Opter pour un suramortissement par le biais d’une réclamation

Une entreprise qui n’a pas opté pour l’application d’un suramortissement à la clôture de l’exercice d’achat ou de fabrication du bien éligible peut le demander ultérieurement, dans le délai de réclamation.

Lorsque le gouvernement souhaite flécher les investissements des entreprises vers certains secteurs, il peut instaurer, à titre temporaire, une déduction fiscale exceptionnelle, aussi appelée « suramortissement ». Ce suramortissement permet, sur option, de déduire du résultat imposable, en plus de l’amortissement classique, une somme supplémentaire égale à une fraction du prix du bien concerné. Pour rappel, l’amortissement consiste à répartir le coût d’un bien inscrit à l’actif immobilisé de l’entreprise sur sa durée d’utilisation, lorsque celle-ci est limitée dans le temps, sauf exceptions.

Exemple : une entreprise, qui clôture son exercice au 31 décembre, acquiert le 1er janvier 2024 un véhicule utilitaire neuf peu polluant pour 50 000 €, qu’elle prévoit d’utiliser pendant 5 ans. Ce véhicule est éligible à un suramortissement de 20 %. L’entreprise peut donc déduire 120 % de sa valeur, soit 50 000 x 120 % / 5 = 12 000 € par an, au lieu de 10 000 € (50 000 €/5). Pour une taxation à l’impôt sur les sociétés au taux de 25 %, l’économie totale est de 4 000 € (2 000 € x 5 x 25 %).

Jusqu’à présent, l’administration fiscale considérait qu’une entreprise qui n’avait pas commencé à pratiquer ce suramortissement dès le départ, c’est-à-dire à la clôture de l’exercice d’acquisition ou de fabrication du bien éligible, y avait renoncé de façon définitive. Autrement dit, elle ne pouvait plus revenir sur son choix. Une position qui a été récemment censurée par le Conseil d’État. Selon les juges, dans cette hypothèse, les entreprises peuvent demander à bénéficier de cet avantage fiscal ultérieurement, dans le délai de réclamation. L’administration fiscale a rapidement pris acte de la décision du Conseil d’État en changeant sa position pour s’aligner sur celle des juges. Elle précise toutefois que le point de départ du suramortissement demeure l’exercice d’acquisition ou de fabrication du bien éligible.

En pratique : les entreprises qui se sont conformées à l’ancienne position administrative peuvent, si elles y ont intérêt, déposer une réclamation, notamment jusqu’au 31 décembre 2024 pour, selon les cas, l’impôt sur le revenu mis en recouvrement en 2022 ou l’impôt sur les sociétés versé en 2022.

Conseil d’État, 22 décembre 2023, n° 476379BOI-BIC-BASE du 21 février 2024

Article publié le 05 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : anyaberkut / Getty Images

Association : intérêt à agir contre une décision administrative

Une association ayant pour objet d’assurer la défense et la préservation du cadre de vie dans un département peut demander en justice l’annulation du permis de construire de trois vastes bâtiments destinés à accueillir des activités artisanales et commerciales.

Une association peut demander en justice l’annulation d’une décision administrative si elle a un intérêt à agir au regard de l’objet défini dans ses statuts. Ainsi, dans une affaire récente, une association ayant pour objet d’assurer la défense et la préservation du cadre de vie dans l’ensemble du département du Var avait demandé l’annulation d’un permis de construire délivré par une commune pour la création d’une zone d’activités. La Cour d’appel administrative de Marseille avait rejeté l’action en justice de l’association estimant que celle-ci ne justifiait pas d’un intérêt suffisant pour demander l’annulation de ce permis de construire. En effet, pour elle, ce permis, compte tenu de sa nature, du nombre de constructions autorisées, du choix d’implantation et des caractéristiques du secteur d’implantation, n’était pas susceptible de porter atteinte au cadre de vie dont l’association assurait la défense et la préservation.

Un intérêt à agir démontré par l’association

Le Conseil d’État a annulé cet arrêt. Ses juges ont d’abord constaté que l’association avait pour objet d’assurer, dans l’ensemble du département du Var, « la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l’autorisation de surfaces destinées au commerce », notamment en veillant « à la légalité des autorisations d’urbanisme portant sur des surfaces destinées au commerce ». Ils ont ensuite relevé que le permis de construire contesté concernait trois bâtiments totalisant une surface de plancher de plus de 7 100 m2 destinés à accueillir des activités artisanales et commerciales. Ils en ont conclu que l’association justifiait, eu égard à son objet et à la nature et l’importance des constructions autorisées, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de ce permis.

