Apport du bail rural à une société : gare à l’accord préalable du bailleur !

La clause d’un bail rural qui prévoit, par avance, l’accord du bailleur pour l’apport en société de ce bail par le locataire n’est pas valable car elle ne permet pas d’identifier la société qui sera bénéficiaire de cette autorisation.

Un exploitant agricole ne peut faire apport de son bail rural à une société d’exploitation agricole ou à un groupement d’exploitants ou de propriétaires qu’avec l’agrément personnel du bailleur. Ce dernier doit donc pouvoir identifier la société bénéficiaire de l’apport avant de donner son accord à l’opération. Selon les juges, il en résulte que la clause d’un bail rural par laquelle le bailleur donne, par avance et de manière générale, son accord pour un potentiel apport de ce bail par le locataire à une société n’est pas valable car elle ne permet pas d’identifier la société bénéficiaire de cet accord. De surcroît, les juges ont précisé que dans la mesure où une telle clause est contraire à une disposition légale dite « d’ordre public », l’action en justice du bailleur visant à la faire déclarer illicite n’est soumise à aucune prescription et peut donc être engagée à n’importe quel moment du bail.

À noter : la clause selon laquelle le bailleur autorise par avance l’apport du bail rural à une société est licite dès lors qu’elle précise d’emblée le nom de la société qui sera susceptible d’en bénéficier.

Cassation civile 3e, 8 février 2024, n° 22-16422

Article publié le 14 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Andy Sacks / Getty images

L’appréciation de la disproportion d’un cautionnement

Pour faire valoir qu’un cautionnement est proportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, une banque ne peut pas se prévaloir d’une fiche de renseignements patrimoniaux signée par l’intéressé après que le cautionnement a été souscrit.

Lorsqu’un cautionnement souscrit par une personne physique (par exemple, un dirigeant pour garantir un prêt contracté par sa société auprès d’une banque) était, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné par rapport à ses biens et à ses revenus, le créancier (la banque) ne peut pas s’en prévaloir en totalité. En effet, ce cautionnement est alors réduit au montant à hauteur duquel la caution (le dirigeant) pouvait s’engager à la date à laquelle il a été souscrit.

Précision : cette limite ne s’applique pas si le patrimoine de la caution (le dirigeant) lui permet, au moment où la banque lui demande de payer en lieu et place du débiteur (la société), de faire face à son obligation.

Pour apprécier si un cautionnement est disproportionné ou non, la banque doit s’enquérir de la situation financière et patrimoniale de la caution. En pratique, le plus souvent, les banques font remplir à la caution une fiche de renseignements patrimoniaux. À ce titre, les juges viennent d’affirmer qu’une banque ne peut pas se prévaloir d’une fiche de renseignements qui a été signée par la caution après que le cautionnement a été souscrit. Dans cette affaire, la caution avait remis la fiche de renseignements patrimoniaux à la banque un mois après la souscription du cautionnement. Cette dernière n’a donc pas été admise à se prévaloir de cette fiche pour s’opposer à la disproportion, invoquée par la caution, du cautionnement qu’elle avait souscrit.

Cassation commerciale, 13 mars 2024, n° 22-19900

Article publié le 13 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Bloom Productions

Peut-on réclamer les intérêts légaux en sus des pénalités de retard ?

Une entreprise n’est pas en droit de réclamer à un client professionnel qui n’a pas payé une facture dans les délais impartis à la fois les pénalités de retard prévues dans ses conditions générales de vente et les intérêts de retard au taux légal prévus par le Code civil.

La loi (le Code de commerce) impose aux entreprises de prévoir des pénalités de retard à l’encontre de leurs clients professionnels en cas de paiement de factures hors délai. Les modalités d’application et le taux de ces pénalités devant être précisés dans leurs conditions générales de vente (CGV). À noter que ces pénalités sont dues de plein droit dès que le paiement a lieu après la date mentionnée sur la facture, sans même qu’un rappel soit nécessaire.

