Quand renoncer à une clause de non-concurrence ?

En cas de licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle, la renonciation à la clause de non-concurrence imposée au salarié doit intervenir au plus tard à la date de son départ effectif de l’entreprise.

Pour préserver les intérêts de son entreprise, un employeur peut prévoir une clause de non-concurrence dans le contrat de travail d’un salarié. Moyennant une contrepartie financière, ce dernier est alors empêché, pendant une durée et dans un espace géographique limités, d’exercer une activité concurrente pour son compte ou auprès d’un nouvel employeur. Lorsque survient la rupture du contrat de travail du salarié concerné, l’employeur a la possibilité de renoncer à l’application de la clause de non-concurrence, et donc d’être dispensé du paiement de la contrepartie financière correspondante. Les modalités de renonciation à cette clause, et en particulier le délai imparti à l’employeur, étant fixées par le contrat de travail du salarié ou par la convention collective applicable à l’entreprise. Toutefois, dans certaines situations, ces règles sont écartées et la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir au plus tard à la date du départ effectif du salarié. C’est le cas, en particulier, lorsque le salarié est licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle… Ainsi, dans une affaire récente, un salarié avait été licencié par son employeur pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement. Dans le cadre de cette rupture, l’employeur avait renoncé à la clause de non-concurrence imposée au salarié. Cette renonciation avait été notifiée au salarié 12 jours après son licenciement, soit dans le délai imparti par son contrat de travail (« dans les 20 jours suivant la notification de licenciement »). Le salarié avait toutefois saisi la justice afin, notamment, d’obtenir le paiement de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence.

Jusqu’à la date du départ effectif du salarié

Et les juges ont fait droit à sa demande. Pour eux, lorsque, à l’occasion de la rupture de son contrat de travail, le salarié est dispensé d’effectuer un préavis, la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir au plus tard à la date de son départ effectif de l’entreprise. Un principe qui s’applique en cas de licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle puisque, dans cette situation, le salarié est dans l’impossibilité d’effectuer un préavis. L’employeur avait donc jusqu’à la date du départ effectif du salarié, autrement dit jusqu’à la notification de son licenciement, pour renoncer à la clause de non-concurrence, et ce peu important les dispositions prévues par le contrat de travail du salarié (ou par la convention collective applicable à l’entreprise). En raison de la renonciation tardive à cette clause, l’employeur a été condamné à régler la contrepartie financière au salarié, soit la somme de 8 400 €.

Précision : pour les juges, cette même règle s’applique en cas de rupture du contrat de travail au moyen d’une rupture conventionnelle homologuée.

Cassation sociale, 29 avril 2025, n° 23-22191

Article publié le 12 mai 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : marchmeena29

Exercice d’une activité non-prévue dans le bail commercial

Le commerçant qui exerce dans des locaux destinés à un usage de snack une activité de restauration plus sophistiquée s’expose à la résiliation du bail commercial.

Le locataire commercial est tenu d’utiliser le local loué conformément à la « destination » prévue par le bail. Autrement dit, il ne peut y exercer que la ou les activités prévues dans le bail, ainsi que celles considérées comme y étant implicitement incluses. À défaut, le bailleur serait en droit de demander en justice la résiliation du bail. Ainsi, dans une affaire récente, un bail commercial portant sur un terrain et sur un bâtiment avait été conclu pour y exploiter un centre d’animation, le locataire ayant, par la suite, été autorisé par le bailleur à prolonger le bâtiment loué pour y construire un snack. Or dans ce bâtiment, dans lequel il avait installé une partie cuisine de 30 mètres carrés, entièrement équipée, une salle à manger de 50 mètres carrés, des toilettes indépendantes, un kiosque de 16 mètres carrés et quatre autres de 6 mètres carrés chacun, et qui comportait une parcelle de 500 mètres carrés environ entourant le snack, le locataire s’était mis à proposer à la clientèle, sous le nom de « snack-restaurant », une cuisine française, chinoise et de fruits de mer, composée notamment de poisson au gingembre et de ris de veau forestier, autrement dit un type de restauration bien plus sophistiqué que celle pouvant être servie dans un snack. Considérant que le locataire exploitait un restaurant plutôt qu’un snack autorisé par le bail, le bailleur avait agi en justice pour obtenir la résiliation du bail.

