Retard du gérant de SARL pour faire approuver les comptes : une infraction ?

Le fait que le gérant d’une SARL soumette les comptes annuels à l’approbation des associés plus de six mois après la clôture de l’exercice n’est pas une infraction pénale.

Le fait pour le gérant d’une SARL de ne pas soumettre à l’approbation de l’assemblée des associés (ou de l’associé unique s’il s’agit d’une EURL) les comptes annuels de l’exercice écoulé constitue un délit passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 9 000 €. Sachant que le texte qui édicte cette infraction (l’article L 241-5 du Code de commerce) ne fait mention d’aucun délai. Il en résulte que le seul retard du gérant pour faire approuver les comptes annuels à l’assemblée des associés (ou à l’associé unique) n’est pas une infraction pénale.

À noter : par le passé (avant une loi du 22 mars 2012), ce texte prévoyait que l’infraction était constituée lorsque le gérant n’avait pas fait approuver les comptes dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice. Ce délai de six mois n’est désormais plus mentionné dans le texte.

C’est ce que les juges ont affirmé dans une affaire récente où le gérant d’une SARL avait été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour ne pas avoir soumis les comptes annuels à l’approbation de l’assemblée des associés dans le délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice, mais pour l’avoir fait beaucoup plus tard. Le tribunal correctionnel, puis la cour d’appel, avaient en effet considéré que le gérant s’était rendu coupable du délit prévu par la loi à ce titre et l’avaient condamné au paiement d’une amende. Mais la Cour de cassation, saisie à son tour par le gérant, a censuré la décision de la cour d’appel, considérant que le délit n’était pas constitué pour un seul retard.

Observations : compte tenu de cette décision, il y a lieu de se demander dans quelle situation l’infraction de non-soumission des comptes annuels à l’approbation des associés est constituée (lorsque le gérant a réuni l’assemblée mais ne lui aurait pas soumis les comptes sociaux et autres documents comptables pour approbation ?).

Cassation criminelle, 12 février 2025, n° 23-86857

Article publié le 21 mars 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Kseniya Ovchinnikova

Défaut de notification d’un projet de cession de parts de SARL

Lorsqu’un projet de cession de parts de SARL n’a pas été notifié aux associés par l’associé cédant, ce dernier n’est pas en droit d’invoquer le défaut de notification pour demander l’annulation de la cession.

Dans une SARL, les cessions de parts sociales ne peuvent être consenties à des tiers (c’est-à-dire à des personnes autres que les associés, leurs conjoints, leurs ascendants ou leurs descendants) qu’avec le consentement des associés. En pratique, le projet de cession doit être notifié, par acte de commissaire de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à la société et à chacun des associés. L’autorisation de la cession (on parle d’agrément) devant être donnée par la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte. Et attention, en raison de son caractère impératif, ce formalisme de la notification doit être scrupuleusement respecté. Car une cession qui serait opérée sans que le projet ait été préalablement notifié à la société et aux associés encourrait la nullité.

Qui peut demander l’annulation de la cession ?

À ce titre, les juges viennent de rappeler que seuls la société et les associés auxquels le projet de cession doit être notifié peuvent, si cette formalité n’a pas été accomplie, demander l’annulation de la cession, mais pas l’associé cédant.

Commentaire : l’action en annulation de la cession pour cause de non-respect de la procédure est réservée à ceux qui doivent être protégés contre l’arrivée d’un nouvel associé dans la société, donc à la société elle-même et aux associés autres que le cédant. Ni le cédant ni l’acquéreur des parts sociales ne peuvent donc invoquer le défaut de notification du projet de cession pour demander l’annulation de l’opération.

Cassation commerciale, 12 février 2025, n° 23-13520

Article publié le 18 mars 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Antonio Diaz

Loyer d’un bail commercial : une obligation d’assurance peut-elle justifier un déplafonnement ?

Une obligation de contracter une assurance, imposée par la loi au bailleur, peut justifier le déplafonnement du loyer d’un bail commercial au moment de son renouvellement.

