Troubles de voisinage : quelle responsabilité pour le nouveau propriétaire ?

Le nouveau propriétaire d’un bien immobilier à l’origine d’un trouble anormal de voisinage peut voir sa responsabilité engagée, même ce trouble a débuté avant qu’il ne soit propriétaire.

Dans une affaire récente, la propriétaire d’une maison d’habitation avait assigné ses voisins en justice pour des troubles anormaux du voisinage. Ces troubles, qui existaient depuis plusieurs années, s’étaient manifestés par des infiltrations d’eau (conduites d’eau enterrées percées) qui avaient endommagé son logement. Aussi avait-elle demandé aux juges d’imposer à ses voisins la réalisation de travaux pour faire cesser ces troubles ainsi que l’allocation de dommages et intérêts. De leur côté, les voisins, qui avaient acquis cette maison quelques mois seulement avant l’assignation en justice, avaient demandé que la responsabilité des anciens propriétaires soit également engagée puisque ces troubles perduraient depuis plusieurs années.Réponse de la Cour de cassation : l’action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble, lequel est responsable de plein droit. Ayant constaté que le trouble subsistait après l’arrivée des nouveaux propriétaires du bien immobilier à l’origine des désordres, les juges ont estimé que leur responsabilité devait être retenue, peu important qu’ils n’étaient pas propriétaires de ce fonds au moment où les infiltrations avaient commencé à se produire.Cassation civile 3e, 16 mars 2022, n° 18-23954

Article publié le 15 avril 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Rupture conventionnelle : n’oubliez pas l’exemplaire pour le salarié !

L’employeur doit remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture, sous peine de voir la rupture conventionnelle annulée.

La rupture conventionnelle homologuée permet à un employeur et un salarié de rompre d’un commun accord un contrat de travail à durée indéterminée. Instaurée en 2008, son succès ne se dément pas puisque plus de 453 000 ruptures conventionnelles ont été conclues en 2021.La rupture conventionnelle homologuée obéit à une procédure qu’il convient de respecter au risque de voir la rupture remise en cause. Ainsi, elle débute par un entretien au cours duquel l’employeur et le salarié conviennent de mettre un terme à son contrat de travail et règlent les modalités de la rupture (montant de l’indemnité de rupture, sort des avantages en nature…). Elle doit ensuite être officialisée par la rédaction d’une convention de rupture (via le formulaire Cerfa n° 14598*01). Cette convention doit être établie en deux exemplaires datés et signés par l’employeur et le salarié. Et si l’employeur doit en conserver un exemplaire, il doit absolument remettre l’autre au salarié. Ceci permet, en effet, d’informer ce dernier qu’il dispose d’un délai de 15 jours à compter de la signature de la convention pour revenir sur sa décision et en aviser l’employeur.

Attention : c’est à l’employeur qu’il appartient de prouver qu’il a bien remis un exemplaire de la convention au salarié. Pour se ménager cette preuve, il doit remettre son exemplaire au salarié contre décharge ou lui faire apposer de manière manuscrite, dans la convention, une mention indiquant qu’un exemplaire de la convention lui a bien été remis ce jour.

La Cour de cassation vient de rappeler que le fait pour l’employeur de ne pas remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture entraîne l’annulation de la rupture conventionnelle. Dans cette affaire, l’employeur estimait que l’absence de remise de la convention au salarié ne remettait pas en cause la rupture conventionnelle car ce dernier, en tant que directeur de service, connaissait la procédure de rupture conventionnelle homologuée et, notamment, le délai de rétractation de 15 jours. Mais cet argument n’a pas été retenu par les juges : tout salarié, quelles que soient ses fonctions, doit se voir remettre un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle.

À savoir : l’annulation de la rupture conventionnelle par les tribunaux équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et oblige donc l’employeur à verser des dommages-intérêts au salarié.

Cassation sociale, 16 mars 2022, n° 20-22265

Article publié le 14 avril 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Cessation d’activité et cession de parts de SCP : quelle imposition pour la plus-value ?

La cessation d’activité d’un notaire exerçant dans une société civile professionnelle (SCP) génère une plus-value professionnelle qui peut bénéficier automatiquement d’un report d’imposition jusqu’à ce qu’il cède ses parts sociales.

