La reprise d’une somme d’argent appartenant en propre à un époux lors d’un divorce

Lors d’un divorce, pour qu’un époux puisse reprendre une somme d’argent, il faut vérifier que cette dernière existe encore au moment de la dissolution du régime matrimonial et qu’elle a bien conservé son caractère propre.

Lorsque des époux mariés sous le régime légal divorcent, la communauté fait l’objet d’une dissolution. Dans le cadre des opérations de partage des biens, les ex-époux reprennent, en principe, leurs biens propres. Un arrêt récent de la Cour de cassation est venu apporter des précisions sur ce droit de reprise. Dans cette affaire, un couple marié sous le régime de la communauté avait divorcé. Lors de la liquidation du régime matrimonial, l’ex-mari avait contesté la reprise par son ex-épouse d’une somme d’argent d’un montant de 22 867 €. Cette somme provenant de donations consenties par les parents de celle-ci. En effet, selon l’ex-mari, cette donation avait été réalisée au profit des deux époux. Ce dernier avait également reproché à la cour d’appel de s’être limitée à constater que son épouse était devenue propriétaire de cette somme par donation et que cette somme était donc un bien propre. Il avait donc porté le litige devant la Cour de cassation, laquelle n’a pas suivi le raisonnement de la cour d’appel. En effet, elle a considéré que la cour d’appel n’avait pas, comme il le lui incombait, vérifié si les sommes d’argent faisant l’objet d’une reprise existaient encore et si elles étaient demeurées propres à l’épouse à la dissolution de la communauté.

En pratique : en raison de la fongibilité des sommes d’argent, il peut être difficile de rapporter la preuve du caractère propre d’une somme d’argent. Il est donc recommandé d’isoler ces sommes sur un compte bancaire au nom du donataire et de ne réaliser aucun mouvement sur ce compte.

Cassation civile 1re, 2 mai 2024, n° 22-15238

Article publié le 07 juin 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Copyright Dazeley

Le caractère manifestement exagéré des primes versées sur un contrat d’assurance-vie

Pour juger du caractère exagéré des primes versées sur un contrat d’assurance-vie, les juges doivent se fonder sur un certain nombre de critères…

Les conditions de souscription d’une assurance-vie autorisent l’épargnant à verser des primes dont le montant est totalement libre. Et rien a priori ne lui interdit de détenir une partie importante de son patrimoine au sein d’un tel contrat pour en faire « profiter », au moment de son décès, un ou plusieurs bénéficiaires désignés parmi les héritiers eux-mêmes ou une personne extérieure à la famille. En revanche, le contrat d’assurance-vie ne doit pas être un moyen pour empêcher les héritiers réservataires de percevoir, au moment du décès de l’épargnant, leur part de réserve. Si tel était le cas, la loi protège ces derniers en leur ouvrant une action judiciaire spécifique basée sur la notion de primes manifestement exagérées. Ce recours ayant comme finalité de remettre en cause la transmission du capital au(x) bénéficiaire(s) de l’assurance-vie et de réintégrer, au sein de la succession du défunt, soit la partie excessive, soit la totalité des primes versées. L’utilisation de cette action judiciaire a fait l’objet d’un récent contentieux. Dans cette affaire, deux époux étaient décédés respectivement les 1er mars 2010 et 21 avril 2013, en laissant pour leur succéder leurs deux enfants. Un contrat d’assurance-vie avait été souscrit par la mère au bénéfice de sa fille. Au décès de la mère, le frère avait demandé notamment le rapport à la succession des sommes versées sur cette assurance-vie au titre des primes manifestement exagérées. Saisie du litige, la cour d’appel avait condamné la sœur à rapporter à la succession l’intégralité du capital versé. Pour justifier leur position, les juges avaient souligné que, au moment de la souscription du contrat, la mère n’avait pas de revenus propres et n’était pas assujettie à l’impôt sur le revenu. L’utilité d’un tel contrat n’était donc pas démontrée. Une argumentation qui n’a pas convaincu les juges de la Cour de cassation. Ces derniers ont estimé que la cour d’appel n’avait pas évalué la situation en tenant compte du patrimoine global des époux (immobilier et comptes d’épargne). Ce patrimoine étant, à leurs yeux, de nature à établir que le montant des primes versées n’était pas manifestement exagéré. En outre, les juges ont rappelé que le caractère manifestement exagéré des primes s’apprécie au moment de leur versement et au regard de différents critères comme l’âge, la situation patrimoniale et familiale du souscripteur et l’utilité du contrat pour ce dernier. Appréciation à laquelle la cour d’appel n’avait pas procédé.

