Droit de retrait : l’employeur peut-il pratiquer une retenue sur salaire ?

Lorsque les conditions d’exercice du droit de retrait des salariés ne sont pas réunies, l’employeur peut procéder à une retenue sur leur salaire sans saisir préalablement la justice.

Lorsqu’un salarié a un motif raisonnable de penser qu’une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, il peut exercer son droit de retrait, c’est-à-dire refuser de travailler ou cesser de travailler sans l’autorisation préalable de son employeur. Et ce, tant que ce dernier n’a pas remédié à la situation dangereuse. Le salarié doit voir sa rémunération maintenue durant la période où il exerce son droit de retrait. Mais à condition que ce retrait soit légitime, comme vient de le préciser la Cour de cassation. Dans cette affaire, plusieurs salariés faisant partie du personnel navigant commercial d’une compagnie aérienne avaient exercé leur droit de retrait. Et ce, en raison de plusieurs avis de danger grave et imminent émis, au cours des 2 années précédentes, par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’entreprise (aujourd’hui dénommée commission santé, sécurité et conditions de travail du comité social et économique) pour des incidents survenus « sur la zone Afrique ». Estimant toutefois que ce droit de retrait était injustifié, leur employeur avait procédé à une retenue sur leurs salaires pour les périodes non travaillées. Des retenues que plusieurs syndicats de l’entreprise avaient contestées en justice au motif que l’employeur ne disposait pas, pour ce faire, d’une décision de justice déclarant le retrait des salariés abusif ou non fondé. Mais pour les juges de la Cour de cassation, lorsque les conditions du droit de retrait des salariés ne sont pas réunies, ceux-ci s’exposent à une retenue sur salaire, sans que leur employeur soit tenu de saisir préalablement la justice du bien-fondé de l’exercice de ce droit de retrait. La demande des syndicats de l’entreprise a donc été rejetée.

Précision : les salariés qui entendent contester la retenue sur salaire pratiquée par l’employeur peuvent saisir le conseil de prud’hommes à qui il appartient de se prononcer sur le bien-fondé du droit de retrait.

Cassation sociale, 22 mai 2024, n° 22-19849

Article publié le 04 juin 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : krisanapong detraphiphat / Getty Images

Qui peut signer un plan de sauvegarde de l’emploi dans une association ?

Dans une association, le plan de sauvegarde de l’emploi signé par un organe incompétent peut être valablement régularisé par la validation ultérieure de l’organe compétent.

Les associations d’au moins 50 salariés qui envisagent de licencier pour motif économique au moins 10 salariés sur une période de 30 jours doivent mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Le PSE peut être négocié dans le cadre d’un accord collectif conclu entre l’employeur et un syndicat représentatif. Il fait ensuite l’objet d’une validation par l’administration du travail. Dans une affaire récente, le PSE d’une association avait été conclu dans le cadre d’un accord collectif signé par sa directrice générale. Ce plan avait ensuite été validé par le directeur régional et interdépartemental de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS). Plusieurs salariés de l’association avaient contesté en justice la décision administrative validant le PSE. Ils soutenaient notamment que la directrice générale de l’association était dépourvue de qualité pour signer le PSE au nom de l’association. En effet, selon ses statuts, la directrice générale ne pouvait engager l’association qu’à hauteur de 300 000 €. Les dépenses supérieures à ce montant devant être autorisées par le comité exécutif. Pour les salariés, le PSE, dont le coût s’élevait à 2,8 millions d’euros, aurait donc dû être signé par le comité exécutif et non pas par la directrice générale. Saisi de ce litige, le Conseil d’État a considéré que le PSE était valide. Pour en arriver à cette conclusion, il a constaté que le comité exécutif avait ratifié l’accord collectif signé par la directrice générale. Le fait que cette délibération intervienne 6 mois après la signature de l’accord et sa validation par la DRIEETS ne remettait pas en cause cette régularisation.

