Achat de parts sociales : l’emprunteur est-il un consommateur ?

La personne qui souscrit un prêt pour financer l’acquisition de parts sociales peut être considérée comme un consommateur si bien que l’action dirigée contre elle par la banque est prescrite au bout de deux ans.

L’action des professionnels pour les biens et les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit dans un délai de deux ans. En revanche, entre professionnels, la prescription est celle de droit commun, à savoir cinq ans. À ce titre, la question s’est récemment posée en justice de savoir si une personne qui souscrit un prêt pour financer l’acquisition de parts sociales a la qualité de consommateur.

Rappel : le consommateur est défini par la loi comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Dans cette affaire, les juges ont estimé que la personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l’acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle. Et que l’acquisition de parts sociales ne suffit pas, à elle seule, à exclure cette qualité. Du coup, l’emprunteur a valablement pu invoquer la prescription de deux ans à l’encontre de la banque qui lui avait consenti le prêt et qui l’avait poursuivi en justice pour obtenir le règlement d’échéances impayées.

Cassation civile 1re, 20 avril 2022, n° 20-19043

Article publié le 01 juillet 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Dénigrement de l’employeur : une cause réelle et sérieuse de licenciement ?

Des propos diffamatoires visant à dénigrer son employeur peuvent caractériser un manquement à l’obligation de loyauté du salarié. Et donc constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Que ce soit dans l’entreprise, ou bien en dehors de celle-ci, les salariés disposent du droit de s’exprimer librement. Plus encore, ils ne peuvent pas, en principe, être sanctionnés pour des propos tenus dans le cadre de leur vie personnelle. Mais à condition, toutefois, que les salariés restent loyaux vis-à-vis de leur employeur, c’est-à-dire qu’ils ne lui causent pas de tort…Dans une affaire récente, une salariée avait, en dehors de son temps et de son lieu de travail, affirmé à l’un de ses collègues, en présence de tiers, que les dirigeants de l’entreprise avaient tenu, à son égard, des propos blessants et humiliants. Selon ses dires, les dirigeants avaient, en effet, déclaré que le salarié en question était « le plus mauvais peintre qu’ils avaient pu avoir dans l’entreprise ». Les dirigeants qui contestaient avoir tenu de tels propos, avaient licencié la salariée pour faute grave. Celle-ci avait alors contesté son licenciement en justice.Saisis du litige, les juges d’appel n’ont pas retenu la faute grave, mais ont considéré que le comportement de la salariée constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Et pour cause : les dirigeants contestaient avoir tenu des propos blessants envers le salarié alors que la salariée « ne soutenait pas qu’ils l’avaient réellement fait ». Dès lors, les dires de la salariée constituaient des propos diffamatoires visant à dénigrer les dirigeants de l’entreprise. Plus encore, les juges ont estimé que ses propos visaient à donner une mauvaise image de l’entreprise et de ses dirigeants et à créer un malaise entre eux et les salariés. Ce qui caractérisait un manquement à l’obligation de loyauté de la salariée à l’égard de son employeur.Amenée à se prononcer dans cette affaire, la Cour de cassation a donné raison aux juges d’appel et validé le licenciement de la salariée.Cassation sociale, 15 juin 2022, n° 21-10572

Article publié le 29 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

La donation rémunératoire entre époux

Un époux peut verser une somme d’argent à son épouse pour compenser les sacrifices qu’elle a consentis et son intense activité au foyer. Un versement qui peut s’analyser comme une donation rémunératoire. Cette dernière échappant au rapport successoral.

Dans une affaire récente, un homme était décédé et avait laissé pour lui succéder son épouse séparée de biens ainsi que ses quatre enfants. Deux de ces enfants étant nés d’une précédente union. Au décès de leur père, les enfants nés du premier mariage avaient assigné en justice les autres héritiers en partage de la succession. Ils avaient demandé également le rapport d’une somme d’argent de 457 000 € versée par leur père à son épouse. La Cour d’appel de Versailles avait écarté l’obligation de rapporter cette somme d’argent à la succession en raison de sa nature. En effet, les juges avaient considéré qu’il s’agissait d’une donation rémunératoire car le mari s’était opposé à ce que son épouse crée une entreprise et avait préféré qu’elle s’occupe de l’éducation des enfants.

