Quand le gouvernement peut-il dissoudre une association ?

La dissolution d’une association ne peut être prononcée que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public par ses agissements.

L’article 212-1 du Code de la sécurité intérieure permet au gouvernement de dissoudre, par décret, une association ou un groupement de fait qui provoque ou contribue par ses agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée à une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ou qui propage des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence. En outre, depuis 2021, le gouvernement est également autorisé à dissoudre une association ou un groupement de fait qui provoque à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens. Entre 2021 et 2023, le gouvernement a ainsi dissous une association, Coordination contre le racisme et l’islamophobie, ainsi que trois groupements de fait, l’Alvarium, Les Soulèvements de la Terre et le Groupe Antifasciste Lyon et environs. Des décrets dont ces organisations ont demandé l’annulation en justice.

Des principes

Dans quatre décisions récentes, le Conseil d’État a estimé que, conformément à l’article 212-1 du Code de la sécurité intérieure, le gouvernement peut dissoudre une organisation lorsque celle-ci :
– incite des personnes, par propos ou par actes, explicitement ou implicitement, à se livrer à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens, de nature à troubler gravement l’ordre public ;
– légitime publiquement des agissements violents présentant une gravité particulière, quels qu’en soit les auteurs, ou ne met pas en œuvre des moyens de modération pour réagir à la diffusion, sur des services de communication au public en ligne (réseaux sociaux, notamment), d’incitations explicites à commettre des actes de violence. Mais attention, la dissolution ne peut être prononcée que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public par ces agissements.

L’annulation de la dissolution du groupement Les Soulèvements de la Terre

Les Soulèvements de la Terre organise des actions militantes visant à alimenter le débat public sur, notamment, la préservation de l’environnement et la lutte contre la consommation excessive des ressources naturelles. Le gouvernement lui reprochait notamment de légitimer des actions violentes dans le cadre de la contestation de certains projets d’aménagement (notamment, la construction de retenues de substitution à Sainte-Soline) et d’inciter à la commission de dégradations matérielles, ces provocations ayant été suivies d’effet à plusieurs reprises. Pour le Conseil d’État, ce groupement n’a pas commis de provocations explicites à la violence contre les personnes. En effet, le fait de relayer, à plusieurs reprises et « avec une certaine complaisance », des images ou des vidéos d’affrontements de manifestants avec les forces de l’ordre ne permet pas de dire que le groupement a revendiqué, valorisé ou justifié publiquement des agissements. De plus, le fait que des membres des forces de l’ordre aient été blessés lors de heurts avec des manifestants, dont certains se seraient réclamé des Soulèvements de la Terre, ne constitue pas une provocation imputable à ce dernier. En revanche, les juges ont considéré qu’il pouvait être reproché au groupement une provocation à des agissements violents contre les biens. En effet, ses prises de position publiques, qui s’inscrivent dans le cadre d’une mouvance écologiste radicale, appellent à la destruction ou à la dégradation des infrastructures portant atteinte à l’environnement et compromettant l’égal accès aux ressources naturelles (méga-bassines, sites industriels jugés polluants, plantations qualifiées d’intensives, engins de chantier…). Des appels qui ont parfois conduit à des dégradations que le groupement a légitimées publiquement, à plusieurs reprises, sur les réseaux sociaux. Pour les juges, le fait que, selon ce groupement, ces prises de position participeraient d’un débat d’intérêt général sur la préservation de l’environnement et auraient une portée symbolique n’enlève pas leur qualification de provocation à des agissements violents contre les biens.Malgré cela, le Conseil d’État a estimé que la portée des provocations, explicites ou implicites, à la violence contre les biens, mesurée notamment par les effets réels qu’elles ont pu avoir, ne justifiait pas la dissolution du groupement. En effet, cette mesure n’était pas adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public. Les juges ont donc annulé la dissolution des Soulèvements de la Terre.

