Communication des comptes annuels d’une fondation d’entreprise

Les comptes annuels d’une fondation d’entreprise qui ne reçoit pas de subvention publique ne sont pas communicables aux tiers.

Les fondations créées par des entreprises en vue de la réalisation d’une œuvre d’intérêt général doivent, chaque année, établir des comptes annuels (bilan, compte de résultats et annexe). Elles doivent aussi nommer un commissaire aux comptes. En outre, tous les ans, les fondations d’entreprise doivent communiquer au préfet un rapport d’activité, le rapport du commissaire aux comptes ainsi que leurs comptes annuels.

Dans une affaire récente, une association luttant contre la corruption avait demandé au préfet de la région d’Île-de-France de lui transmettre, pour les années 2016 et 2017, les comptes annuels d’une fondation d’entreprise. Ce que le préfet avait refusé. Contestée en justice par l’association, ce refus avait été entériné par le tribunal administratif de Paris. Et le Conseil d’État vient également d’apposer son veto à cette communication. D’abord, le Conseil d’État a précisé que les comptes annuels d’une fondation d’entreprise qui sont reçus par le préfet dans le cadre de sa mission de service public de contrôle administratif de ces fondations constituent des documents administratifs. Ces documents sont communicables aux tiers, sauf lorsque leur communication porterait atteinte à la protection de la vie privée. Ce qui, pour les personnes morales de droit privé, empêche la communication des documents relatifs notamment à leur fonctionnement interne et à leur situation financière. Or, les comptes annuels réclamés par l’association, qui, par nature, sont relatifs au fonctionnement interne et à la situation financière de la fondation d’entreprise, relèvent de la protection de sa vie privée. Dès lors, sur cette base, ils ne peuvent pas être communiquées à l’association.

Par ailleurs, selon la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention publique doivent être communiqués à toute personne qui en fait la demande auprès de l’autorité administrative qui les détient. Or, dans cette affaire, le Conseil d’État a constaté que la fondation n’avait pas reçu de subvention publique en 2016 et en 2017. L’association ne peut donc pas obtenir la communication des comptes relatifs à ces deux années.

Conseil d’État, 7 octobre 2022, n° 443826

Article publié le 19 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Annulation d’un redressement fiscal pour défaut de signature

Pour être valable, la réponse de l’administration fiscale aux observations formulées par un contribuable pour contester une proposition de redressement doit comporter une signature manuscrite.

À l’issue d’un contrôle fiscal, l’administration qui entend rectifier les erreurs qu’elle a constatées doit normalement notifier au contribuable une proposition de redressement. À compter de la réception de ce document, ce dernier dispose d’un délai de 30 jours pour répondre et formuler des « observations » ; délai prorogeable, sur demande, de 30 autres jours. Lorsque le fisc entend rejeter ces observations, et donc confirmer le redressement, il est tenu d’adresser une réponse au contribuable expliquant les raisons de son refus.

À noter : l’administration doit répondre dans un délai de 60 jours lorsqu’il s’agit d’une PME (chiffre d’affaires annuel HT inférieur à 1 526 000 € pour les entreprises industrielles ou commerciales ou à 460 000 € pour les prestataires de services et autres professionnels libéraux ou recettes brutes TTC inférieures à 730 000 € pour les entreprises agricoles).

Sachant que la réponse de l’administration aux observations du contribuable doit comporter une signature manuscrite. À défaut, elle n’est pas valable, et ce même si la mention dactylographiée du nom d’un inspecteur y figure. En effet, dans ce cas, le contribuable se trouve dans l’impossibilité de s’assurer que ses observations ont bien été examinées par l’inspecteur dont le nom est dactylographié. C’est ce que vient de rappeler la Cour administrative d’appel de Bordeaux, laquelle a, pour cette raison, annulé le redressement qui avait été mis à la charge du contribuable.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 25 octobre 2022, n° 20BX0095

Article publié le 15 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Une association peut-elle fixer des conditions d’âge ?

Les statuts d’une association peuvent, sous conditions, fixer des conditions d’âge pour devenir adhèrent ou dirigeant.