Un changement de destination des locaux loués

Les juges lui ont donné gain de cause. Pour eux, l’activité de restauration exercée au sein du snack-restaurant était totalement différente de ce qui avait été initialement convenu par les parties dans le contrat de bail. Ils ont donc considéré que le locataire avait modifié unilatéralement la destination des locaux loués, sans en avoir informé le bailleur, commettant ainsi un manquement suffisamment grave pour prononcer la résiliation du bail.

Cassation civile 3e, 27 mars 2025, n° 23-22383

Article publié le 07 mai 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Drazen Zigic

De la rupture amoureuse à la rupture du contrat de travail

Un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié peut justifier son licenciement disciplinaire s’il constitue un manquement à son obligation de santé et de sécurité envers ses collaborateurs.

Les faits tirés de la vie personnelle des salariés ne peuvent pas constituer une faute professionnelle susceptible d’être sanctionnée par leur employeur. Sauf si ces faits révèlent un manquement à une obligation découlant de leur contrat de travail (obligation de loyauté, de sécurité…), comme l’illustre une récente décision de la Cour de cassation. Un salarié nommé en tant que directeur des partenariats et des relations institutionnelles avait, en dehors de son temps de travail, noué une relation amoureuse avec une autre salariée de l’association. Manifestement éconduit, il avait, cette fois, sur son lieu et son temps de travail, « encombré » le téléphone et la messagerie professionnelle de la salariée afin d’obtenir une explication sur l’échec de leur relation amoureuse. Et il n’avait pas hésité à se montrer insistant, voire menaçant en faisant valoir sa position hiérarchique, malgré le souhait clairement formulé par la salariée de s’en tenir à une relation strictement professionnelle. Cette dernière avait alors alerté le médecin du travail ainsi que le service des ressources humaines de la souffrance au travail dont elle était victime en raison de cette situation. Le directeur avait alors été licencié pour faute grave.

Une obligation de santé et de sécurité !

Mais le salarié avait contesté son licenciement en justice estimant qu’un fait tiré de sa vie personnelle, à savoir son insistance à obtenir une explication quant à la fin de sa relation amoureuse, ne pouvait pas donner lieu à une sanction disciplinaire. Mais pour la Cour de cassation, le directeur avait, en raison de son insistance, porté atteinte à la santé psychique de la salariée. Il avait donc manqué à son obligation de santé et de sécurité à l’égard de sa collaboratrice, une obligation découlant de son contrat de travail. Et ce manquement justifiait donc bien son licenciement pour faute grave.

Cassation sociale, 26 mars 2025, n° 23-17544

Article publié le 05 mai 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : gzorgz

Quand un directeur commercial peut-il être considéré comme un dirigeant de fait ?

Faute d’avoir commis des actes concrets caractérisant son immixtion dans la direction de la société, le directeur commercial d’une SARL n’a pas pu être considéré comme en étant le gérant de fait.