La dissolution des trois autres organisations

En revanche, le Conseil d’État a confirmé les dissolutions de Coordination contre le racisme et l’islamophobie, de l’Alvarium et du Groupe Antifasciste Lyon et environs. Pour ces juges, celles-ci n’étaient, en effet, pas disproportionnées compte tenu de la teneur, de la gravité et de la récurrence de leurs agissements. Le Conseil d’État a considéré que les agissements de l’association Coordination contre le racisme et l’islamophobie étaient de nature à provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence envers des personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ou à propager des idées ou théories tendant à les justifier ou les encourager. L’association avait, notamment, publié, à de nombreuses reprises, sur ses comptes sur les réseaux sociaux, des propos « tendant, y compris explicitement, à imposer l’idée que les pouvoirs publics, la législation, les différentes institutions et autorités nationales ainsi que de nombreux partis politiques et médias seraient systématiquement hostiles aux croyants de religion musulmane et instrumentaliseraient l’antisémitisme pour nuire aux musulmans ». Des publications qui avaient généré, sur ces comptes, de nombreux commentaires haineux, antisémites, injurieux appelant à la vindicte publique et que l’association n’avait ni contredits ni effacés. Par ailleurs, il était reproché au groupement de fait l’Alvarium d’avoir justifié ou encouragé la discrimination, la haine ou la violence envers les personnes d’origine non-européenne, en particulier celles de confession musulmane, en diffusant sur les réseaux sociaux des messages « propageant des idées justifiant la discrimination et la haine envers les personnes étrangères ou les Français issus de l’immigration par leur assimilation à des délinquants ou des criminels, à des islamistes ou des terroristes » et en entretenant des liens avec des groupuscules appelant à la discrimination, à la violence ou à la haine contre les étrangers. Enfin, le Conseil d’État a estimé que le Groupe Antifasciste Lyon et environs avait provoqué à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens. Il lui était, en effet, reproché d’avoir « publié sur les réseaux sociaux, de façon répétée et pendant plusieurs années, des messages dans lesquels étaient insérés des photographies ou dessins représentant des policiers ou des véhicules de police incendiés, recevant des projectiles ou faisant l’objet d’autres agressions ou dégradations, en particulier lors de manifestations, assortis de textes haineux et injurieux à l’encontre de la police nationale, justifiant l’usage de la violence envers les représentants des forces de l’ordre, leurs locaux et leurs véhicules, se réjouissant de telles exactions, voire félicitant leurs auteurs » et d’avoir « diffusé des messages approuvant et justifiant, au nom de l’antifascisme, des violences graves commises à l’encontre de militants d’extrême-droite et de leurs biens » ainsi que de ne pas avoir supprimé, sur ses réseaux sociaux les appels de tiers appelant à la violence, voire au meurtre, contre des internautes se réclamant de l’ultra-droite.

Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 464412Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 476384Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 459704Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 460457

Article publié le 20 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : © Peter Engelsted Jonasen

Quand un prêt à usage est requalifié en bail rural

Lorsqu’une convention de prêt à usage est requalifiée en bail rural, le bailleur est en droit de réclamer au locataire le paiement des fermages échus depuis la conclusion de cette convention et, à défaut de paiement, d’agir en résiliation du bail.

Parce qu’il ne donne lieu à aucune contrepartie financière, le prêt à usage de parcelles agricoles n’est pas soumis au statut du fermage. Mais attention, dès lors qu’une contrepartie est mise à la charge de l’occupant des parcelles, la convention risque d’être requalifiée en bail rural. Et si cette requalification emporte des conséquences bénéfiques pour ce dernier, qui acquiert alors la qualité de fermier et tous les droits et avantages qu’elle confère (droit au renouvellement du bail, droit de céder le bail, indemnité en fin de bail, etc.), elle peut également avoir des effets négatifs pour lui… Ainsi, dans une affaire récente, un prêt à usage portant sur des parcelles de terre avait été conclu entre leur propriétaire et un agriculteur. Ce contrat prévoyant qu’il devait assumer seul la charge des impôts fonciers sur ces parcelles, l’agriculteur avait obtenu en justice sa requalification en bail rural. Du coup, le bailleur avait délivré au locataire une mise en demeure de payer les fermages échus depuis la conclusion de la convention conclue avec lui. Le locataire n’ayant pas donné suite à cette mise en demeure dans le délai de 3 mois imparti par la loi, le bailleur avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’une action en résiliation du bail. Et il a obtenu gain de cause, les juges ayant condamné le locataire à payer les arriérés de fermages et prononcé la résiliation. Tel est pris qui croyait prendre…