Le Conseil d’État vient de rappeler qu’une association peut exiger un âge minimal ou fixer une limite d’âge maximale pour en devenir membre ou dirigeant, à condition que ceci soit justifié au regard de son objet et de sa nature. Ce qui suppose notamment que ces conditions d’âge ne soient pas discriminatoires. Ainsi, un aéro-club peut fixer un âge minimal de 16 ans pour devenir membre puisqu’un mineur doit avoir atteint cet âge pour être autorisé à piloter seul un appareil de tourisme dans un rayon de 45 kilomètres autour du point de départ. De même, la Société protectrice des animaux peut fixer une limite d’âge de 75 ans pour l’accès à son conseil d’administration dans la mesure où l’association, qui rassemble beaucoup de jeunes, souhaite encourager leur prise de responsabilités.

À noter : dans ces deux affaires, le Conseil d’État a approuvé les modifications liées aux conditions d’âge apportées aux statuts de ces associations reconnues d’utilité publique. Ces deux décisions sont consultables dans le recueil de jurisprudence sur les statuts types des associations reconnues d’utilité publique (à jour au 1er juillet 2022) disponible sur le site du Conseil d’État.

Conseil d’État, 25 janvier 2022, n° 404.484Conseil d’État, 24 mai 2022, n° 405.065

Article publié le 12 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

SCI : attribution des pertes de la société à certains associés

En principe, chaque associé se partage les bénéfices et les pertes de la société à proportion de sa part dans le capital social. Toutefois, de manière ponctuelle, les associés peuvent valablement décider d’une répartition fortement déséquilibrée.

Dans une affaire récente, un couple marié était associé d’une société civile immobilière (SCI). Ce couple détenait, depuis une donation consentie le 28 septembre 2005, 1 % du capital social et leurs 5 enfants 99 %. Lors de délibérations prises en assemblée générale extraordinaire des 30 décembre 2014, 28 décembre 2015 et 30 décembre 2016, la totalité des pertes enregistrées par la SCI pour les exercices 2014, 2015 et 2016 avait été attribuée intégralement aux époux (les parents). Ces derniers avaient ainsi déclaré, au titre de leurs revenus imposables des années 2014 à 2016, des déficits fonciers correspondant à la totalité des pertes enregistrées par la société au titre de ces mêmes années.

Précision : selon l’article 1844-1 du Code civil, « la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social […]. Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites. »

À l’occasion d’un contrôle, l’administration fiscale avait estimé que la fraction des déficits fonciers de la SCI attribuée aux époux devait être limitée à celle correspondant à leur part dans le capital social de la société, soit 1 %. En conséquence, elle avait adressé aux époux des propositions de rectification conduisant à un rehaussement de leurs revenus fonciers. Face à cette situation, les époux avaient formé un recours devant la justice administrative. Saisi du litige, le Conseil d’État a considéré que les décisions des assemblées générales visées ne dérogeaient que de manière ponctuelle (2014, 2015 et 2016) aux règles statutaires organisant la répartition des seules pertes constatées à la clôture des exercices concernés et qu’elles ne pouvaient donc pas être regardées comme des clauses léonines réputées non écrites, alors même que ces décisions avaient eu pour effet d’exonérer certains associés (les enfants) de toute participation à ces pertes. Le redressement fiscal a donc été annulé.

Conseil d’État, 18 octobre 2022, n° 462497

Article publié le 09 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Gare à la déduction fiscale des impayés !

Pour être déductible du résultat, une provision pour créance douteuse doit notamment figurer dans les écritures comptables de l’entreprise à la clôture de l’exercice.

Lorsque le paiement d’une facture par un client semble compromis (difficultés financières du client, par exemple), une entreprise peut constituer une provision pour « créance douteuse », laquelle sera déductible, sous certaines conditions, de son résultat imposable. Cette déductibilité fiscale suppose notamment que la provision soit effectivement constatée dans les comptes de l’exercice. À ce titre, dans une affaire récente, une société avait inscrit dans sa comptabilité une provision pour créance douteuse. L’année suivante, estimant que cette créance était devenue irrécouvrable, elle avait réintégré à son résultat la provision devenue sans objet et déduit une perte du même montant.