Conseil d’État, 3 avril 2024, n° 465582

Article publié le 03 juin 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : skynesher

Quand un directeur RH cache sa relation sentimentale avec une représentante syndicale…

Un directeur chargé de la gestion des ressources humaines qui cache à son employeur la relation amoureuse qu’il entretient avec une salarié titulaire de mandats syndicaux et de représentation du personnel dans l’entreprise manque à son obligation de loyauté et peut, à ce titre, être licencié pour faute grave.

Un salarié ne peut pas, en principe, faire l’objet d’un licenciement disciplinaire en raison d’un motif tiré de sa vie personnelle, sauf s’il constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail. Ainsi, dans une affaire récente, un employeur avait licencié pour faute grave un salarié occupant un poste de direction au motif qu’il lui avait caché la relation amoureuse qu’il entretenait avec une salariée exerçant des mandats syndicaux et de représentation du personnel dans l’entreprise. Estimant que cette relation relevait de sa vie privée, le salarié avait contesté son licenciement en justice. Mais la Cour de cassation a confirmé son licenciement. En effet, elle a relevé que le salarié était chargé de la gestion des ressources humaines, qu’il avait reçu plusieurs délégations de pouvoirs de son employeur en matière d’hygiène, de sécurité et d’organisation du travail en plus de présider, à sa place et de manière permanente, les institutions représentatives du personnel. Or, il avait caché à son employeur une relation amoureuse de plusieurs années avec une salariée, titulaire de mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel, qui s’était investie dans des mouvements de grève et d’occupation d’un établissement de l’entreprise, qui avait contesté la mise en œuvre d’un projet de réduction d’effectifs et qui avait participé à plusieurs réunions présidées par le salarié licencié et au cours desquelles des sujets sensibles relatifs à des plans sociaux avaient été discutés. Pour la Cour de cassation, en cachant à son employeur cette relation qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié avait manqué à son obligation de loyauté. Dès lors, l’employeur pouvait le licencier pour faute grave.

Cassation, sociale, 29 mai 2024, n° 22-16218

Article publié le 03 juin 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Bartek Szewczyk

Gare à l’aval demandé par une banque à un dirigeant de société !

Contrairement à un cautionnement, la banque qui bénéficie de l’aval donné par le dirigeant d’une société en contrepartie de l’octroi d’un crédit à cette dernière n’est pas tenue à une obligation d’information à l’égard du dirigeant.

Plutôt qu’un cautionnement, la banque qui consent un crédit à une société peut demander au dirigeant de cette dernière qu’il donne son aval en garantie. Le dirigeant s’engage alors à rembourser le crédit en cas de défaillance de sa société. Plus précisément, l’aval est donné pour garantir le paiement d’une lettre de change ou d’un billet à ordre.

Rappel : la lettre de change (ou traite) est un document écrit par lequel une personne (par exemple un fournisseur) donne mandat à une autre personne (un cat) de payer une somme d’argent déterminée à une troisième (une banque). Le billet à ordre, quant à lui, est également un document écrit par lequel une personne (par exemple une société) s’engage à payer une somme d’argent déterminée à un créancier (par exemple une banque) à une échéance fixée.

Et attention, contrairement au cautionnement, la banque qui bénéficie de l’aval d’un dirigeant de société n’est pas tenue à une obligation d’information à son égard. C’est ce que les juges ont rappelé dans l’affaire récente suivante.

Pas d’obligation d’information pour la banque

Une banque avait accordé à une société un crédit de trésorerie matérialisé par trois billets à ordre sur lesquels le dirigeant de cette dernière avait porté son aval. La société s’étant montrée défaillante, la banque avait alors agi contre le dirigeant en paiement des sommes dues. Mais ce dernier avait refusé de payer, reprochant à la banque de ne pas l’avoir informé des conséquences et des risques de son engagement alors que, selon lui, la loi l’y oblige. Mais les juges n’ont pas donné raison au dirigeant. En effet, ils ont rappelé que l’aval constitue un engagement cambiaire régi, non pas par le Code civil, mais par les règles propres du droit de change. Et qu’en conséquence, la banque n’était pas tenue à une obligation d’information précontractuelle à l’égard du dirigeant. Ce dernier n’était donc pas en droit de demander l’annulation de l’aval ou de rechercher la responsabilité de la banque pour manquement à un quelconque devoir d’information.