En 2009, un notaire avait cessé l’activité professionnelle qu’il exerçait dans une société civile professionnelle (SCP), puis cédé, en 2013, les parts qu’il détenait dans cette SCP. À cette occasion, il avait réalisé une plus-value, qu’il avait déclarée selon le régime des plus-values des particuliers. À tort, selon l’administration fiscale, qui avait estimé que cette plus-value relevait du régime des plus-values professionnelles.

Précision : le régime des plus-values professionnelles n’obéit pas aux mêmes règles fiscales que celui des plus-values des particuliers en termes de taux d’imposition, d’exonérations, etc…

Une position validée par les juges de la Cour administrative d’appel de Nantes. En effet, ils ont rappelé que lorsqu’un contribuable exerce son activité professionnelle dans une société de personnes soumise à l’impôt sur le revenu, ses parts sociales dans la société constituent des actifs professionnels. Or la cessation d’activité par le notaire dans la SCP équivalait, fiscalement, à un transfert des parts sociales (on parle de retrait d’actif) dans son patrimoine privé, générant ainsi une plus-value professionnelle. Une plus-value dont l’imposition devait toutefois automatiquement être reportée jusqu’à la cession effective des parts. Par ailleurs, puisque l’assiette de la plus-value devait être déterminée à la date de la cessation d’activité en 2009, mais que son imposition avait bénéficié d’un report automatique jusqu’en 2013, date de cession des parts sociales, la proposition de rectification adressée en 2016 par l’administration fiscale pour contester cette imposition était valable. En effet, contrairement à ce que soutenait le notaire, le délai dont disposait l’administration fiscale pour agir n’était pas expiré puisqu’il avait commencé à courir à compter de 2013, et non de 2009.

À noter : pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, le « droit de reprise » de l’administration fiscale s’exerce jusqu’à la fin de la 3e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Cour administrative d’appel de Nantes, 9 septembre 2021, n° 20NT00391

Article publié le 01 avril 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Taxe sur les salaires : quid de la rémunération des dirigeants de holdings mixtes ?

En raison du caractère transversal de leurs attributions, la rémunération des dirigeants de holdings mixtes est présumée affectée au secteur des prestations de services et au secteur financier pour la taxe sur les salaires.

La taxe sur les salaires est due par les employeurs qui ne sont pas soumis à la TVA ou qui ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année précédant celle du paiement des rémunérations.

À noter : sont notamment concernées les entreprises qui exercent une activité financière (gestion de participations, par exemple).

Une société holding mixte, qui a constitué un secteur financier, non soumis à la TVA, et un secteur prestations de services, soumis à la TVA, n’est que partiellement soumise à la taxe sur les salaires. En effet, seules les rémunérations des personnes affectées au secteur financier relèvent de la taxe sur les salaires. Mais qu’en est-il des dirigeants de telles sociétés ? La réponse à cette question vient d’être donnée par les juges. Dans cette affaire, une société holding mixte avait considéré que son président et l’un des membres du directoire étaient exclusivement affectés au secteur des prestations de services. Elle n’avait donc pas soumis leurs rémunérations à la taxe sur les salaires. À tort, selon l’administration fiscale, qui a procédé à un redressement, confirmé ensuite par le Conseil d’État. En effet, pour les juges, les attributions du président et des membres du directoire d’une société anonyme (SA) ou d’une société par actions simplifiée (SAS), à directoire et conseil de surveillance, revêtent un caractère transversal en raison des pouvoirs qui leur sont reconnus par la loi. Leur rémunération est donc présumée également affectée au secteur financier pour le calcul de la taxe sur les salaires. Et ce, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés au secteur financier et même si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Il en aurait été autrement si la société holding avait démontré que ses dirigeants n’avaient pas d’attribution au secteur financier. Or, dans cette affaire, elle n’avait pas pu justifier que les pouvoirs de ces deux dirigeants étaient limités au seul secteur des prestations de services.