Précision : les entreprises sont libres de fixer le taux des pénalités de retard. Seule obligation, ce taux ne peut pas être inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal, soit à 15,21 % pour le premier semestre 2024 (5,07 % x 3). Sachant que si l’entreprise n’a pas prévu de pénalités de retard dans ses CGV, le taux des pénalités de retard qui s’applique est alors le taux de refinancement de la Banque centrale européenne (taux « refi ») majoré de 10 points. Ce taux étant de 14,5 % pour le premier semestre 2024 puisque le taux de refinancement de la BCE était de 4,5 % au 1er janvier 2024.

À ce titre, la Cour de cassation a estimé récemment que les pénalités de retard prévues par le Code de commerce constituent un intérêt moratoire et qu’elles sont donc de même nature que l’intérêt légal prévu par le Code civil, à savoir réparer le préjudice subi par un créancier en cas de retard de paiement d’un débiteur. Il en résulte qu’une entreprise n’est pas en droit de réclamer, en plus des pénalités de retard prévues dans ses conditions générales de vente, les intérêts de retard au taux légal prévus par le Code civil.

Cassation commerciale, 24 avril 2024, n° 22-24275

Article publié le 10 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : erdikocak / Getty Images

Un entrepreneur peut-il réclamer le paiement du coût de travaux supplémentaires ?

Lorsqu’un entrepreneur réclame à un client le paiement du coût de travaux supplémentaires, il lui appartient de prouver que ce dernier a consenti à l’exécution de ces travaux et au prix demandé.

L’entrepreneur qui réclame le paiement du prix de travaux doit prouver le consentement de son client à l’exécution de ces travaux et au prix demandé. Application de ce principe vient d’être faite dans l’affaire récente suivante. Une société (le maître d’ouvrage) avait chargé une société de construction de réaliser certains travaux dans le cadre de l’édification d’un bâtiment. Des travaux supplémentaires de pose de pierres et de granit à vocation décorative, non prévus initialement, ayant été effectués, la société de construction avait réclamé au client le paiement du coût de ces travaux. Mais ce dernier avait refusé de les payer. L’entreprise de construction avait alors fait valoir que le client avait eu connaissance du prix des travaux supplémentaires, malgré l’absence de devis signé, compte des relations amicales qu’elle entretenait avec lui, et qu’en outre, il avait payé partiellement ce prix, ce qui démontrait son acceptation. Saisis du litige, les juges ont donné raison au maître d’ouvrage. En effet, après avoir rappelé le principe selon lequel celui qui réclame le paiement de travaux doit prouver le consentement de son client à l’exécution de ceux-ci au prix demandé, ils ont affirmé que la preuve de ce consentement ne peut pas résulter du seul silence gardé par le client à réception d’une facture ni du paiement partiel du prix. En conséquence, la société de construction n’était pas en droit de réclamer le coût des travaux supplémentaires à son client.

Cassation civile 3e, 18 janvier 2024, n° 22-14705

Article publié le 02 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Skynesher / Getty images

La date de la rupture d’une relation commerciale doit être précisée

En cas de rupture d’une relation commerciale établie, le préavis donné par l’auteur de la rupture à son partenaire ne peut commencer à courir que si la date de cette rupture est précisée dans l’acte qui met fin à la relation.

Tout producteur, distributeur ou prestataire de services qui rompt, même partiellement, une relation commerciale établie doit donner à son partenaire un préavis écrit d’une durée suffisamment longue. À défaut, il engage sa responsabilité et peut donc être condamné à verser des dommages-intérêts à ce dernier.

Précision : la durée minimale du préavis doit être fixée au regard notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou, s’ils existent, aux accords interprofessionnels. Sachant que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut pas être engagée pour cause de durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de 18 mois.

