Quand des arrêtés préfectoraux sont annulés en justice

La Cour d’appel de Douai a annulé les arrêtés du préfet du Pas-de-Calais interdisant aux associations de distribuer des boissons et de la nourritures aux migrants notamment car ils n’étaient ni nécessaires au regard d’un risque d’atteinte à la tranquillité publique, ni adaptées et proportionnées à la lutte contre l’insalubrité.

Dans une affaire récente jugée par la Cour d’appel de Douai, une douzaine d’associations humanitaires demandaient l’annulation de 3 arrêtés du préfet du Pas-de-Calais interdisant les distributions gratuites de boissons et de nourritures aux migrants dans 21 rues, places, quais et ponts situés à l’est et au sud du centre-ville de Calais. Cette interdiction couvrant une période cumulée d’environ 3 mois comprise entre octobre 2020 et janvier 2021.

Un intérêt à agir des associations

Les associations ont qualité pour contester la légalité des actes administratifs qui portent atteinte aux intérêts qu’elles ont pour mission de défendre.À ce titre, la cour d’appel a reconnu que Secours catholique – Caritas France, Médecins du monde, la Fédération des acteurs de la solidarité, l’Auberge des migrants, Emmaüs France, la Ligue des droits de l’Homme et l’association SALAM (Soutenons. Aidons. Luttons, Agissons pour les Migrants et les pays en difficulté) avaient intérêt à agir contre ces arrêtés.Concernant les autres associations, elle a considéré que :
– le fait que les statuts de l’association Help Refugees – Prism the Gift Fund soient rédigés en anglais ne l’empêchait pas d’agir en justice ;
– l’association Utopia 56 ayant pour objet de venir en aide aux migrants sur tout le territoire national avait intérêt pour agir contre les arrêtés interdisant la distribution de nourritures et de boissons aux migrants de Calais, auprès desquelles elle intervenait, même si son siège est situé à Lorient ;
– une fondation ayant principalement pour objet d’œuvrer pour l’accès au logement des personnes et des familles défavorisées rencontrant de graves difficultés de logement ne justifiait pas d’un intérêt suffisant lui permettant de contester ces arrêtés ;
– le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France n’avaient pas d’intérêt à agir contre des arrêtés qui ne portaient pas atteinte à leurs professions, quand bien même leurs statuts mettaient en avant la « défense des libertés et des principes démocratiques » et « la défense des droits et libertés ».


À noter : la cour d’appel a rappelé que le fait que l’un des auteurs d’une requête collective ne justifie pas d’un intérêt ou d’une qualité à agir ne remet pas en cause la recevabilité de celle-ci.

Une interdiction injustifiée

Le préfet du Pas-de-Calais justifiait ses arrêtés par les atteintes à la tranquillité publique causées par les distributions de boissons et de nourritures (rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, générés par les rassemblements de migrants), par l’insalubrité (dépôt sauvage de déchets sur la voie publique) et par le risque épidémique lié au Covid-19.Concernant d’abord les atteintes à la tranquillité publique, la cour d’appel a constaté d’une part, que les six mains courantes de la police municipale sur lesquelles le préfet s’était basé concernait des évènements ponctuels et, le plus souvent, sans gravité (présence de deux migrants alcoolisés devant un centre social ayant quitté les lieux à l’arrivée de la police, présence d’un migrant alcoolisé dans un parc ou groupe d’exilés tentant d’entrer dans un local à vélo avant d’être rapidement dispersé) et d’autre part, que rien ne prouvait que ces évènements étaient liés aux distributions organisées par les associations.Ensuite, concernant l’insalubrité causée par le dépôt sauvage de déchets sur la voie publique, pour la cour d’appel, comme les associations pouvaient effectuer des distributions en dehors des zones interdites visées par les arrêtés, ceux-ci n’empêchaient pas les abandons de déchets. De plus, d’autres mesures moins contraignantes que l’interdiction, comme la mise à disposition de poubelles à proximité des lieux de distribution, permettaient de remédier à ce problème.Enfin, concernant le risque épidémique lié au Covid-19, selon la cour d’appel, puisque l’État avait déjà, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, mis en place des mesures de restriction au niveau national afin de lutter contre cette épidémie, le préfet ne pouvait pas prendre, lui aussi, de telles mesures, sauf « raisons impérieuses liées à des circonstances locales ». Or, pour la cour d’appel, le préfet n’avait fait valoir aucune spécificité propre à la ville de Calais et il n’existait pas, dans les zones visées par l’interdiction de distributions d’aide alimentaire, des densités de population particulièrement fortes de nature à constituer une circonstance locale justifiant cette mesure. Sans compter que cette interdiction, en obligeant les migrants vivant en centre-ville, à rejoindre d’autres lieux de distribution, renforçait encore le risque de propagation de l’épidémie (transports en commun, rassemblements plus importants…).Au vu de tous ces éléments, la cour d’appel a conclu que l’interdiction des distributions gratuites de boissons et de nourritures aux migrants prononcée par le préfet n’était pas nécessaire au regard d’un risque d’atteinte à la tranquillité publique, ni adaptée et proportionnée à la lutte contre l’insalubrité, ni justifiée par la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Elle a donc annulé les trois arrêtés en litige.Cour administrative d’appel de Douai, 27 février 2025, n° 22DA02653