On sait que le loyer d’un bail commercial renouvelé est plafonné, la hausse de ce loyer ne pouvant pas excéder la variation de l’indice trimestriel de référence intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail précédent. Toutefois, le loyer d’un commercial échappe à cette règle du plafonnement en cas de modification notable des éléments permettant la détermination de la valeur locative. Et parmi ces éléments figurent les obligations respectives des parties au contrat de bail, qui sont imposées par la loi et qui génèrent des charges supplémentaires depuis la dernière fixation du loyer. Ainsi, le bailleur est en droit d’invoquer la mise à sa charge d’une nouvelle obligation légale pour demander, au moment du renouvellement du bail, une augmentation du loyer au-delà du plafond normalement applicable. À ce titre, dans une affaire récente, les juges ont estimé que la création, au cours du bail expiré, d’une obligation légale d’assurance à la charge du bailleur est un élément à prendre en compte pour fixer le loyer du bail lors de son renouvellement. Et ce, même si le bailleur avait volontairement souscrit cette assurance pendant plusieurs années avant que la loi ne le lui impose.

Une nouvelle assurance obligatoire à la charge du bailleur

Dans cette affaire, il s’agissait d’une assurance responsabilité civile propriétaire non-occupant imposée par la loi du 24 mars 2014 (dite loi « Alur ») lorsque le local commercial loué est situé dans une copropriété. Le bailleur avait volontairement souscrit cette assurance dès 2007 et se prévalait de son augmentation entre 2007 et 2015 pour demander le déplafonnement du loyer au moment du renouvellement du bail commercial en 2015. Ayant constaté que les charges supportées par le bailleur à raison de cette assurance avaient augmenté, les juges ont considéré qu’il y avait eu une modification notable des obligations légales du bailleur au cours du bail expiré et que ce dernier pouvait donc valablement demander le déplafonnement du loyer.

Cassation civile 3e, 23 janvier 2025, n° 23-14887

Article publié le 14 mars 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Nora Sahinun

Manquements aux obligations d’un bail commercial et suspension d’une clause résolutoire

À la demande du locataire, le juge peut décider de suspendre les effets d’une clause résolutoire d’un bail commercial mise en jeu par le bailleur, et ce quel que soit le manquement reproché par ce dernier aux obligations du locataire.

Lorsqu’un contrat de bail commercial comporte une clause résolutoire (ce qui est fréquent), le bailleur peut obtenir de plein droit la résiliation du bail lorsque l’engagement du locataire (par exemple, le paiement du loyer) visé dans la clause n’a pas été respecté. En pratique, le bailleur doit délivrer, par acte de commissaire de justice, un commandement de s’exécuter au locataire défaillant. Et si ce dernier n’est pas suivi d’effet au bout d’un mois, le juge prononcera la résiliation du bail. Sachant que le locataire peut demander au juge de lui accorder un délai pour exécuter son obligation et de suspendre ainsi les effets de la clause résolutoire. Dans ce cas, la clause résolutoire ne s’appliquera pas si le locataire exécute son obligation dans le délai accordé par le juge. Dans le cas contraire, elle produira ses effets et le bail sera résilié. À ce titre, la suspension des effets d’une clause résolutoire peut être décidée par le juge, quel que soit le manquement à ses obligations reproché au locataire.

Tout manquement du locataire

C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans une affaire où un bail commercial prévoyait que, sauf exceptions légales, les lieux loués à usage de restaurant devaient toujours rester ouverts, exploités et achalandés. Ayant constaté que le restaurant était fermé, le bailleur avait envoyé au locataire un commandement de reprendre l’exploitation du restaurant, en visant la clause résolutoire stipulée dans le bail. Le restaurant n’ayant pas réouvert au bout d’un mois, le bailleur avait agi en justice pour faire constater la résiliation du bail. Le locataire avait alors demandé au juge un délai pour s’exécuter et la suspension de la clause résolutoire. Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande car, pour elle, un délai ne peut être accordé au locataire qu’en cas de manquement à une obligation de payer des loyers ou des charges. La Cour de cassation a donc censuré cette décision, reprochant à la cour d’appel d’avoir refusé d’examiner la demande de délai du locataire.

Cassation civile 3e, 6 février 2025, n° 23-18360

Article publié le 10 mars 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : FG Trade

Rachat de parts sociales : le compte courant d’associé doit-il être remboursé ?

Un associé n’est pas en droit d’obtenir l’annulation du rachat de ses parts sociales par la société en invoquant le fait que cette dernière n’a pas accédé à sa demande de remboursement de son compte courant d’associé.