Conseil d’État, 1er décembre 2023, n° 466492

Article publié le 04 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Aydinmutlu / Getty Images

Quand les membres du conseil de surveillance ont la qualité de dirigeant

Les membres du conseil de surveillance d’une SAS qui, en réalité, exercent des fonctions de direction, doivent être affilés au régime général de la Sécurité sociale et régler des cotisations sociales sur les rémunérations qui leurs sont versées.

Les dirigeants de sociétés que sont, par exemple, les gérants minoritaires de SARL, les présidents de société par actions simplifiée (SAS) ou encore les directeurs généraux de société anonyme (SA) doivent être affiliés au régime général de la Sécurité sociale (on parle de « dirigeants assimilés salariés »). À ce titre, ils doivent acquitter des cotisations sociales sur la rémunération qu’ils perçoivent. À l’inverse, les membres du conseil de surveillance d’une SAS ne sont pas rattachés au régime général de la Sécurité sociale et ne payent pas de cotisations sociales sur les rémunérations qui peuvent leur être versées. Sauf, selon les juges, s’ils exercent en réalité une fonction de direction… Dans une affaire récente, l’Urssaf avait notifié un redressement de cotisations sociales à une SAS au titre des rémunérations versées au président et au vice-président de son conseil de surveillance. La société avait contesté ce redressement en justice, estimant que les membres du conseil de surveillance n’avaient pas la qualité de dirigeant et qu’ils n’avaient donc pas à être affiliés au régime général de la Sécurité sociale et à régler des cotisations sociales sur leur rémunération. Saisie du litige, la Cour d’appel de Paris n’avait pas fait droit à sa demande. En effet, elle avait constaté que les membres du conseil de surveillance exerçaient, en réalité, des fonctions de direction. Et pour cause : le président du conseil de surveillance de la SAS n’était autre que l’ancien président directeur général de la société (anciennement constituée sous la forme d’une SA) et deux membres de sa famille s’étaient vu confier le directoire de la SAS. Plus encore, les statuts de la société prévoyaient que certains actes ne pouvaient être accomplis par le directoire qu’avec l’autorisation préalable du conseil de surveillance, limitant ainsi son pouvoir de direction. Enfin, la Cour a également relevé que le président du conseil de surveillance détenait, avec son épouse, la majorité du capital de la société et qu’il percevait une rémunération nettement supérieure à celle des membres du directoire. Appelée à se prononcer dans cette affaire, la Cour de cassation a validé le raisonnement des juges d’appel. En effet, le président et le vice-président du conseil de surveillance de la SAS avaient accompli, en toute indépendance, des actes positifs de gestion et de direction de la société. Ainsi dotés de la qualité de dirigeant, ces derniers devaient donc être affiliés au régime général de la Sécurité sociale et régler des cotisations sociales sur les rémunérations perçues. Le redressement notifié par l’Urssaf était donc justifié.

Cassation civile 2e, 1er févier 2024, n° 21-25175

Article publié le 04 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Luis Alvarez / Getty Images

Temps partiel : quand la durée légale de travail est atteinte…

En cas d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, c’est sur cette période de référence qu’il convient de vérifier que les salariés à temps partiel n’atteignent pas la durée légale ou conventionnelle de travail.

Les salariés recrutés à temps partiel peuvent, si leur contrat de travail le prévoit, être amenés à effectuer des heures complémentaires. Et ce, dans la limite de 1/10e de la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle mentionnée dans leur contrat (cette durée pouvant être portée à 1/3 de la durée de travail des salariés par un accord collectif). Mais attention, la réalisation d’heures complémentaires ne doit pas avoir pour effet de porter la durée de travail du salarié à la durée légale de travail (35 heures par semaine ou 151,67 heures par mois) ou, si elle est inférieure, à la durée conventionnelle de travail. En effet, lorsque le salarié atteint cette durée légale ou conventionnelle de travail, sur une semaine ou sur un mois, il peut obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein. À ce titre, les juges ont récemment apporté des précisions s’agissant des heures complémentaires effectuées dans une entreprise dotée d’un accord d’aménagement du temps de travail des salariés à temps partiel. Dans cette affaire, une société d’aide à domicile avait conclu un accord d’aménagement du temps de travail des salariés à temps partiel. Cet accord, qui prévoyait la possibilité de recourir à des heures complémentaires, fixait une durée annuelle de travail des salariés à temps partiel inférieure à 1 600 heures. Engagée à temps partiel en qualité d’assistante de vie, une salariée avait, au mois de novembre 2016, réalisé des heures complémentaires portant sa durée de travail hebdomadaire au niveau de la durée de travail à temps plein. Elle avait alors saisi la justice afin de voir requalifier son contrat à temps partiel en contrat à temps plein. Mais pour les juges, en cas d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (sur l’année, dans cette affaire), c’est sur cette période dite « de référence » qu’il convient de vérifier si les salariés à temps partiel ont atteint ou non la durée conventionnelle de travail. Or, la salariée avait dépassé la durée hebdomadaire légale de travail au cours du mois de novembre, mais pas la durée conventionnelle de travail fixée à 1 600 heures sur l’année. Sa demande de requalification a donc été rejetée.

