Annoncer un licenciement oralement : attention danger !

L’employeur doit impérativement attendre d’avoir envoyé la lettre de licenciement au salarié pour lui annoncer oralement cette décision.

L’employeur qui envisage le licenciement d’un salarié doit le convoquer à un entretien préalable. S’il prend finalement la décision de le licencier, il doit alors attendre 2 jours ouvrables après cet entretien avant de l’informer de son licenciement par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en main propre contre décharge. L’employeur peut-il informer oralement un salarié de son licenciement ? Surtout pas, car tout licenciement verbal est sans cause réelle et sérieuse. Une nuance, cependant : le licenciement qui est annoncé de vive voix au salarié est valable si l’employeur lui a déjà envoyé la lettre de licenciement par recommandée avec avis de réception. Néanmoins, comme en témoigne une affaire récente, si le fait de prévenir oralement le salarié de son licenciement avant qu’il ne reçoive sa lettre de licenciement peut partir d’une bonne intention, il vaut mieux s’en abstenir en pratique pour éviter tout risque de contentieux. Ainsi, un employeur avait, le même jour, envoyé par la poste la lettre de licenciement au salarié et lui avait téléphoné pour l’informer de son licenciement et lui demander de ne pas venir travailler le lendemain. Le salarié avait alors prétendu avoir fait l’objet d’un licenciement verbal. Saisie du litige, la Cour d’appel avait considéré que le licenciement était verbal, et donc sans cause réelle et sérieuse, car l’annonce du licenciement par téléphone et l’envoi de la lettre par la poste avaient eu lieu le même jour. Une décision que la Cour de cassation a annulée. En effet, ses juges ont rappelé que la rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur manifeste sa volonté d’y mettre fin, soit au moment où il expédie la lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Dans cette affaire, la cour d’appel aurait donc dû déterminer à quel moment l’employeur avait posté la lettre de licenciement : avant ou après sa conversation téléphonique avec le salarié. Si c’était avant, le licenciement est valable ; si c’était après, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Cassation sociale, 28 septembre 2022, n° 21-15606

Article publié le 07 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Un licenciement économique sans difficultés économiques ?

Les employeurs peuvent procéder à des licenciements économiques pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise et ainsi prévenir des difficultés économiques.

Le Code du travail permet aux employeurs d’engager des licenciements économiques, en particulier lorsqu’ils doivent faire face à des difficultés comme une baisse significative de leur chiffre d’affaires ou de leurs commandes, des pertes d’exploitation ou encore une dégradation de leur trésorerie. Mais ils peuvent aussi recourir à de tels licenciements en vue de procéder à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Et ce, même si cette dernière ne rencontre pas de difficultés économiques, comme viennent de le rappeler les juges de la Cour de cassation. Dans cette affaire, une salariée occupait un poste d’ingénieur méthode au sein d’un groupe bancaire. Dans le cadre d’une réorganisation des services technologiques et informatiques du groupe, visant à sauvegarder la compétitivité de ce secteur d’activité, la salariée avait été licenciée pour motif économique. Mais elle avait contesté en justice le motif de son licenciement, en raison, notamment, des bons résultats financiers du groupe. Saisie du litige, la Cour de cassation a rappelé que l’employeur peut procéder à des licenciements économiques dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise visant à sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi. Et que la nécessité de sauvegarder cette compétitivité n’était pas subordonnée à l’existence de difficultés économiques. En l’occurrence, pour les juges, les mutations technologiques liées à la dématérialisation des activités bancaires et financières, qui avaient contraint tous les acteurs du secteur à se moderniser, avaient obligé le groupe bancaire à se réorganiser afin d’anticiper des difficultés économiques prévisibles. Le licenciement de la salariée pour motif économique était donc fondé.

Cassation sociale, 28 septembre 2022, n° 21-13452

Article publié le 27 octobre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Licenciement économique : il n’y a pas que le chiffre d’affaires qui compte !

Amenés à se prononcer sur la réalité du motif économique d’un licenciement, les juges ne doivent pas seulement se baser sur la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires subie pas l’entreprise, mais aussi sur les autres éléments invoqués par l’employeur.

