Envoi d’une réclamation fiscale : quelle est la date limite ?

Une entreprise peut valablement envoyer une réclamation à l’administration fiscale le jour de l’expiration du délai imparti, le cachet de la Poste faisant foi.

Une entreprise qui a fait l’objet d’un contrôle fiscal peut contester le redressement envisagé en adressant une réclamation à l’administration. Sachant que cette réclamation doit, en principe, être présentée au plus tard le 31 décembre de la 3e année qui suit celle de la notification de la proposition de rectification.

À noter : la réclamation peut porter tant sur les impositions supplémentaires établies à la suite de la proposition de rectification que sur les impositions initiales visées par la procédure.

À ce titre, la question s’est posée de savoir si une réclamation postée le jour de l’expiration du délai imparti, et donc reçue postérieurement par les services fiscaux, était valable. Oui, a jugé le Conseil d’État, qui a rappelé que le respect du délai s’apprécie par rapport à la date d’envoi de la réclamation par le contribuable, et non par rapport à sa date de réception par l’administration. Une réclamation peut donc valablement être envoyée jusqu’au dernier jour de la date limite. Ainsi, par exemple, une réclamation formulée pour contester une proposition de rectification notifiée en 2020 peut être postée au plus tard le 31 décembre 2023, peu importe qu’elle soit réceptionnée ultérieurement par l’administration.

En pratique : il est conseillé d’envoyer une réclamation fiscale par lettre recommandée avec accusé de réception, le cachet de la Poste faisant foi, afin d’être en mesure de prouver sa date d’envoi.

Conseil d’État, 23 septembre 2022, n° 458597

Article publié le 06 mars 2023 – © Les Echos Publishing 2022

CDD de remplacement : quelles mentions obligatoires ?

Le contrat à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent doit indiquer son nom et sa qualification, sous peine de se voir requalifier en contrat à durée indéterminée par les tribunaux.

Un contrat à durée déterminée (CDD) doit être conclu par écrit et contenir certaines mentions obligatoires, au risque d’être requalifié par les tribunaux en contrat à durée indéterminée (CDI). À ce titre, un CDD destiné à remplacer un salarié absent doit indiquer le nom et la qualification professionnelle de ce salarié. Ainsi, dans une affaire récente, un salarié avait été engagé en CDD pour remplacer un salarié en congés payés. Le CDD mentionnait qu’il était recruté en qualité de « conducteur routier coefficient 138 M groupe 6 qualification : ouvrier » ainsi que le nom du salarié absent. Constatant que la qualification du salarié qu’il remplaçait n’était pas indiquée, le salarié en CDD avait saisi la justice afin d’obtenir la requalification de son contrat en un CDI. La Cour de cassation a fait droit à sa demande. En effet, le Code du travail exige que le CDD de remplacement précise, à la fois, le nom et la qualification professionnelle du salarié remplacé. L’absence de l’une ou l’autre de ces mentions entraîne donc la requalification du CDD en CDI.

Précision : pour la Cour de cassation, la qualification professionnelle du salarié remplacé ne peut pas être déduite de celle du salarié recruté en CDD.

Cassation sociale, 8 février 2023, n° 21-14444

Article publié le 06 mars 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Dégradation de l’EBE : une preuve des difficultés économiques ?

Une dégradation de l’excédent brut d’exploitation, dès lors qu’elle est sérieuse et durable, peut justifier un licenciement économique. Et ce même si le chiffre d’affaires a augmenté…

