Résiliation d’un contrat de location par le jeu d’une clause résolutoire

Lorsqu’une clause résolutoire présente dans un contrat de location a produit ses effets avant que le locataire soit placé en redressement judiciaire, le loueur est parfaitement en droit d’obtenir la résiliation du bail en application de cette clause.

Souvent, les contrats de bail comportent une clause, dite « résolutoire », qui prévoit que le bail sera résilié de plein droit (c’est-à-dire automatiquement) en cas de manquement du locataire à certaines de ses obligations, en particulier en cas de défaut de paiement du loyer.


En pratique : pour mettre en œuvre une clause résolutoire, le bailleur doit d’abord délivrer un « commandement » au locataire par acte d’huissier de justice. Ce commandement doit mentionner le délai d’un mois dont dispose ce dernier pour remédier au(x) manquement(s) qui lui est(sont) reproché(s). Et si, à l’expiration de ce délai, le locataire ne s’est pas exécuté, le bail est résilié.

L’intérêt d’une clause résolutoire

Intérêt d’une clause résolutoire : dès lors qu’il constate un manquement du locataire à un engagement prévu par la clause, manquement qui a persisté un mois après une mise en demeure, le juge, saisi par le bailleur, doit prononcer la résiliation du bail, même si ce manquement est minime. Autrement dit, en présence d’une clause résolutoire, le juge ne dispose plus d’aucun pouvoir d’appréciation.Et la clause résolutoire est également utile au cas où le locataire serait placé en redressement ou en liquidation judiciaire. Mais à condition de la faire jouer avant qu’une telle procédure soit ouverte. Car une fois que la procédure de redressement ou de liquidation est ouverte, les créanciers ne peuvent plus engager contre l’entreprise qui en fait l’objet une action en justice pour obtenir la résiliation d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent (par exemple, un loyer).Ainsi, dans une affaire récente, un loueur de véhicules avait mis en demeure une société cliente de lui régler, sous 8 jours (en l’occurrence le 1er octobre 2019 au plus tard), 197 000 € d’arriérés de loyers, faute de quoi il ferait jouer la clause résolutoire prévue dans le contrat de location. Cette mise en demeure étant restée sans effet, le loueur avait obtenu du juge des référés une ordonnance constatant l’acquisition de la clause résolutoire et ordonnant la restitution des véhicules. Par la suite, cette ordonnance avait fait l’objet d’un appel tandis que la société locataire avait été mise en redressement judiciaire.Du coup, le loueur était-il encore en droit d’agir contre cette dernière ? La Cour de cassation a répondu par l’affirmative : un créancier peut très bien demander la résiliation d’un contrat de location en faisant jouer une clause résolutoire ayant produit ses effets avant le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Dans cette affaire, la clause résolutoire avait été acquise à l’issue du délai de 8 jours laissé à la société locataire pour payer les loyers (soit le 1er octobre 2019), donc avant le prononcé du jugement d’ouverture du redressement judiciaire le 26 décembre 2019. Le loueur de véhicules était donc en droit d’obtenir la résiliation du bail.Cassation commerciale, 13 septembre 2023, n° 22-12047

Article publié le 09 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Ghislain & Marie David de Lossy

Versement mobilité : exonération des associations à caractère social

Les associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif sont exonérées du paiement du versement mobilité à condition que leur activité présente un caractère social.

