ProConnect, le nouveau service d’identification des professionnels

Calqué sur FranceConnect, le service d’identification officiel des particuliers, ProConnect propose un nouveau service d’authentification unifié pour les agents publics et les professionnels du secteur privé.

Lancé par l’État en 2018, le dispositif FranceConnect permet aujourd’hui à plus de 43 millions de Français d’accéder à leurs démarches en ligne de manière sécurisée avec un seul identifiant et un seul mot de passe. Pour fédérer les agents et professionnels autour des outils de la sphère publique qu’ils utilisent au quotidien et leur offrir un accès sécurisé et simple, l’État lance un service identique qui leur est dédié, baptisé ProConnect.

Conforme aux standards de sécurité de l’État

Concrètement, ProConnect propose une solution d’authentification unifiée qui remplacera, à partir de février 2025, les certifications multiples via une connexion unique conforme aux standards de sécurité de l’État, et ce en accord avec le principe « Dites-le-nous une fois ». L’objectif étant de faciliter l’accès aux services numériques utilisés dans la sphère publique et de permettre une interconnexion simplifiée qui rendra le travail collaboratif plus efficace et plus fluide.

Pour en savoir plus : proconnect.gouv.fr/

Article publié le 08 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024

Exploitants agricoles : les montants 2024 de certaines aides Pac

Les montants unitaires de l’écorégime, du paiement redistributif et de l’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs pour la campagne 2024 ont été fixés.

Les montants d’un certain nombre d’aides de la Pac viennent d’être fixés pour la campagne 2024. Ils serviront de base au paiement d’un acompte, à hauteur de 70 %, qui devrait être versé à partir de la mi-octobre.

Écorégime

Les montants de l’écorégime pour la campagne 2024 ont été récemment dévoilés. Ainsi, ils s’établissent comme suit :
– montant unitaire du niveau de base : 45,46 € par hectare (montant définitif fixé à 49,31 € en 2023) ;
– montant unitaire du niveau supérieur : 62,05 € par hectare (montant définitif fixé à 67,30 € en 2023) ;
– montant unitaire du niveau spécifique à l’agriculture biologique : 92,05 € (montant définitif fixé à 97,30 € en 2023) ;
– montant unitaire du bonus haies : 7 € par hectare (montant inchangé).

Rappel : instauré dans le cadre de la Politique agricole commune 2023-2027, l’écorégime est un nouveau système de paiement direct, rapporté à la surface, qui s’est substitué au paiement vert, et qui est accordé aux agriculteurs qui s’engagent volontairement à mettre en œuvre, sur leur exploitation, des pratiques agronomiques favorables au climat et à l’environnement (diversification des cultures, maintien des prairies permanentes, couverture végétale entre les rangs des cultures pérennes…) ou qui détiennent une certification HVE ou AB. Trois niveaux de paiement sont prévus (niveau de base, supérieur et spécifique AB) selon les pratiques agronomiques déployées. S’y ajoute un bonus haies qui est attribué à tout bénéficiaire de l’écorégime détenant des haies certifiées ou labellisées comme étant gérées durablement sur une partie de ses terres.

Ces montants pourront être revus à la hausse ou à la baisse d’ici la fin de l’année.

Aide aux jeunes agriculteurs et paiement redistributif

Par ailleurs, pour la campagne 2024, le montant de l’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs est fixé à 3 100 €, contre 4 469 € en 2023. Et le montant du paiement redistributif s’élève à 47,87 €, contre 50,40 € en 2023.

Droits à paiement de base

Enfin, au titre de la campagne 2024, la valeur unitaire des droits à paiement de base (DPB) est fixée à 127,51 € pour l’Hexagone et à 144,64 € pour le groupe Corse.