Les employeurs sont autorisés à procéder à des licenciements pour motif économique notamment lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation (EBE), soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Et si en la matière, le Code du travail précise bien ce qu’il faut entendre par une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires (à savoir une baisse constatée sur un ou plusieurs trimestres par rapport à la même période de l’année précédente), il ne dit rien quant à l’application des autres critères comme la dégradation de l’EBE. Il revient alors aux juges d’apprécier le caractère durable et sérieux de cette dégradation afin d’en déduire, ou non, l’existence de difficultés économiques. Dans une affaire récente, une directrice d’hébergement avait été licenciée pour motif économique en raison de la diminution de l’EBE de la société qui l’employait. Elle avait toutefois contesté en justice le motif économique de son licenciement. Et pour cause, si la société avait vu son EBE se dégrader, elle avait, dans le même temps, enregistré une augmentation de son chiffre d’affaires. Amenés à se prononcer dans ce litige, les juges d’appel avaient relevé que l’EBE de la société s’était dégradé sur plusieurs années (-726 000 € en 2014, -874 000 € en 2015…). De sorte que cette dégradation présentait un caractère durable et sérieux et que l’EBE de la société avait bien connu une évolution significative. La société, qui était confrontée à des difficultés économiques, était alors fondée à prononcer un licenciement économique. Une décision qui a, par la suite, été confirmée par la Cour de cassation.

Précision : les juges n’ont pas retenu l’argument de la salariée qui invoquait une augmentation du chiffre d’affaires de la société. En effet, dans une affaire antérieure, ils avaient déjà indiqué que même en l’absence d’une baisse du chiffre d’affaires (ou des commandes), les difficultés économiques d’une entreprise peuvent découler de l’évolution significative d’un autre indicateur économique, comme la dégradation de l’EBE (Cassation sociale, 21 septembre 2022, n° 20-18511).

Cassation sociale, 1er février ,2023, n° 20-19661

Article publié le 02 mars 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Validité d’un forfait-jours : la taille de l’entreprise ne compte pas !

L’autonomie d’un salarié, à laquelle est conditionnée l’application d’un forfait-jours, ne s’apprécie pas au regard de la taille de l’entreprise.

Si la durée du travail est généralement décomptée sur une base horaire hebdomadaire, certains salariés peuvent être soumis à un forfait annuel en jours. Autrement dit, leur temps de travail s’établit sur la base d’un nombre de jours travaillés dans l’année, moyennant une rémunération fixée forfaitairement. Mais attention, tous les salariés ne sont pas éligibles à ce dispositif. En effet, selon le Code du travail, il s’adresse uniquement : aux salariés cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ; et aux salariés (cadres ou non cadres) dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. Concrètement, il convient de se référer, notamment, au poste occupé par le salarié, à l’organisation de son emploi du temps et aux responsabilités qui lui sont confiées pour apprécier son autonomie. Et non pas à la taille de l’entreprise, comme vient de le préciser la Cour de cassation. Dans cette affaire, une salariée cadre recrutée en tant que vétérinaire et soumise à un forfait-jours avait été licenciée pour inaptitude. Elle avait saisi la justice afin de contester la validité de ce forfait et ainsi obtenir, entre autres, le paiement d’heures supplémentaires. Elle estimait, en effet, ne pas avoir disposé de l’autonomie suffisante dans l’organisation de son emploi du temps pour se voir appliquer un forfait-jours notamment car elle avait été contrainte de se conformer aux horaires d’ouverture et de fermeture du cabinet vétérinaire. Saisie du litige, la Cour d’appel de Grenoble n’avait pas fait droit à sa demande. Selon les juges, compte tenu de la taille réduite du cabinet (qui comptait seulement la présence d’une assistante vétérinaire ou d’une autre vétérinaire), la salariée n’avait pas été contrainte de se soumettre à un horaire collectif. Il en résultait qu’elle avait, à juste titre, pu se voir appliquer un forfait-jours. Mais la Cour de cassation n’a pas validé ce raisonnement. Pour elle, l’autonomie de la salariée, et donc la validité du forfait-jours auquel elle était soumise, ne peuvent pas être appréciées en fonction de la taille du cabinet. Il reviendra donc, de nouveau, aux juges d’appel de se positionner sur l’autonomie réelle de la salariée au regard de critères plus pertinents…

Cassation sociale, 25 janvier 2023, n° 21-16825

Article publié le 28 février 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Quand demander la mise en redressement judiciaire d’un commerçant ayant cessé son activité ?

Le délai d’un an dont dispose un créancier pour assigner en redressement judiciaire un commerçant ayant cessé son activité court à compter de la date à laquelle la radiation de ce dernier a été inscrite au RCS, et non pas à compter de celle à laquelle il a cessé son activité.