Lorsqu’une personne, souvent un salarié ou un associé, accomplit des actes de direction et de gestion d’une société alors qu’elle n’a pas été désignée en qualité de dirigeant de droit (gérant dans une SARL, président dans une SAS…) de cette société, elle peut être considérée comme en étant le « dirigeant de fait ». Et du coup, elle peut subir les mêmes conséquences que si elle était dirigeant de droit. Sa responsabilité civile, financière ou pénale peut donc être engagée en cas de faute ou d’infraction. Mais pour être considéré comme dirigeant de fait, l’intéressé doit s’être immiscé activement dans la direction de la société en ayant commis des actes positifs de gestion. C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans l’affaire récente suivante. Après qu’une SARL avait été placée en liquidation judiciaire, une cour d’appel avait prononcé la faillite personnelle de son directeur commercial, salarié de la société, considérant qu’il s’était comporté comme son dirigeant de fait. En effet, elle avait constaté que l’intéressé avait, de tout temps, outrepassé ses fonctions de manière continue et régulière et qu’il avait exercé une emprise certaine sur le gérant (de droit) de la société, en l’occurrence son neveu. De plus, selon les salariés, le directeur commercial était le véritable dirigeant de la société car c’est lui qui prenait l’ensemble des décisions. Pour la cour d’appel, ces éléments constituaient un faisceau d’indices qui caractérisait l’exercice par ce dernier d’un véritable pouvoir de direction de la société, exercé en toute liberté et indépendance.

Des actes positifs précis d’immixtion dans la direction de la société

Mais la Cour de cassation, saisie par le directeur commercial, a censuré la décision de la cour d’appel. En effet, elle a affirmé qu’un faisceau d’indices ne peut suffire à démontrer une direction de fait. Et que des actes positifs précis, accomplis en toute indépendance, de nature à caractériser l’immixtion de l’intéressé dans la direction de la société doivent être établis, ce qui n’avait pas été le cas dans cette affaire.

Cassation commerciale, 26 mars 2025, n° 24-11190

Article publié le 02 mai 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : gilaxia

C’est à vous de prouver que vos salariés ont bien pu prendre leurs congés

L’employeur doit tout mettre en œuvre pour s’assurer que ses salariés bénéficient bien de leurs congés payés. Et en cas de litige sur le sujet, il doit le prouver !

Tous les salariés doivent bénéficier, en principe, de 5 semaines de congés payés par an. Et attention, l’employeur doit respecter ce droit à congés, autrement dit s’assurer que ses salariés posent bien l’ensemble de leurs congés payés. Sachant qu’il lui est interdit de remplacer la prise de ces congés payés par le versement d’une indemnité compensatrice (sauf en cas de départ de l’entreprise). Et en cas de litige en la matière, c’est à l’employeur de prouver qu’il a tout fait pour que ses salariés posent leurs congés.

Rappel : les congés payés acquis pendant une période de référence, généralement fixée du 1er juin (N) au 31 mai (N+1), doivent être pris, en principe, avant le 1er juin de l’année suivante (N+2).

L’employeur doit tout faire pour permettre aux salariés de prendre leurs congés

Dans une affaire récente, une salariée avait, dans le cadre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, demandé en justice le paiement de 13 jours de congés payés dont elle n’avait pas bénéficié, pour un montant total de 1 267,56 €. Saisis du litige, les juges d’appel n’avaient pas fait droit à sa demande, au motif que la salariée n’avait apporté aucun élément prouvant que son employeur ne lui avait pas réglé l’ensemble de ses congés payés ou qu’elle n’avait pas pu poser ces congés avant la rupture de son contrat de travail. Mais pour la Cour de cassation, ce n’est pas au salarié de prouver qu’il a été empêché de prendre ses congés payés. En effet, il revient à l’employeur de s’assurer que ses salariés bénéficient de l’ensemble de leurs congés, et donc, en cas de litige, de prouver qu’il a tout mis en œuvre pour respecter son obligation. C’est pourquoi les juges ont condamné l’employeur à régler les jours de congés payés non pris à la salariée.

Important : pour remplir son obligation en matière de congés payés, l’employeur doit informer ses salariés de la période de prise de ces congés ainsi que du planning des départs en congés.

Cassation sociale, 9 avril 2025, n° 23-17723

Article publié le 28 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Pla2na

Exonération d’une plus-value de cession de parts de SCP lors du départ en retraite

L’exonération de la plus-value de cession des parts sociales d’une SCP suppose que la pension de retraite du cédant ait pris effet dans les 2 ans qui suivent ou qui précèdent la cession.