Rappel : les rémunérations des dirigeants de société obligatoirement affiliés au régime général de la Sécurité sociale sont soumises à la taxe sur les salaires, qu’ils soient mentionnés à l’article L 311-3 du Code de la Sécurité sociale (gérants minoritaires de SARL, présidents de SAS ou du conseil d’administration d’une SA…) ou qu’ils y soient assimilés, tels les membres du directoire.

Conseil d’État, 9 décembre 2021, n° 439388

Article publié le 25 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Modification des congés : attention au délai de prévenance !

Sauf circonstances exceptionnelles, l’employeur ne peut pas modifier les dates des congés payés d’un salarié moins d’un mois à l’avance. Y compris lorsqu’il s’agit de la 5 semaine de congés payés ou de congés conventionnels.

Une fois les départs en congés payés des salariés planifiés, l’employeur ne peut pas modifier leurs dates moins d’un mois à l’avance. Sauf circonstances exceptionnelles, comme la nécessité de remplacer un salarié brusquement décédé ou des commandes imprévues de nature à sauver l’entreprise.

Attention : un délai de prévenance différent peut être prévu par un accord d’entreprise ou, à défaut, par la convention collective applicable à l’entreprise.

Mais ce délai de prévenance s’applique-t-il seulement au congé principal du salarié (à savoir, le congé d’été de 4 semaines, en principe) ou à l’ensemble des congés payés ?Dans une affaire récente, un employeur avait, en raison d’une grève paralysant un site de travail, imposé à ses salariés non-grévistes de poser des jours de congés (des jours composant leur 5e semaine de congés payés et des jours de congés conventionnels). Et ce, sans respecter le délai de prévenance légal d’un mois. Un syndicat représentatif des salariés au sein de l’entreprise avait alors saisi la justice afin de faire reconnaître le caractère illicite de la fixation des congés par l’employeur. De son côté, l’employeur estimait qu’aucun délai de prévenance ne s’appliquait à la 5e semaine de congés payés, ni aux congés conventionnels. Pour appuyer son raisonnement, il faisait valoir que la 5e semaine de congés obéissait à des règles juridiques différentes de celles relatives aux 4 premières semaines puisque, notamment, elle ne pouvait pas donner lieu à l’acquisition de jours de fractionnement et que les salariés avaient la possibilité d’y renoncer pour abonder un compte épargne temps ou pour en faire don à un autre salarié. Mais pour la Cour de cassation, conformément au Code du travail, l’employeur n’est pas autorisé, sauf circonstances exceptionnelles, à modifier les dates des départs en congés de ses salariés moins d’un mois à l’avance. Ce texte ne faisant aucune distinction entre les 4 premières semaines et la 5e semaine de congés payés, le délai de prévenance d’un mois s’applique à l’ensemble des congés payés. Et selon les juges, en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, cette règle vaut également pour les jours de congés conventionnels. Aussi, le fait pour l’employeur d’avoir imposé des congés à ses salariés sans respecter le délai de prévenance d’un mois a été jugé illicite.

Cassation sociale, 2 mars 2022, n° 20-22261

Article publié le 23 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Vente d’un fonds de commerce : les dettes sont-elles transmises à l’acquéreur ?

Sauf clause contraire, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la transmission à l’acquéreur des dettes et des obligations dont le vendeur était tenu en vertu d’engagements qu’il avait souscrits auparavant.

En l’absence de clause expresse, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la cession à l’acquéreur des obligations dont le vendeur était tenu en vertu d’engagements qu’il avait souscrits auparavant. Cette règle vient d’être rappelée par les juges dans une affaire récente. Une société avait été chargée de fabriquer et de poser un portail chez un client. Par la suite, elle avait vendu son fonds de commerce à une autre entreprise. Cette dernière avait alors été poursuivie en justice par le client, lequel lui demandait de procéder au remplacement du portail car il était atteint par la corrosion. Mais il n’a pas obtenu gain de cause, les juges ayant constaté que le contrat de vente du fonds de commerce ne prévoyait pas expressément le transfert à l’acquéreur des obligations de garantie dont le vendeur était tenu en vertu d’engagements qu’il avait antérieurement souscrits. Le client ne pouvait donc pas agir contre l’entreprise ayant acquis le fonds de commerce.