Un créancier est en droit de demander en justice qu’un commerçant soit placé en redressement ou en liquidation judiciaire même après que ce dernier a cessé son activité. Dans ce cas, cette demande doit intervenir dans un délai d’un an à compter de la radiation du commerçant au registre du commerce et des sociétés (RCS).À ce titre, dans une affaire récente, un commerçant avait cessé son activité le 11 mars 2019, sa radiation au RCS étant intervenue le 5 août suivant. Son extrait Kbis indiquait bien une radiation au 5 août 2019 mais « avec effet au 11 mars 2019 ». Du coup, la question s’est posée de savoir si le point de départ du délai d’un an était la date de la mention de la radiation au RCS (5 août 2019) ou bien la date d’effet de celle-ci (11 mars 2019).En effet, l’un des créanciers de ce commerçant l’avait assigné en redressement judiciaire le 15 juillet 2020. Ce dernier avait alors fait valoir que cette demande était hors délai puisqu’il avait cessé son activité depuis plus d’un an. Mais la Cour de cassation ne lui a pas donné raison. Pour elle, le délai d’un an court à compter de la date à laquelle la radiation est inscrite au RCS (en l’occurrence le 5 août 2019), peu importe le fait que l’extrait Kbis mentionne une radiation avec effet à une date antérieure (en l’occurrence au 11 mars 2019), « cette précision étant sans incidence sur le point de départ du délai en cause à l’égard des tiers ». L’assignation du créancier était donc recevable.

Attention : cette solution ne s’applique qu’aux personnes physiques exerçant une activité commerciale. Pour les personnes physiques exerçant une activité artisanale, agricole ou libérale, c’est la date de cessation d’activité qui fait courir le délai d’un an. Et pour les sociétés, c’est la date de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation qu’il faut prendre en compte.

Cassation commerciale, 18 janvier 2023, n° 21-21748

Article publié le 27 février 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Une fondation n’est pas un investisseur professionnel

Une fondation ayant pour objet l’aide à l’enfance dans le besoin et aux démunis et dont les ressources proviennent de dons n’est pas un investisseur professionnel et doit, à ce titre, recevoir un conseil approprié.

Les associations et les fondations peuvent vouloir investir leurs excédents de trésorerie dans des placements afin de générer des intérêts. Mais la prudence est de mise, comme le montre une affaire récente jugée par la Cour d’appel de Paris. Ainsi, une fondation reconnue d’utilité publique dotée d’un patrimoine très important avait conclu une convention de prestation de services avec une société de conseil en vue de réaliser plusieurs investissements. Celle-ci avait notamment mis en place un fonds d’investissement de droit luxembourgeois sur lequel la fondation s’engageait à effectuer un dépôt initial de 10 millions d’euros, puis un versement de 215 millions d’euros réparti en 12 mensualités. Alléguant des retards dans l’exécution de ses obligations par la fondation, la société de conseil lui avait indiqué qu’elle mettait fin à la convention de prestation de services. La fondation avait alors réclamé le remboursement des sommes qu’elle avait déjà remises à la société de conseil. Le tribunal de commerce de Paris avait annulé la convention de prestation de services et ordonné à la société de conseil de restituer à la fondation plus de 1,34 million d’euros. Ce jugement ayant été contesté par la société, le litige a été porté devant la Cour d’appel de Paris. Pour la cour d’appel, la fondation devait être considérée comme un investisseur non professionnel. En effet, selon le Code monétaire et financier, « un client professionnel est un client qui possède l’expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre ses propres décisions d’investissement et évaluer correctement les risques encourus ». Or, puisque la fondation avait pour objet l’aide à l’enfance dans le besoin et aux démunis et que ses ressources provenaient de dons, les juges ont estimé que « les règles de la finance lui étaient étrangères ». Constatant un défaut de conseil et un comportement déloyal de la part de la société à l’égard d’un investisseur non professionnel, la cour d’appel a annulé la convention de prestation de services et a condamné la société à restituer à la fondation les sommes qui lui avaient été versées.