Arrêté du 25 septembre 2024, JO du 1er octobre (écorégime)Arrêté du 25 septembre 2024, JO du 1er octobre (paiement redistributif, aide complémentaire au revenu des jeunes agriculteurs)Arrêté du 25 septembre 2024, JO du 1er octobre (droits à paiement de base)

Article publié le 08 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Ganna Zelinska / Getty images

Le franchiseur doit-il alerter le franchisé lorsque son prévisionnel est trop optimiste ?

Dès lors que les informations transmises par le franchiseur pour qu’il établisse ses comptes prévisionnels étaient sérieuses et qu’il disposait des compétences nécessaires pour établir ces comptes en connaissance de cause, le franchisé ne peut pas reprocher au franchiseur de ne pas l’avoir mis en garde sur le caractère très optimiste des comptes prévisionnels.

Avant de signer un contrat de franchise, le franchiseur est tenu de fournir au futur franchisé un document d’information précontractuel (DIP) qui contient notamment des informations sur le marché (état général du marché, état local du marché, perspectives de développement, objectifs) et sur les résultats de l’entreprise (comptes annuels pour les deux derniers exercices). Ce document permet ainsi au franchisé de s’engager dans la franchise considérée en toute connaissance de cause. Mais dans ce DIP, le franchiseur n’est pas tenu de transmettre des comptes d’exploitation prévisionnels au franchisé. Il appartient à ce dernier de les établir lui-même, avec l’aide du cabinet d’expertise comptable. Du coup, la responsabilité du franchiseur ne saurait être engagée de même que la nullité du contrat ne saurait être encourue au cas où les comptes prévisionnels du franchisé se révèleraient trop optimistes. En revanche, le franchiseur peut fournir au franchisé les éléments permettant d’établir les comptes prévisionnels. Dans ce cas, ces éléments doivent être sérieux et sincères. À défaut, le contrat de franchise pourrait être annulé pour vice du consentement (erreur ou dol).

Des informations sérieuses

À ce titre, dans une affaire récente, ayant adhéré à un réseau de franchise de location automobile, un franchisé avait constaté que les résultats dégagés au cours des deux premières années étaient très inférieurs aux comptes prévisionnels qu’il avait établis sur la base du DIP fourni par le franchiseur. Ayant estimé que ce dernier aurait dû vérifier le sérieux du prévisionnel et le mettre en garde s’il était trop optimiste, le franchisé avait demandé en justice l’annulation du contrat de franchise pour dol du franchiseur. Mais il n’a pas obtenu gain de cause, les juges ayant constaté que les données communiquées par le franchiseur pour que le franchisé établisse ses comptes prévisionnels présentaient un caractère sérieux et que ce dernier disposait des compétences et des informations nécessaires pour établir ces comptes en connaissance de cause. Ils en ont déduit que l’absence de réaction du franchiseur à la transmission du budget prévisionnel du franchisé n’était pas constitutive d’un dol.

Cassation commerciale, 26 juin 2024, n° 23-11499

Article publié le 08 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Steve Debenport

Clé USB non connectée : l’employeur peut-il librement la consulter ?

L’employeur qui accède au contenu d’une clé USB non connectée à un ordinateur professionnel porte atteinte à la vie privée du salarié. Ce contenu peut toutefois, dans certaines conditions, être produit en justice pour justifier un licenciement…

