Commissaires de justice : entre droit à l’information et droit à la vie privée

Diffuser dans la presse le nom d’un commissaire de justice victime du mécontentement d’un débiteur peut constituer une atteinte à sa vie privée.

En 2015, un commissaire de justice est venu réclamer, pour le compte de la Mutualité sociale agricole, une créance auprès d’un agriculteur. En représailles, ce dernier ira déverser un camion de fumier devant son domicile. Sans surprise, l’information retient l’attention de la presse locale qui viendra prendre en photo la maison et citer, dans une série d’articles, le nom du commissaire de justice. Mécontent, le professionnel du droit assignera le groupe de presse en justice au motif qu’en diffusant ces informations, il avait porté atteinte à l’intimité de sa vie privée et de celle de sa famille.

Droit à l’information et droit à la vie privée

Saisis du litige, les juges ont dû mettre en balance le droit à la liberté d’expression du journaliste et le droit à la vie privée du commissaire de justice. Et pour eux, si le déversement de fumier devant le domicile d’un commissaire de justice par un débiteur mécontent constituait un sujet d’intérêt général, la mention de ce professionnel du droit, « dont la notoriété ne dépassait par le périmètre de sa commune », ne constituait pas une information de nature à éclairer le débat public sur le sujet de ce mécontentement, « mais ne visait qu‘à satisfaire la curiosité supposée du lectorat ». La demande du commissaire de justice était donc légitime.

Cassation civile 1re, 14 juin 2023, n° 22-15155

Article publié le 19 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Simon Marcus Taplin

Avocats : fixation des honoraires pour un mandat en transaction immobilière

La convention établie par un avocat chargé d’assister son client à l’occasion de la vente d’un bien immobilier, qui prévoit que ses honoraires ne seront dus qu’en cas de réussite de l’opération immobilière, n’est pas valable.

La loi interdit toute fixation des honoraires d’un avocat qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire. En revanche, est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. Ces règles s’appliquent à tous les honoraires d’avocat, sans qu’il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques. Pour la Cour de cassation, qui a été récemment appelée à statuer en la matière, il résulte de ces dispositions que lorsqu’un avocat exerce l’activité de mandataire en transactions immobilières, il n’est pas soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970, dite « loi Hoguet », et ne peut donc pas fixer le montant de ses honoraires uniquement en fonction de la réussite de la vente. Dans cette affaire, une société avait demandé à un avocat de l’assister à l’occasion de la vente d’un bien immobilier lui appartenant. Ce dernier avait alors établi une convention prévoyant que ses honoraires ne seraient dus qu’en cas de succès de l’opération immobilière. Saisis du litige en la matière, les juges ont affirmé qu’une telle convention n’était pas valable puisque les honoraires n’avaient été fixés qu’en fonction du résultat.

Cassation civile 2e, 6 juillet 2023, n° 21-21768

Article publié le 12 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : athima tongloom

Notaires : le site internet de l’ARERT évolue

La récente mise à jour du site internet de l’Association du Réseau Européen des Registres Testamentaires offre un accès simplifié aux dispositions testamentaires et certificats successoraux européens, améliorant ainsi la gestion des successions transfrontalières.

L’Association du Réseau Européen des Registres Testamentaires (ARERT) vient de procéder à une rénovation complète de son site internet (accessible à l’adresse www.arert.eu). Cette rénovation permet notamment d’améliorer l’accès aux nouvelles interfaces techniques de l’association. Ce nouvel espace apporte des informations exhaustives sur la mission de l’association et son évolution depuis sa création en 2005. Un onglet est dédié en particulier à la collaboration avec les institutions européennes lors d’appels à projets financés par la Direction générale de la justice de la Commission européenne. En outre, le site internet met à la disposition des notaires, des professionnels du droit et des citoyens européens des fiches pratiques d’informations sur les successions transfrontalières. Des fiches traduites en 20 langues.

Précision : fondée en 2005, l’ARERT, association internationale de droit belge, permet l’interconnexion sécurisée des registres de testaments et de certificats successoraux européens pour faciliter la recherche de dispositions testamentaires des personnes décédées, et ce dans 13 pays européens.

