Il n’est pas « loisible » à l’Urssaf de choisir les règles de calcul d’un redressement !

Dès lors que l’Urssaf dispose des éléments de comptabilité nécessaires pour établir un redressement de cotisations sociales sur des bases réelles, elle ne peut pas recourir à une autre méthode d’évaluation, même avec l’accord du cotisant.

Dans le cadre de ses contrôles, l’Urssaf peut être amenée, lorsqu’elle constate une mauvaise application de la législation sociale par un employeur, à prononcer un redressement de cotisations et de contributions sociales. Mais attention, le chiffrage d’un tel redressement doit être établi sur des bases réelles, dès lors que l’Urssaf dispose des éléments de comptabilité lui permettant de le faire. Et les juges sont intransigeants en la matière, considérant comme illicite tout autre méthode d’évaluation, et ce même si elle est appliquée d’un commun accord avec le cotisant.

Exceptions : pour établir le montant d’un redressement, l’Urssaf peut, dans des conditions strictement encadrées par le Code la Sécurité sociale, recourir à une méthode d’échantillonnage et d’extrapolation ou encore de taxation forfaitaire, notamment lorsque la comptabilité de l’employeur ne permet pas d’établir le chiffre exact des rémunérations des salariés.

Ainsi, dans le cadre d’un contrôle, l’Urssaf avait conclu avec la société contrôlée une convention visant à chiffrer un redressement de cotisations sociales selon des règles particulières établies d’un commun accord entre les deux parties (notamment sur la répartition des bases de régularisation entre différents assiettes et taux de cotisations). Des règles particulières qui avaient conduit la société à saisir la justice en vue d’obtenir l’annulation du redressement. Amenées à se prononcer dans ce litige, la Cour d’appel de Lyon et la Cour de cassation ont indiqué qu’en dehors des méthodes dérogatoires prévues par le Code de la Sécurité sociale (échantillonnage-extrapolation et taxation forfaitaire), l’Urssaf doit, lorsqu’elle dispose des éléments de comptabilité lui permettant de le faire, calculer un redressement de cotisations sociales sur des bases réelles et qu’il ne lui est pas « loisible » de définir elle-même les bases d’imposition ou les taux de cotisations applicables. Et ce même si Urssaf et cotisant s’accordent sur la méthode d’évaluation du redressement. Pour les juges, le recours à une méthode d’évaluation irrégulière, car non prévue par le Code de la Sécurité sociale, doit alors être sanctionné par l’annulation des chefs de redressement retenus par l’Urssaf.

Cassation civile 2e, 9 janvier 2025, n° 22-13480

Article publié le 13 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : ©Terry Vine 2010

Violation du droit de préemption de l’exploitant agricole : quel délai pour contester ?

Le délai de 6 mois dans lequel un exploitant agricole peut contester en justice la vente de parcelles intervenue au mépris de son droit de préemption court à compter du jour où il connaît la date de la vente.

Vous le savez : lorsque des parcelles agricoles louées à un exploitant sont mises en vente, ce dernier bénéficie, en principe, d’un droit de préemption qui lui permet de les acquérir en priorité en lieu et place de tout autre acheteur potentiel.

Rappel : pour bénéficier du droit de préemption, le locataire doit avoir exercé la profession agricole pendant au moins 3 ans et exploiter, par lui-même ou par le biais de sa famille, la parcelle mise en vente.

Et lorsque ce droit de préemption n’est pas respecté, le locataire est en droit de demander en justice l’annulation de la vente, et ce dans un délai de 6 mois. À ce titre, les juges ont réaffirmé récemment qu’en vertu de la loi, ce délai de 6 mois court à compter du jour où le locataire a eu connaissance de la date de la vente, et non pas de l’existence de la vente elle-même.