Les fichiers, dossiers et messages stockés par un salarié sur un ordinateur qui est mis à sa disposition par son employeur sont, sauf s’ils ont été identifiés comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel. Aussi, l’employeur peut les consulter librement, même en l’absence du salarié. Et cette même règle s’applique s’agissant des fichiers, dossiers et messages stockés sur une clé USB connectée à l’ordinateur professionnel du salarié. Mais qu’en est-il lorsque cette clé n’est pas reliée à l’ordinateur et qu’elle est tout simplement posée sur le bureau du salarié ? Dans une affaire récente, une assistante commerciale avait été licenciée pour faute grave. En effet, son employeur lui reprochait d’avoir copié, sur plusieurs clés USB, des fichiers professionnels liés à la fabrication de produits de l’entreprise. À titre de preuve, il avait produit un listing de fichiers issu de l’exploitation des clés USB de la salariée. Estimant qu’une telle preuve n’était pas licite, puisque les clés USB n’étaient pas connectées à son ordinateur professionnel, et donc que les fichiers contenus avaient un caractère personnel, la salariée avait contesté son licenciement en justice. Saisie du litige, la Cour de cassation a affirmé que l’accès par l’employeur, en l’absence du salarié, aux fichiers contenus dans une clé USB personnelle qui n’est pas connectée à un ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée de ce salarié. Mais, elle a estimé que le listing des fichiers produit par l’employeur ne constituait pas pour autant une preuve illicite, dès lors qu’elle était indispensable au droit de la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée du salarié était strictement proportionnée au but poursuivi. Et c’est ce qu’elle en a conclu dans cette affaire en retenant que :
– l’employeur « avait des raisons concrètes » de procéder au contrôle des clés USB de la salariée, celle-ci ayant, par le passé, travaillé sur le poste informatique d’une collègue absente et imprimé de nombreux documents qu’elle avait ensuite rangés, notamment, dans une armoire métallique fermée ;
– il avait limité l’atteinte portée à la vie privée de la salariée en mandatant un expert qui, en présence d’un huissier de justice, avait opéré un tri entre les fichiers professionnels (qui avaient été conservés) et les fichiers personnels (qui avaient été supprimés sans être ouverts) contenus dans les clés USB ;
– l’atteinte portée à la vie privée de la salariée était proportionnée au but poursuivi par l’employeur, à savoir préserver la confidentialité de ses affaires. Le listing de fichiers produit par l’employeur était donc licite et le licenciement pour faute grave de la salariée justifié.

À noter : la Cour de cassation a déjà, à plusieurs reprises, considéré comme licites des preuves qui portaient atteinte à la vie privée des salariés. Et ce, dès lors que leur production en justice était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée du salarié était proportionnée au but poursuivi. Elle en a conclu ainsi s’agissant d’images issues d’un dispositif de vidéosurveillance qui n’avait pas fait l’objet d’une consultation des représentants du personnel (Cassation sociale, 14 février 2024, n° 22-23073), mais aussi d’échanges privés et de photos issus des réseaux sociaux (Cassation sociale, 4 octobre 2023, n° 22-18217).

Cassation sociale, 25 septembre 2024, n° 23-13992

Article publié le 08 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Michael Bodmann

Sages-femmes : pas d’exonération de CFE pour les sociétés !

Seules les sages-femmes, personnes physiques, peuvent bénéficier de l’exonération automatique de cotisation foncière des entreprises (CFE).

Les sages-femmes et les garde-malades, qui ne tiennent pas de maternité ni de maison de repos ou de soins, sont automatiquement exonérés de cotisation foncière des entreprises (CFE), sous réserve de respecter la réglementation européenne relative aux aides dites « de minimis ».

À noter : la règlementation des aides de minimis impose de ne pas dépasser un certain plafond d’aides reçues de l’État, fixé à 300 000 € sur une période glissante de 3 ans.

À ce titre, l’administration fiscale a indiqué que cette exonération s’applique de façon stricte. En conséquence, elle bénéficie aux seules sages-femmes et garde-malades, personnes physiques, et non aux sociétés au sein desquelles ils exercent leur activité. Ainsi, une société d’exercice libéral (Selarl, Selas…) ayant pour objet social l’activité de sage-femme ne peut pas profiter de l’exonération puisqu’il s’agit d’une personne morale, elle-même redevable de la CFE, distincte de la sage-femme.

Précision : l’administration a précisé que l’exonération de CFE, qui bénéficie aussi aux professeurs de lettres, de sciences et d’arts d’agrément et aux instituteurs du primaire, non-salariés, est étendue aux professeurs de yoga. Sachant qu’aucun diplôme particulier ne peut être exigé pour bénéficier de cette exonération en faveur des enseignants, a ajouté l’administration.