À noter : s’il est établi que le cat ne paiera jamais la facture, la créance devient irrécouvrable. L’entreprise peut alors constater une perte définitive, déductible du résultat imposable.

Mais à l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale avait remis en cause le caractère irrécouvrable de la créance. Elle avait donc réintégré la somme correspondante au résultat imposable de l’entreprise et lui adressé un redressement d’impôt sur les sociétés. La société avait alors demandé le rétablissement de la provision, et donc sa déduction du résultat, dans la mesure où la créance était demeurée douteuse. Ce que le Conseil d’État a refusé au motif que la provision ne figurait plus au bilan de clôture de l’exercice. Et pour les juges, le défaut de constitution d’une provision ne peut pas être corrigé, que ce soit par voie de réclamation ou de compensation.

Conseil d’État, 18 octobre 2022, n° 461039

Article publié le 08 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Licenciement pour inaptitude : consultation du CSE

L’employeur qui est dispensé de rechercher un emploi de reclassement pour un salarié déclaré inapte par le médecin du travail en raison d’une maladie personnelle n’a pas à consulter le CSE.

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à reprendre son emploi par le médecin du travail, à la suite d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou d’un accident ou d’une maladie d’origine personnelle, l’employeur doit rechercher des postes de reclassement adaptés à ses capacités. Il doit également consulter le comité social et économique (CSE) sur ces propositions de reclassement. Et ce n’est que si l’employeur ne trouve pas de postes de reclassement ou que le salarié les refuse que ce dernier peut être licencié pour inaptitude. L’employeur n’est cependant pas tenu de rechercher un poste de reclassement, et peut donc licencier le salarié immédiatement, si le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’employeur, dispensé de rechercher un poste de reclassement, doit-il quand même consulter le CSE ? Dans une affaire récente, un salarié, atteint d’une maladie personnelle, avait été déclaré inapte par le médecin du travail. Celui-ci avait, dans son avis, mentionné que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’employeur, qui était alors dispensé de rechercher un emploi de reclassement, l’avait licencié sans consulter le CSE. À juste titre pour la Cour de cassation. En effet, puisque dans ce cas, l’employeur est dispensé de rechercher un emploi de reclassement pour le salarié déclaré inapte en raison d’une maladie personnelle, il n’a pas non plus à consulter le CSE. La Cour de cassation a donc refusé d’invalider le licenciement du salarié.

À noter : dans un arrêt de juin 2022, la Cour de cassation avait déjà décidé que l’employeur dispensé de rechercher un emploi de reclassement pour le salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’a pas à consulter le CSE. Cette solution s’applique donc désormais également aux inaptitudes liées à un accident ou une maladie d’origine personnelle.

Cassation sociale, 16 novembre 2022, n° 21-17255

Article publié le 30 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Agenda électronique du salarié : l’employeur peut-il le consulter ?

Tout comme les fichiers ou les messages présents sur l’ordinateur professionnel du salarié, les éléments issus de son agenda électronique peuvent être consultés librement par l’employeur. Sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels…

Les dossiers, fichiers et messages qui sont stockés par le salarié sur l’ordinateur qui est mis à sa disposition par son employeur sont, sauf s’ils ont été identifiés comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel. Aussi, l’employeur peut les consulter librement, même en l’absence du salarié. Un principe qui, pour la Cour de cassation, s’applique également aux éléments issus de l’agenda électronique du salarié.Dans cette affaire, une salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail et avait ensuite saisi la justice en vue d’obtenir diverses indemnités. Dans le cadre de ce litige, l’employeur avait produit plusieurs documents provenant de l’agenda électronique de la salariée présent sur son ordinateur professionnel. Des documents qu’il avait récupérés en l’absence de la salariée.La Cour d’appel de Paris avait rejeté ces éléments. Et ce, au motif qu’ils provenaient de l’agenda personnel de la salariée et que l’employeur ne justifiait pas les avoir obtenus dans des conditions régulières.Mais la Cour de cassation, elle, a rappelé que les dossiers et fichiers créés sur l’ordinateur professionnel d’un salarié sont, sauf si ce dernier les a identifiés comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel. Dès lors, l’employeur peut les consulter même en l’absence du salarié. Et ces éléments sont alors recevables en justice. Or, la cour d’appel ne s’est pas assurée que les éléments produits avaient été identifiés comme étant personnels avant de les écarter des débats.Aussi, l’affaire sera de nouveau examinée par les juges d’appel.Cassation sociale, 9 novembre 2022, n° 20-18922