Les employeurs sont autorisés à procéder à des licenciements pour motif économique, notamment lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Et si le Code du travail précise bien ce qu’il faut entendre par une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires (cette baisse, comparée à la même période de l’année précédente, doit être constatée pendant au moins un, deux, trois ou quatre trimestres consécutifs selon l’effectif de l’entreprise), il ne dit rien quant à l’appréciation des autres critères (pertes d’exploitation, dégradation de la trésorerie…). Mais cela ne dispense pas les juges d’en tenir compte !Dans une affaire récente, un employeur avait licencié économiquement un salarié en invoquant une baisse de chiffre d’affaires et des commandes, des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social et un niveau d’endettement s’élevant à 7,5 M€. Toutefois, le salarié avait contesté en justice le motif économique de son licenciement. Saisie du litige, la Cour d’appel de Colmar avait donné raison au salarié. Les juges avaient estimé que l’employeur n’avait pas apporté la preuve des difficultés économiques subies par l’entreprise. Et pour cause, il n’avait pas justifié d’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires durant trois trimestres consécutifs (comme l’exige le Code du travail pour les entreprises comptant au moins 50 et moins de 300 salariés). Mais la Cour de cassation, elle, n’en est pas restée là. Selon elle, si la réalité de la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes de l’entreprise n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques cités par le Code du travail, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie. Et, à ce titre, l’employeur avait bien invoqué des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social et un niveau d’endettement important… Les juges d’appel seront donc de nouveau appelés à examiner l’affaire.

Cassation sociale, 21 septembre 2022, n° 20-18511

Article publié le 06 octobre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Harcèlement : l’enquête interne de l’employeur peut-elle servir de preuve ?

Le rapport de l’enquête menée par l’employeur, informé de faits de harcèlement, peut, sauf investigations illicites, être produit en justice pour prouver le comportement fautif d’un salarié.

L’employeur est tenu de préserver la santé de ses salariés et de s’assurer de leur sécurité. À ce titre, il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques professionnels dans l’entreprise, y compris le risque de harcèlement moral et/ou sexuel. En pratique, lorsqu’il est alerté par un salarié, par les représentants du personnel ou par le médecin du travail de faits susceptibles de constituer une situation de harcèlement, l’employeur doit mener une enquête. Cette enquête pouvant être diligentée en interne ou par un organisme extérieur. Une enquête qui peut servir de preuve dans le cadre du licenciement d’un salarié auteur de faits de harcèlement… Dans une affaire récente, un employeur avait été informé de faits de harcèlement moral et sexuel commis par un directeur de caisse, au sein d’une banque. Il avait alors diligenté une enquête interne qui avait établi, notamment, des propos graveleux et déplacés sur le physique d’une salariée et des propos récurrents à connotation sexuelle. Le directeur, qui avait confirmé avoir tenu de tels propos, avait alors été licencié pour faute grave. Il avait toutefois contesté son licenciement en justice afin d’obtenir diverses indemnités. Saisie du litige, la Cour d’appel de Rennes avait requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Celle-ci estimait en effet que l’enquête interne menée par l’employeur était déloyale puisque, notamment, les deux salariées qui avaient dénoncé les faits de harcèlement avaient été auditionnées ensemble et que la durée de l’interrogatoire du directeur n’avait pas été précisée dans le rapport d’enquête. Mais la Cour de cassation, elle, a rappelé le principe de liberté de preuve en matière de licenciement pour harcèlement. Il en résulte que l’employeur est, sauf en cas d’investigations illicites, autorisé à produire un rapport d’enquête interne pour justifier le comportement fautif d’un salarié. Et que la Cour d’appel ne peut pas l’écarter. Plus encore, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel ne pas avoir examiné les autres éléments de preuve apportés par l’employeur, à savoir, en particulier, les comptes-rendus d’entretiens d’autres salariés entendus dans le cadre de l’enquête. L’affaire sera donc de nouveau examinée par les juges d’appel.

Cassation sociale, 29 juin 2022, n° 21-11437

Article publié le 14 septembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Seule l’entreprise qui a recruté le salarié peut le licencier !