Un associé est en droit de demander à tout moment à la société le remboursement des sommes qui figurent sur son compte courant d’associé. Sauf stipulation contraire, la société est alors dans l’obligation de s’exécuter. Mais attention, l’obligation qui incombe à la société de procéder au remboursement d’un compte courant d’associé est, sauf si une clause prévoit le contraire, indépendante de celle qui lui incombe de payer le prix des parts sociales qu’elle a rachetées à cet associé. C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) avait décidé de réduire son capital en procédant au rachat puis à l’annulation des parts sociales détenues par l’un de ses associés. Ce dernier avait alors demandé à la société qu’elle lui rembourse son compte courant d’associé. La société n’ayant pas accédé à sa requête, l’associé avait demandé l’annulation du rachat de ses parts. En effet, il avait fait valoir que, sauf convention contraire, le rachat par une société des parts sociales d’un associé entraîne l’obligation pour cette dernière de rembourser le compte courant de cet associé.

Deux obligations indépendantes l’une de l’autre

Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause. Après avoir rappelé que l’obligation de la société de payer le prix des parts sociales rachetées à un associé et celle de rembourser le compte courant d’associé de cet associé sont, sauf stipulation contraire (ce qui n’était pas le cas dans cette affaire), indépendantes l’une de l’autre, ils ont estimé que l’associé n’était pas en droit d’invoquer le défaut de remboursement de son compte courant d’associé pour obtenir l’annulation de l’opération de rachat de ses parts sociales.

Cassation commerciale, 12 février 2025, n° 23-17483

Article publié le 06 mars 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Matthias Kulka

Local commercial endommagé : quand y a-t-il cas fortuit ?

Le propriétaire d’un local commercial loué ne peut pas obtenir la résiliation du bail en invoquant la destruction du local par cas fortuit lorsque les dommages affectant l’immeuble proviennent d’un vice caché ou d’un défaut d’entretien qui lui est imputable.

Lorsque, pendant la durée d’un bail, notamment commercial, le local loué est détruit par cas fortuit, c’est-à-dire par un évènement indépendant de la volonté ou de la responsabilité du bailleur ou du locataire, le bail est résilié « de plein droit » si la destruction est totale. Et si le local n’est détruit qu’en partie, le locataire peut, selon les circonstances, demander soit une diminution du prix soit la résiliation du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement. Mais attention, cette règle, prévue par la loi, ne s’applique que si le local est détruit par cas fortuit. Ainsi, le bailleur n’est pas en droit d’obtenir la résiliation du bail si le local a été endommagé en raison d’un vice caché ou d’un défaut d’entretien qui lui est imputable. C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans une affaire où la fermeture administrative d’un hôtel-restaurant avait été prononcée en raison de fissures apparues sur la façade de l’immeuble loué. Le locataire avait alors agi contre le bailleur en vue d’obtenir la remise en état de l’immeuble et l’indemnisation de son préjudice. En réponse, ce dernier avait demandé que soit constatée la résiliation du bail, sans indemnité pour le locataire, en application de la règle exposée ci-dessus relative à la perte du local par cas fortuit.

Un vice caché ou un défaut d’entretien…

La cour d’appel avait donné gain de cause au bailleur, estimant que l’existence d’un cas fortuit était établie puisque, même si un défaut d’entretien du bâtiment par le bailleur était évoqué par l’expert judiciaire, les désordres affectant l’immeuble donné à bail trouvaient leur cause prépondérante dans la conception structurelle d’époque inadaptée pour un ouvrage d’une telle hauteur, laquelle était à l’origine du défaut de stabilité et du danger que présentait le bâtiment.

… ne sont pas des cas fortuits

Mais la Cour de cassation a censuré cette décision car, pour elle, ni l’existence d’un vice caché ni la dégradation d’un bâtiment due à un défaut d’entretien imputable au propriétaire ne sont constitutives d’un cas fortuit. Ce dernier n’était donc pas en droit d’obtenir la résiliation du bail.

Cassation civile 3e, 9 janvier 2025, n° 23-16698

Article publié le 04 mars 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Suphameth Jaruthaninphong

Mise en jeu de la responsabilité du gérant de SARL par les associés

Lorsque le gérant d’une SARL a conclu un contrat constituant une convention réglementée ayant entraîné des conséquences préjudiciables pour la société, les associés peuvent valablement mettre en jeu sa responsabilité pour faute de gestion plutôt qu’agir sur le fondement des dispositions spécifiques aux conventions réglementées.