BOI-IF-CFE-10-30-10-60 du 3 juillet 2024, n° 130 et 450

Article publié le 07 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : IAN HOOTON / Getty Images

La Cour des comptes se penche sur la fiscalité successorale

Dans un rapport récent, la Cour des comptes propose une réduction des avantages fiscaux dérogatoires (par exemple, le Pacte Dutreil et l’assurance-vie) au profit d’une baisse ciblée des taux d’imposition en veillant à maintenir le produit global de l’impôt.

Commandé en septembre 2023 par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a rendu récemment son rapport sur les droits de succession. Créés en France en 1791, les droits de succession font partie, avec les droits de donation, des droits de mutation à titre gratuit (DMTG). Ils imposent la part d’héritage nette reçue par chaque héritier, en fonction de son lien de parenté avec le défunt. Souvent méconnus dans leur fonctionnement, les droits de succession sont impopulaires auprès des Français. En 2017, 87 % des Français souhaitaient que cette taxation diminue tandis que 9 % d’entre eux seulement souhaitaient qu’elle augmente. Mal acceptée, l’imposition des héritages est, par ailleurs, mal connue : 60 % des Français estimaient en 2017 que le taux moyen effectif d’imposition des transmissions en ligne directe était supérieur ou égal à 10 %, alors que ce taux était en réalité compris entre 5 et 10 %. Pourtant jugés favorablement par la théorie économique (les recettes des droits de succession ont atteint 16,6 Md€ en 2023), les droits de succession font régulièrement l’objet de propositions de réformes qui cherchent alternativement à les augmenter ou à les diminuer, voire à les supprimer totalement.

Certains dispositifs pointés du doigt

Impôt mal accepté, les droits de succession font logiquement l’objet de propositions de réformes nombreuses, qui poursuivent des objectifs différents. Certains pointent du doigt les dispositifs dérogatoires. Par exemple, les dispositifs d’exonérations fiscales bénéficiant aux transmissions d’actifs professionnels, tels que le Pacte Dutreil, qui visait, lors de sa création, à éviter que les héritiers d’un chef d’entreprise ne soient contraints, pour acquitter les droits de succession, soit de prélever sur l’entreprise des sommes excessives sous forme de dividendes, soit de céder l’entreprise à un tiers, font aujourd’hui l’objet de plusieurs critiques. Certaines études remettent en cause la pertinence de la transmission familiale en termes de performance des entreprises. D’autres, sans discuter son objectif, estiment que l’allégement des conditions de détention des actifs professionnels et l’élargissement des actifs éligibles sont susceptibles de détourner le dispositif de sa finalité initiale. Autre critique émise, l’absence d’imposition de la transmission de l’usufruit, à l’occasion de la reconstitution de la pleine propriété, ne devrait pas être une conséquence obligatoire du démembrement, d’autant plus que les biens ainsi transmis ont pu gagner en valeur entre la donation en nue-propriété et la reconstitution de la pleine propriété. À l’inverse, d’autres propositions recommandent un allégement des droits de succession, soit de façon globale, compte tenu du poids de la fiscalité du patrimoine en France, soit de façon plus ciblée pour répondre à certaines évolutions sociétales, en permettant, par exemple, une transmission plus précoce des patrimoines ou en allégeant la fiscalité applicable aux successions bénéficiant aux lignes collatérales et aux beaux-enfants. Selon la Cour des comptes, si une réforme des droits de succession avait lieu, il faudrait, avant tout, veiller à l’équilibre des finances publiques. Une baisse du montant de l’impôt devrait nécessairement être compensée par un élargissement de l’assiette fiscale. Cet impératif de préserver le rendement global de l’imposition conduit à poursuivre simultanément deux objectifs : l’élargissement de l’assiette de l’impôt à travers la réduction des avantages fiscaux attachés au « Pacte Dutreil » et à l’assurance-vie, d’une part, et une réduction ciblée des taux d’imposition, d’autre part, en faveur notamment des collatéraux ou des enfants du conjoint, destinée à mieux prendre en compte les évolutions familiales et sociétales.