Article publié le 05 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023

Avocats : contestation d’un licenciement

Un avocat salarié qui souhaite contester son licenciement doit saisir le bâtonnier. Une saisine qui peut être précédée d’une procédure de conciliation, sans que cette dernière soit obligatoire.

Salariée dans un cabinet depuis 1999, une avocate, après un arrêt maladie en décembre 2017 et une reprise d’activité dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, avait fait l’objet d’un licenciement pour faute grave en mars 2018. En novembre 2018, l’avocate salariée avait alors saisi le bâtonnier pour arbitrage, comme l’y enjoint l’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans le cadre de tous litiges nés à l’occasion d’un contrat de travail opposant un avocat salarié à son employeur.

Une procédure préalable de conciliation

Or, pour le cabinet employeur, conformément à ce même article, la saisine du bâtonnier ne pouvant intervenir qu’en « l’absence de conciliation », il a opposé une fin de non-recevoir à son ancienne salariée. Un argument rejeté par les juges, pour qui, bien que les dispositions générales de cette loi prévoient une tentative de règlement amiable, elles ne sont pas assorties de conditions particulières de mise en œuvre. Dès lors, elles n’instaurent pas « une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir ». La saisine directe du bâtonnier par l’avocate salariée était donc valable.

Cassation civile 1re, 14 juin 2023, n° 22-13633

Article publié le 22 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Motortion

Greffiers des tribunaux de commerce : instauration d’un Code de déontologie

Le Code de déontologie des greffiers des tribunaux de commerce a été récemment publié.

Le Code de déontologie des greffiers des tribunaux de commerce a été récemment publié. Il énonce les grands principes applicables aux greffiers des tribunaux de commerce dans leurs relations avec les justiciables, les magistrats, leurs confrères et l’ensemble de leurs interlocuteurs. Le code comprend 23 articles répartis dans deux grandes parties (deux titres), à savoir : les principes et devoirs essentiels de la profession de greffier de tribunal de commerce ; l’exercice de la profession de greffier de tribunal de commerce. Au titre des principes et devoirs essentiels auxquels la profession est soumise, il est notamment affirmé que le greffier doit exercer « ses fonctions avec probité à l’égard des personnes avec lesquelles il collabore dans l’accomplissement de ses missions ». Et, bien entendu, qu’il est tenu au secret professionnel et qu’il est soumis à un devoir de réserve et de discrétion. S’agissant des missions au titre du service public de la justice commerciale qui incombent aux greffiers des tribunaux de commerce, le Code de déontologie énonce qu’elles comprennent tant les missions judiciaires que celles relatives à la sécurisation de la vie économique par la tenue de registres légaux, en ce compris le contrôle et la diffusion des informations qui y sont portées. Et sans surprise, il est expressément inscrit dans le Code que « le greffier, en qualité de professionnel assujetti aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est tenu de déclarer à Tracfin toute opération dont il soupçonne qu’elle est liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme ». Enfin, est définie la nature des relations que les greffiers des tribunaux de commerce se doivent d’entretenir au sein de la juridiction et avec le ministère public (loyauté et disponibilité à l’égard du ministère public, du président du tribunal et des juges, obligation de répondre avec diligence aux sollicitations du ministère public, etc.), avec les tiers (disponibilité, courtoisie, qualité des prestations, etc.), entre greffiers (conseil et assistance, rapports courtois et confraternels…) ainsi qu’avec le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (concours aux actions engagées par le conseil national dans l’intérêt général de la profession, participation aux charges collectives du conseil national, obligation de formation…).

Précision : le Code de déontologie des greffiers des tribunaux de commerce entrera en vigueur le 1er octobre 2023. D’ici là, ce sont les actuelles règles professionnelles établies le 13 mai 2019 par le Conseil national et formellement validées par un arrêté du Garde des Sceaux en date du 11 juin 2019 qui s’appliquent.

Décret n° 2023-609 du 13 juillet 2023, JO du 18

Article publié le 17 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Joegend

Notaires : suspension provisoire d’un notaire mis en examen

La suspension provisoire d’un notaire de ses fonctions n’est pas une sanction disciplinaire mais une mesure de sûreté conservatoire.