Article publié le 24 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Vladimir Vladimirov

Licenciement sans délégation de pouvoir dans une association

Le licenciement d’une salariée enceinte prononcé par le directeur d’une association ne disposant pas d’une délégation de pouvoirs est un licenciement nul.

Dans les associations, le pouvoir de licencier appartient à l’organe désigné dans les statuts ou, si ces textes sont silencieux sur ce point, au président. L’organe disposant de cette compétence pouvant la déléguer à un salarié de l’association (DRH, directeur…).Le licenciement prononcé par une personne ne disposant pas de ce pouvoir est, en principe, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Mais la Cour de cassation vient de décider que ce licenciement est nul si le Code du travail prévoit une telle sanction, par exemple en cas de licenciement d’une femme enceinte.


À noter : sauf exceptions, il est interdit de licencier une salariée en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, pendant les congés payés pris immédiatement après ce congé ainsi que pendant les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Un licenciement sans délégation de pouvoir…

Dans une affaire récente, le directeur d’une association avait licencié pour faute grave une salariée enceinte. Un licenciement contesté en justice au motif que le directeur n’était pas compétent pour prendre cette décision.La Cour de cassation a constaté d’une part, que, dans cette association, le pouvoir de licencier appartenait, selon les statuts, au conseil d’administration et que d’autre part, le directeur, qui avait signé la lettre de licenciement de la salariée, n’avait reçu aucune délégation de ce pouvoir. En conséquence, ce licenciement, prononcé par une personne incompétente, n’était pas valable.

… déclaré nul par les juges

Il restait alors aux juges à déterminer si ce licenciement devait être déclaré sans cause réelle et sérieuse ou nul.La Cour de cassation a rappelé que, selon le Code du travail, il est interdit de licencier une femme enceinte, sauf faute grave non liée à son état de grossesse ou impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse. Le licenciement prononcé en méconnaissance de ces règles étant nul.S’appuyant sur ce principe, elle a considéré que le licenciement de la salariée enceinte, prononcé par une personne incompétente, devait être déclaré nul. Peu importe qu’il repose ou non sur une faute grave.


Conséquence : la salariée dont le licenciement est déclaré nul a droit, en l’absence de réintégration, à une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire, en plus du paiement des salaires qu’elle aurait perçus entre la date de son licenciement et la date de fin de la période de protection contre le licenciement.

Cassation sociale, 12 février 2025, n° 23-22310

Article publié le 24 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Copyright: Dragos Condrea

Imposition des rémunérations des gérants majoritaires de Selarl : du nouveau !

Le Conseil d’État annule plusieurs positions de l’administration sur le traitement fiscal applicable aux rémunérations des gérants majoritaires de Selarl et des gérants de Selca.

Les rémunérations perçues depuis le 1er janvier 2024 par les associés de société d’exercice libéral (Sel) pour leur activité libérale sont en principe imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), et non plus dans celle des traitements et salaires.

À savoir : les associés relevant de la déclaration contrôlée doivent donc, à partir de 2025, déposer une déclaration de résultats n° 2035.

La distinction des rémunérations

Les rémunérations perçues par les associés gérants majoritaires de Sel à responsabilité limitée (Selarl) et les gérants de Sel en commandite par actions (Selca) pour leur activité libérale relèvent des BNC lorsqu’elles peuvent être distinguées de celles perçues en tant que gérant.