Cassation commerciale, 2 mai 2024, n° 22-19408

Article publié le 30 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Klaus Vedfelt

Quand une mise en demeure de payer le fermage n’est pas retirée

Lorsqu’elle n’est pas retirée par son destinataire, une lettre recommandée avec accusé de réception portant mise en demeure de payer les fermages est dénuée d’efficacité. L’action en résiliation du bail rural intentée ensuite par le bailleur pour défaut de paiement des fermages n’est donc pas recevable.

Le bailleur qui entend recouvrer un impayé de fermage doit envoyer à l’exploitant locataire une mise en demeure de payer par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR). Et attention, car si elle n’est pas retirée par son destinataire, cette lettre recommandée est dépourvue d’efficacité juridique. C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Confronté à plusieurs impayés de fermage, un bailleur avait délivré à son locataire une mise en demeure de payer par LRAR. Cette lettre n’ayant pas été retirée par ce dernier, et les sommes dues n’ayant pas été payées, le bailleur avait, trois mois plus tard (conformément au délai légal), agi en justice afin d’obtenir la résiliation du bail. Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause car ils ont estimé que, n’ayant pas été retirée, la lettre ne valait pas mise en demeure. Or dans la mesure où la mise en demeure constitue un acte préalable obligatoire à l’exercice d’une action en résiliation du bail, la procédure de résiliation du bail engagée par le bailleur n’était pas valable. Sévère ! En pratique, lorsqu’une LRAR n’est pas retirée, le bailleur a donc tout intérêt à réitérer sa sommation de payer en envoyant une mise en demeure, cette fois, par acte de commissaire de justice.

Rappel : le défaut de paiement du fermage par un exploitant agricole constitue une cause de résiliation de son bail rural. Mais attention, le bailleur n’est en droit d’obtenir en justice la résiliation du bail pour ce motif que si « deux défauts de paiement du fermage ont persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance ».

Cassation civile 3e, 14 décembre 2023, n° 22-16751

Article publié le 28 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : YorVen / Getty images

Sauvegarde de la compétitivité : motif économique de licenciement dans une association

La sauvegarde de la compétitivité peut constituer un motif économique de licenciement dans un organisme à but non lucratif, à condition que la réalité de la menace pour sa compétitivité soit établie.

Comme les autres employeurs, les associations peuvent procéder à des licenciements pour motif économique notamment lorsqu’elles cessent leur activité. Mais un licenciement économique peut-il, dans un organisme sans but lucratif comme une association, être justifié par une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ? Ainsi, dans une affaire récente, une salariée, travaillant comme correspondante de nuit, avait été licenciée pour motif économique par une association œuvrant dans la médiation sociale urbaine. Un licenciement économique que l’association justifiait par la perte d’un marché de prestations de services de médiation de nuit passé avec la commune de Rennes et quatre bailleurs sociaux rennais. En effet, le chiffre d’affaires de son établissement basé à Rennes avait diminué de 54 % (1 120 000 € à 511 000 € sur un an) à la suite de la perte de ce marché. Le chiffre d’affaires global de l’association (tout établissement confondu) ayant baissé, lui, de 4 098 000 € à 3 920 000 € sur un an. De plus, son excédent d’exploitation avait diminué de 83 % sur la même période et il n’existait pas de perspective, pour l’association, d’obtenir d’autres marchés dans d’autres agglomérations. Au vu de ces éléments, la cour administrative d’appel de Nantes avait considéré qu’il n’existait pas de menace réelle pesant sur la compétitivité de l’association de nature à justifier la réorganisation et qu’en conséquence, le licenciement pour motif économique de la salariée n’était pas justifié. Mais le Conseil d’État ne s’est pas rangé à cet avis. Ainsi, il a annulé cet arrêt après avoir rappelé que la sauvegarde de la compétitivité peut constituer un motif économique de licenciement dans une association à but non lucratif, à condition que la réalité de la menace pour sa compétitivité soit établie. L’affaire devra donc être rejugée en appel.