La plus-value réalisée par un professionnel libéral lors de la cession des parts sociales qu’il détient dans une société civile professionnelle (SCP) au moment de son départ en retraite peut, sous certaines conditions, être exonérée d’impôt sur le revenu. Pour cela, le professionnel doit notamment cesser toute fonction dans cette SCP et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans qui suivent ou qui précèdent la cession. Sachant que la date à laquelle il fait valoir ses droits à la retraite correspond à la date à laquelle sa pension de retraite prend effet dans le cadre du régime obligatoire de base d’assurance vieillesse auquel il a été affilié en raison de son activité. Une date qui est fixée, pour les professionnels libéraux, au 1er jour du trimestre civil qui suit la demande de liquidation de leurs droits à retraite. Ainsi, dans une affaire récente, un notaire avait cédé les parts sociales qu’il détenait dans une SCP en deux temps, à savoir les 18 mars 2014 et 27 janvier 2016. Mais l’administration fiscale avait remis en cause le bénéfice de l’exonération pour départ en retraite de la plus-value réalisée lors de la cession du 18 mars 2014 au motif que la pension de retraite de l’intéressé avait pris effet au 1er avril 2016, soit plus de 2 ans après la cession des parts sociales. Une analyse validée par les juges, peu importe, selon eux, que le notaire ait demandé la liquidation de ses droits à la retraite le 5 février 2016, donc avant l’expiration du délai de 2 ans.

À noter : dans cette affaire, les juges n’ont pas non plus tenu compte du délai de traitement, par le ministre de la Justice, de la demande du notaire de se retirer de la SCP, laquelle avait été présentée le 10 septembre 2015 et officiellement acceptée le 27 janvier 2016 seulement, ce qui avait retardé sa demande de liquidation de ses droits à retraite et donc la prise d’effet de sa pension. En effet, la Direction générale des finances publiques a indiqué, par courrier adressé au Conseil supérieur du notariat, que ce délai n’était pas excessif et correspondait à la durée moyenne de traitement des demandes à l’époque de cette affaire, à savoir 4 mois.

Conseil d’État, 23 décembre 2024, n° 494843

Cour administrative d’appel de Lyon, 4 avril 2024, n° 23LY00111

Article publié le 25 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : AzmanL

Quand des arrêtés préfectoraux sont annulés en justice

La Cour d’appel de Douai a annulé les arrêtés du préfet du Pas-de-Calais interdisant aux associations de distribuer des boissons et de la nourritures aux migrants notamment car ils n’étaient ni nécessaires au regard d’un risque d’atteinte à la tranquillité publique, ni adaptées et proportionnées à la lutte contre l’insalubrité.

Dans une affaire récente jugée par la Cour d’appel de Douai, une douzaine d’associations humanitaires demandaient l’annulation de 3 arrêtés du préfet du Pas-de-Calais interdisant les distributions gratuites de boissons et de nourritures aux migrants dans 21 rues, places, quais et ponts situés à l’est et au sud du centre-ville de Calais. Cette interdiction couvrant une période cumulée d’environ 3 mois comprise entre octobre 2020 et janvier 2021.