Et attention, la notification de l’intention de rompre une relation commerciale établie n’est régulière, et le préavis ne commence à courir, que si la date de la rupture est précisée. C’est ce que les juges ont rappelé dans l’affaire récente suivante. En 2005, une entreprise de transport avait conclu avec un prestataire informatique un contrat de maintenance d’un logiciel pour une durée indéterminée. Fin 2015, elle l’avait informé de son intention de recourir à un appel d’offres pour le mettre en concurrence avec d’autres prestataires. Puis, par une lettre du 29 septembre 2017, elle avait mis fin au contrat avec un préavis de 3 mois. Estimant que ce délai était insuffisant et que la rupture de la relation commerciale était donc brutale, le prestataire informatique avait réclamé en justice des dommages-intérêts à l’entreprise. Cette dernière avait alors fait valoir que le délai de préavis avait commencé à courir dès la fin de l’année 2015, au moment où elle avait informé le prestataire du recours à l’appel d’offres, et que la rupture intervenue fin décembre 2017 n’avait donc pas été brutale. Mais les juges n’ont pas été de cet avis. En effet, l’information relative à la mise en concurrence du prestataire informatique avec d’autres prestataires ne précisait pas la date à laquelle la rupture de la relation commerciale aurait lieu et ne pouvait donc pas faire courir le préavis. Pour les juges, ce préavis n’avait donc couru qu’à compter du 29 septembre 2017, date à laquelle avait été envoyé le courrier mettant fin à la relation commerciale.

Cassation commerciale, 20 mars 2024, n° 23-11505

Article publié le 30 avril 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Utamaru Kido

Renouvellement du bail commercial, mode d’emploi

Le bail commercial est conclu pour une durée minimale de neuf ans et donne droit, sauf exceptions, à renouvellement. Ce renouvellement doit résulter d’un congé donné par le bailleur ou d’une demande adressée par le locataire. Que l’initiative soit prise par l’un ou par l’autre, tous deux sont obligés de respecter un certain nombre de règles, précises et quelques peu complexes, édictées par le Code de commerce. Le point sur les règles applicables en la matière.

Les conditions du droit au renouvellement

Pour pouvoir bénéficier du droit au renouvellement, le locataire doit remplir un certain nombre de conditions.

Pour bénéficier du droit au renouvellement de son bail commercial, le locataire doit satisfaire à un certain nombre de conditions :
– il doit être propriétaire du fonds exploité dans les lieux loués. Et lui seul a droit au renouvellement. En effet, lorsque le fonds de commerce est exploité par un tiers (par exemple en cas de location-gérance), ce dernier ne peut pas prétendre au renouvellement ;
– l’exploitation du fonds de commerce doit être effective, c’est-à-dire que ce dernier doit avoir été exploité de façon réelle, régulière et conforme aux stipulations du bail en cours. Il n’est toutefois pas nécessaire que l’exploitation soit continue ;
– l’exploitation effective du fonds doit avoir duré au moins pendant trois années consécutives précédant la date d’expiration du bail.

À noter : l’exploitation commencée dans les lieux loués avant l’immatriculation du locataire au registre du commerce et des sociétés peut être prise en compte.

Les conditions du droit au renouvellement s’apprécient à la date de délivrance du congé par le bailleur ou au moment de la demande de renouvellement formulée par le locataire qui n’a pas reçu congé.

À noter : les parties peuvent se mettre d’accord pour déroger à certaines règles édictées par la loi. Ainsi, le locataire peut valablement renoncer au droit de renouvellement après la conclusion du bail (mais pas avant). De son côté, le bailleur a la possibilité de faire bénéficier le locataire d’un droit au renouvellement que la loi ne lui reconnaît pas ou lui promettre, dès la conclusion du bail, le renouvellement de celui-ci.

Les modalités du renouvellement

Pour engager une procédure de renouvellement, le bailleur doit donner congé au locataire. À défaut, la demande de renouvellement doit être formulée par le locataire.

Le congé donné par le bailleur

Quand le bail commercial arrive à son terme (au bout de 9 ans en principe), le bailleur qui souhaite renouveler le bail doit donner congé au locataire pour engager la procédure de renouvellement. Ce congé doit être donné 6 mois avant la fin du bail par acte de commissaire de justice. Il doit exprimer le motif pour lequel il est donné, mais aussi la volonté du bailleur de proposer le renouvellement. Il indique le montant du loyer demandé.