Cassation commerciale, 2 février 2022, n° 20-15290

Article publié le 15 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Le changement de régime matrimonial en présence d’enfants non communs

Omettre l’existence d’enfants non communs lors d’un changement de régime matrimonial ne constitue pas une fraude justifiant la nullité de la convention matrimoniale.

Un couple marié peut changer de régime matrimonial quand il le souhaite. Pour cela, il doit s’adresser à un notaire qui se chargera d’établir une nouvelle convention matrimoniale. Avant d’être effectif, ce changement de régime doit être porté à la connaissance des créanciers du couple ainsi qu’à leurs enfants majeurs. Ces derniers pouvant s’opposer, le cas échéant, à ce changement. Mais est-ce que ce changement de régime matrimonial peut être entaché de nullité lorsque l’un des époux dissimule l’existence d’enfants nés d’un précédent mariage ? Une question à laquelle ont été récemment confrontés les juges de la Cour de cassation. Dans cette affaire, un couple marié sans contrat de mariage avait décidé d’adopter un régime de séparation de biens par une convention homologuée par le juge. Par la suite, le mari était décédé en laissant pour lui succéder sa femme ainsi que ses deux enfants issus d’un premier mariage. En apprenant ce changement de régime matrimonial, ces deux enfants avaient assigné en justice leur belle-mère en nullité pour fraude de la convention homologuée. Les enfants estimant que cette convention, qui omettait leur existence, visait à les priver de leurs droits successoraux et à enrichir leur belle-mère au détriment de leur père. Saisie du litige, la Cour de cassation a rejeté l’action des enfants. En effet, les juges ont constaté que la dissimulation de l’existence des enfants de l’un des époux lors de l’adoption d’un régime de séparation de biens, qui n’induit aucun avantage pour l’un ou l’autre des époux, n’est pas en elle-même constitutive d’une fraude. Cette omission peut en effet résulter d’une simple négligence sans volonté de tromper ni de nuire. En outre, les juges ont estimé que la mention portée dans la requête en homologation (de la non-présence d’enfants) peut être comprise en ce sens que les époux n’avaient pas d’enfant commun. En vertu de tous ces éléments, les juges ont en déduit que les enfants ne rapportaient pas la preuve d’une fraude à leurs droits.

Cassation civile 1re, 26 janvier 2022, n° 20-18726

Article publié le 11 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Forfait-jours : où s’arrête la liberté d’organisation du salarié ?

Le salarié en forfait-jours n’est pas en droit de fixer librement ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail instaurée par l’employeur.

Le dispositif de forfait-jours, c’est-à-dire le décompte du temps de travail selon un nombre de jours travaillés dans l’année, s’adresse tout particulièrement aux cadres autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif de travail instauré dans l’entreprise. Aussi, en principe, ces salariés sont-ils libres de déterminer leurs horaires de travail. Mais pas au détriment de l’organisation du travail mise en place par l’employeur conformément à son pouvoir de direction…

Dans une affaire récente, une salariée cadre, engagée en tant que vétérinaire, avait conclu une convention de forfait-jours avec son employeur. Ce dernier lui avait adressé un planning de ses journées et demi-journées de présence à la clinique, compte tenu des rendez-vous pris par les propriétaires d’animaux. Or, la salariée n’avait pas respecté ce planning. Aussi, après plusieurs avertissements, son employeur l’avait licenciée pour faute grave. Estimant, au regard de la convention de forfait-jours conclue avec son employeur, qu’elle devait bénéficier d’une large autonomie dans l’organisation de son travail, la salariée avait contesté son licenciement en justice. Saisie du litige, la Cour de cassation a validé le licenciement de la salariée. Elle a, en effet, rappelé qu’une convention de forfait-jours ne permet pas au salarié de fixer librement ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail instaurée par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction. Aussi, après avoir constaté que la salariée n’avait pas respecté les jours de présence inscrits sur son planning, qu’elle s’était présentée à son poste de travail selon ses envies et l’avait quitté sans prévenir ses collaborateurs, les juges ont, compte tenu de la spécificité de son activité au sein d’une clinique recevant des clients sur rendez-vous, confirmé la faute grave de la salariée.

