Association : gestion désintéressée et communauté d’intérêts avec une entreprise

L’association qui entretient une communauté d’intérêts avec une société commerciale n’a pas une gestion désintéressée et est donc soumise aux impôts commerciaux.

Pour être exonérée d’impôts commerciaux, une association doit notamment avoir une gestion désintéressée, ce qui suppose qu’elle n’entretienne pas de communauté d’intérêts avec une société commerciale. Ainsi, dans une affaire récente, une association qui avait pour activité l’organisation d’évènements culturels, de production de spectacle, de tourneur et d’édition phonographique avait, à la suite d’une vérification de comptabilité, été soumise aux impôts commerciaux (impôt sur les sociétés et TVA) par l’administration fiscale. Celle-ci avait, en effet, estimé que son activité était lucrative en raison de l’absence de gestion désintéressée. Saisie du litige, la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé la position de l’administration fiscale. Pour les juges, la gestion de l’association n’était pas désintéressée notamment du fait de l’existence d’une étroite communauté d’intérêts entre elle et une société commerciale. Pour en arriver à cette conclusion, les juges ont constaté que le trésorier de l’association était également le gérant d’une SARL qui avait une activité très proche de celle de l’association, à savoir la réalisation de toutes prestations de séminaires, d’évènements et de production et d’édition phonographiques. Ils ont aussi retenu que l’association et la société avaient le même siège social, des noms proches (Borderline et Borderliner) susceptibles de créer une confusion chez les clients et les fournisseurs, le même logo ainsi que des activités, des clients et certains fournisseurs identiques.

Cour administrative d’appel de Marseille, 21 septembre 2023, n° 21MA01998

Article publié le 19 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : twomeows / Getty Images

Une fois la clause de non-concurrence violée, sa contrepartie financière n’est plus due !

Le salarié qui ne respecte pas la clause de non-concurrence prévue dans son contrat de travail perd définitivement le droit de bénéficier de la contrepartie financière correspondante.

Lorsqu’il est soumis à une clause de non-concurrence, le salarié n’est pas autorisé, après son départ de l’entreprise, à exercer, pour son propre compte ou chez un nouvel employeur, une activité professionnelle concurrente. Et ce, pendant une certaine durée et dans un espace géographique déterminé. En contrepartie des restrictions qui lui sont imposées, le salarié perçoit, à compter de son départ de l’entreprise, une compensation financière. Mais qu’advient-il de cette compensation lorsque le salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence ? Dans une affaire récente, un salarié recruté en tant que cadre technico-commercial était soumis à une clause de non-concurrence d’une durée de 24 mois. Moins d’un mois après son départ de l’entreprise, et pendant 6 mois, le salarié avait toutefois exercé une activité concurrente auprès d’un nouvel employeur. Informé des faits, son ancien employeur avait cessé de lui verser la contrepartie financière associée à la clause de non-concurrence et demandé en justice le remboursement des sommes déjà versées. Au contraire, le salarié, qui, entre temps, avait cessé d’exercer toute activité concurrente, avait demandé la poursuite du versement de la contrepartie financière. Saisie du litige, la Cour d’appel de Douai avait bien constaté que le salarié avait violé la clause de non-concurrence pendant une durée de 6 mois. Mais aussi que ce dernier avait, par la suite, cessé d’exercer toute activité concurrente à celle de son ancien employeur. Elle en avait déduit que le salarié était en droit de percevoir la part de la compensation financière correspondant aux 18 mois restant à courir de la clause de non-concurrence. Mais pour la Cour de cassation, le salarié qui viole sa clause de non-concurrence ne peut plus prétendre au bénéfice de la contrepartie financière correspondante, même après avoir cessé toute activité concurrente.

À noter : en revanche, selon les juges, le salarié qui, lors de son départ de l’entreprise, respecte sa clause de non-concurrence puis vient ensuite a exercé une activité professionnelle concurrente, peut conserver le bénéfice de la contrepartie financière correspondant à la durée pendant laquelle il a initialement observé cette clause.

Cassation sociale, 24 janvier 2024, n° 22-20926

Article publié le 16 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : FangXiaNuo

La rémunération du gérant associé d’une EURL doit être approuvée !

L’associé unique gérant d’une EURL qui se verse une rémunération doit veiller à prendre une décision fixant et approuvant cette rémunération. À défaut, il s’expose à devoir la rembourser, et ce même s’il est de bonne foi.