Précision : dans le respect des règles de la prescription, le bailleur avait demandé le paiement des fermages dans les 5 ans qui avaient suivi la décision ayant requalifié la convention en bail rural.

Cassation civile 3e, 15 juin 2023, n° 21-14204

Article publié le 14 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : SolStock

Exonération des plus-values des TPE et pluralité d’activités

Pour être éligible à l’exonération des plus-values des petites entreprises, l’activité doit notamment avoir été exercée pendant au moins 5 ans. Une condition qui s’apprécie, le cas échéant, activité par activité, vient de préciser le Conseil d’État.

Les petites entreprises soumises à l’impôt sur le revenu peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une exonération des plus-values lors de la cession d’éléments d’actif réalisées en cours ou en fin d’exploitation. Pour être éligible à cette exonération, l’activité doit notamment avoir été exercée pendant au moins 5 ans. Et attention, en cas de pluralité d’activités, cette condition s’apprécie activité par activité, vient de préciser le Conseil d’État. Dans cette affaire, une entreprise exerçait une activité agricole depuis plus de 30 ans ainsi qu’une activité de production d’électricité photovoltaïque depuis 4 ans lorsqu’elle avait cédé l’intégralité de son exploitation. Pour les juges, la production d’électricité étant distincte de l’activité agricole, la plus-value attachée à la production d’électricité, exercée depuis moins de 5 ans, ne pouvait pas être exonérée, et ce malgré les liens existants avec l’activité agricole (recettes accessoires, même catégorie d’imposition, etc.…).

À noter : l’activité peut être commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

Une exonération totale ou partielle

Pour rappel, l’exonération est totale lorsque les recettes hors taxes n’excèdent pas 250 000 € pour les entreprises industrielles et commerciales de vente ou de fourniture de logements (hors locations meublées) et 90 000 € pour les prestataires de services. Lorsque les recettes sont supérieures à 250 000 € mais inférieures à 350 000 € (activités de vente) ou supérieures à 90 000 € mais inférieures à 126 000 € (prestations de services), l’exonération est partielle et dégressive.

Conseil d’État, 4 octobre 2023, n° 462030

Article publié le 14 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : fotolinchen

Résidence principale d’un entrepreneur individuel : à lui de le prouver !

Pour pouvoir s’opposer à la saisie d’un bien immobilier qui lui appartient et qui, selon lui, constitue sa résidence principale, un entrepreneur individuel placé en liquidation judiciaire doit être en mesure de prouver qu’il s’agit bien de sa résidence principale et non pas de sa résidence secondaire.

La résidence principale d’un entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit par ses créanciers professionnels. Du coup, elle ne peut pas être saisie par le liquidateur lorsque l’entrepreneur individuel est en liquidation judiciaire. Mais attention, c’est à l’entrepreneur individuel qui se prévaut de l’insaisissabilité d’une résidence lui appartenant de prouver qu’au jour de l’ouverture de la procédure collective dont il fait l’objet, cette résidence constituait bien sa résidence principale. C’est ce que les juges ont rappelé dans une affaire récente dans laquelle un entrepreneur avait été placé en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire avait alors demandé au juge-commissaire de l’autoriser à vendre aux enchères publiques un bien immobilier appartenant à l’entrepreneur. Mais ce dernier avait fait valoir qu’il s’agissait de sa résidence principale et qu’elle ne pouvait donc pas être saisie. Du coup, le juge-commissaire avait rejeté la demande du liquidateur judiciaire car, selon lui, il appartenait à ce dernier de démontrer que ce bien immobilier ne constituait pas la résidence principale de l’intéressé au jour de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Saisie du litige, la Cour de cassation a, au contraire, affirmé que c’était à l’entrepreneur individuel de démontrer qu’au jour de sa mise en redressement judiciaire, le bien immobilier constituait sa résidence principale et non pas une résidence secondaire.