Des pistes de réforme

La Cour des comptes propose de privilégier la voie d’une réduction des avantages fiscaux dérogatoires au profit d’une baisse ciblée des taux d’imposition en veillant à maintenir le produit global de l’impôt. En outre, elle a formulé plusieurs recommandations :
– rendre obligatoire la télédéclaration des successions ;
– une fois l’obligation de télédéclaration des successions mise en œuvre, désigner des agents référents au sein de chaque direction départementale des finances publiques pour assurer les relations avec les notaires ainsi que le dialogue avec les services de contrôle et l’orientation, le cas échéant, des dossiers vers ces services ;
– expertiser la mise en place d’un dispositif de transmission, par les compagnies d’assurance et les établissements bancaires, des informations relatives au nombre de bénéficiaires de chaque contrat d’assurance-vie et aux primes correspondantes, à la plate-forme e-enregistrement ;
– réaliser une étude statistique relative aux droits de mutation à titre gratuit avant toute évolution législative.

Article publié le 04 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : RICHLEGG.COM

Opposition d’un préfet à un legs reçu par une association

Le préfet doit s’opposer au legs reçu par une association d’intérêt général déclarée depuis au moins 3 ans lorsque celle-ci ne peut pas utiliser l’immeuble légué conformément à son objet statutaire et que la condition dont il est grevé empêche l’association d’en retirer un avantage économique suffisant.

Toutes les associations peuvent posséder et administrer les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement de l’objet défini dans leurs statuts (siège social, bureaux, logements pour leurs bénéficiaires, entrepôts, etc.).Les associations déclarées depuis au moins 3 ans et dont l’ensemble des activités est mentionné à l’article 200 1 b) du Code général des impôts, soit celles d’intérêt général, disposent, quant à elles, d’une capacité juridique plus grande puisqu’elles peuvent posséder et administrer tous les immeubles acquis à titre gratuit, et notamment par legs, même s’ils ne sont pas strictement nécessaires à l’accomplissement de leur objet. Ceci leur permet ainsi d’augmenter et de diversifier leurs ressources, notamment, par exemple, en donnant à bail des logements ou des locaux professionnels. Par ailleurs, sauf pour les associations reconnues d’utilité publique, le préfet peut s’opposer à la réception d’un legs par une association s’il constate que celle-ci ne dispose pas de la capacité juridique à le recevoir ou qu’elle n’est pas apte à l’utiliser conformément à l’objet défini dans ses statuts. Cette aptitude devant, le cas échéant, s’apprécier par rapport aux charges et conditions accompagnant le legs.

Une illustration récente de ces principes juridiques

Un arrêt récent du Conseil d’État propose une illustration intéressante de l’articulation de ces principes juridiques. Dans cette affaire, une association d’intérêt général déclarée depuis plus de 3 ans avait reçu un legs de plusieurs biens immobiliers que le préfet avait validé. Cette décision avait alors été contestée en justice par les héritiers de la défunte. La Cour administrative d’appel de Lyon avait accepté cette demande et ordonné au préfet de s’opposer au legs. En effet, l’association légataire avait pour objet d’organiser des actions de bienfaisance afin de venir en aide à des personnes dans le besoin. Or, par son testament, la défunte lui imposait de mettre les immeubles à la disposition exclusive, gratuite et illimitée dans le temps d’un parti politique. Les juges en avaient conclu que la condition imposée par la défunte ne permettait pas à l’association d’utiliser ces immeubles conformément à son objet statutaire puisque l’objet social du parti politique était étranger à l’entraide et à la bienfaisance. Pour le Conseil d’État, la Cour administrative d’appel ne pouvait pas demander au préfet de s’opposer au legs en invoquant seulement le fait que l’association n’était pas apte à utiliser les biens immobiliers conformément à son objet. En effet, en tant qu’association d’intérêt général déclarée depuis plus de 3 ans, elle pouvait administrer tous les immeubles acquis à titre gratuit, et pas uniquement ceux strictement nécessaires à l’accomplissement de son objet. Le Conseil d’État a donc invalidé le raisonnement juridique de la Cour administrative d’appel.