Cassation sociale, 7 février 2024, n° 22-17696

Article publié le 29 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Westend61 / Getty Images

Exploitants agricoles : fin de l’option fiscale pour la moyenne triennale

La cession d’une entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) à un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) met fin à la moyenne triennale pour l’imposition des bénéfices agricoles.

Les exploitants relevant des bénéfices agricoles selon un régime réel depuis au moins 2 ans peuvent, s’ils y ont intérêt, opter pour être imposés sur un bénéfice égal à la moyenne des bénéfices de l’année d’imposition et des 2 années précédentes.

Précision : cette option est valable 3 ans, puis reconduite tacitement, sauf renonciation expresse.

Lorsque l’exploitation est cédée ou que l’activité cesse, cette option prend fin. Le cédant doit alors déclarer, au titre de l’année de la cession ou de la cessation d’activité, l’excédent de bénéfice sur la moyenne triennale, lequel est imposable au taux marginal.

À noter : le taux marginal d’imposition représente le taux auquel est imposée la dernière tranche de revenus du contribuable.

Toutefois, cette imposition au taux marginal ne s’applique pas en cas d’apport, sous certaines conditions, d’une exploitation individuelle à un GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun). En revanche, elle s’applique si l’exploitation apportée à un GAEC est une EARL (entreprise agricole à responsabilité limitée). Dans cette hypothèse, l’excédent de bénéfice sur la moyenne triennale serait donc imposé au taux marginal. Et ce, quand bien même le cédant continuerait de percevoir des bénéfices agricoles en qualité de membre du GAEC.

Illustration de la moyenne triennale

Un exploitant opte au titre de 2021 pour la moyenne triennale. Il a réalisé les résultats suivants :
2019 : -15 000 € ; 2020 : 7 000 € ; 2021 : 20 000 € ; 2022 : -18 000 € et 2023 : 25 000 €.
Il est donc imposé sur un bénéfice agricole moyen égal à :
– 2021 : (-15 000 € + 7 000 € + 20 000 €)/3 = 4 000 €
– 2022 : (7 000 € + 20 000 € – 18 000 €)/3 = 3 000 €
– 2023 : (20 000 € – 18 000 € + 25 000 €)/3 = 9 000 €
Dans l’hypothèse où l’exploitant cesserait totalement son activité en 2023, la base imposée au taux marginal serait de 25 000 € – 9 000 € = 16 000 €.

Conseil d’État, 4 octobre 2023, n° 462030

Article publié le 27 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Copyright terms apply

Pas d’exécution de la prestation pendant le délai de rétractation du consommateur !

Pendant le délai de rétractation dont dispose un consommateur qui a conclu un contrat hors établissement avec un professionnel, ce dernier ne peut pas commencer à exécuter la prestation, sauf si le consommateur le lui demande expressément.

Lorsqu’un contrat est conclu hors établissement (c’est-à-dire dans un lieu autre que celui dans lequel le professionnel exerce habituellement son activité) entre un professionnel et un consommateur, ce dernier dispose d’un délai de 14 jours pour se rétracter. Et attention, pendant ce délai de 14 jours, le professionnel ne doit pas commencer à exécuter la prestation, sauf si le consommateur le lui demande expressément. Il ne peut pas non plus réclamer la moindre somme d’argent au consommateur, sauf, là encore, si ce dernier lui demande expressément de commencer d’exécuter la prestation. Ces règles légales ont été appliquées par les juges dans l’affaire récente suivante. Un homme et une femme avait conclu hors établissement un contrat avec un prestataire pour l’organisation de leur mariage et lui avait versé un acompte de 1 850 €. Pendant le délai de 14 jours, le prestataire avait entamé des démarches. Mais les intéressés s’étaient ensuite rétractés et avaient réclamé au prestataire le remboursement de l’acompte. Or le tribunal avait limité le montant de la restitution à une somme inférieure à l’acompte versé et avait même condamné le couple de consommateurs à payer des dommages-intérêts au prestataire au motif que ce dernier avait engagé des démarches dont ils avaient bénéficié (notamment la recherche de fournisseurs et l’obtention de rabais). Saisie à son tour du litige, la Cour de cassation a déjugé le tribunal. En effet, elle a constaté que le prestataire avait commencé à exécuter la prestation sans attendre l’expiration du délai de rétractation et sans faire renoncer expressément les clients au bénéfice de ce délai. Ce qu’il n’avait donc pas le droit de faire. En statuant de la sorte, le tribunal avait violé la loi.