Cassation commerciale, 25 octobre 2023, n° 21-21694

Article publié le 14 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : nick@nickdolding.co.uk

Mise à disposition à une société de terres agricoles louées : il faut les exploiter !

Lorsqu’un exploitant agricole qui a mis des terres dont il est locataire à la disposition d’une société cesse de participer aux travaux de l’exploitation, le bailleur est en droit d’obtenir la résiliation du bail pour cession illicite.

Très souvent, les exploitants agricoles qui exercent leur activité en société mettent à la disposition de celle-ci les terres et bâtiments dont ils sont locataires. Ce qui permet juridiquement à la société d’exploiter ces terres sans en devenir elle-même locataire, les associés concernés demeurant seuls titulaires des baux. Ces derniers doivent donc continuer à respecter leurs obligations de locataires à l’égard de leurs bailleurs respectifs. À ce titre, ils sont tenus d’exercer effectivement l’activité agricole au sein de la société et d’en être associés. À défaut, le bailleur concerné serait en droit de demander la résiliation du bail, et ce sans même que le manquement du locataire à cette obligation lui ait causé un préjudice. C’est ce que les juges ont réaffirmé dans une affaire où l’exploitant locataire de parcelles agricoles les avait mises à disposition d’une EARL dont il était l’un des associés avec sa fille. Ce dernier ayant pris sa retraite, le bailleur avait demandé en justice la résiliation du bail au motif qu’il ne participait plus aux travaux de l’exploitation, ce qui constituait une cession de bail illicite. Les juges ont donné gain de cause au bailleur. En effet, ils ont déclaré que le locataire qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participe plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, abandonne la jouissance du bien loué à cette société et procède ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. Et que dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sans être tenu de démontrer un préjudice.

Cassation civile 3e, 12 octobre 2023, n° 21-20212

Article publié le 07 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : John Scott

Quand le bailleur ne fournit pas l’état des risques naturels et technologiques

Le manquement du bailleur à son obligation de fournir au locataire commercial un état des risques naturels et technologiques datant de moins de 6 mois n’est pas une raison suffisante pour justifier la résiliation du bail.

Le bailleur qui loue un local situé dans une zone couverte par un plan de prévention des risques technologiques, par un plan de prévention des risques miniers ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles doit joindre au contrat de bail un état des risques naturels et technologiques établi depuis moins de 6 mois avant la date de conclusion du contrat. À défaut, le locataire peut demander la résiliation du contrat ou demander une diminution du loyer. Sachant que, selon une décision récente de la Cour de cassation concernant le bail de locaux commerciaux, la résiliation du bail n’est encourue que si le manquement du bailleur à cette obligation est « d’une gravité suffisante, dans les circonstances de l’espèce », ce qui n’avait pas été établi dans cette affaire. Autrement dit, le fait que le bailleur ne fournisse pas un état des risques naturels et technologiques établi depuis moins de 6 mois ne suffit pas à justifier la résiliation du bail ou une diminution du loyer.

Cassation civile 3e, 21 septembre 2023, n° 22-15850

Article publié le 02 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Hispanolistic

Exploitation en société de parcelles familiales : une simple déclaration ne suffit pas !

Lorsqu’un agriculteur envisage d’exploiter des terres agricoles appartenant à sa famille, il ne peut pas bénéficier du régime de la déclaration au titre du contrôle des structures lorsque cette exploitation a lieu dans un cadre sociétaire.