Les associations employant au moins 11 salariés et situées dans un périmètre où cette contribution a été instituée doivent payer, sur les rémunérations de leurs salariés, le versement mobilité. Toutefois, en sont exonérées les associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif et dont l’activité est à caractère social.La notion « d’activité à caractère social » n’étant pas définie par la loi, ce sont les tribunaux qui en ont précisé les contours. Ainsi, pour la Cour de cassation, le caractère social de l’activité n’est pas déterminé par l’objet défini dans les statuts de l’association mais dépend des conditions dans lesquelles l’établissement associatif exerce ses activités.Sachant que les critères permettant de reconnaître le caractère social d’une activité sont notamment la gratuité ou le caractère modique de la participation financière demandée aux utilisateurs des services de l’association, le concours de bénévoles dans son fonctionnement, même limité aux seules tâches administratives, et le fait de ne pas être financé exclusivement par des subventions publiques.Dans une affaire récente, Île-de-France Mobilités avait refusé d’exonérer du versement mobilité une maison d’enfants gérée par une association reconnue d’utilité publique. Une décision que l’association avait contestée en justice.La cour d’appel avait constaté que l’association intervenait exclusivement dans le secteur social et médico-social et que la maison d’enfants avait « pour vocation de répondre à un besoin d’accompagnement de jeunes en grande difficulté sociale, dont les familles ne peuvent seules assumer l’éducation ». Dès lors, selon elle, cet établissement devait être exonéré du versement mobilité en raison du caractère social de son activité.Mais la Cour de cassation a annulé cet arrêt. En effet, pour reconnaître le caractère social de l’activité de l’établissement, la cour d’appel a tenu compte de l’objet statutaire de l’association. Or elle aurait dû analyser les conditions dans lesquelles l’établissement exerçait son activité. En conséquence, l’affaire sera rejugée par une autre cour d’appel.


En complément : la Cour de cassation a déjà reconnu le caractère social de l’activité d’une association dont l’objet essentiel est d’assurer, avec le concours de bénévoles, l’hébergement et le perfectionnement professionnel de jeunes ouvriers itinérants en échange d’une participation modique. De même pour une crèche gérée par des bénévoles qui accueille notamment des enfants issus de milieux défavorisés ou présentant des handicaps et qui demande aux parents le paiement d’une participation modique dont le montant varie selon leurs ressources et la composition des familles.

Cassation civile 2e, 6 avril 2023, n° 21-10518

Article publié le 09 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : © 2012 GC Photography

Licenciement et paternité : attention à la rédaction de la lettre de licenciement !

L’employeur qui licencie un salarié dans les 10 semaines suivant la naissance de son enfant doit mentionner dans sa lettre de licenciement l’existence d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

Le Code du travail interdit à un employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les 10 semaines suivant la naissance de son enfant. Il existe toutefois deux exceptions à cette interdiction : l’employeur peut licencier le salarié soit en cas de faute grave, soit en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (inaptitude du salarié, licenciement pour motif économique…).Dans une affaire récente, un salarié avait été licencié « pour cause réelle et sérieuse » 2 semaines après la naissance de son enfant. Un licenciement qu’il avait contesté en justice.Devant les juges, son employeur invoquait le fait que, même si ce n’était pas précisé dans sa lettre de licenciement, le salarié avait été licencié en raison de l’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant, à savoir en raison de manquements professionnels incompatibles avec ses fonctions de responsable commercial.Saisie du litige, la Cour de cassation a estimé que le licenciement du salarié devait être annulé puisque sa lettre de licenciement ne mentionnait ni une faute grave ni l’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.


Conséquence : l’employeur qui licencie un salarié pendant la période de protection suivant la naissance de son enfant ne doit pas oublier de faire état, dans la lettre de licenciement, de l’existence d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

Cassation sociale, 27 septembre 2023, n° 21-22937

Article publié le 05 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Halfpoint Images

Temps partiel thérapeutique : quel impact sur la participation ?

Pour calculer la prime de participation due aux salariés, les périodes de temps partiel thérapeutique doivent être assimilées à des périodes de présence dans l’entreprise.

Le dispositif de participation, qui permet d’associer les salariés aux résultats de l’entreprise, doit obligatoirement être instauré dans les structures employant au moins 50 personnes. Et ce, au moyen d’un accord collectif qui fixe, notamment, la formule de calcul de la réserve spéciale de participation ainsi que les modalités et plafonds de répartition de cette réserve entre les salariés. Cet accord peut prévoir que la réserve spéciale est répartie entre les salariés proportionnellement à leur durée de présence dans l’entreprise. À ce titre, le Code du travail indique que doivent être assimilées à des périodes de présence dans l’entreprise notamment les périodes de congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant ainsi que les arrêts de travail dus à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Mais qu’en est-il des périodes de travail en temps partiel thérapeutique ?