Lorsqu’un salarié est licencié par une autre société que celle qui l’a recruté, ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Et ce, même si c’est la même personne qui gère les deux sociétés…

Pour des raisons évidentes, seul l’employeur du salarié, ou la personne habilitée par celui-ci (comme le directeur des ressources humaines), peut procéder à son licenciement. Et en la matière, lorsqu’une même personne gère deux sociétés distinctes, des maladresses (ou erreurs) peuvent être commises. Des maladresses qui privent le licenciement de cause réelle et sérieuse… Dans une affaire récente, un salarié avait été recruté en tant que prospecteur commercial-apporteur d’affaires par la société dénommée RTP. Moins de 4 ans plus tard, il avait été licencié pour faute grave par la société dénommée RTP Sud. Le salarié avait alors contesté son licenciement en justice au motif que celui-ci n’avait pas été prononcé par son employeur. De son côté, l’employeur, à savoir la société RTP, estimait que le licenciement était régulier car une seule et même personne gérait les deux sociétés (RTP et RTP Sud). Une personne qui, habilitée à représenter chacune d’entre elles, avait signé la lettre de licenciement du salarié.

Précision : chaque société possédait son propre numéro Siret.

Saisie de l’affaire, la Cour de cassation a donné raison au salarié. Elle a, en effet, relevé que la procédure de licenciement avait été engagée par la société RTP Sud, laquelle avait également établi la lettre de licenciement du salarié. Elle en a conclu que le salarié n’avait pas été licencié par son employeur et donc que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Conséquences : l’employeur (la société RTP) a été condamné à verser au salarié, notamment, les sommes de 24 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 12 000 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de 2 888,77 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Cassation sociale, 15 juin 2022, n° 21-11466

Article publié le 08 juillet 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Dénigrement de l’employeur : une cause réelle et sérieuse de licenciement ?

Des propos diffamatoires visant à dénigrer son employeur peuvent caractériser un manquement à l’obligation de loyauté du salarié. Et donc constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Que ce soit dans l’entreprise, ou bien en dehors de celle-ci, les salariés disposent du droit de s’exprimer librement. Plus encore, ils ne peuvent pas, en principe, être sanctionnés pour des propos tenus dans le cadre de leur vie personnelle. Mais à condition, toutefois, que les salariés restent loyaux vis-à-vis de leur employeur, c’est-à-dire qu’ils ne lui causent pas de tort…Dans une affaire récente, une salariée avait, en dehors de son temps et de son lieu de travail, affirmé à l’un de ses collègues, en présence de tiers, que les dirigeants de l’entreprise avaient tenu, à son égard, des propos blessants et humiliants. Selon ses dires, les dirigeants avaient, en effet, déclaré que le salarié en question était « le plus mauvais peintre qu’ils avaient pu avoir dans l’entreprise ». Les dirigeants qui contestaient avoir tenu de tels propos, avaient licencié la salariée pour faute grave. Celle-ci avait alors contesté son licenciement en justice.Saisis du litige, les juges d’appel n’ont pas retenu la faute grave, mais ont considéré que le comportement de la salariée constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Et pour cause : les dirigeants contestaient avoir tenu des propos blessants envers le salarié alors que la salariée « ne soutenait pas qu’ils l’avaient réellement fait ». Dès lors, les dires de la salariée constituaient des propos diffamatoires visant à dénigrer les dirigeants de l’entreprise. Plus encore, les juges ont estimé que ses propos visaient à donner une mauvaise image de l’entreprise et de ses dirigeants et à créer un malaise entre eux et les salariés. Ce qui caractérisait un manquement à l’obligation de loyauté de la salariée à l’égard de son employeur.Amenée à se prononcer dans cette affaire, la Cour de cassation a donné raison aux juges d’appel et validé le licenciement de la salariée.Cassation sociale, 15 juin 2022, n° 21-10572

Article publié le 29 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Licenciement pour inaptitude : faut-il toujours consulter le CSE ?

L’employeur qui est dispensé de rechercher un emploi de reclassement pour un salarié déclaré inapte par le médecin du travail n’a pas à consulter le CSE.