La connaissance de la date de la vente

Ainsi, dans cette affaire, vendeur et acquéreur de la parcelle en cause avaient fait valoir que le locataire ne pouvait plus agir en justice en annulation de la vente car, au moment de l’exercice de son action, il connaissait l’existence de celle-ci depuis plus de 6 mois, des échanges écrits entre ce dernier et le notaire le prouvant. Mais cet argument n’a pas été suffisant pour les juges, lesquels ont donc rappelé que c’est la connaissance par le locataire de la date de la vente qu’il convient de démontrer.

En pratique : la preuve que le locataire connaissait effectivement la date de la vente est très difficile à apporter, sauf s’il en a été expressément informé via une correspondance quelconque. Sachant que, pour les juges, la publication de la vente ne vaut pas information du locataire. Il en résulte, en pratique, que l’action en justice du locataire est quasi-imprescriptible !

Cassation civile 3e, 30 mai 2024, n° 21-21366

Article publié le 11 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : PKS Media Inc.

Facture impayée : gare au délai pour agir !

Le délai de 2 ans dans lequel une entreprise doit agir en paiement d’une facture impayée par un client court à compter de l’achèvement des travaux. Et le fait que le client formule des contestations sur la conformité des travaux ne remet pas en cause l’achèvement des travaux.

Lorsqu’elle est victime d’une facture impayée de la part d’un client qui est un particulier (et non un professionnel), une entreprise doit, pour recouvrer sa créance, agir contre ce dernier dans un délai de 2 ans. Passé ce délai, l’action est prescrite.

Précision : le délai pour agir en paiement contre un cat professionnel est de 5 ans.

Et attention, selon la loi, ce délai court « à compter du jour où le professionnel a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit », cette date étant caractérisée par l’achèvement des travaux. Autrement dit, le professionnel doit agir dans un délai de 2 ans à compter de l’achèvement des travaux. À ce titre, les juges ont indiqué, dans une affaire récente, que des contestations formulées par le client sur la conformité des travaux « ne sauraient être assimilées à un défaut d’achèvement des travaux ».

La contestation du client…

Dans cette affaire, dans le cadre de la construction de leur maison, un couple avait sollicité une entreprise pour poser des pieux de fondation. Les travaux avaient été achevés en juillet 2017, la facture ayant été envoyée au client le 28 juillet 2017. Mais en octobre 2017, ce dernier avait émis des contestations relatives à la conformité des travaux (défaut de pose et caractère excentré de certains pieux) et avait refusé de payer. En mars 2020, l’entreprise avait alors assigné en justice le client en paiement de la prestation.

… ne vaut pas inachèvement des travaux

Mais les juges ont estimé que son action était prescrite car elle avait été engagée plus de 2 ans (mars 2020) après l’achèvement des travaux, qu’ils ont bien daté en juillet 2017. En effet, ils ont constaté que l’entreprise, d’une part, avait précisé, dans la facture envoyée en juillet 2017, qu’il s’agissait « des travaux effectués », et d’autre part, qu’elle n’avait pas réalisé d’autres travaux par la suite. Et surtout, les juges ont affirmé que le fait que le client ait formulé des contestations sur la conformité des travaux n’avait pas remis en cause la date d’achèvement des travaux, et ce d’autant plus qu’en réponse au client lui ayant demandé de réintervenir, l’entreprise avait produit une étude indiquant qu’il n’y avait pas besoin de procéder à une reprise des pieux de fondation.

Cassation commerciale, 22 janvier 2025, n° 22-23207

Article publié le 11 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Copyright Noble Nature

Entreprise en redressement judiciaire : les poursuites individuelles s’arrêtent

Lorsqu’une entreprise est placée en redressement judiciaire, les actions en paiement d’une créance impayée engagées contre elle par ses créanciers s’arrêtent, y compris lorsqu’elle bénéficie d’un plan de redressement.

Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), ses créanciers ne peuvent plus agir individuellement contre elle pour obtenir le paiement d’une somme d’argent dès lors que cette créance est née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective. Et si une action en paiement est déjà en cours à cette date, elle est interrompue. Cette créance doit alors être déclarée par son titulaire auprès du mandataire judiciaire et sera ensuite constatée et traitée dans le cadre de la procédure collective. Sachant que lorsque la procédure de redressement judiciaire aboutit à l’arrêté d’un plan de redressement, le principe de la suspension des poursuites individuelles des créanciers contre l’entreprise n’est pas écarté pour autant. Il s’applique encore, interdisant donc aux créanciers d’agir contre l’entreprise. C’est ce que les juges ont rappelé dans l’affaire récente suivante.