Cassation civile 1re, 2 mai 2024, n° 22-14829

Article publié le 28 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : CalypsoArt / Getty images

Vers un encadrement des frais bancaires sur succession

Une proposition de loi prévoit notamment un plafonnement des frais appliqués lors de la clôture des comptes bancaires d’une personne décédée.

Votée à l’unanimité (en première lecture) au Sénat, une proposition de loi prévoit d’encadrer les frais facturés par les établissements bancaires pour clôturer les comptes de leurs clients décédés, couramment appelés « frais bancaires de succession ». Selon une étude d’UFC – Que Choisir datant de février 2024, ces frais s’élevaient en moyenne à 291 € en 2023 (soit +50 % par rapport à 2012). Autre élément à tirer de cette étude, les frais bancaires acquittés en moyenne par les héritiers pour une succession de 20 000 € s’échelonnent entre 80 et 527,50 €, soit un rapport de 1 à 6,5 pour une succession. Les frais facturés en France sont presque trois fois supérieurs à ceux pratiqués en Belgique et en Italie et près de quatre fois plus élevés qu’en Espagne, selon cette même étude. Concrètement, le texte de loi prévoit la gratuité des opérations de clôture des comptes dans trois cas :- pour les successions les plus modestes, à savoir lorsque le solde total des comptes du défunt est inférieur à un seuil fixé à 5 909 € actuellement. Ce montant étant révisé tous les ans en fonction de l’inflation ;- pour les successions des comptes des défunts mineurs, sans condition de montant ;- pour les successions les plus simples, c’est-à-dire lorsque le ou les héritiers produisent un acte de notoriété ou une attestation signée par l’ensemble des héritiers à la banque lors de la clôture des comptes du défunt, peu importe leurs soldes. Les opérations liées à la clôture ne devront pas présenter de complexité manifeste. Seront notamment soumis à ce dispositif les comptes de dépôt et de paiement ainsi que les plans et livrets réglementés (livret jeune, Livret A, LDDS, LEP, PEL, CEL…). Dans les autres cas de succession (hors ces trois cas de gratuité), les opérations liées à la clôture des comptes et produits d’épargne d’un défunt pourront donner lieu à des frais mais ces derniers seront plafonnés à 1 % maximum du montant total des sommes détenues et selon un barème dégressif qui sera fixé par décret. Les banques seront donc soumises à un double plafonnement, en pourcentage et en valeur.

Précision : la proposition de loi prévoit également que le respect de la règlementation sera contrôlé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Proposition de loi visant à réduire et encadrer les frais bancaires sur succession, enregistrée à l’Assemblée nationale le 16 mai 2024

Article publié le 23 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Gabor Izso / Getty images

Aider ses enfants en leur donnant l’usufruit temporaire d’un bien

Outre ses avantages fiscaux, la donation temporaire d’usufruit permet notamment de procurer des revenus à ses enfants.

Pour aider leurs enfants (ou leurs petits-enfants) à financer leurs études ou se lancer dans la vie active, les parents peuvent leur consentir une donation temporaire d’usufruit d’un de leurs biens. Explications.

Qu’est-ce qu’une donation temporaire d’usufruit ?

La donation temporaire d’usufruit consiste pour une personne à transférer à l’un de ses enfants l’usufruit d’un de ses biens (un portefeuille de valeurs mobilières ou un logement locatif, par exemple) pour une durée limitée (souvent entre 5 et 10 ans). Ce qui permet au bénéficiaire de la donation (l’enfant) de percevoir les revenus générés par ce bien à la place du donateur (le parent) pendant cette période. Intérêt pour le donateur : il conserve la nue-propriété du bien pendant la durée de la donation et demeure certain de recouvrer sa pleine propriété au terme de l’opération. Il pourra donc profiter ultérieurement des revenus procurés par le bien. Mais attention, pour être valable, une donation temporaire d’usufruit doit être conclue devant un notaire et pour une durée minimale de 3 ans.

Comment sont calculés les droits de donation ?