Les gérants de SARL sont responsables, individuellement ou solidairement selon les cas, envers la société ou envers les personnes extérieures à la société :- des infractions qu’ils commettent aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux SARL ;- des violations des statuts ;- des fautes commises dans leur gestion. Ils sont également tenus de supporter les conséquences préjudiciables à la société des conventions réglementées qui n’ont pas été approuvées par les associés.

Rappel : les conventions réglementées sont notamment celles qui sont conclues entre la SARL et l’un de ses gérants ou l’un de ses associés, ou celles qui sont conclues avec une société dont un associé, le gérant, le directeur général ou un administrateur est également gérant ou associé de la SARL. Sauf si elles portent sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, ces conventions doivent être approuvées par les associés.

Sur quel fondement agir ?

À ce titre, la question suivante s’est récemment posée en justice : lorsque le gérant d’une SARL a conclu un contrat constituant une convention réglementée ayant entraîné des conséquences préjudiciables pour la société, les associés peuvent-ils mettre en cause sa responsabilité pour faute de gestion ? Dans cette affaire, les associés d’une SARL avaient agi en responsabilité contre le gérant auquel ils reprochaient d’avoir commis une faute de gestion en ayant conclu une convention entre la SARL et une autre société dont il détenait 99 % des parts sociales à des conditions financières très défavorables à la SARL. Le gérant avait alors fait valoir que les associés auraient dû agir sur le fondement des dispositions spécifiques aux conventions réglementées et pas sur celui de la responsabilité pour faute de gestion. Les juges n’ont pas été d’accord avec cet argument. Au contraire, ils ont estimé que la possibilité prévue par la loi de mettre à la charge du gérant les conséquences préjudiciables à la société des conventions réglementées non approuvées n’est pas exclusive de la mise en jeu de sa responsabilité sur le fondement de la faute de gestion. Et ce, ont ajouté les juges, que ces conventions aient ou non été approuvées. Autrement dit, les associés peuvent agir sur l’un ou l’autre de ces deux fondements.

Cassation commerciale, 18 décembre 2024, n° 22-21487

Article publié le 28 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : www.peopleimages.com

Rémunération du gérant d’une SARL : une décision s’impose !

Lorsqu’elle n’est pas déterminée par les statuts et qu’elle n’a pas fait l’objet d’une décision collective des associés, la rémunération du gérant d’une SARL n’est pas due. Peu importe que les associés aient, par ailleurs, approuvé la gestion du gérant.

La rémunération du gérant d’une SARL est déterminée soit par les statuts, soit par une décision collective des associés. En pratique, le plus souvent, c’est ce deuxième procédé qui est utilisé. En effet, une rémunération fixée par les statuts nécessiterait de modifier ces derniers à chaque changement de rémunération, ce qui serait extrêmement contraignant. Et attention, en l’absence d’une telle décision, le gérant prendrait le risque de voir sa rémunération ultérieurement remise en cause, par exemple par un repreneur de la société, par le liquidateur au cas où la société serait mise en liquidation judiciaire ou même par les associés en cas de conflit. C’est ce qui s’est produit dans l’affaire récente suivante. Dans le cadre d’un contentieux l’opposant à son ancien gérant, une SARL avait réclamé à ce dernier qu’il lui rembourse une somme correspondant à des rémunérations qu’il avait perçues au titre des exercices 2018 et 2019 au motif qu’aucune décision n’avait autorisé ces rémunérations. La cour d’appel avait rejeté cette demande car, pour elle, les trois associés de la SARL ayant adopté une résolution relative à l’affectation du résultat de ces deux exercices, ils n’avaient donc pas remis en cause la gestion du gérant sur ces exercices ni les rémunérations perçues par ce dernier au titre de ces exercices.

La nécessité d’une décision des associés

Mais la Cour de cassation a censuré cette décision, en réaffirmant que, dans le silence des statuts, la rémunération du gérant de SARL doit être expressément autorisée par une décision collective des associés, ce qui n’avait pas été le cas dans cette affaire. Et pour les juges, l’absence d’une telle décision ne peut pas être supplée par une autre décision collective approuvant la gestion du gérant.

Précision : la décision approuvant la rémunération du gérant peut valablement être prise postérieurement au versement de la rémunération du gérant, par exemple lors de l’approbation des comptes de l’exercice écoulé.

