Déplafonnement du loyer d’un bail commercial : quid du lissage de l’augmentation ?

Lorsque le loyer d’un bail commercial renouvelé est déplafonné, un mécanisme de lissage de l’augmentation du loyer est prévu. Mais le locataire ne peut pas en bénéficier dans l’hypothèse où le bail commercial conclu pour 9 ans s’est poursuivi au-delà de 12 ans par tacite prolongation.

Lors du renouvellement d’un bail commercial, le nouveau loyer demandé par le bailleur est plafonné, la hausse de ce loyer ne pouvant pas excéder la variation de l’indice trimestriel de référence (l’indice des loyers commerciaux ou l’indice des activités tertiaires, selon les cas) intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail venu à expiration. Toutefois, le loyer d’un bail commercial renouvelé échappe à cette règle du plafonnement, notamment lorsque les facteurs locaux de commercialité ont évolué (c’est-à-dire lorsque l’environnement dans lequel se trouve le local commercial s’est amélioré grâce, par exemple, à l’arrivée de nouveaux moyens de transport, à l’aménagement de rues piétonnes, à la construction d’un parking ou encore à la création d’un immeuble de standing à proximité) et que cette évolution est de nature à profiter à l’activité du locataire. Il en est de même lorsque le bail venu à expiration a été conclu pour une durée supérieure à 9 ans ou lorsque le bail, bien que conclu pour une durée de 9 ans, s’est poursuivi par tacite prolongation au-delà de 12 ans. Dans tous ces cas, le bailleur est donc en droit de demander une augmentation du loyer plus élevée que celle résultant de la variation de l’indice. On parle de déplafonnement du loyer.

Le lissage de l’augmentation du loyer déplafonné…

Sachant qu’un mécanisme de lissage de l’augmentation du loyer résultant du déplafonnement est prévu, l’augmentation ne pouvant pas être supérieure, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

… ne s’applique pas dans toutes les situations

À ce titre, les juges viennent de préciser que ce mécanisme de lissage de l’augmentation du loyer résultant du déplafonnement ne s’applique pas lorsque le déplafonnement intervient dans l’hypothèse du renouvellement d’un bail commercial conclu pour une durée de 9 ans qui s’est poursuivi au-delà de 12 ans par l’effet d’une tacite prolongation. Dans cette affaire, le renouvellement avait eu lieu 13 ans après la conclusion du bail. La durée de ce bail commercial ayant dépassé 12 ans par tacite prolongation, le montant du loyer du bail renouvelé avait été déplafonné. Et dans cette situation, le locataire n’a pas été admis à demander le lissage de l’augmentation du loyer résultant de ce déplafonnement.

Cassation commerciale, 16 octobre 2025, n° 23-23834

Article publié le 26 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : MangoStar_Studio

Attribution préférentielle d’une exploitation agricole : au regard de quels critères ?

Lorsque plusieurs héritiers demandent l’attribution préférentielle d’une exploitation agricole, les juges, pour faire leur choix, doivent tenir compte des intérêts de chacun et de leur aptitude à gérer cette exploitation et à s’y maintenir, mais pas de la situation de leurs descendants.

Lorsqu’une exploitation agricole se retrouve en indivision entre les héritiers après le décès de l’exploitant agricole, l’un (ou plusieurs) d’entre eux est (sont) en droit de demander, avant les opérations de partage des biens, l’attribution à son (leur) profit de cette exploitation dès lors qu’il(s) participe(nt) à sa mise en valeur. On parle « d’attribution préférentielle ». En cas de désaccord entre les héritiers, celui ou ceux qui demandent l’attribution préférentielle peuvent saisir le tribunal pour qu’il statue sur cette demande. Sachant que l’attribution préférentielle est de droit (c’est-à-dire qu’elle s’impose au tribunal) lorsque l’exploitation considérée a une superficie inférieure à un certain seuil (fixé dans chaque département). Lorsque plusieurs héritiers sont en concurrence et demandent conjointement l’attribution préférentielle de l’exploitation, le tribunal chargé de choisir parmi eux l’attributaire doit tenir compte des intérêts de chacun et de leur aptitude à gérer cette exploitation et à s’y maintenir.

Précision : le tribunal peut décider d’attribuer l’ensemble de l’exploitation à un seul héritier. Mais il peut aussi satisfaire plusieurs héritiers en leur attribuant chacun une partie de l’exploitation.