Un intérêt à agir des associations

Les associations ont qualité pour contester la légalité des actes administratifs qui portent atteinte aux intérêts qu’elles ont pour mission de défendre.À ce titre, la cour d’appel a reconnu que Secours catholique – Caritas France, Médecins du monde, la Fédération des acteurs de la solidarité, l’Auberge des migrants, Emmaüs France, la Ligue des droits de l’Homme et l’association SALAM (Soutenons. Aidons. Luttons, Agissons pour les Migrants et les pays en difficulté) avaient intérêt à agir contre ces arrêtés.Concernant les autres associations, elle a considéré que :
– le fait que les statuts de l’association Help Refugees – Prism the Gift Fund soient rédigés en anglais ne l’empêchait pas d’agir en justice ;
– l’association Utopia 56 ayant pour objet de venir en aide aux migrants sur tout le territoire national avait intérêt pour agir contre les arrêtés interdisant la distribution de nourritures et de boissons aux migrants de Calais, auprès desquelles elle intervenait, même si son siège est situé à Lorient ;
– une fondation ayant principalement pour objet d’œuvrer pour l’accès au logement des personnes et des familles défavorisées rencontrant de graves difficultés de logement ne justifiait pas d’un intérêt suffisant lui permettant de contester ces arrêtés ;
– le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France n’avaient pas d’intérêt à agir contre des arrêtés qui ne portaient pas atteinte à leurs professions, quand bien même leurs statuts mettaient en avant la « défense des libertés et des principes démocratiques » et « la défense des droits et libertés ».


À noter : la cour d’appel a rappelé que le fait que l’un des auteurs d’une requête collective ne justifie pas d’un intérêt ou d’une qualité à agir ne remet pas en cause la recevabilité de celle-ci.

Une interdiction injustifiée

Le préfet du Pas-de-Calais justifiait ses arrêtés par les atteintes à la tranquillité publique causées par les distributions de boissons et de nourritures (rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, générés par les rassemblements de migrants), par l’insalubrité (dépôt sauvage de déchets sur la voie publique) et par le risque épidémique lié au Covid-19.Concernant d’abord les atteintes à la tranquillité publique, la cour d’appel a constaté d’une part, que les six mains courantes de la police municipale sur lesquelles le préfet s’était basé concernait des évènements ponctuels et, le plus souvent, sans gravité (présence de deux migrants alcoolisés devant un centre social ayant quitté les lieux à l’arrivée de la police, présence d’un migrant alcoolisé dans un parc ou groupe d’exilés tentant d’entrer dans un local à vélo avant d’être rapidement dispersé) et d’autre part, que rien ne prouvait que ces évènements étaient liés aux distributions organisées par les associations.Ensuite, concernant l’insalubrité causée par le dépôt sauvage de déchets sur la voie publique, pour la cour d’appel, comme les associations pouvaient effectuer des distributions en dehors des zones interdites visées par les arrêtés, ceux-ci n’empêchaient pas les abandons de déchets. De plus, d’autres mesures moins contraignantes que l’interdiction, comme la mise à disposition de poubelles à proximité des lieux de distribution, permettaient de remédier à ce problème.Enfin, concernant le risque épidémique lié au Covid-19, selon la cour d’appel, puisque l’État avait déjà, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, mis en place des mesures de restriction au niveau national afin de lutter contre cette épidémie, le préfet ne pouvait pas prendre, lui aussi, de telles mesures, sauf « raisons impérieuses liées à des circonstances locales ». Or, pour la cour d’appel, le préfet n’avait fait valoir aucune spécificité propre à la ville de Calais et il n’existait pas, dans les zones visées par l’interdiction de distributions d’aide alimentaire, des densités de population particulièrement fortes de nature à constituer une circonstance locale justifiant cette mesure. Sans compter que cette interdiction, en obligeant les migrants vivant en centre-ville, à rejoindre d’autres lieux de distribution, renforçait encore le risque de propagation de l’épidémie (transports en commun, rassemblements plus importants…).Au vu de tous ces éléments, la cour d’appel a conclu que l’interdiction des distributions gratuites de boissons et de nourritures aux migrants prononcée par le préfet n’était pas nécessaire au regard d’un risque d’atteinte à la tranquillité publique, ni adaptée et proportionnée à la lutte contre l’insalubrité, ni justifiée par la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Elle a donc annulé les trois arrêtés en litige.Cour administrative d’appel de Douai, 27 février 2025, n° 22DA02653

Article publié le 24 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Vladimir Vladimirov

Licenciement sans délégation de pouvoir dans une association

Le licenciement d’une salariée enceinte prononcé par le directeur d’une association ne disposant pas d’une délégation de pouvoirs est un licenciement nul.