Précision : une donation rémunératoire est une donation consentie par une personne en récompense d’un service que le donataire lui a rendu antérieurement. Une donation « à titre onéreux » qui n’est pas soumis au principe du rapport à la succession et qui échappe au calcul des droits des héritiers réservataires.

Les juges avaient également souligné que l’épouse disposait d’une qualification et d’une expérience professionnelles qui lui auraient permis de faire carrière dans la publicité et de créer son propre cabinet. Du coup, elle avait perdu des revenus conséquents ainsi que des droits à la retraite. Les juges en ont ainsi déduit que l’épouse avait apporté au ménage plus que sa simple contribution aux charges du mariage et que la mise à sa disposition de la somme de 457 000 € par son époux avait eu pour cause la volonté de celui-ci de compenser les sacrifices qu’elle avait consenti et son intense activité au foyer. Se sentant lésés, les enfants avaient alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation. Mais les juges de la Haute juridiction sont allés dans le même sens que les juges de la cour d’appel. Ces derniers ont considéré en effet que la volonté du défunt était bien de compenser les sacrifices professionnels et l’intense activité au foyer de l’épouse. La donation de somme d’argent revêtait bien un caractère rémunératoire.

Cassation civile 1re, 9 février 2022, 20-14272

Article publié le 28 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Résiliation d’un bail commercial pour défaut de paiement des loyers

Lorsque le locataire commercial fait l’objet d’une mise sous sauvegarde de justice, le bailleur ne peut plus demander au juge qu’il prononce, en vertu d’une clause résolutoire, la résiliation du bail pour cause de défaut de paiement de loyers antérieurs.

Très souvent, les contrats de bail commercial comportent une clause, dite « résolutoire », qui prévoit que le bail sera résilié de plein droit (c’est-à-dire automatiquement) en cas de manquement du locataire à certaines de ses obligations, en particulier en cas de défaut de paiement du loyer. En pratique, pour mettre en œuvre une clause résolutoire, le bailleur doit d’abord délivrer un « commandement » au locataire par acte d’huissier de justice. Ce commandement doit mentionner le délai d’un mois dont dispose le locataire pour remédier au(x) manquement(s) qui lui est(sont) reproché(s). Et si, à l’expiration de ce délai, le locataire ne s’est pas exécuté, le bailleur peut saisir le juge pour lui demander de constater la résiliation du bail.

L’action du bailleur paralysée par la procédure de sauvegarde

Mais attention, si le locataire fait l’objet d’une mise sous sauvegarde de justice, l’action engagée précédemment par le bailleur pour demander au juge de prononcer la résiliation du bail en vertu de la clause résolutoire ne peut plus être poursuivie. C’est ce que les juges ont décidé dans une affaire récente. Dans cette affaire, un bailleur avait envoyé à son locataire un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire prévue dans le bail commercial. Un mois plus tard, le locataire n’avait toujours pas payé ses loyers si bien que le bail commercial devait, en principe, être résilié. Or, deux ans plus tard, le locataire avait été mis sous sauvegarde de justice. Saisie du litige en la matière, la cour d’appel avait constaté que le bail avait bel et bien été résilié car la procédure de sauvegarde avait été ouverte ensuite. Mais la Cour de cassation n’a pas été de cet avis. Pour elle, l’action engagée par le bailleur, avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde, en vue de faire prononcer la résiliation du bail commercial en vertu de la clause résolutoire pour des loyers impayés dus avant l’ouverture de ladite procédure ne peut plus être poursuivie après.

En résumé : l’ouverture d’une procédure de sauvegarde paralyse donc la clause résolutoire dès lors qu’une décision définitive constatant la résiliation du bail n’a pas encore été prise. Il est de même en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du locataire. Lorsqu’il est victime de loyers impayés, le bailleur a donc tout intérêt à saisir rapidement la justice pour faire résilier le bail. Car si le locataire fait ensuite l’objet d’une procédure collective, ce ne sera plus possible…

Cassation civile 3e, 13 avril 2022, n° 21-15336

Article publié le 24 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Quand les libéraux acquittent leurs cotisations de retraite tardivement…

Les cotisations sociales de retraite réglées 5 ans après leur date d’exigibilité, mais avant la liquidation de la pension de retraite, doivent être prises en compte dans le calcul de celle-ci.