À savoir : dès lors que le congé comporte une offre de renouvellement, celui-ci fait naître un nouveau bail de 9 ans dont les conditions, sauf accord différent des deux parties, sont les mêmes que celles du bail précédent.

Le locataire destinataire du congé peut alors accepter ou refuser le renouvellement. Dans le premier cas, soit il accepte le renouvellement et le loyer demandé en le faisant savoir au bailleur ou en gardant le silence. Soit il accepte le renouvellement mais refuse le nouveau loyer. Dans ce cas, après échec d’une solution amiable, il peut saisir la commission départementale de conciliation, puis le tribunal si aucune conciliation n’est possible, pour qu’il fixe le nouveau loyer. À l’inverse, s’il renonce au renouvellement, il doit le faire dans le mois qui suit la décision définitive fixant le loyer. Mais il peut aussi le faire avant cette décision, c’est-à-dire juste après le congé donné par le bailleur. Quand le locataire renonce au renouvellement, il devient occupant sans titre et doit une indemnité d’occupation au bailleur. Cette situation est rétroactive à compter de la date d’expiration du bail. Quant au bailleur, bien qu’il ait pris l’initiative de donner un congé avec offre de renouvellement, il peut revenir sur son offre dans les trois situations suivantes :
– lorsque l’action en fixation du prix a été exercée, le bailleur dispose d’un mois à compter de la décision définitive fixant le loyer pour se rétracter ;
– il peut revenir sur le renouvellement pour motif grave et légitime apparu après l’acceptation du renouvellement par le preneur ;
– il peut invoquer l’absence des conditions requises pour que le locataire puisse bénéficier du renouvellement.

La demande de renouvellement formulée par le locataire

Si le locataire n’a pas reçu de congé avec offre de renouvellement de la part du bailleur, il peut formuler une demande de renouvellement. Cette demande doit s’effectuer également par acte de commissaire de justice ou par LRAR dans les 6 mois précédant la date d’expiration du bail. Elle peut être formulée à tout moment au cours de la tacite prolongation du bail.

À noter : à peine de nullité, le locataire doit reproduire, dans l’acte de demande de renouvellement, la mention prévue à l’article L 145-10 alinéa 4 du Code de commerce : « dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ».

Le bailleur doit donner sa réponse par acte de commissaire de justice dans les trois mois qui suivent la signification de la demande. À défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, il est supposé avoir accepté le principe du renouvellement. Mais bien qu’ayant accepté le renouvellement, il peut demander la fixation d’un nouveau loyer. Il peut alors revenir sur son acceptation tant que le prix n’est pas fixé ou s’il peut invoquer un motif de refus qu’il ne connaissait pas ou qui n’existait pas au moment où il a donné son accord. À l’inverse, si le bailleur refuse le renouvellement, il doit impérativement préciser dans sa réponse, en plus des motifs du refus, que le locataire dispose d’un délai de deux ans pour agir en justice en vue de contester ce refus ou d’exiger le versement d’une indemnité d’éviction.

Le loyer du bail renouvelé

La fixation du loyer du bail renouvelé obéit à des règles strictes.

Sauf accord des parties, le bail se renouvelle aux clauses et conditions du bail précédent. Sa durée est de 9 ans, sauf accord des parties pour une durée plus longue. S’agissant du loyer du bail renouvelé, il peut être librement fixé par les parties. Le renouvellement est alors irrévocable. En cas de désaccord entre le bailleur et le locataire, le nouveau loyer doit être fixé par le juge des loyers commerciaux qui statue selon une procédure spéciale. Cette action doit être introduite dans un délai de deux ans. Durant cette période, le prix du bail renouvelé est maintenu au montant du loyer du bail expiré. Pour les baux dont la durée n’est pas supérieure à 9 ans, la règle du plafonnement s’applique. Ainsi la hausse du loyer du bail renouvelé ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel de référence intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail précédent. À défaut de clauses contraires fixant le trimestre de référence de l’indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de 9 ans antérieure au dernier indice publié.