Rappel : dans le cadre d’un temps partiel pour motif thérapeutique, le salarié travaille à temps partiel dans l’entreprise (mi-temps, deux tiers temps, quatre cinquièmes…) tout en continuant de percevoir des indemnités journalières de la Sécurité sociale.

Dans une affaire récente, une salariée avait, à la suite d’un arrêt de travail pour accident du travail, bénéficié d’une période de 6 mois en mi-temps thérapeutique. Plus tard, elle avait saisi la justice en vue d’obtenir le paiement par son employeur d’un complément de prime de participation. Et pour cause, sa prime avait été calculée en fonction des seules heures effectivement travaillées durant la période de mi-temps thérapeutique et de la rémunération qui y était associée. De son côté, l’employeur avait estimé que le Code du travail ne lui imposait pas de prendre en compte les heures non travaillées dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.Saisie du litige, la Cour de cassation a replacé le débat sur la base du principe de non-discrimination. Elle a, en effet, rappelé que les employeurs n’étaient pas autorisés à prendre des mesures fondées sur l’état de santé d’un salarié, notamment en matière de rémunération, d’intéressement ou de distribution d’actions. Elle en a déduit que le mi-temps thérapeutique de la salariée devait être assimilé à une période de présence dans l’entreprise et que le calcul de sa prime de participation devait donc prendre en compte le salaire perçu avant le mi-temps thérapeutique et l’arrêt de travail l’ayant, le cas échéant, précédé.Cassation sociale, 20 septembre 2023, n° 22-12293

Article publié le 04 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Tetra Images

Congés payés : les arrêts de travail comptent !

Les arrêts de travail consécutifs à un accident du travail, un accident de trajet ou une maladie professionnelle ou à un accident ou une maladie non professionnelle doivent être pris en compte pour le calcul des droits à congés payés.

Les salariés bénéficient de 5 semaines de congés payés par an acquises au rythme de 2,5 jours ouvrables de congés par mois de travail effectif.Les salariés absents de l’entreprise continuent à acquérir des congés payés pendant ces absences si celles-ci sont assimilées à du temps de travail effectif par le Code du travail. À ce titre, doivent être pris en compte dans le calcul des droits à congés payés des salariés notamment les congés familiaux (congé d’adoption, de maternité…) et les congés payés de l’année précédente.En revanche, selon le Code du travail, les arrêts de travail causés par des accidents ou des maladies non professionnels ne constituent pas du temps de travail effectif. Ils ne permettent donc pas d’acquérir des congés payés. Quant aux arrêts de travail consécutifs à un accident du travail, un accident de trajet ou une maladie professionnelle, ils ne sont pris en compte que dans la limite d’un an.Depuis plusieurs années, les juges européens considèrent que ces dispositions du Code du travail empêchant les salariés d’acquérir des congés payés pendant leurs arrêts de travail sont contraires au droit européen.

Une mise en conformité avec le droit européen

La non-conformité des dispositions du Code du travail avec le droit européen a récemment conduit la Cour de cassation à ne plus les appliquer dans les litiges qu’elle traite.Dès lors, dans deux affaires récentes, la Cour de cassation a décidé que les salariés avaient acquis des congés payés pendant leur arrêt de travail. Une solution qu’elle a basée sur l’article 31, §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui garantit à tout travailleur une période annuelle de congés payés.Ainsi, désormais, la Cour de cassation assimile à du temps de travail effectif :
– les arrêts de travail causés par des accidents ou des maladies non professionnels ;
– les arrêts de travail consécutifs à un accident du travail, un accident de trajet ou une maladie professionnelle, sans limitation de durée.Autrement dit, les employeurs doivent tenir compte de ces arrêts de travail pour calculer les droits à congés payés de leurs salariés.


À noter : de nombreuses conventions collectives imposent déjà aux employeurs de prendre en compte les arrêts de travail de leurs salariés pour calculer leurs droits à congés payés.