À noter : lorsque cette distinction ne peut pas être effectuée, les rémunérations demeurent imposables en salaires. Dans ce cas, le gérant doit pouvoir prouver cette impossibilité.

À ce titre, l’administration fiscale considère que les rémunérations des fonctions de gérant correspondent aux sommes versées pour les tâches réalisées hors du cadre de l’activité libérale comme la convocation d’assemblée, la représentation de la société dans les rapports avec les associés et à l’égard des tiers ou encore la décision de déplacer le siège social. Selon elle, sont donc exclues les tâches administratives inhérentes à l’activité libérale telles que la facturation du client ou du patient, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes ou la rédaction de documents comme des ordonnances de prescription. Une position qui a été partiellement annulée par le Conseil d’État. Pour les juges, la facturation, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures et la gestion des équipes ne doivent pas être automatiquement considérés comme rattachés à l’activité libérale. Par ailleurs, le Conseil d’État annule également la règle pratique de l’administration fiscale selon laquelle les gérants majoritaires de Selarl et les gérants de Selca peuvent considérer qu’un forfait de 5 % de leur rémunération totale correspond aux revenus de leurs fonctions de gérant, imposables en salaires.

Précision : les contribuables peuvent se prévaloir des positions de l’administration fiscale qui étaient admises à la date du fait générateur de l’imposition, donc au 31 décembre pour l’impôt sur le revenu. En conséquence, les gérants devraient pouvoir continuer à invoquer, s’ils y ont intérêt, ces positions administratives pour l’imposition de leurs revenus de 2024 dans la mesure où elles ont été annulées postérieurement au 31 décembre 2024.

Conseil d’État, 8 avril 2025, n° 492154

Article publié le 24 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : krisanapong detraphiphat

Exclusion d’un membre d’une association et droits de la défense

La lettre qui demande à un membre de se présenter, en vue de son exclusion, à un entretien à des fins d’explication de son comportement « inacceptable et non en phase avec l’esprit du club » ne contient pas un exposé des griefs précis qui lui sont reprochés lui permettant de présenter utilement sa défense.

Le membre d’une association qui, par exemple, ne respecte pas les règles fixées dans les statuts ou le règlement intérieur ou se comporte de manière menaçante ou agressive peut faire l’objet d’une sanction allant jusqu’à l’exclusion. Comme vient de le rappeler la Cour de cassation, la lettre par laquelle une association convoque l’un de ses membres à un entretien en vue de son exclusion doit mentionner les griefs précis qui lui sont reprochés, et ce afin de lui permettre de présenter utilement sa défense. Dans cette affaire, le comité directeur avait exclu un adhérent de l’association. Une décision qui, après appel de ce dernier, avait été confirmée par l’assemblée générale. L’adhérent exclu avait alors contesté cette décision devant les tribunaux.

Pas de mention de faits précis

Saisie du litige, la cour d’appel avait considéré que la lettre de convocation du membre à un entretien devant le comité directeur lui avait permis d’avoir connaissance de son motif dans un délai lui permettant d’organiser sa défense. Elle avait également estimé que l’adhérent avait pu présenter ses observations devant l’assemblée générale. Elle en avait conclu que les droits de la défense avaient été respectés et que la sanction d’exclusion devait être maintenue. Mais la Cour de cassation a annulé cette décision de la cour d’appel. Elle a constaté que la lettre de convocation à l’entretien devant le comité directeur demandait au membre de se présenter à des fins d’explication de son comportement « inacceptable et non en phase avec l’esprit du club ». Elle en a conclu que cette lettre ne contenait pas un exposé des griefs précis reprochés à l’adhérent qui lui aurait permis de présenter utilement sa défense devant le comité. En conséquence, la cour d’appel aurait dû annuler la sanction d’exclusion prononcée par le comité directeur.

Précision : la cour d’appel n’avait pas non plus constaté que l’adhérent avait eu connaissance, avant son audition par l’assemblée générale, des griefs précis ayant amené le comité directeur à prononcer son exclusion.

Cassation civile 3e, 5 décembre 2024, n° 23-17617

Article publié le 16 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Phil Leo / Michael Denora

Attention aux pratiques managériales qui nuisent à la santé des collaborateurs !