En pratique : pour déterminer le nouveau loyer lors du renouvellement du bail, la formule de calcul est la suivante : loyer du bail précédent x (dernier indice de référence connu / indice de référence en vigueur au jour de sa fixation initiale).

Sachant que le montant du loyer renouvelé doit correspondre à la valeur locative. Ce qui signifie que l’application de la règle du plafonnement ne peut conduire à un loyer supérieur à la valeur locative. Cette dernière se détermine d’après un faisceau d’éléments, notamment les caractéristiques du local, la destination des lieux, les prix pratiqués dans le voisinage, etc. Si la durée du bail précédent est supérieure à 9 ans ou en cas de modification notable des éléments constitutifs de la valeur locative, la règle du plafonnement du loyer renouvelé ne s’applique pas. Ce qui permet au bailleur de faire réévaluer le loyer du bail à la valeur locative qui en résulte.

Le refus de renouvellement

Le bailleur qui refuse de renouveler le bail du locataire doit, en principe, lui verser une indemnité d’éviction.

Le bailleur peut refuser de renouveler le bail de son locataire. Mais en l’absence d’un motif pour le faire, il devra en assumer les conséquences financières, qui sont très lourdes. En effet, lorsque le locataire remplit les conditions pour avoir droit au renouvellement du bail, le bailleur doit, s’il refuse de lui accorder ce renouvellement, lui verser une indemnité d’éviction. Les motifs permettant au bailleur de refuser de renouveler le bail sans avoir à verser d’indemnité d’éviction sont les suivants :
– s’il veut reprendre les locaux loués pour les démolir, les reconstruire ou les restaurer ;
– s’il veut reprendre les locaux d’habitation accessoires du local commercial pour les habiter lui-même ou y loger un membre de sa famille ;
– si l’immeuble est en instance de démolition pour cause d’insalubrité ou de vétusté ;
– pour un motif grave et légitime à l’encontre du locataire (par exemple, défaut de paiement du loyer).Dans les autres situations, le refus de renouvellement du bail doit s’accompagner du versement d’une indemnité d’éviction. Celle-ci est destinée à réparer le préjudice subi par le locataire. Plus précisément, il s’agit d’une indemnité de remplacement représentant la valeur totale du fonds si celui-ci est perdu en raison du non renouvellement du bail, ou d’une indemnité de déplacement si le défaut de renouvellement n’entraîne pas la disparition du fonds mais oblige le commerçant à trouver un autre local. Dans le premier cas, elle est calculée en fonction de la valeur du fonds de commerce et des frais accessoires de déménagement, de réinstallation et des droits de mutation à payer pour un fonds de valeur identique. Dans le second cas, elle indemnise le locataire du préjudice résultant du déplacement du fonds de commerce.

Attention : en cas de refus de renouvellement du bail avec paiement d’une indemnité d’éviction au profit du locataire, la décision du propriétaire n’a pas besoin d’être motivée. En revanche, en cas de refus de renouvellement sans indemnité (pour un motif grave par exemple), cette décision doit nécessairement être motivée.

Tant que le locataire n’a pas perçu l’indemnité d’éviction, il ne peut pas être contraint de quitter les lieux. Pendant cette période, il est redevable non plus d’un loyer mais d’une indemnité d’occupation. Cette indemnité est due de plein droit à compter de la cessation du bail par le locataire qui se maintient dans les lieux. L’indemnité d’occupation est calculée selon la valeur locative, affectée d’un abattement de précarité, compte tenu de tous les éléments d’appréciation et non en fonction du loyer du bail expiré. Cette indemnité est due dès lors que le locataire s’est trouvé à occuper les lieux à la suite d’un congé donné avec refus de renouvellement, même si, ultérieurement, le bailleur a renoncé à ce congé.

Rappel : cette indemnité d’occupation statutaire (celle due pendant le maintien dans les lieux) ne doit pas être confondue avec l’indemnité d’occupation de droit commun qui est due par le preneur qui est présent dans les lieux de façon illégitime.

Le bailleur dispose d’un délai de deux ans pour réclamer le paiement de cette indemnité d’occupation.