La donation temporaire d’usufruit n’est pas sans incidence sur le plan fiscal, notamment en ce qui concerne les droits de donation. Et ce même si la valeur de la donation est réduite car elle ne porte que sur le seul usufruit et non sur la pleine propriété du bien. En pratique, l’administration fiscale évalue forfaitairement la donation à 23 % de la valeur des biens dont le donateur a cédé l’usufruit temporaire par tranche de 10 ans. Ainsi, si l’usufruit d’un logement est donné pour 8 ans, et que la valeur de ce logement est estimée à 250 000 €, la valeur de l’usufruit transmis sera évaluée à 57 500 €. Sachant que dans la majeure partie des cas, la donation se réalise en franchise d’impôt, compte tenu de l’abattement de 100 000 € dont bénéficient les enfants sur les donations consenties par leurs parents.

Un impact sur l’impôt sur le revenu

Consentir une donation temporaire d’usufruit présente aussi l’avantage de diminuer l’impôt sur le revenu du donateur puisque celui-ci ne percevra plus, pendant la durée de la donation, les loyers tirés de la location du logement ou les revenus issus des valeurs mobilières. Et en général, l’enfant qui reçoit l’usufruit ne devient pas imposable pour autant.

Article publié le 22 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Westend61 / Eugenio Marongiu

Les Français n’anticipent pas assez la transmission de leur patrimoine !

Selon une étude de l’Observatoire des solidarités intergénérationnelles, plus de 60 % des Français n’ont pas l’intention de rédiger un testament.

Don manuel, donation-partage, legs, assurance-vie… il existe différentes manières de donner de l’argent ou de transmettre des biens à des proches. L’Observatoire des solidarités intergénérationnelles s’est d’ailleurs intéressé à cette problématique de la transmission de patrimoine et a publié récemment, avec l’aide de l’Ifop, une étude qui décrypte les préoccupations et pratiques financières des familles françaises en matière de succession, de transmission et de donation. Cette étude (réalisée en ligne d’un échantillon de 1 257 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus) nous apprend que 44 % des Français déclarent avoir déjà bénéficié d’un héritage et 78 % s’estiment en mesure d’en faire bénéficier leurs proches à l’avenir. Un score relativement important qui rassemble toutes les générations (86 % des seniors et 75 % des jeunes entre 18 et 24 ans pensent être en capacité de léguer un héritage à l’avenir) et les classes sociales (87 % des CSP+ et 71 % des employés et ouvriers), signe d’une démocratisation de la transmission et d’une volonté de consolider la situation économique et sociale de sa descendance.

Les retraités peu enclins à anticiper leur succession

Malgré toutes les bonnes volontés, une faible minorité de Français anticipe et prépare leur transmission. En effet, à la question posée sur l’intention de rédiger un testament, plus de 60 % des Français répondent par la négative. Seuls 14 % d’entre eux ont déjà fait la démarche de rédiger un tel document et 23 % seulement l’envisagent. Étant précisé que chez les jeunes de 25-34 ans, 51 % d’entre eux ont rédigé un testament ou en ont l’intention (+14 points par rapport à la moyenne des Français). Au contraire, leurs aînés, retraités, sont très peu moteurs dans la planification de leur succession avec seulement un tiers de réponses positives sur la rédaction d’un testament ou son intention de le faire. Fait marquant, l’outil le plus souvent mis en œuvre dans une stratégie de transmission est l’assurance-vie. Pour 55 % des Français, cette dernière est perçue comme le produit d’épargne le plus approprié dans le cadre d’une transmission. Les investissements immobiliers (SCPI, OPCI…) et les livrets bancaires (Livret A, LDDS, LEP…) figurent également sur le podium des solutions privilégiées.

Observatoire des solidarités intergénérationnelles – Les Français et la succession, mai 2024

Article publié le 16 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Sladic / Getty images

Comment transmettre des biens à un collatéral ?

Les transmissions de patrimoine au profit de collatéraux (frères, sœurs…) ont un coût important. Pour adoucir la facture fiscale, certains outils peuvent être mis en œuvre.

Durée : 02 mn 17 s

Article publié le 27 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024

Emprunt souscrit par un seul des époux communs en biens

Lorsqu’une personne mariée sous le régime légal de la communauté a souscrit seule un emprunt, la banque peut-elle agir sur les biens communs du couple en cas de défaillance de l’emprunteur ?