Un legs non validé

Pour autant, en s’appuyant sur un autre raisonnement juridique, le Conseil d’État a également refusé de valider le legs reçu par l’association. Il a, en effet, relevé que lorsque l’immeuble légué n’est pas destiné à être utilisé pour l’accomplissement de l’objet statutaire de l’association, le préfet peut s’y opposer lorsque les charges et conditions dont il est grevé font obstacle à ce que l’association en retire un avantage économique suffisant ou sont incompatibles avec son objet statutaire ou lorsque l’association n’apparaît pas en mesure d’exécuter ces charges et conditions. Pour conclure que le préfet aurait dû s’opposer au legs, les juges ont retenu :
– dans un premier temps, que les immeubles légués à l’association devaient, conformément au souhait de la défunte, être mis à la disposition exclusive, gratuite et illimitée d’un parti politique. Ce qui était incompatible avec son objet statutaire qui était de poursuivre un but de bienfaisance à l’égard des personnes physiques les plus démunies ;
– dans un second temps, que cette mise à disposition empêchait l’association de retirer de ces immeubles un avantage économique suffisant.

Conseil d’État, 17 juin 2024, n° 471531

Article publié le 04 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : IuriiSokolov / Getty images

Nouveau régime fiscal des associés de Sel : pas d’option pour l’impôt sur les sociétés !

Le Conseil d’État valide la position de l’administration fiscale qui refuse aux associés de Sel la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés.

Les rémunérations perçues depuis le 1er janvier 2024 par les associés d’une société d’exercice libéral (Sel) au titre de l’exercice de leur activité libérale au sein de cette société sont, en principe, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et non plus dans celle des traitements et salaires. À ce titre, l’administration fiscale a notamment précisé que les associés de Sel, qui ne répondent pas à la définition de l’entrepreneur individuel dans la mesure où ils n’exercent pas en nom propre, ne peuvent pas, en conséquence, exercer l’option ouverte aux entrepreneurs individuels qui leur permet d’être assimilés à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et, de facto, de relever de l’impôt sur les sociétés. Une analyse qui vient d’être validée par le Conseil d’État. Dans cette affaire, un avocat qui exerçait sa profession au sein d’une Sel, sans lien de subordination, avait contesté cette impossibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés en qualité d’entrepreneur individuel. Mais les juges ont confirmé que les avocats associés de Sel ne peuvent être considérés comme des entrepreneurs individuels puisqu’ils exercent leurs fonctions au nom de la société dont ils sont associés.

Précision : les juges n’ont pas été sensibles à l’argumentation selon laquelle les avocats associés peuvent n’avoir effectué aucun apport en industrie à la Sel, que les dividendes qu’ils reçoivent ne représentent qu’une fraction marginale de leurs revenus ou qu’ils sont indépendants dans les conseils qu’ils donnent à leurs cats.

Conseil d’État, 19 juillet 2024, n° 494237

Article publié le 04 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : GSTOCK_STUDIO

Quasi-usufruit : certaines créances de restitution ne sont plus déductibles

L’administration fiscale a publié des précisions sur les limitations de la déductibilité d’une créance de restitution d’un nu-propriétaire dans le cadre d’une transmission de sommes d’argent avec réserve d’usufruit.