Article publié le 05 avril 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : hobo_018 / Getty Images

Départ de l’un des cotitulaires d’un bail rural sans en informer le bailleur

Jusqu’alors, lorsque l’un des cotitulaires d’un bail rural cessait d’exploiter les terres louées sans en avoir informé le bailleur, ce dernier était en droit de faire résilier le bail. Cette sanction n’est désormais plus encourue.

Lorsqu’un bail rural a été consenti à plusieurs colocataires (on parle de « copreneurs ») et que l’un d’eux cesse d’exploiter les terres louées, par exemple en cas de départ à la retraite, l’autre est tenu de demander au bailleur, dans un délai de 3 mois à compter de cette cessation d’activité, la poursuite du bail à son seul profit. Le bailleur ne pouvant s’y opposer qu’en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux dans les 2 mois. Et jusqu’alors, les juges considéraient qu’en cas de défaut d’accomplissement de cette formalité, le bailleur était en droit d’obtenir du juge qu’il prononce la résiliation du bail, et ce sans même avoir à démontrer que ce départ lui avait causé un préjudice.

Pas un motif de résiliation

Changement de donne ! Dans une décision récente, la Cour de cassation a affirmé que le défaut d’accomplissement de cette formalité n’est pas de nature à permettre au bailleur de demander la résiliation du bail. En effet, pour elle, cette formalité n’est qu’une faculté, et non une obligation, qui a pour objet de permettre au locataire restant de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de céder le bail. En résumé, désormais, celui des deux colocataires qui reste sur l’exploitation après le départ de l’autre sans en aviser le bailleur n’encourt plus la résiliation de son bail. Mais il s’agit d’un motif pour le bailleur de refuser de lui accorder l’autorisation de céder son bail.

Cassation civile 3e, 30 novembre 2023, n° w21-22539

Article publié le 26 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Copyright Maskot .

Emprunt souscrit par un seul des époux communs en biens

Lorsqu’une personne mariée sous le régime légal de la communauté a souscrit seule un emprunt, la banque peut-elle agir sur les biens communs du couple en cas de défaillance de l’emprunteur ?

Lorsqu’une personne mariée sous le régime légal de la communauté souscrit seule un emprunt, elle n’engage, en principe, que ses biens propres et ses revenus. Les biens appartenant en commun aux époux ne sont donc pas engagés par cette opération et a fortiori les biens propres de l’autre conjoint non plus. Toutefois, lorsque le prêt est contracté pour financer des dépenses liées aux besoins du ménage ou à l’éducation des enfants, la dette est dite « solidaire » aux deux époux et leurs biens communs sont alors engagés. Sachant qu’en pratique, les banques exigent très souvent que le conjoint de l’emprunteur se porte caution solidaire pour ce dernier si bien qu’il sera poursuivi en paiement si l’emprunteur se révèle défaillant.

Article publié le 20 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024

Contrat conclu hors établissement : indication d’un délai précis de livraison !

L’exemplaire, remis au consommateur, d’un contrat conclu hors établissement doit indiquer une date ou un délai précis de livraison du bien ou d’exécution du service, l’indication d’un délai maximal n’étant pas suffisant.

Les contrats conclus à distance ou hors établissement entre un professionnel et un consommateur sont strictement réglementés. Ils prévoient notamment un droit de rétractation pour le consommateur pendant un délai de 14 jours.

Précision : un contrat hors établissement est un contrat conclu en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur, donc par exemple au domicile de ce dernier ou sur son lieu de travail.

Préalablement à la conclusion, à distance ou hors établissement, d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel doit communiquer au consommateur, de manière lisible et compréhensible, un certain nombre d’informations, notamment les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix de ce bien ou de ce service, la date à laquelle ou le délai dans lequel le professionnel s’engage à livrer ce bien ou à fournir ce service et le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation. S’agissant plus particulièrement des contrats conclus hors établissement, le professionnel doit remettre au consommateur un exemplaire du contrat, daté et signé par les parties, comportant toutes ces informations. Et attention, faute de satisfaire à cette obligation, le contrat encourt la nullité.