Cassation civile 1re, 24 janvier 2024, n° 22-22020

Article publié le 27 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Iakov Filimonov

Quant à la validité des images issues de la vidéosurveillance

Les images issues d’un dispositif de vidéosurveillance sont licites dès lors que leur production en justice est indispensable au droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte portée à la vie privée du salarié est proportionnée au but poursuivi.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur est autorisé à recourir à un dispositif de vidéosurveillance, par exemple, pour contrôler l’activité de ses salariés. Mais pour ce faire, il doit, avant la mise en place de ce dispositif, consulter, le cas échéant, son comité social et économique et en informer ses salariés. En principe, à défaut de respecter ces formalités, les images issues de la vidéosurveillance sont illicites et ne peuvent pas être produites en justice pour justifier un licenciement. Sauf si les juges considèrent que ces images sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte portée au respect de la vie privée du salarié est proportionnée au but poursuivi par l’employeur. Illustration. Dans une affaire récente, un employeur avait mis en place un dispositif de vidéosurveillance au sein d’une pharmacie afin de protéger la sécurité des biens et des personnes. Il avait ensuite constaté des anomalies au niveau des stocks, à savoir des produits manquants. Une fois écartée la piste de vols commis par les clients, il avait décidé d’orienter ses recherches sur les ventes réalisées en caisse au moyen du dispositif de vidéosurveillance. Un dispositif qui lui avait permis d’identifier la salariée responsable des vols de produits et de la licencier pour faute grave. La salariée avait toutefois saisi la justice pour contester son licenciement. Elle estimait que les preuves apportées par l’employeur pour justifier son licenciement, à savoir les images issues de la vidéosurveillance, étaient illicites. Et ce, notamment, en raison de l’absence de consultation des représentants du personnel et d’une information détaillée des salariés sur le dispositif mis en place. Saisies du litige, la Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, puis la Cour de cassation, ont constaté que la vidéosurveillance visant à contrôler les ventes réalisées en caisse avait été utilisée sur une durée limitée (du 10 au 27 juin) et après des premières recherches restées infructueuses. Elles en ont déduit que la production des images issues de la vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur. Et que l’atteinte portée au respect de la vie privée de la salariée était proportionnée au but poursuivi par l’employeur, à savoir assurer le bon fonctionnement de son entreprise et veiller à la sécurité de ses biens. Les preuves apportées par l’employeur étaient donc recevables et le licenciement de la salariée justifié.

Cassation sociale, 14 février 2024, n° 22-23073

Article publié le 27 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Copyright Reserved. liyao.xie@gmail.com

Garantie des vices cachés : quid de la revente par un professionnel d’un bien usagé ?

Le professionnel qui revend un engin agricole dont il s’est servi pour son activité n’est pas considéré comme un vendeur professionnel lorsqu’il ne se livre pas de façon habituelle à de telles reventes. En conséquence, il n’est pas présumé connaître le vice caché dont cet engin était atteint.

Le vendeur d’un bien est tenu de garantir l’acheteur contre les vices cachés. Le vice caché étant un défaut non visible mais existant au moment de l’achat et qui apparaît ensuite, rendant le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou l’aurait acquis à un prix moins élevé. À ce titre, la question s’est récemment posée en justice de savoir si un professionnel qui revend un bien dont il a fait usage pour son activité est considéré comme un vendeur professionnel censé connaître les vices dont ce bien est atteint et donc tenu de réparer l’intégralité des dommages qui en résultent. La Cour de cassation a répondu par la négative. Dans cette affaire, une société de travaux forestiers et de débardage avait revendu à une autre entreprise de débardage un engin agricole qu’elle avait acheté quelques années auparavant. Affecté d’un vice caché, cet engin avait pris feu, ce qui avait entraîné la destruction du tracteur et occasionné des dégâts aux propriétés environnantes. L’acquéreur, qui avait dû indemniser ses voisins, avait alors engagé une action en garantie des vices cachés contre la société qui lui avait vendu l’engin. Et la cour d’appel avait condamné cette dernière à restituer le prix de vente de l’engin et à indemniser l’acquéreur.