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à reprendre son emploi par le médecin du travail, à la suite d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou d’un accident ou d’une maladie d’origine personnelle, l’employeur doit rechercher des postes de reclassement adaptés à ses capacités. Il doit également consulter le comité social et économique (CSE) sur ces propositions de reclassement. Et ce n’est que si l’employeur ne trouve pas de postes de reclassement ou que le salarié les refuse que ce dernier peut être licencié pour inaptitude. L’employeur n’est cependant pas tenu de rechercher un poste de reclassement, et peut licencier le salarié immédiatement, si le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. Mais, dans cette hypothèse, l’employeur doit-il quand même consulter le CSE ?Non, vient de répondre la Cour de cassation. En effet, puisque dans ce cas, l’employeur est dispensé de rechercher un emploi de reclassement pour le salarié déclaré inapte, il n’a pas non plus à consulter le CSE. Dans cette affaire, une salariée avait, à la suite d’un accident du travail, été déclarée inapte par le médecin du travail. Celui-ci avait, dans son avis, mentionné que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’employeur, qui était donc dispensé de rechercher un emploi de reclassement, l’avait licenciée sans consulter le CSE. À juste titre pour la Cour de cassation qui a refusé d’invalider ce licenciement.

Cassation sociale, 8 juin 2022, n° 20-22500

Article publié le 20 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Licenciement économique : appréciation de la baisse du chiffre d’affaires

La durée de la baisse de chiffre d’affaires d’une entreprise s’apprécie en comparant le niveau du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification du licenciement par rapport à celui de l’année précédente à la même période.

Un employeur peut procéder à un licenciement pour motif économique lorsque, par exemple, il supprime un poste de travail en raison notamment de difficultés économiques caractérisées par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires. Selon le Code du travail, une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée lorsque la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :- un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;- deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;- trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;- quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus. À ce titre, la Cour de cassation a récemment précisé que la durée de cette baisse s’apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification du licenciement par rapport à celui de l’année précédente à la même période. Dans cette affaire impliquant une entreprise d’au moins 300 salariés, il fallait, pour que le licenciement pour motif économique soit valable, constater une baisse du chiffre d’affaires sur quatre trimestres consécutifs. Et, pour cela, comme le licenciement avait été prononcé le 2 juillet 2017, il convenait, selon les juges, de comparer le chiffre d’affaires :- du 1er trimestre 2017 (dernier chiffre connu) avec celui du 1er trimestre 2016 ;- du 4e trimestre 2016 avec celui du 4e trimestre 2015 ;- du 3e trimestre 2016 avec celui du 3e trimestre 2015 ;- du 2e trimestre 2016 avec celui du 2e trimestre 2015. Or les juges ont constaté que si le chiffre d’affaires de l’entreprise avait effectivement diminué les 2e, 3e et 4e trimestres 2016 comparés à ceux de 2015, il avait, en revanche, augmenté de 0,5 % entre le 1er trimestre 2016 et le 1er trimestre 2017. Dès lors, ils en ont déduit que le chiffre d’affaires de l’entreprise n’avait pas baissé pendant quatre trimestres consécutifs. En conséquence, il n’existait pas de baisse significative du chiffre d’affaires susceptible de justifier un licenciement pour motif économique.

Cassation sociale, 1er juin 2022, n° 20-19957

Article publié le 16 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Application du barème Macron : le débat est clos !

Pour la Cour de cassation, l’indemnité versée au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse doit être fixée conformément au barème Macron. Un barème que les juges n’ont pas la possibilité d’écarter.

Instauré en 2017, le barème dit « Macron » encadre le montant de l’indemnité octroyée par les juges au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse. Ce barème fixe ainsi, compte tenu de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié, les montants minimal et maximal de l’indemnité qui peut lui être accordée.

Exemple : un salarié présent depuis 4 ans dans une entreprise de moins de 11 salariés a droit à une indemnité comprise entre un mois et 5 mois de salaire brut.

Mais depuis sa création, ce barème, pourtant jugé conforme par le Conseil constitutionnel, est fortement contesté et parfois même écarté par certains conseils de prud’hommes et certaines cours d’appel. Pour fonder leurs décisions, ces différentes juridictions s’appuient sur deux textes, à savoir une convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Charte sociale européenne. Deux textes qui autorisent les juges, en cas de licenciement injustifié, à fixer « une indemnité adéquate » ou « toute autre réparation appropriée » au préjudice subi par le salarié. Une décision de la Cour de cassation en la matière était donc fortement attendue, et c’est désormais chose faite !