Le manager qui, en raison de son comportement colérique et agressif, manque à son obligation de santé et de sécurité à l’égard de ses subordonnés peut être licencié pour faute grave.

Chaque salarié doit, en fonction de sa formation et de ses possibilités, prendre soin non seulement de sa santé et de sa sécurité mais aussi de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail, autrement dit ses collègues. Et cette obligation, qui découle du contrat de travail du salarié, est d’autant plus forte s’agissant des managers qui doivent adopter des pratiques visant à préserver la santé et la sécurité de leurs subordonnés. Car à défaut de pratiques managériales appropriées, ils s’exposent à une sanction disciplinaire, comme l’illustre une décision récente de la Cour de cassation.

Une obligation contractuelle !

Dans cette affaire, un manager et responsable d’agence avait été licencié pour faute grave en raison de pratiques managériales inappropriées à l’égard de ses subordonnés. En effet, les membres de son équipe, ainsi qu’un commercial de l’agence, avaient décrit un comportement agressif, colérique, menaçant, malsain et lunatique, lequel avait d’ailleurs causé le départ d’une salariée. Amenés à se prononcer sur la validité du licenciement, les juges d’appel avaient reconnu le management inapproprié du salarié. Pour autant, après avoir constaté, notamment, que son comportement n’avait jamais occasionné d’arrêts de travail de ses collaborateurs ni donné lieu à une alerte du médecin du travail ou de l’inspecteur du travail, ils avaient considéré que le licenciement du manager était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Mais pour la Cour de cassation, le manager avait, par son comportement agressif et colérique, manqué à son obligation contractuelle de santé et de sécurité à l’égard de ses collaborateurs, ce qui rendait impossible le maintien de son contrat de travail. La Cour de cassation a donc remis l’affaire entre les mains des juges d’appel, les  « invitant » à valider le licenciement pour faute grave du manager.

Cassation sociale, 26 février 2025, n° 22-23703

Article publié le 16 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Peter Dazeley

Certification inexacte du kilométrage par le vendeur professionnel d’un véhicule

Lorsque le revendeur professionnel d’un véhicule a certifié son kilométrage, il engage sa responsabilité contractuelle en cas d’inexactitude ou d’incertitude de celui-ci, l’acheteur n’ayant pas à apporter la preuve d’une faute commise par le professionnel.

Le vendeur professionnel qui certifie le kilométrage d’un véhicule d’occasion engage sa responsabilité contractuelle en cas d’inexactitude ou d’incertitude de celui-ci. C’est ce que les juges ont affirmé dans une affaire où l’acheteur d’un véhicule d’occasion avait découvert, après coup, que le kilométrage certifié par le vendeur professionnel avait été sous-évalué à la suite d’une manipulation frauduleuse. Après avoir fait pratiquer une expertise, l’acheteur avait alors agi en justice contre le vendeur en réparation de son préjudice. Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande car il n’apportait aucune preuve d’une faute commise par le vendeur, l’expertise ayant établi que le kilométrage affiché était totalement incertain en raison d’un désordre lié au compteur kilométrique.

Pas besoin de prouver une faute du vendeur

Saisie à son tour du litige, la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. Pour elle, le vendeur professionnel, dès lors qu’il s’engage à certifier le kilométrage, engage sa responsabilité contractuelle dès lors que le kilométrage se révèle inexact, l’acheteur n’étant pas tenu de prouver une quelconque faute du professionnel.

Cassation civile 1re, 26 février 2025, n° 23-22201

Article publié le 15 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : undefined undefined

Bail mixte : c’est la réglementation des baux commerciaux qui s’applique !

Un bail mixte, c’est-à-dire portant à la fois sur des locaux à usage commercial et sur des locaux à usage d’habitation, est régi par le statut des baux commerciaux. Il en résulte que la procédure engagée par le bailleur pour résilier un tel bail n’est pas soumise aux dispositions des baux d’habitation.

