Entrepreneurs individuels : ne tardez pas à déposer une déclaration d’insaisissabilité !

Une déclaration d’insaisissabilité est sans effet lorsqu’elle est effectuée par un entrepreneur après qu’il fait l’objet d’une procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Tout entrepreneur individuel (artisan, commerçant, agriculteur, professionnel libéral…) dispose de la faculté de déclarer insaisissables ses biens fonciers, bâtis ou non bâtis, autres que sa résidence principale, qui ne sont pas affectés à son activité professionnelle. Grâce à cette déclaration, souscrite par acte notarié, l’entrepreneur met les biens concernés (résidence secondaire, appartement, terrain…) à l’abri des poursuites de ses créanciers professionnels dont la créance naît postérieurement à sa publication.

Précision : la résidence principale de l’entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit (sans aucune formalité à accomplir) par ses créanciers professionnels.

Mais attention, une déclaration d’insaisissabilité n’a pas d’effets lorsqu’elle est souscrite alors que l’entrepreneur fait déjà l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire).

Une déclaration d’insaisissabilité déposée tardivement

C’est ce que les juges ont affirmé dans une affaire où un entrepreneur individuel, qui connaissait des difficultés économiques, avait demandé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Quelques mois plus tard, il avait déposé une déclaration notariée d’insaisissabilité de deux biens immobiliers qui n’étaient pas affectés à son activité professionnelle. Les difficultés de l’entrepreneur s’étant aggravées, la procédure de sauvegarde avait été transformée en liquidation judiciaire. Pour pouvoir payer les créanciers, le liquidateur avait alors souhaité faire vendre les deux immeubles. Mais il s’était vu opposer la déclaration d’insaisissabilité. Il avait donc agi en justice pour que les juges déclarent cette déclaration inopposable. Et les juges lui ont donné gain de cause. En effet, ils ont affirmé qu’une déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet que si elle a été publiée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective dont l’entrepreneur fait l’objet, même s’il s’agit d’une procédure de sauvegarde. Ce qui n’avait pas été le cas dans cette affaire.

Cassation commerciale, 10 mars 2021, n° 19-21971

Article publié le 08 avril 2021 – © Les Echos Publishing 2021

Liquidation judiciaire : quand la cessation des paiements a été déclarée tardivement

Même s’il n’ignorait pas l’état de cessation des paiements dans lequel elle se trouvait, le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire qui n’a pas déclaré la cessation des paiements dans le délai légal peut être considéré comme ayant commis une simple négligence qui l’exonère de sa responsabilité.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, son dirigeant peut être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de celle-ci lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif. On parle alors d’action « en comblement de passif ».Mais fort heureusement, une simple négligence de la part du dirigeant dans la gestion de la société ne peut pas être retenue à son encontre pour mettre en jeu sa responsabilité financière.À ce titre, dans une affaire récente, le dirigeant d’une société mise en liquidation judiciaire avait fait l’objet d’une action en comblement de passif intentée par le liquidateur judiciaire qui lui reprochait de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements de la société dans le délai légal, à savoir dans les 45 jours qui ont suivi cet état. Pour le liquidateur, cette omission de déclaration de la cessation des paiements ne pouvait pas constituer une simple négligence de la part du dirigeant dès lors que ce dernier connaissait la situation de cessation des paiements dans laquelle se trouvait la société. Et le liquidateur de faire valoir que ce dirigeant en avait parfaitement connaissance puisque le résultat de la société sur les 15 derniers mois était déficitaire à hauteur de 122 350 € et que l’intéressé avait cherché une solution pour apurer cette situation financière en ayant procédé à la vente de 80 % du fonds de commerce et en ayant versé 60 000 € afin d’augmenter le capital social.Mais la Cour de cassation, devant laquelle le litige a fini par être porté, n’a pas été de cet avis. En effet, pour elle, la négligence d’un dirigeant ne se limite à l’hypothèse dans laquelle il a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré la commission de cette négligence.


Autrement dit : ce n’est pas parce qu’un dirigeant connaît l’état de cessation des paiements de sa société qu’il ne commet pas une simple négligence en ne déclarant pas cette cessation dans le délai légal. Tout dépend des circonstances. Dans cette affaire, les juges avaient noté que le dirigeant avait tenté de redresser la situation de la société.

Cassation commerciale, 3 février 2021, n° 19-20004

Article publié le 10 mars 2021 – © Les Echos Publishing 2021

Déductibilité des abandons de créances

Mon entreprise a consenti un abandon de créances à caractère commercialà un partenaire en difficulté financière. Puis-je déduire cette aide ?

Tout dépend de la nature de la procédure collective qui a été ouverte à l’égard de votre partenaire commercial. Jusqu’à présent, seuls les abandons de créances à caractère commercial supportés dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement (entreprise faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire) étaient déductibles, sans condition, pour la totalité de leur montant. Cette déductibilité a été étendue aux abandons de créances consentis à compter du 1er janvier 2021 aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation. Attention toutefois, l’abandon de créance doit être consenti en application d’un accord constaté ou homologué par le juge dans les conditions prévues par le Code de commerce.