Lorsqu’une personne mariée sous le régime légal de la communauté souscrit seule un emprunt, elle n’engage, en principe, que ses biens propres et ses revenus. Les biens appartenant en commun aux époux ne sont donc pas engagés par cette opération et a fortiori les biens propres de l’autre conjoint non plus. Toutefois, lorsque le prêt est contracté pour financer des dépenses liées aux besoins du ménage ou à l’éducation des enfants, la dette est dite « solidaire » aux deux époux et leurs biens communs sont alors engagés. Sachant qu’en pratique, les banques exigent très souvent que le conjoint de l’emprunteur se porte caution solidaire pour ce dernier si bien qu’il sera poursuivi en paiement si l’emprunteur se révèle défaillant.

Article publié le 20 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024

Quelle est la nature de parts sociales de SCI reçues après un divorce ?

Lorsqu’un ex-époux reçoit des parts sociales d’une société civile immobilière qui a été immatriculée après son divorce, ces parts sociales constituent-elles des biens communs ?

Dans une affaire récente, le divorce d’époux mariés sous le régime de la communauté universelle avait été prononcé le 21 janvier 2013. Ce même jugement ayant fixé la date des effets du divorce (état liquidatif) entre les époux au 27 février 2012. Le 30 janvier 2012, l’ex-mari avait déposé une somme de 450 € sur un compte ouvert au nom d’une SCI en cours de formation (les statuts de la société avaient été établis le 10 février 2012). Une somme d’argent qui correspondait à un apport au capital social de la SCI. Par la suite, le 29 février 2012, la SCI avait été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Étant précisé que son capital social avait été libéré le 10 juillet 2012.Ayant eu connaissance de cet actif, l’ex-épouse avait assigné son ex-mari pour recel de communauté. Rappelons que le recel consiste à détourner un « objet » de la communauté en vue de se l’approprier et de « frustrer » l’autre époux de la part devant lui revenir dans les choses diverties ou dissimulées. Le recel constitue un délit civil entraînant pour le receleur une privation de tout droit dans les biens recélés. Saisis du litige, les juges de la Cour d’appel avaient considéré que la naissance des parts sociales était intervenue à la date du contrat de société, soit le 10 février 2012. Ces parts étaient donc nées, au moyen de fonds présumés communs, avant la date d’effet du divorce au 27 février 2012. De ce fait, les parts sociales ayant la nature de biens communs, l’ex-époux avait commis un recel de communauté. Appelée à se prononcer à son tour, la Cour de cassation n’a pas été de cet avis. Pour elle, les parts de société naissent à la date de l’immatriculation de celle-ci, et non pas lors de la conclusion du contrat de société. Dans cette affaire, les parts sociales avaient été reçues par l’ex-époux (le 29 février 2012) après la dissolution de la communauté (27 février 2012. Il en résulte que ce dernier n’avait pas pu se rendre coupable d’un recel de communauté.

Cassation civile 1re, 17 janvier 2024, n° 22-11303

Article publié le 06 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Andrii Yalanskyi / Getty Images

Une meilleure lisibilité pour les contrats d’assurance prévoyance

À compter du 1er janvier 2025, les compagnies d’assurance devront mettre à disposition des assurés des tableaux d’exemples de prise en charge des principales garanties de prévoyance.

Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) vient d’adopter à l’unanimité un avis concernant les contrats d’assurance prévoyance. Cet avis fait suite à une demande du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique d’engager des travaux sur la lisibilité de ces contrats. Après avoir passé en revue l’offre des contrats d’assurance prévoyance, le Comité a constaté le manque de lisibilité globale des prestations de prévoyance quant au fonctionnement entre le régime de base et le régime complémentaire et a travaillé sur des tableaux d’exemples de remboursement pour les salariés du secteur privé et travailleurs non-salariés. Ces travaux ont permis d’élaborer des exemples de remboursement, destinés à faciliter la lisibilité et la comparabilité entre les offres existant sur le marché pour les souscripteurs de ces contrats. Ils visent à aider les assurés à comprendre le fonctionnement de ces contrats prévoyance, avec des exemples chiffrés pour les principaux risques couverts par la prévoyance – décès, incapacité et invalidité – et indication des montants totaux perçus in fine par l’assuré. Des tableaux d’exemples qui devront être mise à disposition des assurés par toutes les compagnies d’assurance à compter du 1er janvier 2025.

Comité consultatif du secteur financier

Article publié le 23 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Inside Creative House / Getty Images