Cassation sociale, 13 septembre 2023, n° 22-17340Cassation sociale, 13 septembre 2023, n° 22-17638

Article publié le 02 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : tolgart

Liquidation judiciaire d’une association et responsabilité du dirigeant bénévole

La responsabilité du dirigeant associatif peut être engagée lorsque ce dernier a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de l’association.

La liquidation judiciaire d’une association peut faire apparaître une insuffisance d’actif. Les liquidités de la structure ne permettant plus de rembourser ses dettes.Dans une telle situation, le dirigeant associatif qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif peut être condamné en justice à supporter les dettes de l’association, en partie ou totalement, sur son patrimoine personnel.Ainsi, dans une affaire récente, une association gérant une école avait été mise en liquidation judiciaire. Son président, ainsi que le directeur pédagogique de l’école, reconnu comme dirigeant de fait de l’association, avaient alors été condamnés à payer plus de 180 000 € au titre de l’insuffisance d’actif constatée dans le cadre de cette liquidation. En effet, selon les juges, ces derniers avaient commis des fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.Saisie de ce litige, la Cour d’appel de Versailles a annulé en partie cette condamnation.D’abord, elle a estimé que le directeur pédagogique de l’école, salarié de l’association, ne pouvait pas être considéré comme un dirigeant de fait, c’est-à-dire comme une personne exerçant en toute indépendance une activité positive de gestion ou de direction. Dès lors, ce dernier ne pouvait pas être condamné à rembourser les dettes de l’association.Ensuite, la cour d’appel a rappelé, d’une part, que la responsabilité d’un dirigeant associatif ne peut pas être engagée lorsqu’il a commis non pas une faute de gestion mais une simple négligence, et d’autre part, qu’en cas de liquidation judiciaire d’une association non assujettie à l’impôt sur les sociétés, l’existence d’une faute de gestion commise par un dirigeant associatif doit être appréciée au regard de sa qualité de bénévole.Au vu de ces principes, elle a considéré que le président de l’association avait commis une première faute de gestion, à savoir le non-paiement, pendant près d’un an et pour un montant de plus de 100 000 €, des cotisations sociales et des cotisations de retraite complémentaire dues sur les rémunérations des salariés. La persistance et le montant des cotisations impayées ne pouvant permettre de qualifier ce fait de simple négligence. Une seconde faute de gestion, qui ne pouvait pas non plus s’assimiler à une simple négligence, a été reprochée au président de l’association, soit la poursuite d’une activité déficitaire pendant 3 ans alors que la diminution des sources de financement s’aggravait et que les charges n’étaient pas suffisamment réduites.Pour la cour d’appel, ces deux fautes de gestion, qui ont conduit à une augmentation du passif, ont nécessairement contribué à une augmentation de l’insuffisance d’actif. Dès lors, la responsabilité du président de l’association devait être engagée. Pour autant, compte tenu de sa qualité de dirigeant bénévole, la cour d’appel a réduit le montant de sa condamnation à 15 000 €.Cour d’appel de Versailles, 16 mai 2023, n° 22/06770

Article publié le 02 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : elenaleonova

Rupture d’une relation commerciale établie : quelle durée pour le préavis ?

Lorsqu’ils sont appelés à apprécier la durée du préavis en cas de rupture d’une relation commerciale établie, les juges ne peuvent pas fixer un délai inférieur à celui prévu par le contrat.

Tout producteur, distributeur ou prestataire de services qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans donner à son partenaire un préavis écrit d’une durée suffisamment longue engage sa responsabilité et peut donc être condamné à verser des dommages-intérêts à ce dernier.

Précision : la durée minimale du préavis doit être fixée au regard notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou, s’ils existent, aux accords interprofessionnels. En pratique, les tribunaux ont également tendance à prendre en compte la nature de la relation commerciale entretenue par les parties (volume d’affaires, état de dépendance économique de la victime, obligation d’exclusivité, etc.). Sachant que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut pas être engagée pour cause de durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de 18 mois.