Lorsqu’une personne envisage d’exploiter un terrain agricole qui lui est donné, vendu ou loué par un parent ou par un allié jusqu’au 3e degré inclus, ou dont elle a hérité à la suite du décès de l’un d’eux, elle n’est pas tenue d’obtenir une autorisation administrative d’exploiter, bien que la surface totale qu’elle mettrait alors en valeur dépasserait le seuil fixé localement au titre du contrôle des structures. En effet, dans ce cas, elle doit simplement adresser une déclaration au préfet, à condition toutefois que le terrain considéré ait été détenu par ce parent ou par cet allié depuis au moins 9 ans. Toutefois, ce régime dérogatoire de la déclaration ne s’applique pas lorsque les parcelles concernées ont vocation à être exploitées en société. C’est ce que la Cour de cassation a décidé dans l’affaire récente suivante. Des terres agricoles avaient été reprises par leur propriétaire qui avait indiqué, dans le congé envoyé au locataire, qu’elles seraient exploitées, par son fils et par lui-même, dans le cadre d’une société (en l’occurrence, une EARL). Le locataire avait contesté le congé, faisant valoir que l’EARL devait disposer d’une autorisation administrative d’exploiter au titre du contrôle des structures. De son côté, le propriétaire rétorquait qu’une simple déclaration suffisait puisque les terres objet de la reprise, ayant vocation à être exploitées par une société constituée de lui-même et de son fils, restaient dans la famille. Mais la Cour de cassation n’a pas été de cet avis. En effet, elle a affirmé qu’une société, même composée de membres d’une même famille, ne peut pas bénéficier du régime dérogatoire de la déclaration au titre du contrôle des structures.

Cassation civile 3e, 29 juin 2023, n° 21-21584

Article publié le 31 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Patrick Bennett

Rupture d’une relation commerciale établie : quand s’apprécie le préavis à respecter ?

Lorsqu’ils sont appelés à apprécier la durée du préavis à respecter en cas de rupture d’une relation commerciale établie, les juges doivent tenir compte de la durée de cette relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture, mais pas d’éléments postérieurs à celle-ci.

Tout producteur, distributeur ou prestataire de services qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans donner à son partenaire un préavis écrit d’une durée suffisamment longue engage sa responsabilité et peut donc être condamné à verser des dommages-intérêts à ce dernier.

Précision : la durée minimale du préavis doit être fixée au regard notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou, s’ils existent, aux accords interprofessionnels. Sachant que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut pas être engagée pour cause de durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de 18 mois.

À ce titre, lorsqu’ils sont appelés à apprécier la durée du préavis qui doit ou aurait dû être respecté en cas de rupture d’une relation commerciale établie, les tribunaux doivent prendre en compte la durée de cette relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture, mais pas d’éléments postérieurs à celle-ci. Autrement dit, ils ne peuvent pas, par exemple, pour diminuer un délai de préavis, tenir compte du fait que l’entreprise victime de la rupture a rapidement rebondi après la rupture en trouvant de nouveaux marchés. C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans l’affaire récente suivante. Une société de transport express international, qui avait confié une partie de son marché à une autre entreprise de transport, avait résilié ce contrat lorsqu’elle avait été rachetée. S’estimant victime d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie, cette dernière avait alors agi en justice contre la société. Saisie du litige, la cour d’appel avait apprécié la durée du préavis qui devait être respecté par la société de transport express en tenant compte du fait que l’entreprise victime de la rupture avait su se réorganiser après la rupture et trouver d’autres débouchés, qu’elle exerçait désormais son activité sous une autre enseigne et qu’elle avait passé des accords tarifaires « négociés » avec des transporteurs concurrents de la société de transport express. La Cour de cassation a censuré la cour d’appel car elle s’était fondée sur des éléments postérieurs à la notification de la rupture.

Cassation commerciale, 17 mai 2023, n° 21-24809

Article publié le 30 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Unspecified

Dirigeants associatifs : affiliation au régime de Sécurité sociale

Les dirigeants rémunérés par une association dont la moyenne des ressources propres des trois derniers exercices dépasse 200 000 € par an sont assujettis au régime général de Sécurité sociale.