Précision : la Cour de cassation avait déjà rendu un avis sur le sujet en indiquant que le barème était conforme au droit international.

Dans une première affaire, une salariée invoquait la Charte sociale européenne afin d’obtenir des juges qu’ils écartent l’application du barème. Mais pour la Cour de cassation, la charte n’a pas d’effet direct en France et ne peut donc pas être invoquée par les salariés et les employeurs devant les juges. Aussi, les juges ne peuvent pas s’en servir pour écarter l’application du barème Macron.

À noter : pour appuyer son raisonnement, la Cour de cassation a indiqué que la charte réclame aux États qu’ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu’elle leur fixe. Et que le contrôle du respect de cette charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux.

Dans une seconde affaire, la Cour d’appel de Paris était passée outre l’application du barème en estimant qu’il n’était pas conforme à la Convention n° 158 de l’OIT. Une convention qui prévoit que les juges doivent pouvoir ordonner le versement d’une indemnité « adéquate » au salarié en cas de licenciement injustifié. Elle avait ainsi accordé une indemnité au salarié représentant le double de l’indemnité maximale prévue par le barème. Mais pour la Cour de cassation, le barème est conforme à la convention puisque l’ensemble des sanctions prévues en droit français (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, remboursement par l’employeur des allocations chômage…) en cas de licenciement injustifié est dissuasif pour l’employeur et permet une indemnisation raisonnable du salarié. Dès lors, le barème Macron s’impose aux juges qui ne peuvent pas l’écarter au cas par cas.

« Barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse », communiqué de la Cour de cassation, 11 mai 2022Cassation sociale, 11 mai 2022, n° 21-15247Cassation sociale, 11 mai 2022, n° 21-14490

Article publié le 16 mai 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Rupture conventionnelle : n’oubliez pas l’exemplaire pour le salarié !

L’employeur doit remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture, sous peine de voir la rupture conventionnelle annulée.

La rupture conventionnelle homologuée permet à un employeur et un salarié de rompre d’un commun accord un contrat de travail à durée indéterminée. Instaurée en 2008, son succès ne se dément pas puisque plus de 453 000 ruptures conventionnelles ont été conclues en 2021.La rupture conventionnelle homologuée obéit à une procédure qu’il convient de respecter au risque de voir la rupture remise en cause. Ainsi, elle débute par un entretien au cours duquel l’employeur et le salarié conviennent de mettre un terme à son contrat de travail et règlent les modalités de la rupture (montant de l’indemnité de rupture, sort des avantages en nature…). Elle doit ensuite être officialisée par la rédaction d’une convention de rupture (via le formulaire Cerfa n° 14598*01). Cette convention doit être établie en deux exemplaires datés et signés par l’employeur et le salarié. Et si l’employeur doit en conserver un exemplaire, il doit absolument remettre l’autre au salarié. Ceci permet, en effet, d’informer ce dernier qu’il dispose d’un délai de 15 jours à compter de la signature de la convention pour revenir sur sa décision et en aviser l’employeur.

Attention : c’est à l’employeur qu’il appartient de prouver qu’il a bien remis un exemplaire de la convention au salarié. Pour se ménager cette preuve, il doit remettre son exemplaire au salarié contre décharge ou lui faire apposer de manière manuscrite, dans la convention, une mention indiquant qu’un exemplaire de la convention lui a bien été remis ce jour.

La Cour de cassation vient de rappeler que le fait pour l’employeur de ne pas remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture entraîne l’annulation de la rupture conventionnelle. Dans cette affaire, l’employeur estimait que l’absence de remise de la convention au salarié ne remettait pas en cause la rupture conventionnelle car ce dernier, en tant que directeur de service, connaissait la procédure de rupture conventionnelle homologuée et, notamment, le délai de rétractation de 15 jours. Mais cet argument n’a pas été retenu par les juges : tout salarié, quelles que soient ses fonctions, doit se voir remettre un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle.

À savoir : l’annulation de la rupture conventionnelle par les tribunaux équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et oblige donc l’employeur à verser des dommages-intérêts au salarié.

Cassation sociale, 16 mars 2022, n° 20-22265

Article publié le 14 avril 2022 – © Les Echos Publishing 2022