La rémunération du gérant d’une SARL est déterminée soit par les statuts, soit par une décision des associés. En pratique, le plus souvent, c’est ce deuxième procédé qui est utilisé. En effet, une rémunération fixée par les statuts nécessiterait de modifier ces derniers à chaque changement de rémunération, ce qui serait extrêmement contraignant. Il en est de même dans une EURL : sauf hypothèse, très rare, où la rémunération est fixée par les statuts, c’est l’associé unique qui détermine la rémunération du gérant, donc sa propre rémunération s’il est associé gérant. Et attention, cette rémunération doit faire l’objet d’une décision formelle qui devra être consignée dans le registre des décisions, et ce même si l’associé unique est le gérant. Car en l’absence d’une telle décision, le gérant prendrait le risque de voir sa rémunération ultérieurement remise en cause, par exemple par un repreneur de la société ou encore par le liquidateur au cas où la société serait mise en liquidation judiciaire.

Rémunération non approuvée = rémunération à rembourser

C’est ce qui s’est produit dans l’affaire récente suivante. Le gérant et associé unique d’une EURL s’était versé une rémunération au titre d’un exercice et avait cédé l’intégralité de ses parts sociales quelques mois après la clôture de cet exercice. L’acquéreur avait alors demandé qu’il rembourse cette rémunération car son versement n’avait pas été approuvé par une décision des associés (en l’occurrence de l’associé unique), ainsi que le prévoyaient les statuts. Il a obtenu gain de cause, les juges ayant affirmé que le gérant associé unique aurait dû, conformément aux statuts, prendre une décision approuvant ce versement.

À noter : les juges ont statué ainsi quand bien même le gérant était de bonne foi. En effet, ce dernier avait toujours approuvé sa rémunération après la clôture des comptes, ce qui est juridiquement valable. Mais n’étant plus associé depuis la cession, il n’avait pas pu le faire pour la rémunération qu’il s’était versée au titre de l’exercice ayant précédé la cession.

En pratique, le gérant associé unique d’une EURL qui cède ses parts sociales doit prendre soin d’approuver le versement de ses rémunérations avant la cession.

Cassation commerciale, 29 novembre 2023, n° 22-18957

Article publié le 15 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : jittawit.21 / Getty Images

Gare à l’information du consommateur sur le droit de rétractation !

Le consommateur qui a souscrit un contrat hors de l’établissement du vendeur sans avoir été informé de la faculté de se rétracter peut en demander l’annulation.

Lorsqu’un contrat est conclu hors établissement (c’est-à-dire dans un lieu autre que celui dans lequel le professionnel exerce habituellement son activité, par exemple à la suite d’un démarchage à domicile) entre un professionnel et un consommateur, il doit contenir les informations, requises par la loi, relatives à l’exercice du droit de rétractation dont dispose ce dernier, à savoir les conditions, le délai (14 jours) et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire de rétractation. Et ces informations doivent être fournies au consommateur avant la conclusion et aussi au moment de la conclusion du contrat conclu hors établissement. À défaut, ce contrat encourt la nullité. Cette règle vient d’être rappelée par la Cour de cassation dans une affaire où des époux avaient conclu hors établissement avec un professionnel un contrat ayant pour objet des travaux de rénovation dans leur maison d’habitation. Dans la mesure où ce contrat ne comportait ni les informations sur le délai et les modalités d’exercice de leur droit de rétractation ni le formulaire de rétractation, les époux en avaient demandé l’annulation. Ils ont obtenu gain de cause en justice.

Précision : dans cette affaire, la cour d’appel avait considéré que le défaut de fourniture de ces informations ne pouvait être sanctionné que par une prolongation du délai de rétractation (12 mois au lieu de 14 jours). La Cour de cassation avait, quant à elle, rappelé que la nullité du contrat est bien encourue dans ce cas. En fait, le consommateur a le choix entre invoquer la prolongation de 12 mois du délai de rétractation (sanction prévue pour le défaut d’information avant la conclusion du contrat), et donc exercer ce droit dans ce délai prolongé, ou bien obtenir la nullité du contrat (sanction prévue pour le défaut d’information lors de la conclusion du contrat).