Article publié le 13 février 2021 – © Les Echos Publishing 2021

Liquidation judiciaire : le dirigeant bénévole peut-il être inquiété ?

Bien qu’il soit bénévole, le dirigeant d’une société mise en liquidation judiciaire, qui a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, peut être condamné à combler une partie du passif. Sa responsabilité peut être engagée à ce titre de la même manière que s’il était rémunéré.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, il n’est pas rare que le liquidateur cherche à engager la responsabilité de son dirigeant en lui reprochant d’avoir commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers (ce qui est toujours le cas). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société.


Précision : une simple négligence dans la gestion de la société ne peut toutefois pas être retenue à l’encontre d’un dirigeant pour mettre en jeu sa responsabilité et lui faire payer personnellement une partie des dettes de celle-ci.

Pas de pitié pour le dirigeant bénévole !

Lorsqu’il est bénévole, un dirigeant de société peut être condamné à combler le passif social de la même manière que s’il était rémunéré.C’est ce que les juges ont déclaré dans une affaire où le dirigeant d’une société par actions simplifiée mise en liquidation judiciaire, à qui il était reproché d’avoir commis des fautes de gestion ayant conduit à aggraver les dettes de la société, avait tenté de faire valoir que sa responsabilité devait être appliquée moins rigoureusement car ses fonctions n’étaient pas rémunérées. À l’appui de sa demande, il avait invoqué un article du Code civil (l’article 1992) qui prévoit que la responsabilité du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit. Un argument rejeté par les juges qui ont affirmé que ce texte ne s’applique pas à la situation du dirigeant d’une société en liquidation judiciaire poursuivi en paiement de l’insuffisance d’actif.Cassation commerciale, 9 décembre 2020, n° 18-24730

Article publié le 29 janvier 2021 – © Les Echos Publishing 2021

La vente avec clause de réserve de propriété

En principe, la propriété d’un bien vendu est transférée à l’acheteur dès la conclusion du contrat, que le prix soit payé ou non. Toutefois, le vendeur peut prévoir dans le contrat une clause de réserve de propriété en vertu de laquelle l’acheteur ne deviendra propriétaire du bien vendu qu’après le paiement intégral du prix. Ce qui constitue une garantie intéressante pour lui en cas d’impayé. Explications.

Conditions de validité d’une clause de réserve de propriété

La clause de réserve de propriété doit être convenue par écrit entre le vendeur et l’acheteur au plus tard au moment de la livraison du bien vendu et être insérée de manière apparente dans les documents commerciaux du vendeur.

Pour qu’une clause de réserve de propriété soit valable et puisse donc produire ses effets, elle doit avoir fait l’objet d’une acceptation explicite de la part de l’acquéreur au plus tard au moment de la livraison du bien vendu. Pour cela, ce dernier doit pouvoir en prendre connaissance facilement. Ainsi, la clause de réserve de propriété doit être établie par écrit. Elle peut être insérée dans les divers documents commerciaux émanant du vendeur (bons de commande, bons de livraison, factures, etc.) ou encore dans ses conditions générales de vente.

Attention : mieux vaut éviter d’inscrire la clause de réserve de propriété uniquement sur les factures. En effet, ces dernières étant souvent envoyées à l’acheteur après la livraison, il est trop tard pour une acception de la clause de sa part.

Et attention, quel que soit le support sur lequel elle est insérée, la clause de réserve de propriété doit apparaître de façon claire, bien en évidence, de sorte que l’acheteur ne puisse prétendre l’avoir ignorée. À défaut, elle risquerait d’être inopérante et le vendeur perdrait alors la garantie qu’elle a vocation à lui offrir.

Le droit de revendiquer le bien vendu

Le vendeur peut revendiquer la marchandise vendue avec réserve de propriété lorsqu’il n’a pas été intégralement payé à l’échéance prévue.

En dehors d’une procédure collective

La clause de réserve de propriété constitue une garantie très efficace pour le vendeur. En effet, lorsqu’il n’a pas reçu paiement intégral du prix du bien vendu à l’échéance prévue, le vendeur est en droit de le reprendre. En pratique, il lui suffit de saisir le juge pour faire appliquer la clause, puis de mandater un huissier de justice pour qu’il procède à une saisie du bien entre les mains de l’acheteur.

Précision : si l’acheteur souhaite conserver le bien pour poursuivre son activité, il devra alors payer le prix de vente.