Une date ou un délai précis de livraison

À ce titre, les juges ont précisé, dans une affaire récente, que si l’exemplaire du contrat remis au consommateur indique, non pas une date ou un délai précis de livraison du bien ou d’exécution du service, mais un délai maximal de livraison figurant dans les conditions générales, le contrat n’est pas valable et est susceptible d’être annulé.

Illustration : dans cette affaire, le consommateur a obtenu la nullité du contrat relatif à la fourniture et à la pose de panneaux photovoltaïques à son domicile car le bon de commande n’indiquait pas la date d’exécution des différentes prestations, la mention d’un délai maximum dans les conditions générales, au demeurant illisible sur l’exemplaire qui lui avait été remis, ne permettant pas, selon les juges, de suppléer l’absence de ces indications.

Cassation civile 1re, 24 janvier 2024, n° 21-20693

Article publié le 07 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : S.Gnatiuk

Exploitants agricoles : déclarez votre interlocuteur agréé pour les pertes de récolte !

Les exploitants agricoles doivent déclarer, avant le 1 avril ou avant le 16 mai 2024 selon les cas, un interlocuteur agréé pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation par la solidarité nationale en cas de perte de récolte d’une ampleur exceptionnelle due à un aléa climatique.

Vous le savez : depuis le 1er janvier 2023, un nouveau régime d’assurance récolte pour les pertes dues aux évènements climatiques (gel, grêle, tempêtes…) est entré en vigueur. Plus précisément, le nouveau système mis en place repose à la fois sur l’assurance récolte facultative subventionnée et sur une indemnisation par la solidarité nationale via le fonds de solidarité nationale (FSN).

Rappel : le nouveau dispositif distingue trois niveaux de risques :- les pertes de faible ampleur, qui restent assumées par l’exploitant agricole ;- les pertes de moyenne ampleur, qui sont prises en charge, au-delà de la franchise, par l’assurance multirisques climatiques (ou assurance récolte) subventionnée que l’exploitant agricole a éventuellement souscrite ;- et les pertes exceptionnelles, qui sont indemnisées par l’État au titre de la solidarité nationale via le FSN, et ce même au profit des agriculteurs non assurés. Sachant que les exploitants qui n’ont pas souscrit d’assurance-récolte sont moins bien indemnisés que les assurés car ils se voient appliquer une décote.

L’indemnisation par la solidarité nationale (ISN) se déclenche en cas de pertes exceptionnelles d’au moins 30 % pour certaines cultures (prairies, arboriculture, horticulture, maraîchage…) et d’au moins 50 % pour les grandes cultures et la viticulture. Le taux d’indemnisation étant de 90 % des pertes pour les assurés et de 40 % seulement pour les exploitants non assurés en 2024 (35 % en 2025). À ce titre, pour pouvoir bénéficier, en 2024, d’une indemnisation par la solidarité nationale (ISN) sur des récoltes non assurées au cas où un aléa climatique causerait des pertes d’une ampleur exceptionnelle, les exploitants agricoles doivent désigner, parmi les entreprises d’assurance commercialisant des contrats d’assurance récolte, un « interlocuteur agréé » chargé de gérer et de verser l’ISN. À défaut, ils seraient privés d’ISN.

Avant le 31 mars ou avant le 15 mai

En pratique, la déclaration doit s’opérer sur la plate-forme en ligne dédiée. Elle doit être effectuée avant le 31 mars 2024 pour les exploitants agricoles qui sont assurés sur une partie seulement de leurs productions et avant le 15 mai 2024 pour les éleveurs qui ont des prairies non assurées.

Précision : les exploitants dont la totalité des parcelles (cultures et surfaces en herbe) est couverte par une assurance récolte n’ont aucune démarche à accomplir. Leur assureur étant leur interlocuteur unique. Il en est de même pour ceux qui n’ont aucune surface en herbe et qui n’assurent aucune de leurs productions. Pour ces derniers, c’est la DDT qui joue le rôle d’interlocuteur unique.

Article publié le 05 mars 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : ricochet64 / Getty Images