Cassation civile 1re, 20 décembre 2023, n° 19-22551

Article publié le 09 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Copyright Maskot

Crise agricole : les mesures prévues en faveur des agriculteurs

Les pouvoirs publics ont annoncé un certain nombre de mesures pour répondre au mouvement de colère des agriculteurs et pour soutenir leur activité et leur revenu.

Le récent mouvement de colère des agriculteurs s’est terminé avec l’annonce par le Premier ministre d’un certain nombre de mesures en tout genre destinées à soutenir leur activité et à préserver leur revenu. « Produire et protéger », c’est le message que le Premier ministre a eu à cœur de délivrer aux agriculteurs, rappelant sa volonté que la France soit un pays souverain « pour cultiver, pour récolter et pour nous alimenter ». À ce titre, il a déclaré que cet objectif de souveraineté serait inscrit dans la loi de même que l’agriculture serait consacrée dans le Code rural comme un intérêt fondamental de la nation. Mises en œuvre à court terme pour les unes et à moyen terme pour les autres (loi d’orientation agricole, loi de finances pour 2025), les mesures annoncées ont vocation à répondre aux huit objectifs suivants tels qu’énoncés par le gouvernement.

Mieux reconnaître le métier d’agriculteur

Premier objectif poursuivi : mieux reconnaître le métier d’agriculteur. À cette fin, il est prévu :- d’inscrire dans la loi le principe de la souveraineté alimentaire, de mettre en place un plan de souveraineté pour chaque filière qui le nécessite, notamment l’élevage, et de faire la transparence sur les progrès réalisés, pour chaque filière, en publiant un rapport annuel en la matière ;- de faire voter rapidement la loi sur les troubles du voisinage pour protéger les agriculteurs contre les recours abusifs.

Redonner de la valeur à notre alimentation

Pour atteindre ce deuxième objectif, il est envisagé : de légiférer au niveau européen sur la dénomination de la viande de synthèse ; de promouvoir massivement l’étiquetage de l’origine des produits, notamment au niveau européen ; d’accélérer le respect des objectifs fixés par la loi Egalim dans la restauration collective (50 % de produits durables et de qualité et 20 % de produits bio).

Redonner du revenu aux agriculteurs

Cet objectif crucial, au cœur des revendications des agriculteurs, a conduit ou conduira les pouvoirs publics : à renforcer la loi Egalim en France et même à l’élargir à l’Europe pour mettre en place un « Egalim européen » de façon à pouvoir encadrer les centrales d’achats européennes ; à renoncer à la hausse du GNR et des redevances eau et pollution diffuse (RPD), à avancer le remboursement des taxes sur le GNR acheté en 2023 et à appliquer, à partir du 1er juillet prochain, la remise de la taxe directement sur la facture ;- à verser rapidement les indemnisations aux agriculteurs victimes de la tempête Ciaran et des inondations ; à accélérer le versement des aides Pac ; à soutenir spécifiquement les éleveurs, une enveloppe de 150 millions d’euros en soutien fiscal et social leur étant allouée dès cette année et de façon pérenne, et à ouvrir rapidement le guichet des aides pour la prise en charge des frais vétérinaires liés à la maladie hémorragique épizootique (MHE) ; à augmenter les retraites agricoles.

Protéger les agriculteurs contre la concurrence déloyale

Il s’agit, là aussi, d’une revendication forte des agriculteurs à laquelle le gouvernement entend répondre : en s’opposant à l’accord de libre-échange avec le Mercosur ; en mettant en place une clause de sauvegarde sur le thiaclopride pour interdire l’importation en France de fruits et légumes traités avec ce pesticide ; plus largement, en instaurant de vraies mesures miroir et des clauses de sauvegarde claires, notamment avec l’Ukraine ; en luttant contre le contournement de la loi Egalim par le renforcement des contrôles des industriels de l’agroalimentaire et des distributeurs et le prononcé de lourdes sanctions en cas de violation de la loi ; en renforçant le contrôle de l’origine France des produits ; en créant une force européenne de contrôle pour lutter contre la fraude, notamment sanitaire ; en relevant, de façon pérenne, le plafond d’exonération sur les contrats saisonniers de 1,2 à 1,25 fois le Smic.

Simplifier la vie quotidienne des agriculteurs

Le vaste chantier de la simplification des normes, que les agriculteurs ont appelé de leurs vœux, est d’ores et déjà ouvert. À ce titre, il est notamment prévu :- de simplifier et de réformer le conseil stratégique pour l’utilisation des produits phytosanitaires ;- de revoir les chartes riverains relatives aux zones de non traitement (ZNT) ;- d’automatiser les exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les jeunes agriculteurs ;- de réduire les délais à 2 mois maximum pour former un recours contre un projet porté par un agriculteur.