La situation des seules personnes qui demandent l’attribution préférentielle

Et attention, le tribunal doit se prononcer au regard de la situation des seules personnes qui demandent l’attribution préférentielle et non pas de celle de leurs descendants. Ainsi, dans une affaire récente, le tribunal avait décidé d’attribuer l’exploitation agricole convoitée par deux frères à l’un d’entre eux au motif que ce dernier avait deux fils, tous deux titulaires d’un diplôme agricole et agriculteurs, et qu’ils étaient susceptibles de pouvoir reprendre l’exploitation familiale, alors que l’autre frère n’avait, au contraire, aucun descendant pouvant la reprendre. La Cour de cassation a censuré la décision du tribunal, lui reprochant d’avoir statué en considération de la descendance de chacun des deux frères et non pas de leur propre personne.

À noter : bien entendu, l’héritier qui se voit attribuer l’exploitation agricole peut avoir à indemniser les autres héritiers en leur versant une soulte lorsque la valeur des autres biens figurant dans la succession n’est pas suffisante pour assurer l’égalité entre eux.

Cassation civile 1re, 1er octobre 2025, n° 23-16618

Article publié le 25 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Westend61 / gpointstudio

Le lieu de travail prévu dans le contrat peut-il être modifié ?

Le lieu de travail d’un salarié peut être modifié sans son accord dès lors que son contrat de travail se contente de mentionner ce lieu sans lui donner un caractère exclusif.

Outre la rémunération, la durée de travail ou encore la période d’essai, le contrat de travail fixe, en principe, le lieu de travail du salarié. Mais ce lieu de travail peut-il être modifié par l’employeur sans l’accord du salarié ? Tout dépend de la manière dont est rédigé le contrat de travail, répond la Cour de cassation.

Lieu de travail exclusif vs même secteur géographique

Dans une affaire récente, une salariée, engagée en tant qu’agent de service, avait refusé de signer plusieurs avenants à son contrat de travail l’affectant sur d’autres sites de la société de nettoyage. Comme elle ne s’était pas présentée sur ces sites, son employeur avait cessé de lui verser sa rémunération. La salariée avait alors saisi la justice afin d’obtenir, notamment, des rappels de salaire, estimant que son employeur ne pouvait pas modifier, sans son accord, le lieu de travail mentionné dans son contrat de travail. Mais pour la Cour de cassation, il convient de vérifier la rédaction du contrat de travail :
– si celui-ci prévoit, « par une clause claire et précise », que le salarié travaille exclusivement dans un lieu déterminé, la modification de ce lieu de travail nécessite son accord ;
– si celui-ci se contente de mentionner le lieu de travail, il peut être modifié sans l’accord du salarié, à condition que le nouveau lieu de travail se situe dans le même secteur géographique que l’ancien. C’est pourquoi les juges d’appel sont invités à réexaminer l’affaire, et plus précisément la formulation retenue dans le contrat de travail de la salariée.

Précision : la notion de « même secteur géographique » est appréciée en fonction, notamment, de la distance entre le nouveau et l’ancien lieu de travail, de la présence de transports en commun et des frais financiers générés par l’usage du véhicule personnel du salarié.

Cassation sociale, 22 octobre 2025, n° 23-21593

Article publié le 24 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Svetlana Repnitskaya

Une option expresse pour la comptabilité d’engagement !

En l’absence d’option expresse pour une comptabilité d’engagement, le bénéfice imposable d’un professionnel soumis au régime de la déclaration contrôlée est déterminé en fonction des recettes encaissées et des dépenses effectivement payées.

En principe, les professionnels relevant de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) selon le régime de la déclaration contrôlée déterminent leur bénéfice imposable à partir des recettes encaissées et des dépenses effectivement payées au cours de l’année d’imposition (comptabilité de trésorerie). Ils peuvent toutefois opter pour déterminer leur bénéfice imposable selon les créances acquises et les dépenses engagées (comptabilité d’engagement). Une option qui doit être expresse, vient de préciser la Cour administrative d’appel de Paris. Dans cette affaire, un conseil en logiciels et systèmes auprès d’organismes financiers avait estimé que son activité fonctionnait selon les règles des créances acquises et des dettes certaines. À ce titre, il avait rattaché à l’exercice 2015 deux sommes versées sur son compte bancaire professionnel en février et mars 2016 dans la mesure où elles se rapportaient à des prestations réalisées en novembre et décembre 2015. À tort, selon l’administration fiscale, qui, à l’issue d’une vérification de comptabilité, avait réintégré ces sommes au résultat de 2016 au motif que le professionnel n’avait pas expressément opté pour une comptabilité d’engagement et tenait, dans les faits, une comptabilité de trésorerie. Un redressement confirmé par les juges.