Lorsqu’une somme d’argent est transmise (par exemple, par le biais d’une donation) avec une réversion d’usufruit, on parle alors d’un quasi-usufruit. Cette situation permet à l’usufruitier de se comporter comme un véritable propriétaire, c’est-à-dire de dépenser ou de réinvestir ces sommes, à charge pour lui de les restituer à l’extinction de ses droits, c’est-à-dire à son décès. Lorsque cet évènement se produit, le quasi-usufruit s’éteint et le nu-propriétaire (le plus souvent des héritiers), titulaire d’une créance dite de restitution, deviennent alors pleins propriétaires du capital. Cette créance venant s’exercer sur l’actif de succession de l’usufruitier. Le nu-propriétaire « récupère » ainsi la propriété de la somme d’argent en franchise de droits de mutation puisque cette créance va pouvoir être déduite fiscalement de cette même succession.

Limiter les abus

Pour limiter les abus et les effets d’aubaine, la loi de finances pour 2024 a introduit notamment des dispositions visant à rendre non déductible les créances de restitution portant sur les sommes d’argent (chèque, virement, mandat ou remise d’espèces) dont le défunt s’était réservé l’usufruit. Il en va de même, en principe, lors d’une opération par laquelle le bien sur lequel le défunt s’était réservé l’usufruit est liquidé sous forme d’une somme d’argent (paiement ou remboursement d’une créance, rachat d’un contrat de capitalisation, par exemple), avec report de l’usufruit sur le prix de cession ou sur le produit de la liquidation.

Précision : lorsque les droits d’usufruit réservé et de nue-propriété du bien démembré sont, postérieurement à la cession, reportés par subrogation réelle, légale ou conventionnelle, sur un bien autre qu’une somme d’argent (tel qu’un contrat de capitalisation, des valeurs mobilières, des crypto-actifs, un compte courant d’associé, etc.), le report ne crée pas de dette de restitution portant sur une somme d’argent.

Récemment, l’administration fiscale a publié ses commentaires sur ce dispositif. Des commentaires permettant de dissiper certaines interrogations. Premier point, ces dispositions s’appliquent aux successions ouvertes à compter du 29 décembre 2023.Deuxième point, la créance de restitution exigible par le nu-propriétaire donne désormais lieu à la perception de droits de mutation par décès dus par le nu-propriétaire et calculés d’après le degré de parenté existant entre ce dernier et l’usufruitier, au moment de la succession ou de la constitution de l’usufruit, si les droits dus sont inférieurs. Étant précisé que l’imputation des droits déjà payés est applicable même si les droits de donation ont été acquittés par le donateur. Autre précision, si l’actif successoral est insuffisant pour régler la créance de restitution, le nu-propriétaire ne sera pas imposable à concurrence du montant irrécouvrable. À noter que certaines situations ne sont pas concernées par cette non-déductibilité. Tel est le cas des créances de restitution issues :
– d’un quasi-usufruit successoral (quasi-usufruit légal du conjoint survivant) ;
– de l’exercice d’un avantage matrimonial ou d’un préciput ;
– d’un quasi-usufruit mis en place dans les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie ;
– d’un quasi-usufruit résultant de la distribution de dividendes prélevés sur les réserves ;
– d’un quasi-usufruit constitué sur le prix de cession d’un bien non contracté dans un objectif principalement fiscal.