La gestion désintéressée d’une association est l’un des éléments permettant d’établir son absence de caractère lucratif et donc de l’exonérer des impôts commerciaux. Elle suppose notamment que ses dirigeants soient bénévoles. Cependant, par exception, ces derniers peuvent être payés sans remise en cause de la gestion désintéressée de l’association. Ainsi, une association peut rémunérer un dirigeant si la moyenne des ressources annuelles de ses trois derniers exercices, excluant celles provenant des personnes morales de droit public, dépasse 200 000 €, deux dirigeants quand elle excède 500 000 € et trois si elle est supérieure à 1 M€.

Attention : l’ensemble des rémunérations perçues par un dirigeant (y compris au sein d’un autre organisme sans but lucratif) ne doit pas excéder trois fois le plafond de la Sécurité sociale, soit, en 2023, 10 998 € par mois.

Une affiliation à la Sécurité sociale ?

Ces dirigeants rémunérés doivent-ils être affiliés au régime général de Sécurité sociale ? Autrement dit, l’association doit-elle verser des cotisations sociales sur ces rémunérations ? Oui, mais seulement si les conditions légales sont réunies, vient de rappeler la Cour de cassation. Dans une affaire récente, une association s’était vu notifier, à la suite d’un contrôle Urssaf, un redressement portant sur les cotisations sociales dues sur les indemnités versées à son président. La cour d’appel avait validé ce redressement après avoir constaté que sur la période contrôlée par l’Urssaf, les ressources propres de l’association dépassaient 200 000 €. Un raisonnement censuré par la Cour de cassation : en effet, la cour d’appel aurait dû s’assurer que l’association remplissait les conditions légales exigées pour qu’un dirigeant soit assujetti au régime de Sécurité sociale. Autrement dit, elle aurait dû vérifier que la moyenne des ressources annuelles de ses trois derniers exercices, excluant celles provenant des personnes morales de droit public, dépassait 200 000 €.

Cassation civile 2e, 11 mai 2023, n° 21-20902

Article publié le 30 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Copyright by Franziska & Tom Werner

Quand la procédure de liquidation judiciaire d’une société est étendue à son dirigeant

En cas de relations financières anormales entre une société et son dirigeant, caractérisant une confusion de patrimoines entre eux, la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société peut être étendue au dirigeant.

Lorsqu’il apparaît que le patrimoine d’une société et celui de son dirigeant ont été confondus, la procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) dont la société fait l’objet peut être étendue à son dirigeant.

En pratique : la confusion des patrimoines est invoquée par le mandataire ou par le liquidateur judiciaire qui espère ainsi élargir ses chances de recouvrer les sommes qui sont dues aux créanciers. En effet, en cas d’extension de la procédure, les biens du dirigeant peuvent faire l’objet de mesures conservatoires, puis être vendus pour régler les créanciers de la société.

Des relations financières anormales

La confusion des patrimoines est retenue par les juges lorsqu’ils constatent l’existence de relations financières anormales entre la société et son dirigeant. Tel a été le cas dans l’affaire récente suivante. L’associé gérant d’une SARL avait procédé à son profit à des retraits en espèces et à des virements importants (88 000 €) depuis le compte bancaire de la société. Lorsque la SARL avait été placée en liquidation judiciaire, le liquidateur avait estimé que ces transferts d’argent étaient injustifiés et avait donc demandé que la procédure de liquidation judiciaire soit étendue à l’associé gérant. Pour sa défense, ce dernier avait fait valoir qu’il n’y avait rien eu d’anormal puisque que les sommes ainsi prélevées avaient été inscrites au débit de son compte courant d’associé et qu’elles constituaient donc une dette à l’égard de la société. Mais les juges n’ont pas été de cet avis. Pour eux, le seul fait que les sommes en question aient été inscrites sur le compte courant de l’associé gérant ne permettait pas d’exclure l’anormalité des virements et retraits opérés sans contrepartie par l’intéressé à son profit. La procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société pouvait donc valablement être étendue au gérant.

Cassation commerciale, 13 septembre 2023, n° 21-21693

Article publié le 26 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : South_agency