Les actions en paiement des créances nées avant le redressement judiciaire…

L’acquéreur d’un véhicule affecté d’un vice caché avait réclamé à la société qui le lui avait vendu des dommages-intérêts ainsi qu’une réduction du prix de vente. Au cours de l’instance, le vendeur avait été mis en redressement judiciaire. L’action de l’acheteur avait alors été interrompue. Par la suite, un plan de redressement avait été arrêté. L’acheteur avait alors repris son action en paiement. Et la cour d’appel lui avait donné gain de cause, condamnant le vendeur à lui payer des dommages-intérêts pour son préjudice, une somme au titre de la réduction de prix et une autre somme pour les frais de justice.

… sont suspendues

Mais la Cour de cassation a censuré cette décision, tout au moins pour la condamnation au paiement de dommages-intérêts et de la réduction du prix de vente. En effet, ces deux créances étant nées avant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire et la décision arrêtant le plan de redressement ne mettant pas fin à la suspension des poursuites individuelles, la cour d’appel ne pouvait pas condamner le vendeur à les payer.

Précision : en revanche, les nouvelles créances, c’est-à-dire celles qui sont nées après l’ouverture de la procédure collective, ne sont pas concernées par le principe de la suspension des poursuites individuelles des créanciers. Le vendeur pouvait donc valablement être condamné à payer les frais de justice supportés par l’acheteur, cette créance étant née de la décision qui avait condamné le vendeur, donc postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire et même postérieurement à l’arrêté du plan de redressement.

Cassation commerciale, 15 janvier 2025, n° 23-21768

Article publié le 07 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : run co

Céder son bail rural à un neveu après l’avoir adopté, c’est possible !

En l’absence de fraude, un bailleur n’est pas fondé à s’opposer à la cession du bail rural par son locataire à un neveu que ce dernier a adopté après avoir reçu un congé pour atteinte de l’âge de la retraite.

Vous le savez : un exploitant agricole n’a pas le droit de céder son bail rural, sauf si cette cession est réalisée au profit d’un de ses descendants (enfants, petits-enfants) ayant atteint l’âge de la majorité ou de son conjoint (ou de son partenaire de Pacs) à condition que ce dernier participe à l’exploitation des parcelles louées.

Précision : la cession du bail ne peut être réalisée qu’avec l’agrément préalable du bailleur. À défaut d’accord de celui-ci, l’autorisation peut être accordée par le tribunal paritaire des baux ruraux. Et attention, l’exploitant qui procède à une cession de bail sans l’accord préalable du bailleur ou l’autorisation du tribunal encourt la résiliation de son bail ou, à tout le moins, le refus de son renouvellement par le bailleur.

À ce titre, la question s’est récemment posée en justice de savoir si un exploitant agricole pouvait valablement céder son bail rural à un neveu qu’il avait adopté après que le bailleur lui avait délivré un congé. Ainsi, dans cette affaire, un exploitant agricole avait reçu un congé de son bailleur au motif qu’il avait atteint l’âge de la retraite. Il avait alors entamé une procédure d’adoption de son neveu, laquelle avait abouti positivement. Il avait ensuite exprimé son intention de céder son bail à ce dernier, devenu son fils adoptif. Le bailleur avait alors contesté le jugement d’adoption, invoquant une fraude à la réglementation du statut du fermage qui autorise la cession du bail aux seuls descendants et conjoint du locataire. Pour lui, l’adoption du neveu, dont la procédure avait été engagée par le locataire après la réception du congé, ne visait qu’à faire obstacle à ce dernier et empêcher le bailleur de récupérer ses terres.