Cour d’appel de Paris, 10 octobre 2022, RG n° 21/12989

Article publié le 27 février 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Quel régime social pour le président d’une SAS exerçant une activité agricole ?

Le président d’une société par actions simplifiée exerçant une activité agricole relève du régime de protection sociale des salariés des professions agricoles et non de celui des exploitants agricoles.

Dans le cadre de leur affiliation à la MSA, les chefs d’exploitations et d’entreprises agricoles relèvent du régime de protection sociale des non-salariés agricoles. Mais par dérogation, les présidents et dirigeants de sociétés par actions simplifiées (SAS) exerçant une activité agricole relèvent du régime de Sécurité sociale des salariés agricoles. C’est ce que les juges ont réaffirmé dans l’affaire récente suivante. Une caisse de MSA avait adressé au président non rémunéré d’une SAS exerçant une activité agricole une contrainte relative à des impayés de cotisations sociales. L’intéressé avait alors contesté cette contrainte en justice, faisant valoir qu’il ne relevait pas du statut social des exploitants agricoles mais de celui des salariés agricoles. Les juges (la Cour de cassation, en l’occurrence) lui ont donné raison : en sa qualité de président d’une SAS, il était assimilé à un salarié agricole ainsi que la loi (article L 722-20-9° du Code rural) le prévoit. Le régime de protection sociale des exploitants agricoles lui était donc inapplicable.

À noter : les juges avaient déjà estimé, par le passé, que même s’il n’est pas rémunéré, le président d’une société par actions simplifiée (SAS) exerçant une activité agricole relève du régime de protection sociale des salariés des professions agricoles et non du régime des exploitants agricoles.

Cassation civile 2e, 13 octobre 2022, n° 20-23133

Article publié le 21 février 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Pluralité de gérants de SARL : la responsabilité d’un seul peut être engagée

Le fait qu’une SARL soit dirigée par plusieurs gérants n’empêche pas que la responsabilité de ces derniers puisse être engagée individuellement.

Une société à responsabilité limitée (SARL) peut être gérée par un ou plusieurs gérants. Ces derniers sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les personnes étrangères à la société (les « tiers ») des infractions à la loi ou aux règlements, des violations des statuts ou encore des fautes commises dans leur gestion. Sachant que lorsque plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage. À ce titre, la Cour de cassation vient d’affirmer, pour la première fois semble-t-il, que la pluralité de gérants dans une SARL ne fait pas obstacle à ce que leur responsabilité soit engagée de manière individuelle. Dans cette affaire, la cogérante d’une SARL exploitant un supermarché dans un centre commercial exploitait également un restaurant dans ce même centre. Quelque temps avoir quitté la SARL, elle avait vu sa responsabilité pour faute de gestion engagée par la société. En effet, cette dernière lui reprochait de lui avoir fait supporter des factures d’électricité qui étaient dues par son restaurant. L’ex-gérante avait alors fait valoir que l’action en responsabilité aurait dû être engagée non pas contre elle seulement, mais contre tous les cogérants. Les juges n’ont donc pas été de cet avis : la SARL pouvait valablement agir en responsabilité contre l’ex-gérante pour des fautes commises dans sa gestion quand bien même y avait-il plusieurs gérants.

Cassation commerciale, 25 janvier 2023, n° 21-15772

Article publié le 16 février 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Quant à la preuve du renouvellement de la période d’essai…

Pour s’assurer du consentement clair et non équivoque du salarié à voir renouveler sa période d’essai, les juges peuvent se fonder sur divers éléments comme des échanges de mails.