Dans les associations, le pouvoir de licencier appartient à l’organe désigné dans les statuts ou, si ces textes sont silencieux sur ce point, au président. L’organe disposant de cette compétence pouvant la déléguer à un salarié de l’association (DRH, directeur…).Le licenciement prononcé par une personne ne disposant pas de ce pouvoir est, en principe, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Mais la Cour de cassation vient de décider que ce licenciement est nul si le Code du travail prévoit une telle sanction, par exemple en cas de licenciement d’une femme enceinte.


À noter : sauf exceptions, il est interdit de licencier une salariée en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, pendant les congés payés pris immédiatement après ce congé ainsi que pendant les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Un licenciement sans délégation de pouvoir…

Dans une affaire récente, le directeur d’une association avait licencié pour faute grave une salariée enceinte. Un licenciement contesté en justice au motif que le directeur n’était pas compétent pour prendre cette décision.La Cour de cassation a constaté d’une part, que, dans cette association, le pouvoir de licencier appartenait, selon les statuts, au conseil d’administration et que d’autre part, le directeur, qui avait signé la lettre de licenciement de la salariée, n’avait reçu aucune délégation de ce pouvoir. En conséquence, ce licenciement, prononcé par une personne incompétente, n’était pas valable.

… déclaré nul par les juges

Il restait alors aux juges à déterminer si ce licenciement devait être déclaré sans cause réelle et sérieuse ou nul.La Cour de cassation a rappelé que, selon le Code du travail, il est interdit de licencier une femme enceinte, sauf faute grave non liée à son état de grossesse ou impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse. Le licenciement prononcé en méconnaissance de ces règles étant nul.S’appuyant sur ce principe, elle a considéré que le licenciement de la salariée enceinte, prononcé par une personne incompétente, devait être déclaré nul. Peu importe qu’il repose ou non sur une faute grave.


Conséquence : la salariée dont le licenciement est déclaré nul a droit, en l’absence de réintégration, à une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire, en plus du paiement des salaires qu’elle aurait perçus entre la date de son licenciement et la date de fin de la période de protection contre le licenciement.

Cassation sociale, 12 février 2025, n° 23-22310

Article publié le 24 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Copyright: Dragos Condrea

Imposition des rémunérations des gérants majoritaires de Selarl : du nouveau !

Le Conseil d’État annule plusieurs positions de l’administration sur le traitement fiscal applicable aux rémunérations des gérants majoritaires de Selarl et des gérants de Selca.

Les rémunérations perçues depuis le 1er janvier 2024 par les associés de société d’exercice libéral (Sel) pour leur activité libérale sont en principe imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), et non plus dans celle des traitements et salaires.

À savoir : les associés relevant de la déclaration contrôlée doivent donc, à partir de 2025, déposer une déclaration de résultats n° 2035.

La distinction des rémunérations

Les rémunérations perçues par les associés gérants majoritaires de Sel à responsabilité limitée (Selarl) et les gérants de Sel en commandite par actions (Selca) pour leur activité libérale relèvent des BNC lorsqu’elles peuvent être distinguées de celles perçues en tant que gérant.

À noter : lorsque cette distinction ne peut pas être effectuée, les rémunérations demeurent imposables en salaires. Dans ce cas, le gérant doit pouvoir prouver cette impossibilité.

À ce titre, l’administration fiscale considère que les rémunérations des fonctions de gérant correspondent aux sommes versées pour les tâches réalisées hors du cadre de l’activité libérale comme la convocation d’assemblée, la représentation de la société dans les rapports avec les associés et à l’égard des tiers ou encore la décision de déplacer le siège social. Selon elle, sont donc exclues les tâches administratives inhérentes à l’activité libérale telles que la facturation du client ou du patient, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes ou la rédaction de documents comme des ordonnances de prescription. Une position qui a été partiellement annulée par le Conseil d’État. Pour les juges, la facturation, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures et la gestion des équipes ne doivent pas être automatiquement considérés comme rattachés à l’activité libérale. Par ailleurs, le Conseil d’État annule également la règle pratique de l’administration fiscale selon laquelle les gérants majoritaires de Selarl et les gérants de Selca peuvent considérer qu’un forfait de 5 % de leur rémunération totale correspond aux revenus de leurs fonctions de gérant, imposables en salaires.