Lutter contre les surtranspositions des normes

Dénoncées par les agriculteurs français, les surtranspositions dans la réglementation nationale des normes édictées à l’échelon européen vont également faire l’objet des mesures correctives suivantes, lesquelles vont consister :- à recaler les calendriers français et européen concernant l’examen de réhomologation des produits phytosanitaires ;- à mettre fin à la pratique qui consiste à interdire en France des produits alors que la procédure est encore en cours au niveau européen ;- à suspendre la mise en œuvre du plan Ecophyto, qui avait pour but de réduire progressivement en France l’utilisation des pesticides de 50 % d’ici à 2025, en attendant de fixer de nouveaux indicateurs.

Assurer l’avenir et le renouvellement des générations

Assurer le renouvellement des générations en facilitant l’installation des jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations agricoles est un sujet majeur d’autant plus que très nombreux exploitants agricoles vont bientôt partir à la retraite. Aussi, les pouvoirs publics envisagent-ils :- de mettre en œuvre le pacte pour le renouvellement des générations en agriculture dans le cadre de la loi d’orientation agricole en préparation ;- de proposer des mesures fiscales concrètes en faveur de la transmission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.

Préserver notre souveraineté face au changement climatique

Enfin, le Premier ministre a invité les agriculteurs à se remettre autour de la table pour parler de lutte contre le changement climatique. Le gouvernement a déjà mis 1,3 Md€ pour aider les agriculteurs dans ce combat. De nouveaux fonds devraient être mobilisés à cette fin. À suivre…

Article publié le 07 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : epeters / Getty Images

Erreur de taux de TVA : qui est redevable de la différence ?

Lorsqu’un professionnel facture par erreur la TVA à un taux réduit, il ne peut pas réclamer à son client un complément de taxe, sauf accord de ce dernier.

Lorsqu’un professionnel facture par erreur la TVA à un taux réduit, il ne peut pas réclamer à son client un complément de taxe, sauf si ce dernier en est d’accord ou si l’attestation fiscale remise par le client est inexacte de son fait.

Précision : le bénéfice du taux réduit de TVA pour certains travaux réalisés dans les logements est subordonné à la remise par le cat d’une attestation mentionnant que les conditions d’application de ce taux sont remplies (locaux achevés depuis plus de 2 ans, locaux affectés à l’habitation, etc.).

C’est ce que vient de juger la Cour de cassation dans une affaire où un artisan avait réalisé des travaux de reconstruction dans une maison endommagée par un incendie. À ce titre, il avait facturé des travaux de démolition et de déblaiement au taux réduit de TVA, au lieu d’appliquer le taux normal. S’apercevant ensuite de son erreur, l’artisan avait alors réclamé à son client le différentiel de TVA entre le taux normal et le taux réduit. Mais ce dernier avait refusé de payer, estimant que l’entrepreneur devait prendre à sa charge le complément de taxe en sa qualité de collecteur de l’impôt et de professionnel. La Cour de cassation lui a donné raison dans la mesure où aucun accord n’avait été conclu entre l’artisan et son client pour le versement d’un complément de TVA et que le client n’avait pas remis une attestation fiscale erronée quant à la nature des travaux soumis au taux réduit.

À noter : actuellement, le taux normal de TVA est fixé, en principe, à 20 % et le taux réduit à 5,5 % ou à 10 %.

Cassation civile 3e, 6 juillet 2023, n° 22-13141

Article publié le 07 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : COPYRIGHT 2021 DAVID FREUND WWW.DAVIDFREUND.COM.AU

Forfait-jours : attention à la charge de travail de vos salariés !

L’employeur doit assurer un suivi régulier de la charge de travail des salariés en forfait-jours. Et il doit également, le cas échéant et en temps utile, mettre en place des mesures permettant de remédier à une surcharge de travail.