Au titre de leur assurance retraite, les professionnels libéraux sont affiliés, pour leur retraite de base, à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professionnels libéraux (CNAVPL) et, pour leur retraite complémentaire, à une caisse de retraite autonome (Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse, Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France, Caisse de Prévoyance et de Retraite des Notaires…). Pour des raisons pratiques, ce sont les caisses de retraite autonomes qui recouvrent les cotisations de retraite (de base et complémentaire) des libéraux et qui procèdent à la liquidation de leurs pensions de retraite. S’agissant du paiement des cotisations, le Code de la Sécurité sociale prévoit que lorsqu’elles sont acquittées plus de 5 ans après leur date d’exigibilité, les périodes correspondantes ne sont pas prises en compte dans le calcul de la pension de retraite de base des professionnels libéraux. Une disposition qui vient d’être remise en cause par la Cour de cassation… Dans cette affaire, un professionnel libéral relevant de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) avait, au titre de plusieurs années (soit 10 années exactement), acquitté tardivement ses cotisations sociales d’assurance retraite (soit 5 ans après leur date d’exigibilité). En vertu du Code de la Sécurité sociale, ces années n’avaient pas été prises en compte dans le calcul de sa pension de retraite de base. Toutefois, le professionnel libéral avait saisi la justice pour obtenir la prise en considération des années litigieuses. Il estimait, en effet, que la règle fixée par le Code de la Sécurité sociale était contraire au droit au respect des biens prévu par le protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Amenés à se prononcer dans ce litige, les juges d’appel n’avaient pas fait droit à sa demande. Ils avaient en effet retenu, en particulier, que le versement des cotisations à leur date d’exigibilité, ou dans un délai limité, était nécessaire au bon fonctionnement du système social de répartition. Aussi, pour eux, la non-prise en compte, dans le calcul de la pension de retraite de base, des cotisations qui avaient été réglées tardivement n’était pas incompatible avec la protection du droit de propriété instauré par le droit européen. Mais pour la Cour de cassation, l’exclusion des cotisations réglées au-delà d’un délai de 5 ans, mais avant la liquidation de la pension, porte une atteinte excessive au droit de propriété des professionnels libéraux compte tenu de l’objectif poursuivi (le bon fonctionnement du système social de répartition). Dès lors, la règle fixée par le Code de la Sécurité sociale devait être écartée.

Cassation civile 2e, 2 juin 2022, n° 21-16072

Article publié le 22 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Prescription de l’action contre un emprunteur : et la caution ?

Lorsque l’action d’une banque contre un emprunteur est prescrite, elle est également prescrite contre la caution.

L’action d’une banque contre un emprunteur qui n’a pas payé ses échéances de prêt se prescrit dans un délai de 2 ans. Et dans ce cas, l’action engagée contre la personne qui s’est portée caution est prescrite également. C’est, en tout cas, ce que prévoit la loi (plus exactement une ordonnance du 15 septembre 2021) pour les cautionnements souscrits depuis le 1er janvier 2022. Les juges viennent d’étendre cette mesure de protection aux cautionnements souscrits avant le 1er janvier 2022.Dans cette affaire, une banque avait agi en justice contre un couple d’emprunteurs qui n’avait pas remboursé ses échéances de prêt immobilier, ainsi que contre la caution. Or, plus de 2 ans s’étant écoulés, l’action contre les emprunteurs était prescrite. La banque avait alors fait valoir que, selon la position habituelle des juges, seuls les emprunteurs pouvaient se prévaloir de cette prescription si bien qu’elle pouvait valablement agir contre la caution. Mais, contre toute attente, les juges ont changé de doctrine : pour ne pas pénaliser la personne qui s’était portée caution, ils ont, en effet, décidé de lui appliquer la règle nouvelle, qui vaut pour les cautionnements souscrits depuis le 1er janvier 2022, bien que son engagement de caution eût été pris avant cette date. Conséquence de cette décision : lorsque l’action contre un emprunteur est prescrite, l’action contre la caution est prescrite aussi, et ce quelle que soit la date à laquelle le contrat de cautionnement a été signé.