Conseil d’État, 3 avril 2024, n° 471271

Article publié le 27 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Skynesher / Getty images

Transmission d’entreprise par pacte Dutreil : les critères de l’activité prépondérante

Le caractère prépondérant de l’activité opérationnelle d’une société dont les titres sont transmis dans le cadre d’un pacte Dutreil s’apprécie à partir d’un faisceau d’indices, déterminés selon la nature et les conditions d’exercice de l’activité.

Le « pacte Dutreil » permet aux héritiers ou aux donataires qui reçoivent des parts ou des actions de société de bénéficier, sous certaines conditions, d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit, à hauteur de 75 % de la valeur des titres transmis.

Rappel : le pacte Dutreil implique, en principe, que les titres transmis fassent l’objet d’un engagement collectif de conservation, pendant au moins 2 ans, pris par le donateur avec un ou plusieurs associés et d’un engagement individuel de conservation, pendant au moins 4 ans, pris par chaque héritier ou donataire.

Cette exonération s’applique aux transmissions de sociétés dont l’activité principale est industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités civiles. Le caractère prépondérant de l’activité opérationnelle de la société s’appréciant à partir d’un faisceau d’indices, déterminés d’après la nature et les conditions d’exercice de l’activité, comme l’illustre l’affaire récente suivante. Par succession, un héritier avait reçu des actions d’une société exerçant une activité commerciale (exploitation d’une galerie d’art, édition de livres d’art…) et une activité civile (location d’une partie de son patrimoine immobilier). À ce titre, il avait demandé à bénéficier de l’exonération Dutreil. À tort, selon l’administration fiscale, qui avait estimé que l’activité prépondérante de la société était civile. Une analyse validée par les juges de la Cour d’appel de Versailles. Pour parvenir à cette conclusion, les juges ont retenu la part de la valeur vénale des actifs affectés à l’activité commerciale (30 % seulement), la surface de l’immeuble dédiée à l’activité commerciale (47 % seulement) et la part du chiffre d’affaires généré par l’activité civile (entre 70 et 80 % sur 3 ans).

Précision : en revanche, les juges n’ont pas tenu compte du caractère historique de l’activité commerciale ni de l’affectation du personnel ou des recettes locatives à cette activité.

Cour d’appel de Versailles, 12 mars 2024, n° 23/01551

Article publié le 21 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Stocknroll / Getty images

Exonération des plus-values de cession d’une SCP pour départ à la retraite : gare aux délais !

L’exonération des plus-values de cession des parts d’une société civile professionnelle (SCP) pour départ à la retraite suppose, notamment, que le cédant entre en jouissance de ses droits à pension dans les 2 ans qui suivent ou précèdent la cession.

Les plus-values réalisées par un professionnel libéral à l’occasion de la cession des parts sociales qu’il détient dans une société civile professionnelle (SCP) lors de son départ à la retraite peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu. Pour cela, le professionnel libéral doit notamment cesser toute fonction dans cette SCP et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans qui suivent ou qui précèdent la cession. Sachant que la date à laquelle il fait valoir ses droits à la retraite correspond à la date à laquelle il entre en jouissance de ses droits dans le régime obligatoire de base d’assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de son activité. Une date qui est fixée, pour le régime des professions libérales, au 1er jour du trimestre civil qui suit la demande de liquidation de ses droits à retraite par l’intéressé. Ainsi, dans une affaire récente, un notaire avait cédé ses parts sociales d’une SCP en deux temps, les 18 mars 2014 et 27 janvier 2016. Les plus-values réalisées dans le cadre de ces opérations avaient bénéficié de l’exonération pour départ à la retraite. Mais l’administration fiscale avait remis en cause cette exonération au titre de la cession du 18 mars 2014 au motif que le notaire n’avait pas fait valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans suivant la cession. Une analyse validée par les juges de la Cour administrative d’appel de Toulouse. Selon eux, le notaire, bien qu’ayant demandé la liquidation de ses droits à la retraite le 5 février 2016, donc avant l’expiration du délai de 2 ans, n’était entré en jouissance de ses droits à retraite qu’à compter du 1er avril 2016, soit plus de 2 ans après la cession de ses parts sociales.