Lorsqu’un bail a pour objet la mise à disposition de locaux à usage commercial, il est régi par le statut des baux commerciaux. Sachant que ce statut s’applique également aux locaux qui constituent l’accessoire de l’activité commerciale tels des locaux d’habitation. Application de cette règle a été faite par les juges dans l’affaire récente suivante. Un bail portant à la fois sur des locaux à usage commercial et sur des locaux à usage d’habitation situés dans un même immeuble avait été consenti à une société. Victime de loyers impayés, le bailleur avait agi en justice afin de faire appliquer la clause résolutoire prévue dans le bail et de faire expulser la société locataire. Cette dernière avait alors fait falloir que dans la mesure où son gérant avait établi sa résidence principale dans les locaux loués, la procédure mise en œuvre par le bailleur aurait dû respecter les obligations de forme requises pour la résiliation d’un bail d’habitation. Et que, à défaut, elle était nulle. Saisie du litige, la cour d’appel n’a pas été de cet avis. En effet, elle a constaté que les parties avaient conclu un bail commercial dont l’objet principal était la mise à disposition d’un local commercial en vue d’exercer « toutes activités de restauration sur place ou à emporter ». Elle en a déduit que le bail était soumis au statut des baux commerciaux, y compris pour les locaux d’habitation qui constituaient l’accessoire de l’activité commerciale. La procédure mise en œuvre par le bailleur pour faire constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire n’était donc pas soumise aux règles de forme prévues pour les baux d’habitation.

Cour d’appel de Caen, 16 janvier 2025, n° 24/00560

Article publié le 11 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Copyright: Tomaz Levstek

Obligation de reclassement : le CSE doit toujours être consulté !

L’employeur doit obligatoirement consulter le CSE sur le reclassement du salarié déclaré inapte à occuper son poste de travail. Et ce même si aucun emploi de reclassement n’est disponible au sein de l’entreprise.

Lorsqu’un salarié est reconnu inapte par le médecin du travail à occuper son poste, son employeur doit, avant toute chose, rechercher des emplois de reclassement appropriés à ses capacités. Sachant que les offres d’emploi proposées au salarié doivent prendre en compte les indications et conclusions formulées par le médecin du travail mais aussi être soumises à l’avis du comité social et économique (CSE). Et sur ce dernier point, les juges sont intransigeants, en exigeant de l’employeur qu’il consulte le CSE même en l’absence d’emplois de reclassement disponibles.

Exception : l’employeur est dispensé de rechercher des emplois de reclassement, et donc de consulter le CSE, lorsque l’avis d’inaptitude précise que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Une consultation préalable à la procédure de licenciement

Dans une affaire récente, un conducteur routier victime d’un accident du travail avait été reconnu inapte à occuper son emploi par le médecin du travail. Aucun emploi de reclassement n’étant disponible au sein de l’entreprise, son employeur l’avait licencié pour inaptitude. Mais le salarié avait contesté la validité de la rupture de son contrat de travail au motif que le CSE n’avait pas été consulté avant son licenciement. Saisie du litige, la Cour d’appel de Nîmes n’avait pas fait droit à la demande du salarié. Pour elle, en l’absence de postes de reclassement disponibles, l’employeur était dispensé de consulter le CSE. Le licenciement prononcé était donc bien régulier. Mais pour la Cour de cassation, même en l’absence d’emplois disponibles, le CSE doit être consulté sur le reclassement d’un salarié inapte à occuper son poste de travail. Et ce n’est pas tout, cette consultation doit avoir lieu avant que soit engagée la procédure de licenciement pour inaptitude. Or, les juges ont constaté que l’employeur avait bien consulté les représentants du personnel de l’entreprise, mais tardivement, c’est-à-dire après la tenue de l’entretien préalable au licenciement du salarié. De sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Un raisonnement que les juges d’appel, de nouveau chargés d’examiner cette affaire, sont « invités » à adopter.

Conséquence : en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur est condamné à verser une indemnité au salarié.

Cassation sociale, 5 mars 2025, n° 23-13802

Article publié le 11 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : PeopleImages.com – #1763095

Rupture d’une relation commerciale établie : et pendant le préavis ?

Lorsqu’une entreprise met fin à une relation commerciale établie de longue date avec un fournisseur, elle doit, pendant la durée du préavis, maintenir cette relation aux mêmes conditions que celles existant avant la notification de la rupture, sauf circonstances particulières.