En pratique : l’option doit être exercée avant le 1er février de l’année d’imposition, c’est-à-dire, par exemple, avant le 1er février 2026 pour prendre effet au titre de l’imposition des revenus de 2026. Cette option s’applique tant qu’elle n’a pas été dénoncée par le professionnel dans les mêmes conditions.

Cour administrative d’appel de Paris, 16 octobre 2025, n° 24PA01923

Article publié le 24 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Thanasis

La demande de retrait d’une société civile d’un époux qui en est associé

L’époux associé d’une société civile peut demander au tribunal l’autorisation de se retirer de la société sans l’accord de son conjoint, peu importe que les parts sociales soient des biens communs.

Un époux marié sous le régime de la communauté, qui est associé d’une société civile, peut demander au tribunal l’autorisation de se retirer de la société sans l’accord de son conjoint. C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Une société civile était constituée par des époux communs en biens et leurs enfants. Après que les époux avaient divorcé, l’ex-mari avait demandé aux autres associés l’autorisation de se retirer de la société. Ces derniers ayant refusé, il avait alors saisi le tribunal judiciaire, qui avait autorisé le retrait. Estimant que la demande de retrait auprès du tribunal aurait dû être effectuée avec son accord puisque les parts sociales étaient des biens communs, l’ex-épouse avait fait appel de cette décision. Mais la cour d’appel ne lui a pas donné raison. En effet, pour les juges, le droit de retrait étant attaché à la qualité d’associé, l’époux qui a cette qualité (en l’occurrence l’ex-mari) peut valablement demander seul l’autorisation au tribunal de se retirer de la société. Peu importe, selon les juges, que les parts sociales soient des biens communs, que le prix du remboursement de ces parts figure donc à l’actif de la communauté et que son sort sera réglé selon les règles de l’indivision post-communautaire née après le divorce.

Cour d’appel de Dijon, 11 septembre 2025, n° 22/01053

Article publié le 21 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Zinkevych

Pénalité pour absence de plan d’action sur l’égalité professionnelle

Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés, y compris celles qui ne sont pas dotées d’une section syndicale d’organisation représentative, doivent, sous peine d’une pénalité financière, mettre en place un plan d’action sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives doivent, en principe au moins tous les 4 ans, engager une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Si cette négociation n’aboutit pas à un accord, elles doivent établir un plan d’action annuel sur ce sujet. Le Code du travail prévoit que les entreprises d’au moins 50 salariés qui ne sont couvertes ni par un accord, ni par un plan d’action sont redevables d’une pénalité dont le montant maximum s’élève à 1 % des rémunérations versées.

Un plan d’action obligatoire en l’absence de section syndicale

Dans une affaire récente, une société n’ayant ni accord, ni plan d’action sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes avait contesté en justice la pénalité financière qui lui avait été infligée par l’administration du travail. Elle soutenait, en effet, qu’elle ne pouvait pas être sanctionnée puisqu’elle n’était pas dotée d’une section syndicale d’organisation représentative et, qu’en conséquence, elle n’était pas contrainte de mettre en place un accord, ni même un plan d’action sur ce sujet. Mais, pour le Conseil d’État, les entreprises d’au moins 50 salariés qui ne sont pas tenues d’engager la négociation d’un accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, faute de section syndicale d’organisation représentative, doivent quand même mettre en place un plan d’action sur ce sujet. À défaut d’un tel plan, elles sont redevables d’une pénalité financière.

Conseil d’État, 1er octobre 2025, n° 495549

Article publié le 21 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Tom Merton

Rétrocession de parcelles agricoles par la Safer : gare à la date de dépôt des candidatures !

Seuls les dossiers déposés postérieurement à la publication en mairie d’un appel à candidatures par la Safer peuvent être retenus pour l’attribution des parcelles agricoles considérées aux conditions proposées.