Un objectif principalement fiscal

Toutefois, dans ce dernier cas, une source d’inquiétude demeure. Pour prétendre au bénéfice de la déductibilité, le nu-propriétaire doit être en mesure de justifier que la dette n’a pas été contractée dans un objectif principalement fiscal. Des moyens de preuve qui peuvent être difficiles à apporter en pratique. Pour caractériser cette absence de but principalement fiscal, l’administration fiscale se base sur un faisceau d’indices tenant compte notamment :
– du temps écoulé entre le démembrement de propriété et la cession du bien démembré ou de l’opération assimilable. En effet, plus la durée écoulée entre le démembrement et la cession ou la liquidation des biens démembrés est longue, moins la dette de restitution sur la somme d’argent résultant de cette liquidation est susceptible d’être regardée comme poursuivant un but principalement fiscal. Cette durée est également à apprécier à la lumière de la variation à la baisse de la valeur des biens démembrés (exemples : valeurs mobilières non garanties, contrat de capitalisation en unités de comptes) ;
– des motivations patrimoniales de la cession du bien ou de l’opération assimilable. Par exemple, le report de l’usufruit sur la somme d’argent constituant le prix de cession ou le produit de la liquidation du bien démembré peut s’expliquer par la motivation patrimoniale de pallier l’insuffisance de liquidités nécessaires pour s’acquitter de dépenses d’hébergement de l’usufruitier ;
– du degré de latitude de l’usufruitier à décider du report de l’usufruit sur le prix de cession ou sur le produit de l’opération assimilable à la cession. À cet égard, en cas de cession de la nue-propriété d’un bien au prix du marché avec réserve d’usufruit par le cédant, l’exercice par le nu-propriétaire de ses droits pour permettre, tant la cession ultérieure du bien que le report de l’usufruit sur le produit de la cession permet de déduire que la dette de restitution à son profit n’a pas été contractée dans un objectif principalement fiscal. Au final, avant de mettre en œuvre certaines opérations de démembrement de propriété, il conviendra de tenir compte de ces différentes précisions afin d’éviter de tomber sous le coup de cette présomption d’objectif principalement fiscal !

BOI-ENR-DMTG-10-40-20-20 du 26 septembre 2024

Article publié le 03 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Thai Noipho / Getty images

Remises accordées aux salariés : quelle exonération de cotisations sociales ?

Les biens et services fournis gratuitement ou à un prix réduit aux salariés d’une entreprise peuvent, sous certaines conditions, ne pas constituer des avantages en nature soumis à cotisations sociales.

Le Bulletin officiel de la Sécurité sociale vient de mettre à jour les règles applicables aux cotisations sociales dues sur les réductions tarifaires accordées par une entreprise à ses salariés.

Le cas des biens et services vendus par une entreprise

La fourniture gratuite ou à tarif préférentiel à ses salariés de biens et services vendus par une entreprise, y compris ceux achetés auprès de fournisseurs, constitue un avantage en nature qui doit être soumis à cotisations et contributions sociales pour sa valeur réelle. Toutefois, cet avantage en est exonéré lorsque la réduction tarifaire accordée au salarié n’excède pas 30 % du prix de vente public. Le prix de vente public correspond :
– au prix normal, TTC, pratiqué par l’employeur, pour le même bien ou service, à un consommateur non salarié de l’entreprise ;
– lorsque celle-ci vend ses produits uniquement à des détaillants, au prix TTC le plus bas pratiqué dans l’année pour la vente du même produit aux clients détaillants ;
– lorsque le produit est habituellement commercialisé par des détaillants, au prix TTC le plus bas pratiqué dans l’année par l’employeur pour la vente du même produit au détail à la clientèle et, en cas de solde, au prix soldé.

À savoir : l’avantage reste soumis à cotisations pour la totalité de sa valeur lorsque la remise excède le plafond de 30 %. Mais aussi lorsque cette remise, quel que soit son montant, est accordée au salarié non pas par son employeur mais par une société du groupe ou une entité d’une unité économique et sociale.

Le cas des biens non alimentaires qui ne peuvent plus être vendus

Lorsqu’une entreprise accorde une réduction tarifaire à ses salariés sur des biens non alimentaires qui ne peuvent plus être vendus, aucune cotisation sociale n’est due si cette réduction ne dépasse pas 50 % du prix de vente public normal (TTC) tout en respectant la limite du seuil de vente à perte. Mais l’avantage en nature est totalement soumis à cotisations quand ces conditions ne sont pas respectées.

Précision : constituent des invendus, des biens qui ne sont plus mis à disposition sur le marché (sauf fin de mise à disposition ordonnée par une autorité publique).

Article publié le 03 octobre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : (c) Tuomas Lehtinen