Pas de fraude aux droits du bailleur

Mais les juges n’ont pas donné gain de cause au bailleur car ils n’ont pas constaté l’existence d’une fraude à ses droits ou d’un dol. En effet, ils ont relevé, d’une part, que le locataire – qui n’avait ni conjoint ni enfants – et son neveu entretenaient des liens affectifs forts et anciens, et d’autre part, que le projet d’adoption avait été mûrement réfléchi et qu’il avait recueilli l’accord de l’ensemble de l’entourage familial du neveu adopté. Pour eux, l’adoption ne s’inscrivait donc pas dans une démarche purement patrimoniale.

Cassation civile 3e, 11 septembre 2024, n° 21-24240

Article publié le 04 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Mindful Media

Octroi d’un prêt : l’étendue du devoir de mise en garde de la banque

Si les banques sont tenues à un devoir de mise en garde envers les emprunteurs non avertis auxquels elles consentent un crédit, cette obligation porte sur l’inadaptation de ce crédit aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi, mais pas sur l’opportunité ou la faisabilité de l’opération financée.

Avant de consentir un prêt à un emprunteur non averti (c’est-à-dire un profane), la banque est tenue à un devoir de mise en garde qui consiste à vérifier que ce prêt est adapté aux capacités financières de l’intéressé et à alerter ce dernier sur les risques d’endettement qui peuvent résulter de son octroi. En revanche, cette obligation ne porte pas sur l’opportunité ou la faisabilité de l’opération financée. C’est ce que les juges ont rappelé dans une affaire récente où une société avait emprunté des fonds pour financer l’acquisition de toutes les parts d’une autre société. Par la suite, les échéances du prêt n’ayant pas été honorées par la société, la banque avait agi en justice contre elle ainsi que contre son gérant qui s’était porté caution. Reproche avait alors été fait à la banque d’avoir manqué à son obligation de mise en garde puisqu’elle ne s’était pas renseignée sur la faisabilité du projet financé. Mais pour les juges, la banque n’avait pas à s’interroger sur l’opportunité ou la faisabilité de ce projet.

À noter : lorsque l’emprunteur est un emprunteur averti, la banque n’est tenue à un devoir de mise en garde à son égard que dans le cas où elle détient des informations sur sa situation financière qu’il n’a pas lui-même.

Cassation commerciale, 11 décembre 2024, n° 23-15744

Article publié le 04 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : PhotoAlto/Dinoco Greco

Contrat de vente et de prestation de services : c’est un contrat de vente !

Lorsqu’un contrat a pour objet la vente et l’installation de panneaux photovoltaïques, ce contrat doit être qualifié de vente. Il en résulte que le délai de rétractation du particulier qui a signé un tel contrat court à compter de la livraison des panneaux.

Lorsqu’un contrat est conclu à distance avec un consommateur, par exemple à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, ce dernier dispose d’un délai de 14 jours pour se rétracter. Sachant que ce délai court à compter de la signature du contrat s’il s’agit d’une prestation de services et à compter de la réception du bien s’il s’agit d’une vente.

Attention : le contrat doit contenir les informations, requises par la loi, relatives à l’exercice du droit de rétractation dont dispose le consommateur, à savoir les conditions, le délai (14 jours) et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire de rétractation. Ces informations devant être fournies au consommateur avant la conclusion du contrat ou au moment de la conclusion du contrat lorsqu’il est conclu hors établissement. À défaut, ce contrat encourt la nullité.

Vente ou prestation de services ?

À ce titre, la Cour de cassation a précisé, dans une affaire récente, que lorsqu’un contrat a pour objet la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, il doit être qualifié de contrat de vente. Du coup, pour ce type de contrat, le délai de rétractation du consommateur court à compter de la réception du bien, en l’occurrence des panneaux photovoltaïques. Dans cette affaire, un particulier, qui avait conclu, à distance, un tel contrat avait demandé son annulation après que le vendeur avait été mis en liquidation judiciaire. À l’appui de sa demande, il avait fait valoir que le bon de commande était irrégulier puisqu’il mentionnait, comme point de départ du délai de rétractation, la date de conclusion du contrat et non pas celle de la livraison des biens. La cour d’appel saisie du litige avait rejeté sa demande puisque, pour elle, il s’agissait d’un contrat de prestations de services, la date à prendre en compte étant donc bien celle de sa conclusion. Mais la Cour de cassation a censuré cette décision, affirmant que ce contrat devait être qualifié de contrat de vente.