Cassation commerciale, 12 février 2025, n° 23-18415

Article publié le 21 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Hinterhaus Productions

Architectes : quelle responsabilité en cas de déficit de surface ?

L’architecte chargé d’une mission complète de maîtrise d’œuvre peut voir sa responsabilité engagée du fait d’un déficit de surface de la construction achevée.

En tant que professionnel du bâtiment, l’architecte peut se voir confier diverses missions, allant de la simple réalisation de plans à la maîtrise d’œuvre complète d’un projet de construction. Des missions qui déterminent alors son niveau de responsabilité en cas, notamment, de non-conformité de l’ouvrage réalisé. À ce titre, les juges ont récemment eu à se prononcer sur la responsabilité de l’architecte s’agissant d’un immeuble qui, une fois achevé, présentait un déficit de surface par rapport aux plans préalablement établis. Dans cette affaire, une société avait confié à un architecte la maîtrise d’œuvre de la construction d’un immeuble. Un fois celui-ci achevé, le maître d’ouvrage (à savoir la société de construction) avait constaté que le bâtiment présentait une superficie inférieure (d’environ 6,70 m²) à celle prévue par les plans de construction réalisés par l’architecte. C’est pourquoi il avait saisi la justice en vue d’engager la responsabilité de l’architecte et de se voir accorder des dommages-intérêts. Saisie du litige, la Cour d’appel de Bordeaux n’avait pas fait droit à la requête du maître d’ouvrage. Elle avait en effet considéré que l’architecte, chargé d’une mission complète de base de maîtrise d’œuvre, ne s’était pas vu confier de tâches complémentaires comme le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie de l’ouvrage existant ou le calcul des superficies. Celui-ci ne pouvait donc pas être tenu pour responsable d’un déficit de surface de l’immeuble construit.

La direction de l’exécution des travaux

Mais la Cour de cassation n’a pas retenu cette argumentation. Pour elle, l’architecte chargé d’une mission complète de maîtrise d’œuvre, laquelle inclut nécessairement la direction de l’exécution des travaux, est tenu de veiller à ce qu’ils soient exécutés conformément aux prévisions contractuelles et aux plans préalablement établis. Peu importe qu’aucune mission particulière portant sur le mesurage des surfaces ne lui ait été confiée. Le maître d’ouvrage était donc fondé à engager la responsabilité de l’architecte en raison du déficit de surface constaté sur l’immeuble achevé et à lui réclamer le paiement de dommages-intérêts.

Cassation civile 3e, 7 novembre 2024, n° 23-12315

Article publié le 18 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Drazen_

Mise en jeu de la responsabilité du dirigeant pour cause de poursuite d’une activité déficitaire

Le fait que le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire ait poursuivi une activité déficitaire peut constituer une faute de gestion susceptible d’engager sa responsabilité lorsqu’elle a contribué à l’insuffisance d’actif de la société. Mais le seul constat de l’augmentation des dettes de la société ne suffit pas.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif (c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société. Tel peut être le cas lorsque le dirigeant a poursuivi une activité déficitaire. Mais attention, la poursuite par le dirigeant d’une activité déficitaire susceptible d’engager sa responsabilité ne peut pas résulter du seul constat d’une augmentation du montant des dettes de la société.

L’augmentation des dettes de la société

Ainsi, dans une affaire récente, les juges ont estimé que le dirigeant d’une société du BTP en liquidation judiciaire ne pouvait pas être condamné à combler le passif social au motif qu’il avait poursuivi une activité déficitaire en se fondant sur les seuls éléments suivants :- le dirigeant n’avait pas payé les cotisations sociales dues au titre des mois ayant précédé l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;- un certain nombre de dettes fiscales n’avait pas été payé ;- le bilan au titre du dernier exercice clos faisait apparaître un accroissement des dettes de plus de 220 000 € depuis l’exercice précédent. Aux yeux des juges, ces éléments n’étaient pas suffisants pour caractériser la poursuite d’une activité déficitaire.

Rappel : une simple négligence ne peut pas être retenue à l’encontre d’un dirigeant pour mettre en jeu sa responsabilité et lui faire payer personnellement une partie des dettes de la société.

Cassation commerciale, 11 décembre 2024, n° 23-19807

Article publié le 14 février 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : skynesher