2024, n° 23-10455

Article publié le 28 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : baranozdemir / Getty Images

Procédure de conciliation : l’entreprise n’a pas à être déclarée en défaut !

Une banque n’est pas en droit d’effectuer une déclaration de défaut à la Banque de France pour une entreprise qui fait l’objet d’une procédure de conciliation car l’ouverture d’une telle procédure est une information confidentielle.

La procédure de conciliation a pour objet de permettre à une entreprise en difficulté économique ou financière de conclure avec ses principaux créanciers, avec l’aide d’un conciliateur désigné par le tribunal, un accord amiable destiné à mettre fin à ses difficultés. Cette procédure est ouverte à toute entreprise (sauf agricole) qui éprouve des difficultés avérées ou prévisibles et qui ne se trouve pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Elle est déclenchée à l’initiative du chef d’entreprise lui-même, qui saisit à cette fin le président du tribunal. Gros avantage de la procédure de conciliation, elle est gouvernée par un principe de confidentialité. Ainsi, l’ouverture d’une telle procédure ne donne lieu à aucune publicité. Et toute personne appelée à la conciliation ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité. Ainsi, en raison de cette confidentialité, une banque qui apprend qu’une entreprise fait l’objet d’une procédure de conciliation n’a pas à la déclarer en défaut à la Banque de France. C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Une entreprise avait fait l’objet d’une procédure de conciliation à laquelle avaient participé ses principaux créanciers, notamment les crédits-bailleurs auprès desquels elle avait acheté des véhicules à crédit. Par la suite, la banque société-mère des crédits-bailleurs avait déclaré cette entreprise en défaut auprès de la Banque de France, laquelle avait dégradé le niveau de cotation de l’entreprise dans le fichier bancaire des entreprises (Fiben). L’entreprise avait alors agi en référé contre la banque pour obtenir la mainlevée de l’inscription de défaut, faisant valoir que cette dernière ne pouvait lui reprocher aucun incident de paiement et invoquant le caractère confidentiel de l’ouverture de la procédure de conciliation.

Une information confidentielle pour tous

Les juges lui ont donné gain de cause. Ils ont d’abord rappelé que la confidentialité de la procédure de conciliation est opposable à toute personne qui, par ses fonctions, en a connaissance. Pour eux, cette confidentialité était donc opposable à la banque même si elle ne faisait pas partie des créanciers appelés à la procédure de conciliation. Ensuite, les juges ont affirmé que l’ouverture d’une procédure de conciliation, qui n’est pas un signe d’absence probable de paiement d’une créance par l’entreprise qui en fait l’objet, est une information confidentielle qu’en l’occurrence la banque ne pouvait pas utiliser pour justifier une déclaration de défaut auprès de la Banque de France, peu importe que cette information lui avait été révélée par l’entreprise elle-même. Les juges ont donc considéré qu’en ayant procédé à une telle déclaration de défaut, la banque avait causé à l’entreprise un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser.

Cassation commerciale, 3 juillet 2024, n° 22-24068

Article publié le 10 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : bombermoon / Getty images

Une entreprise en redressement judiciaire doit mentionner toutes les créances

Une entreprise placée en redressement judiciaire a l’obligation de porter les créances impayées à la connaissance du mandataire judiciaire, y compris celles dont elle conteste l’existence.

Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire), elle doit porter à la connaissance du mandataire judiciaire (ou du liquidateur judiciaire) les sommes dont elle est redevable à l’égard de ses créanciers. Cette obligation vaut également pour les créances dont elle conteste l’existence. Et d’ailleurs, le fait de porter une créance à la connaissance du mandataire judiciaire ne signifie pas que l’entreprise reconnaît le bien-fondé de cette créance, de sorte qu’elle peut ultérieurement la contester. Ainsi, dans une affaire récente, une société avait été condamnée à payer une somme d’argent à une autre, une compensation ayant été ordonnée entre cette somme et une somme antérieurement versée par la première à la seconde au titre de dépôts de garantie. Mais la société avait contesté être débitrice d’une quelconque somme d’argent et avait donc fait appel de ce jugement. Par la suite, lorsqu’elle avait été placée en redressement judiciaire, elle n’avait pas mentionné l’entreprise créancière dans la liste des créanciers transmise au mandataire judiciaire. L’entreprise créancière, qui, du coup, n’avait pas déclaré sa créance dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, avait demandé au juge-commissaire à être relevée de forclusion, c’est-à-dire à pouvoir la déclarer hors délai. Et les juges lui ont donné gain de cause. En effet, ils ont constaté qu’elle ne figurait pas sur la liste des créanciers et que sa demande de relevé de forclusion devait donc être accueillie, la société débitrice ne pouvant pas valablement soutenir qu’elle n’avait pas à la mentionner sur la liste de ses créanciers au motif qu’il ne pouvait lui être imposé de déclarer pour le compte d’un créancier une créance dont elle contestait l’existence.