Cassation civile 1re, 27 novembre 2024, n° 23-13492

Article publié le 31 janvier 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : asuarzvgaemo

Pour mener à bien votre obligation de reclassement…

Dans le cadre de licenciements économiques, l’employeur qui omet de préciser les critères de départage des salariés dans la liste des postes disponibles manque à son obligation de reclassement. Et les licenciements prononcés sont dépourvus de cause réelle et sérieuse.

L’employeur qui envisage de procéder à des licenciements pour motif économique doit, avant toute chose, rechercher un poste de reclassement pour les salariés concernés. Pour remplir son obligation, il peut soit adresser des offres de reclassement personnalisées aux salariés, soit leur transmettre la liste de tous les emplois de reclassement disponibles.

Précision : ces offres de reclassement doivent être précises, c’est-à-dire mentionner notamment l’intitulé du poste, le nom de l’employeur, la nature du contrat de travail, la classification du poste de travail… À défaut de ces mentions, les juges considèrent que l’employeur n’a pas rempli son obligation de reclassement et les licenciements prononcés sont alors dépourvus de cause réelle et sérieuse.

Mais ce n’est pas tout. Lorsque l’employeur décide de diffuser une liste des postes de reclassement disponibles à l’ensemble des salariés, cette liste doit préciser, en particulier, les critères de départage des salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste. Sous peine, cette fois encore, que les juges requalifient les licenciements économiques en licenciements sans cause réelle et sérieuse…Dans une affaire récente, un employeur, qui envisageait de licencier plusieurs salariés pour motif économique, leur avait adressé une liste des postes de reclassement disponibles. Aucune candidature n’ayant été formulée pour les postes concernés, les salariés avaient conclu un contrat de sécurisation professionnelle avec leur employeur, mettant ainsi fin à leur contrat de travail. Mais ces derniers avaient ensuite saisi la justice pour faire requalifier la rupture de leur contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Et ce, au motif que la liste des offres de reclassement ne précisait pas les critères de départage mis en œuvre en cas de candidatures multiples pour un même poste. De son côté, l’employeur estimait que cette simple « irrégularité de procédure » n’avait pas influencé le choix des salariés de ne pas candidater aux offres de reclassement proposées. Et donc que leur licenciement était bien pourvu d’une cause réelle et sérieuse. Mais la Cour de cassation n’a pas été de cet avis. Pour elle, l’absence des critères de départage des salariés rend les offres de reclassement imprécises, en ce qu’elles ne leur donnent pas les éléments d’information, et donc les outils de réflexion, qui déterminent leur décision. Dès lors, l’employeur qui omet cette mention ne remplit pas son obligation de reclassement et les licenciements économiques prononcés sont dépourvus de cause réelle et sérieuse.

Conséquence : privé de cause réelle et sérieuse, le licenciement donne lieu au paiement de dommages-intérêts au salarié.

Cassation sociale, 8 janvier 2025, n° 22-24724

Article publié le 30 janvier 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : skynesher

Communauté d’intérêts entre les secteurs lucratif et non lucratif d’une association

L’existence d’une communauté d’intérêts entre le secteur lucratif d’une association et son secteur non lucratif fait perdre à ce dernier le caractère désintéressé de sa gestion, entraînant ainsi son assujettissement aux impôts commerciaux.