Article publié le 25 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Impôts commerciaux : quand une association concurrence une entreprise commerciale

L’association qui concurrence une entreprise commerciale sans parvenir à établir qu’elle exerce son activité dans des conditions différentes doit être assujettie aux impôts commerciaux.

Pour ne pas être soumise aux impôts commerciaux, une association doit notamment ne pas concurrencer une entreprise commerciale. Cette condition n’est, en principe, pas remplie lorsque l’association exerce son activité dans la même zone géographique d’attraction qu’une entreprise, qu’elle s’adresse au même public et lui propose le même service. Toutefois, même dans cette situation, l’association peut être exonérée d’impôts si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales (réponse à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, public ne pouvant normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, prix pratiqués inférieurs à ceux du secteur concurrentiel ou modulés selon la situation des bénéficiaires, etc.). Dans une affaire récente, une association gérant un établissement d’enseignement supérieur avait contesté en justice la décision de l’administration fiscale l’imposant à la cotisation foncière des entreprises (CFE). L’activité de cette association consistait, en partenariat avec des universités européennes, à dispenser des enseignements d’odontologie et de kinésithérapie afin de permettre à des étudiants français n’ayant pas intégré la première année de médecine d’obtenir un diplôme européen de chirurgien-dentiste ou de masseur-kinésithérapeute. Au soutien de sa demande d’être exonérée de la CFE, l’association prétendait qu’elle n’intervenait pas dans un secteur concurrentiel car les facultés de médecine étaient des établissements publics sans but lucratif. En outre, même si on considérait qu’elle intervenait dans un secteur concurrentiel, elle restait exclue du champ de la CFE car elle exerçait son activité dans des conditions différentes en satisfaisant à un besoin non pris en considération par le secteur marchand en s’adressant à un public particulier (à savoir, des étudiants souhaitant se diriger vers la médecine dentaire ou la kinésithérapie tout en échappant au cursus de sélection et au numérus clausus français). Mais la Cour administrative d’appel de Toulouse a estimé que l’association devait être soumise à la CFE. D’abord, le fait que les facultés de médecine soient des établissements publics sans but lucratif ne permet pas d’établir que l’association intervient dans un secteur non concurrentiel puisqu’il existe des entreprises commerciales dispensant des formations médicales et paramédicales dans la même zone géographique. Ensuite, le fait qu’elle s’adresse à des étudiants n’ayant pu ou ne voulant pas intégrer le cursus de sélection français n’établit pas qu’elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles de ces entreprises commerciales notamment en pratiquant des prix inférieurs ou modulés.

Cour administrative d’appel de Toulouse, 28 juillet 2022, n° 21TL01990

Article publié le 21 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Critiquer sa supérieure en réunion : c’est vraiment abusé ?

Seul un abus caractérisé dans l’exercice du droit à l’expression directe et collective des salariés peut justifier un licenciement.