Cassation sociale, 2 février 2022, n° 20-15744

Article publié le 09 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Bail rural : gare aux mentions d’un congé pour reprise !

À peine de nullité, un congé pour reprise doit impérativement préciser le cadre juridique, individuel ou sociétaire, dans lequel les terres objet de la reprise seront exploitées.

Lorsque le propriétaire de terres louées à un agriculteur exerce son droit de reprise, il est tenu de lui délivrer un congé qui doit impérativement indiquer notamment le cadre juridique, individuel ou sociétaire, dans lequel les terres qui font l’objet de la reprise seront exploitées. Faute de contenir cette précision, le congé est susceptible d’être annulé. À ce titre, les juges ont estimé, dans une affaire récente, qu’un congé pour reprise est ambigu et n’est donc pas valable lorsqu’il mentionne que le bénéficiaire « s’engage à se consacrer, à titre personnel, sous la forme sociétaire, à l’exploitation des biens repris pendant 9 ans au moins… ». En effet, pour les juges, cette formulation ne permet pas au destinataire du congé (le locataire) de savoir si les biens repris seront exploités individuellement ou en groupe, avec d’autres associés.

À noter : les juges avaient déjà décidé, par le passé, qu’un congé mentionnant que le bien loué serait exploité, en cas de reprise, « soit à titre individuel, soit au sein de l’EARL X » devait être annulé car cette formulation alternative était ambiguë et induisait le locataire en erreur sur les conditions dans laquelle la reprise s’exercerait.

Cassation civile 3e, 9 septembre 2021, n° 19-24542

Article publié le 08 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Conduire une voiture de fonction en état d’ivresse : c’est grave ?

Le salarié qui conduit un véhicule de fonction en état d’ébriété et qui provoque un accident au retour d’un salon professionnel, où il s’est rendu sur instruction de son employeur, peut être licencié pour faute grave.

En principe, un salarié ne peut pas être sanctionné par son employeur pour une faute commise dans le cadre de sa vie privée. Ainsi, par exemple, un salarié ne peut pas faire l’objet d’un licenciement disciplinaire pour avoir conduit en état d’ébriété en dehors de son temps et de son lieu de travail. Néanmoins, lorsque les faits issus de la vie personnelle du salarié se rattachent à sa vie professionnelle, l’employeur est en droit d’engager une procédure disciplinaire, comme en témoigne une décision récente de la Cour de cassation. Dans cette affaire, un chef d’équipe s’était rendu, sur instruction de son employeur et au moyen de sa voiture de fonction, à un salon professionnel. Au retour de ce salon, il avait conduit en état d’ébriété et avait provoqué un accident de la circulation. Son véhicule de fonction avait été gravement endommagé et son permis de conduire avait été suspendu. Son employeur l’avait alors licencié pour faute grave. Mais le salarié avait contesté son licenciement en justice estimant que des faits intervenus dans le cadre de sa vie personnelle ne pouvaient pas donner lieu à un licenciement pour faute. Et pour justifier le caractère privé de la faute commise, le salarié soutenait que l’accident avait eu lieu en dehors de ses horaires de travail (entre 22 et 23 h) et qu’il n’avait reçu aucune contrepartie financière ou repos au titre de ce déplacement. Toutefois, pour la Cour de cassation, les faits reprochés au salarié se rattachaient bien à sa vie professionnelle. Et pour cause : le salarié avait provoqué un accident alors qu’il conduisait un véhicule de fonction sous l’emprise d’un état alcoolique, au retour d’un salon professionnel, où il s’était rendu sur instruction de son employeur. Aussi, ce dernier était en droit d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié.

Rappel : le salarié qui se voit retirer son permis de conduire en dehors de ses heures de travail peut toutefois, si cela nuit au bon fonctionnement de l’entreprise, faire l’objet d’un licenciement pour motif personnel (et non disciplinaire !). C’est le cas, en particulier, lorsque l’emploi du salarié nécessite la possession du permis de conduire (un livreur, par exemple).

Cassation sociale, 19 janvier 2022, n° 20-19742

Article publié le 01 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022