En cas de procédure collective de l’acheteur

Mais surtout, la clause de réserve de propriété présente un intérêt particulier lorsque l’acheteur fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Dans ce cas, en effet, le vendeur qui n’a pas reçu paiement de l’intégralité du prix peut obtenir la restitution du bien en exerçant une action dite en revendication. Il dispose ainsi d’un sérieux avantage par rapport aux autres créanciers de l’acheteur qui, pour la plupart, doivent se contenter de déclarer leur créance auprès du mandataire judiciaire, sans grand espoir de se voir un jour payés de leur dû. L’exercice de l’action en revendication dans le cadre de la procédure collective de l’acheteur est toutefois soumis à trois conditions cumulatives. D’abord, on l’a dit, la clause de réserve de propriété doit avoir été convenue par écrit entre le vendeur et l’acheteur, et acceptée par ce dernier, au plus tard au moment de la livraison des biens vendus. Ensuite, pour que l’action en revendication soit possible, il faut que les marchandises impayées existent en nature chez l’acheteur au moment de l’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire qu’elles soient identifiables et individualisées entre les mains de l’acheteur. Ainsi, l’exercice de l’action en revendication est impossible lorsque le bien vendu a été transformé par l’acheteur ou assemblé avec d’autres biens.

Précision : la revendication demeure toutefois possible sur les biens incorporés dans un autre bien lorsque leur récupération peut s’effectuer sans dommage pour les biens eux-mêmes et pour le bien dans lequel ils ont été incorporés. Il en est de même pour les biens fongibles, c’est-à-dire qui sont interchangeables les uns par rapport aux autres (par exemple, du blé).

Enfin, l’action en revendication du bien doit être exercée auprès de l’administrateur judiciaire (ou du liquidateur judiciaire en cas de liquidation) dans les 3 mois à compter de la publication du jugement ouvrant la procédure collective de l’acheteur. Et attention, passé ce délai, le vendeur ne pourra plus faire valoir son droit de revendication. L’administrateur ou le liquidateur pourra alors vendre le bien au même titre que les autres biens appartenant au débiteur. Par la suite, soit l’administrateur (ou le liquidateur) accepte de restituer les marchandises, soit il refuse parce qu’il conteste le bien-fondé de la créance, soit il s’abstient de répondre dans le mois qui suit. Dans ces deux derniers cas, le vendeur pourra alors, dans le délai d’un mois, saisir le juge-commissaire chargé de la procédure. Si ce dernier lui donne raison, le vendeur prendra soin de faire notifier sa décision, par acte d’huissier de justice, à l’administrateur ou au liquidateur qui aura 10 jours pour former un recours contre l’ordonnance du juge-commissaire. En l’absence de recours dans ce délai, l’administrateur ou le liquidateur devra restituer les marchandises. En cas de recours, c’est le tribunal qui tranchera. Si, à l’inverse, le juge-commissaire donne tort au vendeur, ce dernier pourra, lui aussi, faire appel de son ordonnance dans les 10 jours qui suivront.

Attention : même en présence d’une clause de réserve de propriété, le vendeur a tout intérêt à déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur judiciaire dans un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective de l’acheteur. En effet, si l’action en revendication n’aboutit pas, la créance aura le mérite d’être inscrite au passif du débiteur et pourra être éventuellement payée dans le cadre de la procédure collective.

En cas de revente du bien

L’acheteur n’étant pas propriétaire des marchandises vendues avec réserve de propriété jusqu’au complet paiement du prix, il ne peut pas, en principe, revendre les marchandises. Néanmoins, en pratique, il arrive que l’acquéreur revende le bien, lequel est alors détenu par un sous-acquéreur. Dans ce cas, on distingue selon que le sous-acquéreur est de bonne ou de mauvaise foi. Dans le premier cas, c’est-à-dire lorsque le sous-acquéreur ignorait l’existence de la clause de réserve de propriété, le vendeur ne peut plus revendiquer les marchandises auprès du sous-acquéreur. Toutefois, il a la possibilité de lui réclamer la créance sur le prix (ou sur une fraction du prix de revente) que ce dernier n’aurait pas encore réglée à l’acheteur au jour de la procédure collective, à condition toutefois que le bien ait été revendu au sous-acquéreur dans son état initial. Dans le second cas, lorsque le sous-acquéreur n’ignorait pas que les marchandises avaient été vendues avec une clause de réserve de propriété, le vendeur initial peut exercer l’action en revendication pour les reprendre.

Et la clause de transfert des risques ?

La clause de transfert des risques transfère à l’acquéreur le risque de perte et de dégradation du bien vendu avec réserve de propriété.

Les risques de perte ou de dégradation d’une chose pèsent sur son propriétaire, donc, en principe, sur l’acheteur une fois que la vente a été conclue et que la propriété lui a été transférée. Mais dans le cas d’un bien vendu avec réserve de propriété, le vendeur demeure propriétaire du bien tant que le prix de ce bien ne lui a pas été versé. C’est donc sur lui que pèse le risque de perte et de dégradation. L’acheteur chez qui le bien a été livré n’est, quant à lui, tenu que d’une obligation de conservation du bien. Cette obligation étant une obligation de moyens et non de résultat. Toutefois, il en est autrement lorsque le vendeur a pris soin de doubler la clause de réserve de propriété d’une clause dite de « transfert des risques ». Par cette clause, le vendeur transfère à l’acheteur le risque de perte et de dégradation du bien vendu dès le moment de sa livraison, voire de sa remise au transporteur chargé de la livraison. Il s’agit ainsi d’une garantie supplémentaire pour le vendeur.

Article publié le 07 juin 2019 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Alistair Berg