À ce titre, lorsqu’ils sont appelés à apprécier la durée du préavis en cas de rupture d’une relation commerciale établie, les juges ne peuvent pas fixer un délai inférieur à celui prévu par le contrat. Autrement dit, ils peuvent estimer que ce délai est suffisant ou bien accorder un délai plus long au regard des critères énoncés ci-dessus, mais ils ne peuvent pas fixer le préavis à une durée inférieure à celle prévue dans le contrat. C’est ce que la Cour de cassation a précisé dans l’affaire récente suivante. Une société avait fait travailler une agence de communication pendant environ 4 ans, puis avait mis fin à cette relation sans respecter le préavis de 6 mois prévu dans le contrat. Saisie du litige, la cour d’appel avait fixé à un mois le délai de préavis qui aurait dû être respecté par cette société au regard de la durée de la relation commerciale qu’elle avait entretenue avec l’agence. La Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel, en lui reprochant de ne pas avoir apprécier « si la durée du préavis devait être égale ou supérieure à celle prévue dans le contrat ».

Cassation commerciale, 28 juin 2023, n° 22-17933

Article publié le 29 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : OJO Images

Salariés en couple : attention aux discriminations !

Sont considérées comme discriminatoires les mesures prises par l’employeur visant à empêcher deux salariés en couple de travailler en même temps dans le même service.

La situation de famille des salariés figure parmi les critères qui ne doivent pas influencer les employeurs pour procéder à un recrutement, prononcer une sanction disciplinaire, fixer la rémunération d’un salarié ou bien encore modifier ses horaires de travail. En effet, les décisions prises par l’employeur, en raison de la situation familiale d’un salarié, peuvent être considérées comme discriminatoires. C’est notamment le cas lorsque l’employeur refuse que deux salariés en couple travaillent en même temps… Récemment, deux salariés en couple avaient été successivement recrutés, en tant « qu’hôtes service client », dans le même service d’une entreprise. Après avoir eu connaissance de leur relation intime, l’employeur avait modifié leurs plannings afin qu’ils ne travaillent jamais en même temps. Selon lui, le fait que ces salariés travaillent ensemble aurait été « hors procédure », un usage interne consistant à ne pas faire travailler en même temps, au sein du service client, les salariés en couple ou ayant un lien de parenté. Et ce, afin de préserver les bonnes relations dans chaque service et de prévenir tout conflit d’intérêt. Plus tard, l’un des salariés avait abandonné son poste de travail (ses demandes de mutation et de rupture conventionnelle ayant été refusées) tandis que l’autre n’avait pas vu son contrat de travail à durée déterminée renouvelé. Ces derniers avaient alors saisi la Défenseure des droits, estimant avoir été victime d’une discrimination en raison de leur situation familiale. Saisie du dossier, la Défenseure des droits a relevé que la situation de famille des salariés était à l’origine des mesures prises par l’entreprise s’agissant de leurs horaires de travail, ce que l’employeur n’avait d’ailleurs pas contesté. Et que ces mesures avaient donc un caractère discriminatoire. Les raisons invoquées par l’employeur, à savoir l’absence de « contre-pouvoir » lorsque deux salariés en couple travaillent ensemble et la sensibilité du service auquel ils étaient rattachés (encaissements, reprise de marchandises…), alors même qu’il n’existait aucun lien de subordination entre ces employés, n’ont pas convaincu la Défenseure des droits. Selon elle, ces raisons ne justifiaient pas les restrictions apportées aux droits et libertés des salariés, y compris de manière préventive. Pas plus qu’elles ne constituaient des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Aussi, l’employeur s’est vu recommandé, notamment, de se rapprocher des salariés afin de procéder à une juste réparation du préjudice qu’ils ont subi et de modifier ses pratiques afin de respecter le principe de non-discrimination.

Défenseure des droits, décision du 23 juin 2023, n° 2023-0001, JO du 12 septembre

Article publié le 29 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : PhotoAlto/Frederic Cirou

Licenciement pour inaptitude : attention à la formulation de l’avis du médecin du travail !