L’employeur a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la santé et la sécurité de ses salariés. Une obligation qui, pour les salariés soumis à un forfait-jours, passe par un suivi régulier de leur charge de travail. À ce titre, il revient à l’accord collectif permettant le recours au forfait-jours dans l’entreprise de fixer, entre autres, les conditions dans lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi de la charge de travail du salarié. Et ce, en prévoyant, par exemple, la tenue d’un entretien annuel individuel. Mais qu’en est-il lorsque l’employeur ne respecte pas les garanties posées par l’accord ? Dans une affaire récente, un salarié engagé en tant que directeur d’hôtel avait saisi la justice afin, notamment, de contester la validité de la convention de forfait-jours qu’il avait conclu avec son employeur en vertu de la convention collective des hôtels, cafés restaurants. Une convention prévoyant l’organisation d’un entretien annuel individuel portant notamment sur la charge de travail du salarié. Or, en 2018, son employeur n’avait pas organisé d’entretien, celui-ci ayant été décalé en 2019. Plus encore, le forfait-jours, initialement fixé à 217 jours, avait été dépassé d’environ une trentaine de jours pendant 3 années consécutives, impliquant une surcharge de travail du salarié. Une surcharge à laquelle son employeur n’avait pas tenté de remédier. Saisie du litige, la Cour d’appel de Limoges n’avait pas fait droit à la demande du salarié. Pour elle, le décalage, en 2019, de l’entretien individuel du salarié était justifié par des contraintes subies par la société, à savoir la démission de son directeur général en fin d’année 2018 et la prise de fonction d’un nouveau directeur en début d’année 2019. Par ailleurs, elle avait considéré que l’employeur avait été attentif à la charge de travail du salarié en compensant le dépassement du forfait-jours, soit en lui accordant des jours de récupération, soit en lui payant ce dépassement. Mais pour la Cour de cassation, qui a notamment constaté que le salarié avait déjà, en 2017, alerté son employeur sur sa surcharge de travail, les contraintes invoquées par l’employeur ne légitimaient pas l’absence d’entretien individuel en 2018. S’agissant du dépassement du forfait-jours, elle a estimé que l’octroi de jours de récupération et le paiement de ce dépassement ne constituaient pas des mesures permettant de remédier en temps utile à la surcharge de travail du salarié. Pour les juges, l’employeur n’a pas respecté les garanties de l’accord collectif en matière de suivi de la charge de travail du salarié. L’affaire sera donc de nouveau examinée par les juges d’appel.

À noter : lorsque l’employeur ne respecte pas les garanties posées par la convention de forfait-jours quant au suivi régulier de la charge de travail du salarié, cette convention est sans effet. Le salarié est donc fondé à réclamer en justice le paiement d’heures supplémentaires.

Cassation sociale, 10 janvier 2024, n° 22-13200

Article publié le 07 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : DragonImages / Getty Images

Bail commercial : congé avec offre de renouvellement à des conditions différentes

Un congé avec offre de renouvellement, qui propose des clauses et conditions différentes de celles du bail commercial venu à expiration, équivaut à un congé portant refus de renouvellement et ouvre donc droit à une indemnité d’éviction pour le locataire.

Lorsqu’un bail commercial arrive à expiration, le locataire a droit au renouvellement de ce bail. Du coup, si le bailleur refuse de renouveler le bail, le locataire a alors droit au paiement d’une indemnité d’éviction. En pratique, le renouvellement peut résulter d’une demande du locataire ou bien d’un congé avec offre de renouvellement envoyé par le bailleur quelques mois (six mois au minimum) avant l’expiration du bail. À ce titre, à défaut de convention contraire, le renouvellement du bail commercial s’opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le montant du loyer qui peut être fixé par le juge si les parties ne sont pas d’accord sur ce point. Et attention, lorsqu’un congé avec offre de renouvellement est délivré par le bailleur au locataire à des clauses et conditions différentes de celles du bail venu à expiration, hormis le prix, il équivaut alors à un congé portant refus de renouvellement, ce qui oblige le bailleur à verser une indemnité d’éviction au locataire. C’est ce que les juges ont affirmé dans une affaire où le bailleur avait délivré un congé avec offre de renouvellement subordonnée à la modification de la contenance des lieux loués et à certaines obligations d’entretien du locataire. Ce dernier avait alors estimé que ce congé, qui prévoyait des clauses et conditions différentes de celles du bail expiré, devait être considéré comme un congé refusant le renouvellement de celui-ci. Et que le bailleur devait donc lui verser une indemnité d’éviction. Les juges lui ont donné raison.