À noter : les juges n’ont pas tenu compte du délai de traitement, par le ministre de la Justice, de la demande du notaire de se retirer de la SCP, présentée le 10 septembre 2015 et officiellement acceptée le 27 janvier 2016 seulement, ce qui avait retardé sa demande de liquidation de ses droits à retraite et donc l’entrée en jouissance de ses droits. En effet, la Direction générale des finances publiques a indiqué, par courrier adressé au Conseil supérieur du notariat, que ce délai n’était pas excessif et correspondait à la durée moyenne de traitement des demandes à l’époque de cette affaire, à savoir 4 mois.

Cour administrative d’appel de Lyon, 4 avril 2024, n° 23LY00111

Article publié le 15 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : © EXPO studio™ 2017. All rights reserved. www.facebook.com/EXPOstudio www.expostudio.rs

Apport du bail rural à une société : gare à l’accord préalable du bailleur !

La clause d’un bail rural qui prévoit, par avance, l’accord du bailleur pour l’apport en société de ce bail par le locataire n’est pas valable car elle ne permet pas d’identifier la société qui sera bénéficiaire de cette autorisation.

Un exploitant agricole ne peut faire apport de son bail rural à une société d’exploitation agricole ou à un groupement d’exploitants ou de propriétaires qu’avec l’agrément personnel du bailleur. Ce dernier doit donc pouvoir identifier la société bénéficiaire de l’apport avant de donner son accord à l’opération. Selon les juges, il en résulte que la clause d’un bail rural par laquelle le bailleur donne, par avance et de manière générale, son accord pour un potentiel apport de ce bail par le locataire à une société n’est pas valable car elle ne permet pas d’identifier la société bénéficiaire de cet accord. De surcroît, les juges ont précisé que dans la mesure où une telle clause est contraire à une disposition légale dite « d’ordre public », l’action en justice du bailleur visant à la faire déclarer illicite n’est soumise à aucune prescription et peut donc être engagée à n’importe quel moment du bail.

À noter : la clause selon laquelle le bailleur autorise par avance l’apport du bail rural à une société est licite dès lors qu’elle précise d’emblée le nom de la société qui sera susceptible d’en bénéficier.

Cassation civile 3e, 8 février 2024, n° 22-16422

Article publié le 14 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Andy Sacks / Getty images

Majoration pour défaut d’adhésion à un organisme de gestion agréé : demandez le remboursement !

La majoration qui s’est appliquée aux revenus des professionnels pour défaut d’adhésion à un organisme de gestion agréé peut faire l’objet d’une réclamation fiscale en raison de son invalidation par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Auparavant, une majoration s’appliquait aux revenus des titulaires de bénéfices industriels et commerciaux (BIC), de bénéfices non commerciaux (BNC) ou de bénéfices agricoles (BA) qui n’adhéraient pas à un centre de gestion agréé ou à une association de gestion agréée ou qui ne faisaient pas appel à un professionnel de l’expertise comptable ayant conclu une convention avec l’administration fiscale.

Rappel : le taux de cette majoration était initialement de 25 %, puis avait été progressivement réduit à 20 % pour l’imposition des revenus de 2020, à 15 % pour 2021 et à 10 % pour 2022. La majoration ayant été totalement supprimée à compter de l’imposition des revenus de 2023.

À ce titre, un contribuable avait saisi la Cour européenne des droits de l’Homme afin de contester l’application de cette majoration à ses revenus. À bon droit, ont estimé les juges, qui ont remis en cause cette mesure au motif qu’elle violait la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En conséquence, les contribuables peuvent déposer une réclamation fiscale pour demander le remboursement du supplément d’impôt qu’ils ont acquitté du fait de cette majoration.

En pratique : la réclamation peut être présentée jusqu’au 31 décembre 2024 pour les revenus de 2021 et jusqu’au 31 décembre 2025 pour les revenus de 2022.

Cour européenne des droits de l’Homme, 7 décembre 2023, n° 26604/16

Article publié le 13 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Seksan Mongkhonkhamsao / Getty images