Pour dispenser l’employeur de son obligation de reclasser un salarié déclaré inapte, l’avis d’inaptitude du médecin du travail doit être conforme, au mot près, aux exigences du Code du travail.

Lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte à reprendre son emploi à la suite d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou d’un accident ou d’une maladie d’origine personnelle, l’employeur doit, avant de le licencier, rechercher des postes de reclassement adaptés à ses capacités. Et ce n’est que si l’employeur ne trouve pas de postes de reclassement ou que le salarié les refuse que ce dernier peut être licencié pour inaptitude. Cependant, l’employeur n’est pas tenu de rechercher un poste de reclassement, et peut donc licencier le salarié immédiatement, si, conformément au Code du travail, le médecin du travail mentionne expressément dans son avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Mais attention, avant de se dispenser de son obligation de reclassement, l’employeur doit bien vérifier la formulation inscrite dans l’avis d’inaptitude établi par le médecin du travail ! Ainsi, dans une affaire récente, un salarié en arrêt de travail pour maladie non professionnelle avait été déclaré inapte par le médecin du travail. Cet avis d’inaptitude indiquait que « tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».Estimant que cette formulation le dispensait de rechercher un poste de reclassement pour le salarié, l’employeur l’avait alors licencié immédiatement pour inaptitude. Un licenciement que le salarié avait contesté en justice. La Cour de cassation a fait droit à la demande du salarié. En effet, elle a constaté que l’avis d’inaptitude mentionnait que « tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ». Or, pour dispenser l’employeur de son obligation de reclassement, l’avis d’inaptitude doit préciser que « tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Les juges ont considéré que la formulation inscrite dans l’avis d’inaptitude du médecin du travail n’était pas conforme aux exigences du Code du travail et, donc, qu’elle ne dispensait pas l’employeur de son obligation de reclassement. Ils en ont déduit que le licenciement pour inaptitude du salarié n’était pas valable.

Cassation sociale, 13 septembre 2023, n° 22-12970

Article publié le 27 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Dann Tardif

Cession de parts sociales : les associés solidaires des engagements pris envers l’acquéreur !

En cas de cession de l’intégralité des parts d’une société, tous les associés, même les minoritaires, sont, sauf clause prévoyant le contraire, solidairement tenus des engagements pris envers l’acquéreur.

Dans une affaire récente, les trois associés d’une SARL avaient cédé l’intégralité de leurs parts sociales à une autre société. L’un des associés était ultra majoritaire puisqu’il détenait 99,93 % des parts tandis que les deux autres détenaient chacun une part sociale seulement. Le montant de la transaction s’élevait à 380 000 €, un acompte de 300 000 € ayant été versé par l’acquéreur lors de la cession. Les parties avaient toutefois convenu que le prix de cession définitif pourrait être révisé à la baisse en fonction de la situation comptable de la société arrêtée ultérieurement. Cette situation comptable ayant fait apparaître des capitaux propres négatifs (- 937 000 €), le prix de cession définitif avait été fixé à 1 €. Du coup, l’acquéreur avait réclamé aux associés cédants le remboursement de l’acompte qu’il avait versé (plus précisément 299 900 €, soit 300 000 € – 1 €). Les deux associés minoritaires avaient alors fait valoir que cette somme ne pouvait pas leur être réclamée en intégralité puisqu’ils n’étaient pas juridiquement solidaires de l’associé majoritaire. À l’issue du contentieux qui s’en est suivi, les juges les ont pourtant condamnés solidairement avec l’associé majoritaire à rembourser intégralement l’acompte versé par l’acquéreur. En effet, dans la mesure où la cession du contrôle d’une société commerciale est considérée comme étant un acte de commerce, elle implique une solidarité entre les associés cédants.

À noter : dans l’acte de cession, il est possible de prévoir une clause qui écarte expressément la solidarité. Mais en l’occurrence, une telle clause n’existait pas.

Cassation commerciale, 30 août 2023, n° 22-10466

Article publié le 25 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Klaus Vedfelt