Cassation civile 1re, 20 avril 2022, n° 20-22866

Article publié le 21 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Reprise d’une SCP installée en ZRR et exonération fiscale

Le rachat de la totalité des parts d’une SCP par un nouvel associé constitue une reprise d’entreprise ouvrant droit à l’exonération fiscale en zone de revitalisation rurale, sous réserve de respecter les conditions d’application du dispositif.

Les cabinets créés ou repris entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2022 dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) peuvent, sous certaines conditions, ouvrir droit à une exonération d’impôt sur leurs bénéfices.

Précision : l’exonération est totale pendant 5 ans, puis partielle et dégressive les 3 années suivantes (75 %, 50 % et 25 %).

Dans une affaire récente, un fils avait racheté en 2011, avec effet en 2012, à son père la totalité des parts que ce dernier détenait dans une société civile professionnelle (SCP), lesquelles constituaient un tiers du total des parts de cette société. Le cabinet étant implanté en ZRR, le fils avait demandé à l’administration fiscale le bénéfice de l’exonération d’impôt sur les bénéfices. À ce titre, le Conseil d’État avait jugé que, dans le cas d’une SCP soumise à l’impôt sur le revenu, le rachat de la totalité des parts d’un associé par un nouvel associé constitue une reprise d’entreprise individuelle ouvrant droit à l’exonération, sous réserve de respecter les conditions d’application du dispositif. Notamment, à l’époque des faits, l’exonération ne s’appliquait pas lorsque l’opération était réalisée au profit du conjoint du cédant, de son partenaire de Pacs, de leurs ascendants et descendants ou de leurs frères et sœurs. Dans cette affaire, les juges de la Cour administrative d’appel de renvoi ont relevé que, bien que la totalité des parts de la SCP eût été rachetée, cette opération avait été réalisée entre le cédant et un de ses descendants, en l’occurrence son fils. Ce dernier ne pouvait donc pas bénéficier de l’exonération.

À noter : depuis 2017, l’exonération est ouverte au profit d’un membre de la famille du cédant, mais pour la première transmission seulement.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 10 mai 2022, n° 21BX00335

Article publié le 20 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Licenciement pour inaptitude : faut-il toujours consulter le CSE ?

L’employeur qui est dispensé de rechercher un emploi de reclassement pour un salarié déclaré inapte par le médecin du travail n’a pas à consulter le CSE.

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à reprendre son emploi par le médecin du travail, à la suite d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou d’un accident ou d’une maladie d’origine personnelle, l’employeur doit rechercher des postes de reclassement adaptés à ses capacités. Il doit également consulter le comité social et économique (CSE) sur ces propositions de reclassement. Et ce n’est que si l’employeur ne trouve pas de postes de reclassement ou que le salarié les refuse que ce dernier peut être licencié pour inaptitude. L’employeur n’est cependant pas tenu de rechercher un poste de reclassement, et peut licencier le salarié immédiatement, si le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. Mais, dans cette hypothèse, l’employeur doit-il quand même consulter le CSE ?Non, vient de répondre la Cour de cassation. En effet, puisque dans ce cas, l’employeur est dispensé de rechercher un emploi de reclassement pour le salarié déclaré inapte, il n’a pas non plus à consulter le CSE. Dans cette affaire, une salariée avait, à la suite d’un accident du travail, été déclarée inapte par le médecin du travail. Celui-ci avait, dans son avis, mentionné que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’employeur, qui était donc dispensé de rechercher un emploi de reclassement, l’avait licenciée sans consulter le CSE. À juste titre pour la Cour de cassation qui a refusé d’invalider ce licenciement.

Cassation sociale, 8 juin 2022, n° 20-22500

Article publié le 20 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Bail commercial de courte durée : l’application des règles dérogatoires

Lorsqu’un bail dérogatoire est conclu pour une durée d’un an mais précise qu’il est tacitement renouvelable dans la limite de 3 ans, la réglementation des baux dérogatoires s’applique pendant 3 ans et non pas pendant un an seulement.