Les associations sont, en principe, exonérées d’impôts commerciaux (impôt sur les sociétés, TVA, cotisation foncière des entreprises et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) à condition notamment que leur gestion soit désintéressée. Illustration dans une affaire récente où une association avait constitué deux secteurs d’activité, un secteur lucratif et un secteur non lucratif. Ainsi, cette association exerçait des activités lucratives comprenant l’exploitation de parcs à thèmes et la location de costumes, pour lesquelles elle payait des impôts commerciaux (impôt sur les sociétés et TVA) et des activités non lucratives, composées d’une grande manifestation médiévale, d’actions sociales d’insertion ainsi que diverses activités associatives, qui, elles, n’étaient pas soumises aux impôts commerciaux. À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale avait soumis aux impôts commerciaux les activités non lucratives de l’association, estimant que celles-ci étaient indissociables de ses activités lucratives. Saisie du litige, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé ce redressement fiscal. En effet, elle a constaté que les excédents bruts d’exploitation générés par les activités déclarées non lucratives de l’association étaient supérieurs à ceux provenant de ses activités lucratives et permettaient donc de financer, outre son secteur non lucratif, différents projets mis en place dans son secteur lucratif et, notamment, ses parcs à thèmes. Elle a également noté que l’association ne disposait pas de comptes bancaires séparés pour son secteur lucratif et son secteur non lucratif. Elle en a déduit que son activité non lucrative, et notamment la grande manifestation médiévale, permettait de développer son activité lucrative, soit ses parcs à thèmes.Selon la Cour administrative d’appel, au vu de ces constatations, il existait une communauté d’intérêts entre le secteur lucratif de l’association et son secteur non lucratif puisque le premier tirait un avantage concurrentiel indirect du second. Dès lors, la gestion de son secteur non lucratif ne pouvait pas présenter de caractère désintéressé. Et ce secteur devait être soumis aux impôts commerciaux.

Cour administrative d’appel de Lyon, 17 octobre 2024, n° 23LY02766

Article publié le 30 janvier 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Ralph Hoppe – www.FooTToo.de

Préemption de la Safer sur une parcelle agricole : le droit du vendeur de se retirer

Lorsque la Safer exerce son droit de préemption en faisant une contre-proposition de prix, le vendeur qui saisit le tribunal en fixation du prix de vente peut ensuite retirer le bien de la vente à tout moment de la procédure, même avant que le tribunal ait fixé le prix.

Lorsque la Safer décide d’exercer son droit de préemption pour acquérir en priorité une parcelle agricole mise en vente, elle est en droit, si elle estime que le prix indiqué dans l’acte notifié par le notaire est exagéré, de proposer un prix moins élevé. Le vendeur peut alors soit accepter purement et simplement l’offre de la Safer, soit retirer la parcelle de la vente, soit saisir le tribunal judiciaire pour qu’il fixe le prix.

Attention : si le vendeur garde le silence pendant un délai de 6 mois à compter de la notification de l’offre d’achat de la Safer, il est censé, à l’expiration de ce délai, avoir accepté cette offre.

Retirer la parcelle de la vente

Lorsque le tribunal a été saisi en fixation du prix, le vendeur, de même que la Safer, peut, après que ce prix a été fixé, renoncer à l’opération. Nouveauté : les juges ont indiqué, dans une affaire récente, que le vendeur peut, à tout moment de la procédure judiciaire, et donc même avant la décision du tribunal fixant le prix, retirer la parcelle de la vente. Autre précision apportée par les juges dans cette même affaire : le vendeur qui retire la parcelle de la vente au cours de la procédure judiciaire en fixation du prix n’est pas tenu, pour en informer la SAFER, de recourir au notaire.

Rappel : lorsque, dans les 6 mois après que la Safer a notifié une offre d’achat avec contre-proposition de prix, le vendeur décide de retirer la parcelle de la vente, il doit, dans ce cas de figure (c’est-à-dire en dehors d’une procédure judiciaire en fixation du prix), notifier sa décision de retrait au notaire. À défaut, sa décision de retirer la parcelle de la vente ne serait pas valable et il serait censé avoir tacitement accepté l’offre d’achat de la Safer à l’expiration du délai de 6 mois.

Cassation civile 3e, 28 novembre 2024, n° 23-18746

Article publié le 28 janvier 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Annette Birkenfeld