Cassation commerciale, 3 juillet 2024, n° 23-15715

Article publié le 23 septembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : krisanapong detraphiphat / Getty images

Insaisissabilité de la résidence principale : et en cas de cessation d’activité ?

La résidence principale d’un entrepreneur individuel placé en liquidation judiciaire est insaisissable par ses créanciers professionnels même après qu’il a cessé son activité professionnelle.

Vous le savez : la résidence principale d’un entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit par ses créanciers professionnels. Elle ne peut donc pas être saisie par ces derniers lorsque l’entrepreneur individuel connaît des difficultés économiques et, notamment, lorsqu’il fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Mais qu’en est-il lorsque l’entrepreneur cesse son activité et est placé ensuite en liquidation judiciaire ? La protection de sa résidence principale joue-t-elle encore dans ce cas ? La Cour de cassation a répondu par l’affirmative à cette question il y a quelques jours. Dans cette affaire, un artisan avait cessé son activité professionnelle le 5 décembre 2017, date à laquelle il avait été radié du répertoire des métiers. Le 4 septembre 2018, il avait été placé en redressement judiciaire, puis le 2 octobre suivant, en liquidation judiciaire. Pour pouvoir payer les dettes des créanciers de l’entrepreneur, le liquidateur judiciaire avait alors demandé que le logement de ce dernier, dont il était propriétaire avec son épouse, soit vendu aux enchères. Les époux avaient alors fait valoir que ce logement constituait leur résidence principale et qu’il était donc insaisissable par les créanciers professionnels si bien que le liquidateur ne pouvait pas demander sa mise en vente. Mais pour la cour d’appel, dans la mesure où cet artisan avait cessé son activité 9 mois avant l’ouverture de la procédure collective, sa résidence principale ne bénéficiait plus de l’insaisissabilité.

L’activité cesse, l’insaisissabilité subsiste

Censure de la Cour de cassation qui a rappelé que l’insaisissabilité de la résidence principale d’un entrepreneur individuel s’applique à l’égard des créanciers dont la créance naît à l’occasion de son activité professionnelle. Par conséquent, les effets de l’insaisissabilité subsistent aussi longtemps que ces créanciers ne sont pas payés, et ce quand bien même l’entrepreneur n’exerce plus son activité au moment où la saisie de la résidence principale est demandée. Dans cette affaire, le logement de cet artisan ne pouvait donc pas être vendu dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Cassation commerciale, 11 septembre 2024, n° 22-13482

Article publié le 19 septembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Jose Luis Stephens

Quand le conjoint d’un associé renonce à la qualité d’associé

L’époux d’un associé qui a apporté des biens communs à une SARL ou à une société civile telle qu’un Gaec a le droit de revendiquer lui-même la qualité d’associé. Mais lorsqu’il renonce à devenir associé, sa renonciation est irrévocable, sauf si l’unanimité des associés consent à lui reconnaître cette qualité.

Dans les SARL, dans les sociétés en nom collectif et dans les sociétés civiles, le conjoint d’un associé qui a utilisé des biens communs du couple pour faire un apport à la société ou pour souscrire des parts sociales a le droit de revendiquer lui-même la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales correspondantes.

En pratique : pour exercer ce droit, le conjoint, après en avoir été averti, doit notifier à la société son intention d’être personnellement associé.