Bien souvent, un contrat de travail à durée indéterminée débute par une période d’essai. Et si cette période ne suffit pas à l’employeur pour apprécier les aptitudes du nouvel embauché, elle peut être renouvelée une fois. Mais à condition que ce renouvellement soit prévu par un accord de branche étendu (qui en fixe la durée et les modalités) et par le contrat de travail du salarié. Et ce n’est pas tout, il faut aussi obtenir l’accord du salarié. Sachant que lorsqu’un doute subsiste en la matière, les juges vérifient que la volonté du salarié de renouveler sa période d’essai est claire et non équivoque… Dans une affaire récente, un salarié avait été engagé en tant que directeur des ressources humaines par un contrat de travail qui prévoyait une période d’essai de 3 mois renouvelable. Il avait ensuite signé une lettre actant le renouvellement de sa période d’essai. Environ un mois plus tard, son employeur lui avait notifié la rupture de sa période d’essai. Le salarié avait alors saisi la justice en vue de contester le renouvellement de sa période d’essai (et donc d’obtenir la requalification de la rupture de la période d’essai en licenciement abusif). Il estimait en effet qu’il n’avait pas accepté ce renouvellement de manière claire et non équivoque. Saisie de l’affaire, la Cour d’appel de Versailles a constaté que la lettre de renouvellement signée par le salarié ne contenait aucune mention (comme la mention « lu et approuvé ») permettant de s’assurer de sa volonté claire et non équivoque. Elle a toutefois relevé que le salarié avait adressé des mails à plusieurs recruteurs dans lesquels il indiquait que sa période d’essai avait été renouvelée. Pour les juges, ces mails prouvaient que le salarié avait manifesté sa volonté de manière claire et non équivoque d’accepter le renouvellement. Les juges n’ont donc pas fait droit à la demande du salarié.

Conseil : afin d’éviter une contestation du salarié, l’employeur a tout intérêt à lui faire signer une lettre de renouvellement de la période d’essai comportant la mention manuscrite « lu et approuvé ».

Cassation sociale, 25 janvier 2023, n° 21-13699

Article publié le 16 février 2023 – © Les Echos Publishing 2022

Cession d’actions : quelle obligation pour la société en cas de refus d’agrément du cessionnaire ?

Lorsque, après avoir refusé d’agréer le cessionnaire proposé par un associé qui souhaite vendre ses actions, elle s’est engagée à les racheter au prix fixé par un expert, ce que l’associé a accepté, la société ne peut plus revenir sur cet accord.

Très souvent, dans les sociétés, les statuts prévoient qu’en cas de cession de parts sociales ou d’actions par un associé, le cessionnaire proposé par ce dernier devra être agréé par les autres associés. Et qu’à défaut d’agrément, la société devra racheter les parts sociales ou les actions considérées. À ce titre, dans une affaire récente, l’un des deux associés d’une société par actions simplifiée (SAS), qui souhaitait quitter la société et donc vendre ses actions, avait demandé l’agrément du cessionnaire qu’il proposait. Les statuts prévoyaient dans ce cas que le cessionnaire devrait être agréé par l’assemblée générale et qu’en cas de refus d’agrément et à défaut de rachat des actions par la société dans un délai de 2 mois, l’agrément serait réputé acquis. La société ayant refusé d’agréer le cessionnaire, elle avait proposé à l’associé cédant de racheter ses actions. Elle avait alors demandé en justice la mise sous séquestre de ces actions ainsi que la désignation d’un expert pour déterminer leur valeur. Ce dernier avait remis son rapport 19 mois plus tard et la SAS avait finalement refusé de racheter les actions. Mécontent, l’associé cédant avait agi en justice contre la SAS. Mais la cour d’appel avait rejeté son action car, selon elle, puisque la SAS n’avait pas racheté les actions dans le délai de 2 mois, l’agrément du cessionnaire proposé par l’associé était réputé donné et ce dernier pouvait donc lui vendre ses actions comme prévu. Saisie à son tour, la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. En effet, elle a constaté qu’après avoir refusé l’agrément, la société avait manifesté son intention de racheter les actions au prix fixé par un expert, ce que l’associé cédant avait accepté, et qu’il y avait donc eu accord sur la chose et sur les modalités de détermination du prix. La SAS ne pouvait donc pas revenir sur cet accord et était donc tenue de racheter les actions.

Cassation commerciale, 4 janvier 2023, n° 21-10035

Article publié le 13 février 2023 – © Les Echos Publishing 2022