Lorsqu’ils concluent un bail portant sur un local à usage commercial pour une durée inférieure ou égale à 3 ans, bailleur et locataire peuvent convenir que cette location ne sera pas soumise aux règles impératives régissant les baux commerciaux. Ils signent alors ce qu’on appelle un bail dérogatoire ou un bail précaire ou encore un bail de courte durée. Dans ce cas, le locataire ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement du bail (ni, en cas de refus de renouvellement, du paiement d’une indemnité d’éviction) ; mais, en contrepartie, il ne s’engage que pour une courte durée (ce qui lui permet, par exemple, de tester son activité…).

Précision : ce type de convention peut être utilisé pour la location de locaux provisoirement installés, appelés à disparaître ou à changer d’affectation à court ou moyen terme, ou tout simplement lorsque propriétaire et locataire souhaitent, pour diverses raisons, s’engager de façon temporaire.

Des règles dérogatoires applicables pendant 3 ans

Et, selon les juges, lorsqu’un bail dérogatoire est conclu pour une durée d’un an mais précise qu’il est tacitement renouvelable dans la limite de 3 ans, les règles applicables à ce bail sont celles des baux dérogatoires pendant 3 ans. Le congé envoyé par le bailleur au locataire avant l’expiration des 3 ans (en l’occurrence au bout de 2 ans) n’a donc pas à respecter la réglementation des baux commerciaux (obligation d’envoyer un congé par acte d’huissier de justice au moins 6 mois avant l’expiration du bail). Il peut donc valablement être envoyé au locataire quelques jours avant la fin du bail tacitement reconduit (en l’occurrence le 28 juin 2017 pour une fin de bail prévue le 30 juin 2017) dès lors qu’aucun délai de prévenance n’est prévu par le contrat.

Précision : le locataire prétendait qu’après l’expiration de la période d’un an, le bail reconduit était automatiquement devenu soumis à la réglementation des baux commerciaux. À tort donc.

Cassation civile 3e, 11 mai 2022, n° 21-15389

Article publié le 17 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Licenciement économique : appréciation de la baisse du chiffre d’affaires

La durée de la baisse de chiffre d’affaires d’une entreprise s’apprécie en comparant le niveau du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification du licenciement par rapport à celui de l’année précédente à la même période.

Un employeur peut procéder à un licenciement pour motif économique lorsque, par exemple, il supprime un poste de travail en raison notamment de difficultés économiques caractérisées par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires. Selon le Code du travail, une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée lorsque la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :- un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;- deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;- trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;- quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus. À ce titre, la Cour de cassation a récemment précisé que la durée de cette baisse s’apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification du licenciement par rapport à celui de l’année précédente à la même période. Dans cette affaire impliquant une entreprise d’au moins 300 salariés, il fallait, pour que le licenciement pour motif économique soit valable, constater une baisse du chiffre d’affaires sur quatre trimestres consécutifs. Et, pour cela, comme le licenciement avait été prononcé le 2 juillet 2017, il convenait, selon les juges, de comparer le chiffre d’affaires :- du 1er trimestre 2017 (dernier chiffre connu) avec celui du 1er trimestre 2016 ;- du 4e trimestre 2016 avec celui du 4e trimestre 2015 ;- du 3e trimestre 2016 avec celui du 3e trimestre 2015 ;- du 2e trimestre 2016 avec celui du 2e trimestre 2015. Or les juges ont constaté que si le chiffre d’affaires de l’entreprise avait effectivement diminué les 2e, 3e et 4e trimestres 2016 comparés à ceux de 2015, il avait, en revanche, augmenté de 0,5 % entre le 1er trimestre 2016 et le 1er trimestre 2017. Dès lors, ils en ont déduit que le chiffre d’affaires de l’entreprise n’avait pas baissé pendant quatre trimestres consécutifs. En conséquence, il n’existait pas de baisse significative du chiffre d’affaires susceptible de justifier un licenciement pour motif économique.

Cassation sociale, 1er juin 2022, n° 20-19957

Article publié le 16 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022