Le Code du travail confère aux salariés un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Et ce, en vue de définir les actions à mettre en œuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise. Sachant que les salariés ne peuvent être ni sanctionnés ni licenciés pour avoir exercé ce droit. Sauf s’ils en abusent… Dans une affaire récente, un employé avait, lors d’une réunion d’expression des salariés, alerté la direction sur la façon dont sa supérieure hiérarchique lui « demandait d’effectuer son travail qui allait à l’encontre du bon sens et surtout lui faisait perdre beaucoup de temps et d’énergie, ce qui entraînait un retard dans ses autres tâches, et celles du service comptabilité fournisseurs pour le règlement des factures ». Deux jours plus tard, le médecin du travail avait constaté une altération de l’état de santé de la supérieure hiérarchique concernée. Le salarié avait alors été licencié. Un licenciement que ce dernier avait contesté en justice. Amenés à se prononcer sur ce litige, les juges d’appel avaient considéré que le licenciement du salarié était justifié. Pour eux, la remise en cause, en présence de la direction et de plusieurs salariés de l’entreprise, des directives qui lui avaient été données par sa supérieure, dont l’état de santé s’était d’ailleurs altéré, constituait un acte d’insubordination, une attitude de dénigrement et donc une cause réelle et sérieuse de licenciement. Mais la Cour de cassation a rappelé que seul le salarié qui commet un abus dans l’exercice de son droit à l’expression directe et collective peut faire l’objet d’un licenciement. Et elle a estimé que les éléments retenus par la Cour d’appel ne constituaient pas un abus caractérisé de ce droit. Aussi, l’affaire est renvoyée devant les juges d’appel.

Cassation sociale, 21 septembre 2022, n° 21-13045

Article publié le 21 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Report d’imposition des plus-values lors de l’apport de titres à une société

À certaines conditions, les plus-values générées lors de l’apport de titres à une société par un professionnel bénéficient d’un report d’imposition.

Les professionnels qui apportent des titres à une société peuvent, sur option, reporter l’imposition des plus-values générées par cet apport. Pour cela, notamment, les titres apportés doivent être inscrits à l’actif du bilan de l’apporteur ou au registre des immobilisations et être nécessaires à l’exercice de son activité. Cet apport doit, en outre, être rémunéré par des titres, eux aussi nécessaires à l’activité de l’apporteur.

À noter : l’option pour le report se formalise par la production d’un état de suivi des plus-values dont l’imposition est reportée, qui doit être joint à la déclaration de revenus de l’intéressé de l’année de réalisation de l’apport et des années suivantes.

À ce titre, le Conseil d’État, à l’occasion d’un contentieux, a apporté une précision sur les modalités d’application de ce dispositif pour les apporteurs relevant des bénéfices non commerciaux (BNC), donc pour les professionnels libéraux. Ainsi, les juges ont considéré que ces derniers ne pouvaient pas bénéficier du report d’imposition lorsque la détention des titres apportés ou reçus en rémunération de l’apport revêtait une simple utilité professionnelle.

Illustration

Dans cette affaire, un médecin ophtalmologiste avait apporté à une société holding les actions qu’il détenait dans une société anonyme exploitant une clinique. En contrepartie, il avait reçu des titres de cette société. Il avait alors estimé pouvoir bénéficier du report d’imposition sur la plus-value réalisée à l’occasion de cet apport. Ce qu’avait remis en cause l’administration fiscale au motif que les titres apportés et ceux reçus en rémunération de l’apport n’étaient pas nécessaires à son activité du médecin. Un redressement confirmé par les juges qui ont souligné que la seule inscription des titres apportés à l’actif professionnel de l’intéressé ne suffisait pas à établir leur caractère nécessaire à l’activité d’ophtalmologiste.

Rappel : en matière de BNC, les biens « nécessaires » à l’activité libérale font obligatoirement partie de l’actif professionnel tandis que les biens simplement « utiles » peuvent être, au choix du contribuable, inscrits ou non au registre des immobilisations.

En l’espèce, les juges ont estimé que si la détention des titres apportés à la société holding offrait au médecin la possibilité de peser sur les orientations de cette société, elle n’était pas nécessaire à son activité puisqu’il n’était pas tenu à une obligation de détention des titres. Par ailleurs, son intérêt professionnel à préserver l’indépendance de la clinique et à conserver la maîtrise de son outil de travail ne suffisait pas non plus à considérer que la détention de titres reçus était nécessaire à son activité.

Conseil d’État, 13 juillet 2022, n° 459900

Article publié le 17 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022