Pas un vendeur professionnel

Mais cette décision a été censurée par la Cour de cassation. Celle-ci a rappelé qu’un vendeur professionnel est présumé connaître le vice du bien qu’il vend, ce qui l’oblige à réparer l’intégralité des dommages qui en résultent. Mais encore faut-il qu’il s’agisse d’un vendeur professionnel. Autrement dit, dans cette affaire, la cour d’appel aurait dû regarder si le vendeur, en l’occurrence la société de débardage, se livrait de façon habituelle à la vente d’engins agricoles. Or ce n’était pas le cas.

Précision : lorsque, comme ici, le vendeur n’est pas considéré comme un vendeur professionnel, il revient donc à l’acheteur de démontrer que ce vendeur connaissait l’existence du vice au moment de la vente. Si cette preuve n’est pas apportée, le vendeur est seulement tenu de restituer le prix de vente à l’acheteur, mais pas d’indemniser ce dernier pour tous les dommages résultant du vice caché.

Cassation commerciale, 17 janvier 2024, n° 21-23909

Article publié le 22 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : fotokostic / Getty Images

Quelle durée pour un bail rural à long terme conclu au profit d’un exploitant âgé ?

Même s’il est à moins de 18 ans de l’âge de la retraite au moment de sa conclusion, un exploitant agricole peut valablement conclure un bail rural d’une durée de 18 ans.

Les exploitants agricoles le savent : un bail rural à long terme doit être conclu pour une durée d’au moins 18 ans. Toutefois, par exception, l’exploitant qui se trouve à plus de 9 ans et à moins de 18 ans de l’âge de la retraite peut conclure un bail à long terme pour une durée égale à celle qui doit lui permettre d’atteindre cet âge, donc pour une durée inférieure à 18 ans.

Rappel : en raison de sa longue durée, le bail à long terme offre une sécurité et une stabilité plus fortes à l’exploitant locataire. Et pour le bailleur, il présente l’avantage de pouvoir percevoir un fermage majoré et de bénéficier d’avantages fiscaux lors de la transmission des biens loués par bail à long terme.

Sachant qu’un bail à long terme d’une durée de 18 ans peut valablement être conclu même lorsque l’exploitant est à plus de 9 ans et à moins de 18 ans de l’âge de la retraite. C’est ce que les juges ont affirmé, pour la première fois semble-t-il, dans une affaire récente où un exploitant avait conclu un bail d’une durée de 18 ans alors qu’il se trouvait à moins de 18 ans de l’âge de la retraite. Il avait alors agi en justice pour obtenir la nullité de ce bail, estimant que seul un bail de la durée le séparant de l’âge de retraite aurait pu être valablement conclu. Il espérait ainsi échapper au paiement de sommes que lui réclamait le bailleur. Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause.

Cassation civile 3e, 26 octobre 2023, n° 21-25745

Article publié le 20 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Henry Arden / Getty Images

Association : gestion désintéressée et communauté d’intérêts avec une entreprise

L’association qui entretient une communauté d’intérêts avec une société commerciale n’a pas une gestion désintéressée et est donc soumise aux impôts commerciaux.

Pour être exonérée d’impôts commerciaux, une association doit notamment avoir une gestion désintéressée, ce qui suppose qu’elle n’entretienne pas de communauté d’intérêts avec une société commerciale. Ainsi, dans une affaire récente, une association qui avait pour activité l’organisation d’évènements culturels, de production de spectacle, de tourneur et d’édition phonographique avait, à la suite d’une vérification de comptabilité, été soumise aux impôts commerciaux (impôt sur les sociétés et TVA) par l’administration fiscale. Celle-ci avait, en effet, estimé que son activité était lucrative en raison de l’absence de gestion désintéressée. Saisie du litige, la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé la position de l’administration fiscale. Pour les juges, la gestion de l’association n’était pas désintéressée notamment du fait de l’existence d’une étroite communauté d’intérêts entre elle et une société commerciale. Pour en arriver à cette conclusion, les juges ont constaté que le trésorier de l’association était également le gérant d’une SARL qui avait une activité très proche de celle de l’association, à savoir la réalisation de toutes prestations de séminaires, d’évènements et de production et d’édition phonographiques. Ils ont aussi retenu que l’association et la société avaient le même siège social, des noms proches (Borderline et Borderliner) susceptibles de créer une confusion chez les clients et les fournisseurs, le même logo ainsi que des activités, des clients et certains fournisseurs identiques.

Cour administrative d’appel de Marseille, 21 septembre 2023, n° 21MA01998

Article publié le 19 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : twomeows / Getty Images