Cassation civile 3e, 11 janvier 2024, n° 22-20872

Article publié le 06 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Alistair Berg / Getty Images

Encadrement des promotions : prolongation de la dispense pour certains produits alimentaires

Le foie gras, les chocolats, les champignons, les escargots et les volailles de Noël seront exclus du dispositif d’encadrement des promotions sur les denrées alimentaires jusqu’au 1er mars 2026.

Instauré temporairement par la loi Agriculture et Alimentation du 30 octobre 2018 et prolongé jusqu’au 15 avril 2026, le dispositif d’encadrement des promotions sur les denrées alimentaires ne s’applique pas à certains produits saisonniers marqués, c’est-à-dire à ceux dont plus de la moitié des ventes de l’année est concentrée sur une durée de 12 semaines au plus.

Précision : cette dérogation est subordonnée à une demande motivée émanant d’une organisation professionnelle ou de l’interprofession représentative des denrées concernées.

Rappelons que bénéficient de cette dérogation les dindes de Noël, les oies, les chapons, les mini chapons, les poulardes et les chapons de pintade ainsi que les chocolats de Noël et de Pâques, le foie gras, les champignons sylvestres, en conserve, surgelés ou déshydratés et les escargots préparés en conserve, surgelés ou frais. Cette dérogation, qui était prévue jusqu’au 1er mars 2023, a été reconduite pour 3 années supplémentaires et s’appliquera donc jusqu’au 1er mars 2026.

Rappel du dispositif d’encadrement des promotions

À titre expérimental, depuis le 1er janvier 2019, les avantages promotionnels, immédiats ou différés, ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur des denrées alimentaires ou des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, sont encadrées tant en valeur qu’en volume.

Rappel : cette mesure, ainsi que celle relative au relèvement du seuil de revente à perte de 10 % des denrées alimentaires, ont pour objectif de permettre de garantir une plus juste rémunération aux producteurs et donc d’améliorer leurs revenus.

Ainsi, les promotions sur ces produits ne peuvent pas être supérieures à 34 % du prix de vente au consommateur. Elles sont également limitées à 25 % en volume. Plus précisément, elles ne peuvent pas dépasser 25 % du montant du chiffre d’affaires prévisionnel ou du volume prévisionnel défini dans la convention conclue entre le fournisseur et le distributeur.

Arrêté du 22 décembre 2023, JO du 11 janvier 2024

Article publié le 01 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Anna Kurzaeva / Getty Images

Licenciement économique : quel périmètre pour l’obligation de reclassement ?

L’employeur qui licencie un salarié pour motif économique doit tenter de le reclasser dans les autres entreprises du groupe, et ce même si elles œuvrent dans un autre secteur d’activité.

Avant de licencier un salarié pour motif économique, l’employeur a l’obligation de rechercher un poste de reclassement au sein de l’entreprise. Et lorsque celle-ci fait partie d’un groupe, le reclassement doit également être recherché dans les autres entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Et peu importe que ces entreprises appartiennent à un autre secteur d’activité, comme vient de le préciser la Cour de cassation. Dans cette affaire, un salarié qui exerçait les fonctions de magasinier vendeur dans une entreprise de négoce avait été licencié pour motif économique. Il avait toutefois contesté son licenciement en justice estimant que son employeur avait failli à son obligation de reclassement. Et pour cause, ce dernier n’avait pas tenté de le reclasser dans les autres entreprises du groupe au motif qu’elles œuvraient dans un autre secteur d’activité, à savoir la réalisation de travaux. Saisie du litige, la Cour d’appel de Bordeaux avait donné raison à l’employeur. Pour elle, les autres entreprises du groupe ne faisaient pas partie du périmètre de l’obligation de reclassement de l’employeur dans la mesure où elles appartenaient à un autre secteur d’activité. Un secteur d’activité différent qui ne permettait pas d’établir la permutabilité entre les membres du personnel de ces entreprises et de l’entreprise de négoce. Mais la Cour de cassation n’a pas validé ce raisonnement. Selon elle, l’obligation de reclassement s’étend aux autres entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non à un même secteur d’activité. L’affaire sera donc de nouveau examinée par les juges d’appel qui auront la charge de déterminer si le salarié concerné pouvait être reclassé dans l’une des autres entreprises du groupe.

Cassation sociale, 8 novembre 2023, n° 22-18784

Article publié le 01 février 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Vladimir Vladimirov / Getty Images