Avant de rétrocéder un bien agricole qu’elle a préalablement acquis, la Safer doit procéder à la publication d’un appel à candidatures. Celui-ci s’effectue par l’affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle est situé ce bien, pendant au moins 15 jours, d’un avis comportant la désignation sommaire du bien, sa superficie, le nom de la commune, celui du lieu-dit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un document d’urbanisme, s’il existe. Cet avis indique également le délai, qui ne peut excéder 15 jours après la fin de l’affichage, dans lequel les candidatures doivent être présentées.

Dépôt des candidatures après l’affichage en mairie

À ce titre, les juges ont affirmé, dans une affaire récente, que seuls les dossiers déposés postérieurement à la publication en mairie d’un appel à candidatures par la Safer peuvent être retenus pour l’attribution des parcelles agricoles considérées aux conditions proposées, et pas ceux déposés avant. Dans cette affaire, l’exploitant agricole auquel la Safer avait rétrocédé les parcelles avait déposé sa candidature avant que l’affichage en mairie ait été réalisé (en l’occurrence, dès la décision de préemption de la Safer). Invoquant ce motif, le candidat à la rétrocession dont la candidature n’avait pas été retenue avait demandé l’annulation de la rétrocession. Il a obtenu gain de cause.

Cassation civile 3e, 18 septembre 2025, n° 24-17103

Article publié le 18 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : SimonSkafar

Barème Macron : les arrêts de travail comptent !

Les périodes d’arrêts de travail ne doivent pas être exclues du décompte de l’ancienneté du salarié servant au calcul du montant de l’indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsque, dans le cadre d’un litige lié à la rupture du contrat de travail d’un salarié, les juges considèrent que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, ils doivent fixer le montant de l’indemnité que l’employeur doit lui verser. Pour ce faire, ils sont tenus de se référer à un barème, le fameux « barème Macron », qui précise les montants minimal et maximal qui peuvent être alloués au salarié en fonction de son ancienneté dans l’entreprise. Une ancienneté qui doit inclure les périodes d’arrêts maladie du salarié, comme vient de le préciser la Cour de cassation.

Les arrêts maladie ne doivent pas être déduits !

Dans cette affaire, une salariée, dont le licenciement avait été jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse, s’était vue privée d’indemnité par les juges au motif que son ancienneté dans l’entreprise était inférieure à un an. En effet, même si la salariée avait fait partie des effectifs de l’entreprise pendant presque 3 ans, les juges avaient considéré que sa période d’arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle, qui avait duré plus de 2 ans, devait être exclue du décompte de son ancienneté pour fixer le montant de l’indemnité due par son employeur. Amenée à se prononcer dans le cadre de ce litige, la Cour de cassation a, quant à elle, considéré qu’il n’y avait pas lieu de déduire les périodes de suspension du contrat de travail de l’ancienneté de la salariée. Aussi avait-elle droit à une indemnité qui devait être fixée en fonction de son ancienneté dans l’entreprise, soit 2 ans et 10 mois (montant de 5 989 €, correspondant à 3,5 mois de salaire).

En complément : dans une autre affaire, la Cour de cassation a indiqué que, dans les entreprises de moins de 11 salariés, les salariés qui cumulent moins d’un an d’ancienneté ont droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la limite d’un mois de salaire.

Cassation sociale, 1er octobre 2025, n° 24-15529

Article publié le 18 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Run Co

Nullité des mises en demeure et contraintes de l’Urssaf

Pour les juges, les mises en demeure et contraintes notifiées par l’Urssaf doivent, sous peine de nullité, préciser la nature exacte des sommes réclamées au cotisant.

Dans le cadre de ses contrôles, l’Urssaf est amenée à vérifier la bonne application des règles de Sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants, notamment en matière de déclaration et de paiement des cotisations et contributions sociales. Et à l’issue de ses vérifications, elle adresse une lettre d’observation au cotisant. Une lettre qui, dès lors qu’elle fait état d’un redressement, c’est-à-dire de sommes à payer, doit être suivie d’une mise en demeure « invitant » le cotisant à régulariser sa situation. Cette mise en demeure pouvant elle-même donner lieu à une contrainte, un acte de recouvrement forcé, si le cotisant n’a pas régularisé sa « dette ». À ce titre, les juges ont récemment précisé que la mise en demeure et la contrainte de l’Urssaf doivent, sous peine de nullité, indiquer la nature exacte des sommes réclamées…

La mention « régime général » ne suffit pas !