L’entreprise qui envisage de rompre une relation commerciale établie avec un partenaire commercial, par exemple un fournisseur, doit respecter un préavis suffisamment long pour permettre à ce dernier de se retourner (trouver de nouveaux clients ou se réorganiser). À défaut, elle s’expose à devoir lui payer des dommages-intérêts. Et, bien entendu, pendant la durée de ce préavis, l’entreprise doit maintenir la relation avec son fournisseur aux mêmes conditions que celles existant avant la notification de la rupture. Ainsi, par exemple, les conditions antérieures ne seraient pas maintenues si, pendant le préavis, l’entreprise diminuait de manière significative le volume de ses commandes. Toutefois, en présence de « circonstances particulières », l’auteur de la rupture est en droit de ne pas maintenir les conditions antérieures à la notification de la rupture. À ce titre, les juges ont estimé, dans une affaire récente, que le fait d’octroyer un délai de préavis très long constitue une circonstance particulière permettant à l’entreprise auteur de la rupture de modifier les conditions de la relation commerciale pendant le préavis. Dans cette affaire, un distributeur d’articles de sport avait, par un courrier daté du 27 juin 2017, informé un fournisseur d’appareils d’électrostimulation d’une réduction de 15 % de ses achats pour l’année 2018, puis, par un courrier daté du 26 janvier 2018, de son intention de rompre totalement la relation commerciale à compter du 1er janvier 2021. Il avait précisé que ses achats, qui s’élevaient à 800 000 € en 2017, tomberaient à 600 000 € en 2018, à 500 000 € en 2019 et à 200 000 € en 2020, avant de s’arrêter totalement.

Un préavis d’une durée particulièrement longue

Le fournisseur avait alors considéré qu’il s’agissait d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie. Mais les juges saisis du litige n’ont pas été de cet avis. En effet, ils ont estimé que la rupture n’avait pas été brutale puisque, d’une part, la baisse des volumes commandés n’avait été que de 15 % la première année, et que, d’autre part, après la première année, la longue durée du préavis (35 mois entre le 26 janvier 2018 et le 1er janvier 2021, soit une durée bien plus longue que le délai de 2 ans prévu par les usages de la profession) accordée au fournisseur constituait une circonstance particulière autorisant le distributeur à ne pas maintenir les conditions antérieures à la notification de la rupture.

Cassation commerciale, 19 mars 2025, n° 23-23507

Article publié le 08 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : metamorworks

Quel délai pour répondre aux observations d’une entreprise après un contrôle fiscal ?

L’administration fiscale doit répondre sous 60 jours aux observations d’une PME contrôlée dans le cadre d’une vérification ou d’un examen de comptabilité. Un délai dont les modalités de calcul ont été précisées par le Conseil d’État.

Lorsque l’administration fiscale notifie une proposition de redressement à une entreprise contrôlée, cette dernière dispose d’un délai de 30 jours pour la contester, prorogeable de 30 autres jours si elle le demande dans le délai initial.

Attention : le silence de l’entreprise pendant le délai de 30 jours vaut acceptation tacite du redressement.

De son côté, l’administration fiscale n’est, en principe, tenue par aucun délai pour répondre à ces « observations », sauf dans le cadre d’une vérification ou d’un examen de comptabilité concernant une PME. Dans ce cas, elle doit répondre dans un délai de 60 jours à compter de la réception des observations formulées par la PME. Sachant que l’absence de réponse dans ce délai vaut acceptation des observations.

À noter : ce délai de réponse bénéficie, notamment, aux entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,526 M€ pour les activités industrielles ou commerciales de vente de biens ou de fourniture de logement ainsi qu’aux entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 460 000 € pour les autres activités de prestations de services. Mais attention, il ne s’applique pas si le chiffre d’affaires excède le seuil applicable au titre d’un seul des exercices vérifiés et rectifiés.

À ce titre, conformément à la position de l’administration fiscale, le Conseil d’État vient de préciser que le délai de 60 jours est un délai franc. Autrement dit, il se calcule sans tenir compte du jour de son point de départ ni de celui de son point d’arrivée.

Exemple : les observations d’une entreprise sont reçues par le service des impôts le 22 mai N. Le point de départ correspondant au jour de la réception des observations, il n’est pas tenu compte du 22 mai. Le délai de 60 jours se décompte donc à partir du 23 mai et jusqu’au 21 juillet. Et puisqu’il n’est pas non plus tenu compte du point d’arrivée, le délai de réponse expire donc le 22 juillet N.

Conseil d’État, 18 février 2025, n° 492413BOI-CF-IOR-10-50-30 du 19 mai 2021, n° 310

Article publié le 04 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : shironosov