Bien entendu, le conjoint peut renoncer à revendiquer cette qualité. Et attention, une fois qu’il y a renoncé, il ne peut plus, en principe, revenir sur sa décision. Toutefois, par exception, les juges viennent d’admettre que le conjoint renonçant puisse par la suite devenir associé, à sa demande, lorsque l’unanimité des associés en est d’accord. Dans cette affaire, un groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) avait été constitué entre un père et son fils avec des biens communs du couple. Dans un premier temps, l’épouse avait renoncé à la qualité d’associé du Gaec, cette renonciation ayant été inscrite dans les statuts. Mais quelques années plus tard, elle avait changé d’avis et demandé à avoir cette qualité, ce que les associés du Gaec avaient unanimement accepté. Par la suite, les rapports entre les époux s’étant dégradés, le mari avait contesté l’acquisition par son épouse de la qualité d’associé du Gaec, faisant valoir que la renonciation de celle-ci à devenir associé était irrévocable.

L’accord unanime des associés

La Cour de cassation, devant laquelle le litige avait fini par être porté, a d’abord rappelé que l’épouse ne pouvait pas, en effet, revenir sur sa décision, claire et non équivoque, de renoncer à la qualité d’associé. Mais ensuite, elle a considéré que la renonciation par l’épouse à devenir associé au moment de l’apport de biens communs réalisé à la société par son conjoint n’avait pas fait obstacle à ce que l’unanimité des associés lui reconnaisse ultérieurement, à sa demande, cette qualité.

Cassation commerciale, 19 juin 2024, n° 22-15851

Article publié le 05 septembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Starvetiger / Getty images

Les tribunaux des activités économiques en expérimentation à compter de 2025

Douze tribunaux des activités économiques, compétents notamment pour traiter des difficultés des entreprises, seront mis en place à titre expérimental à compter du 1er janvier 2025.

La loi de programmation de la justice du 20 novembre 2023 avait prévu de transformer, à titre expérimental pendant une durée de 4 ans, un certain nombre de tribunaux de commerce en « tribunaux des activités économiques » (TAE) ayant une compétence élargie notamment en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises. La liste des tribunaux de commerce concernés a été récemment dévoilée et quelques précisions en la matière ont été apportées.

Compétence des tribunaux des activités économiques

Plus précisément, les TAE seront compétents pour connaître des procédures d’alerte, des procédures amiables (mandat ad hoc, procédure de conciliation, règlement amiable pour les exploitants agricoles) et des procédures collectives (procédure de sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire) dont feront l’objet les entreprises en difficulté ayant leur siège dans leur ressort, et ce quels que soient leur statut (entreprise individuelle, professionnel libéral, société commerciale ou civile, groupement agricole, association) et leur activité (commerciale, artisanale, libérale, agricole).

Exception : les professions réglementées du droit (avocats, notaires, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires) continueront à relever des tribunaux judiciaires.

Les TAE auront également vocation à connaître des actions et des contestations relatives aux baux commerciaux lorsqu’elles seront nées d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ou en lien avec une telle procédure.

Les tribunaux de commerce concernés

Les douze tribunaux de commerce qui deviendront des TAE à compter du 1er janvier 2025 sont ceux de Marseille, du Mans, de Limoges, de Lyon, de Nancy, d’Avignon, d’Auxerre, de Paris, de Saint-Brieuc, du Havre, de Nanterre et de Versailles. Les procédures ouvertes à compter de cette date, et pendant une durée de 4 ans, relèveront donc de ces TAE. Parallèlement, les tribunaux judiciaires dont le ressort correspond à celui des TAE ne seront plus compétents.

Rappel : les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des difficultés des sociétés civiles, des professionnels libéraux, des exploitants agricoles à titre individuel, des sociétés civiles d’exploitation agricole et des groupements agricoles (Gaec, GFA) et des associations.

L’information des justiciables

Les douze juridictions concernées veilleront à informer les justiciables, les auxiliaires de justice et les instances locales représentatives des entreprises de la date du début de cette expérimentation et de son contenu, en particulier s’agissant de la compétence des TAE. En pratique, une documentation sera mise à disposition du public au greffe du TAE, au service d’accueil unique du justiciable au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel le TAE a son siège ainsi que par voie électronique.

Le paiement d’une contribution financière

Le montant de la contribution financière éventuellement due par les justiciables pour agir devant le TAE n’a pas encore été fixé, le décret prévu en la matière n’étant pas encore paru.

Décret n° 2024-674 du 3 juillet 2024, JO duArrêté du 5 juillet 2024, JO du 6

Article publié le 26 août 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Vitfoto / Getty images