Dans cette affaire, une fondation avait reçu de l’Urssaf des mises en demeure, suivies de contraintes, faisant état de sommes à régler. Or, la fondation estimait que ces mises en demeure et contraintes n’étaient pas valables dans la mesure où elles ne précisaient pas la nature exacte des sommes réclamées, en l’occurrence des sommes correspondant au versement transport, aujourd‘hui rebaptisé « versement mobilité ». Et pour cause, ces documents se contentaient de mentionner « une régularisation annuelle » à titre d’objet et le terme « régime général » concernant la nature des cotisations redressées. Saisie du litige, la Cour d’appel de Dijon avait considéré que les mises en demeure et les contraintes étaient valables, dans la mesure où différents courriers, antérieurs et postérieurs, adressés au cotisant justifiaient la nature et le montant des sommes réclamées. Mais pour la Cour de cassation, les mises en demeure et les contraintes de l’Urssaf doivent permettre au cotisant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. Autrement dit, elles doivent, sous peine de nullité, préciser la nature des sommes réclamées, en l’occurrence, le versement transport. Peu importe que d’autres courriers mentionnant cet élément aient été adressés à la fondation. L’affaire est donc remise entre les mains des juges d’appel.

Cassation civile 2e, 4 septembre 2025, n° 23-15474

Article publié le 18 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : MoMo Productions

Engagement de non-concurrence pris par le cédant d’une société devenu salarié

Lorsqu’un acte de cession de parts sociales comporte une clause de non-concurrence à l’encontre du cédant, cette clause doit prévoir une contrepartie financière dès lors que ce dernier est devenu salarié de la société au moment où il souscrit l’engagement de non-concurrence.

Comme son nom l’indique, une clause de non-concurrence a pour objet de préserver une entreprise contre une éventuelle concurrence d’un partenaire avec lequel elle est en relation d’affaires ou d’un ancien dirigeant, d’un ancien associé ou d’un ancien salarié. Une telle clause est donc très souvent présente dans certains contrats tels que la vente de fonds de commerce, la location-gérance, la franchise, l’agence commerciale, la cession de clientèle ou encore la cession de parts sociales ou d’actions. Et bien entendu dans les contrats de travail. Mais attention, pour être valable, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace et être proportionnée aux intérêts de la société. Sachant que dans le cadre d’une cession de parts sociales, elle n’a pas à prévoir de contrepartie financière au profit du cédant. À moins que ce dernier ne soit également salarié de la société au jour où il souscrit l’engagement de non-concurrence. Dans ce cas, une contrepartie financière à cet engagement est obligatoire.

Salarié = contrepartie financière

C’est ce que les juges ont rappelé dans l’affaire récente suivante. Le 28 janvier 2022, une personne avait cédé l’intégralité des parts sociales qu’elle détenait dans une société. Dans l’acte de cession, figurait une clause de non-concurrence par laquelle elle s’interdisait de participer directement ou indirectement à toute entreprise exerçant une activité identique à celle de cette société. Quelques jours plus tard, le 9 février 2022, un acte réitérant l’acte de cession, rendant caduc l’acte de cession précédent et prévoyant la même clause de non-concurrence avait été conclu entre les parties. Le même jour, le cédant avait conclu un contrat de travail avec la société, avec effet rétroactif au 1er février 2022.Cinq mois plus tard, l’intéressé avait démissionné, puis avait créé une entreprise dont l’activité était proche de celle de la société qu’il avait cédée. L’acquéreur de cette dernière avait alors agi contre lui en justice, lui reprochant d’avoir violé la clause de non-concurrence. Pour sa défense, le cédant avait fait valoir que la clause de non-concurrence n’était pas valable puisqu’elle ne prévoyait pas de contrepartie financière.Les juges lui ont donné raison car, le 9 février 2022, date à laquelle l’engagement de non-concurrence avait été réitéré par le cédant, celui-ci était devenu salarié de la société, son contrat de travail ayant rétroactivement commencé le 1er février 2022. Du coup, pour les juges, la clause de non-concurrence aurait dû prévoir une contrepartie financière, ce qui n’était pas le cas. Elle n’était donc effectivement pas valable.

Cassation commerciale, 17 septembre 2025, n° 24-14883

Article publié le 17 novembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : maliha majeed