Précision : les contribuables peuvent se prévaloir des positions de l’administration fiscale qui étaient admises à la date du fait générateur de l’imposition, donc au 31 décembre pour l’impôt sur le revenu. En conséquence, les gérants devraient pouvoir continuer à invoquer, s’ils y ont intérêt, ces positions administratives pour l’imposition de leurs revenus de 2024 dans la mesure où elles ont été annulées postérieurement au 31 décembre 2024.

Conseil d’État, 8 avril 2025, n° 492154

Article publié le 24 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : krisanapong detraphiphat

DGCCRF : près de 65 000 contrôles réalisés en 2024

Dans le cadre de ses missions, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a contrôlé, l’an dernier, 64 979 établissements et sites internet et appliqué 21 769 avertissements et 2 356 amendes.

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a pour principale mission de protéger le consommateur, en magasin comme sur internet, notamment en sanctionnant les pratiques déloyales auxquelles ils pourraient être exposés (tromperies, fraudes…) et en s’assurant qu’ils disposent d’une information fiable (prix, composition des produits, origine…). Dans ce cadre, pas moins de 64 979 établissements et sites internet ont été contrôlés en 2024.

Les Jeux olympiques, la nourriture…

L’accueil de plusieurs millions de touristes à l’occasion des JO de Paris 2024 a été particulièrement suivi par les équipes de la DGCCRF. Dans le cadre de cet évènement international, plus de 16 000 établissements (restaurants et hôtels, notamment) ont été contrôlés en 2024 (5 000 l’avaient déjà été en 2023). Mais le secteur du tourisme n’a pas été le seul visé. On note ainsi que 10 000 contrôles sur l’origine française des produits alimentaires ont été lancés en 2024. Portant sur les fruits et légumes, la viande et les alcools, ces contrôles ont été menés non seulement dans les établissements de distribution mais aussi, plus en amont, dans la chaîne d’approvisionnement. Au final, des anomalies ont été constatées dans 34 % des cas, conduisant les agents à dresser 1 802 avertissements et 588 injonctions et à transmettre 562 procès-verbaux à la justice pénale. À signaler, également, que 40 % des contrôles menés auprès de 53 grossistes et producteurs de miel étaient en « anomalie (fausses origines, faux producteurs, étiquetage erroné) de même que 52 % des 228 échantillons analysés (fausse origine florale, ajout de sucres exogènes) », précise la DGCCRF.

…et le non alimentaire

Hors alimentaire, 6 200 établissements effectuant du démarchage téléphonique ont été visités par la DGCCRF. « La moitié ne respectaient pas la règlementation », précise le rapport annuel. Des amendes ont ainsi été infligées à des entreprises qui ne tenaient pas compte des jours, horaires et fréquence des appels téléphoniques prévus ou qui avaient démarché ou vendu des listes comportant des numéros inscrits sur la liste Bloctel d’opposition au démarchage. Une amende de plusieurs millions d’euros a ainsi été infligée à une entreprise européenne qui avait, sciemment, démarché 255 000 personnes inscrites sur la liste Bloctel.À noter également que 75 % des 1 270 établissements contrôlés dans l’audioprothèse n’étaient pas en conformité avec la loi « 100 % santé », notamment son volet information. 566 avertissements ont été établis et 98 procès-verbaux transmis à la justice. Au total, la DGCCRF a infligé 2 356 amendes pour un montant de 92,45 M€ et transmis au Parquet 3 447 procès-verbaux.

Article publié le 24 avril 2025 – © Les Echos Publishing 2025