Les juges viennent d’affirmer que la suspension provisoire d’un notaire de ses fonctions n’est pas une sanction disciplinaire mais une mesure de sûreté conservatoire. Par conséquent, la juridiction disciplinaire n’est pas tenue de fonder sa décision sur les seuls faits relevés dans l’assignation. Dans cette affaire, un notaire avait été mis en examen pour faux en écritures publiques par personne chargée d’une mission de service public dans l’exercice de ses fonctions, abus de faiblesse, falsification de chèques et usage de chèques falsifiés. Placé sous contrôle judiciaire, il avait été interdit d’exercer son activité de notaire. Cette interdiction ayant été ensuite levée par la chambre de l’instruction, le procureur de la République avait assigné le notaire en référé et obtenu sa suspension provisoire. Par la suite, la cour d’appel avait confirmé la suspension provisoire du notaire en se fondant sur des détournements de fonds client que ce dernier aurait commis après la saisine du juge des référés. Le notaire avait alors contesté cette décision de suspension provisoire, faisant valoir qu’elle ne pouvait être fondée que sur des faits relevés dans l’assignation, et non pas sur des faits postérieurs à la saisine du juge des référés. Mais la Cour de cassation n’a donc pas validé ce raisonnement.

Cassation civile 1re, 1er mars 2023, n° 21-18271

Article publié le 08 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : utah778

Avocats : création du Code de déontologie des avocats

Le nouveau Code de déontologie des avocats a été récemment publié au Journal officiel.

Le nouveau Code de déontologie des avocats a été récemment publié. Il est destiné à faciliter l’accès aux règles régissant la profession d’avocat et énonce les grands principes applicables aux avocats dans leurs relations avec les justiciables, leurs confrères et l’ensemble de leurs interlocuteurs. Fruit du travail du Conseil national des barreaux, ce code a été élaboré à droit constant. Il ne modifie donc aucune des règles juridiques de déontologie de la profession d’avocat qui existaient jusqu’alors, mais les réorganise voire les réécrit. Il comprend 54 articles et se subdivise en 6 grandes parties (6 titres), à savoir :
– les principes essentiels de la profession d’avocat, notamment le secret professionnel auquel elle est soumise ;
– les devoirs envers les clients, notamment l’obligation de les informer des modalités de détermination des honoraires ;
– les devoirs envers la partie adverse et envers les confrères, notamment l’obligation de se comporter de manière loyale avec la partie adverse et d’entretenir des relations de confiance avec les confrères « sans jamais mettre en opposition les intérêts de l’avocat et ceux du client » ;
– les incompatibilités de la profession avec certaines autres professions, fonctions ou activités ;
– les conditions d’exercice de la profession, que ce soit en tant que libéral, collaborateur ou salarié ;
– les dispositions diverses, l’une d’entre elles énonçant que le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat est abrogé.

À noter : le Code de déontologie des avocats est entré en vigueur le 3 juillet 2023.

Décret n° 2023-552 du 30 juin 2023, JO du 2 juillet

Article publié le 25 juillet 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : seb_ra

Notaires : une nouvelle vague d’installations préconisée par l’Autorité de la concurrence

Après une troisième vague d’installations, l’Autorité de la concurrence recommande la nomination de 600 nouveaux notaires libéraux entre 2023 et 2025.

La loi Macron du 6 août 2015 a instauré une nouvelle voie d’accès à la profession de notaire. Jusqu’à récemment, les candidats à l’installation étaient contraints soit de reprendre « la charge » d’un prédécesseur, soit d’acquérir des parts d’une société professionnelle déjà existante. Désormais, sous réserve d’avoir été tirés au sort selon une procédure bien particulière, ils peuvent demander à être nommés dans un office à créer dans l’une des zones définies par les pouvoirs publics où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services. Après 7 ans d’application de cette nouvelle formule, l’Autorité de la concurrence vient de faire paraître sa proposition de carte pour l’installation de nouveaux notaires pour la période 2023-2025. En raison de la crise économique et du ralentissement de l’activité immobilière, l’Autorité a retenu une approche particulièrement prudente et recommande la nomination de 600 nouveaux notaires libéraux, répartis dans 168 zones d’installation libre (sur un total de 293 zones). En outre, l’Autorité de la concurrence assortit sa proposition de carte pour les notaires de recommandations qualitatives visant à améliorer la mise en œuvre de la loi Macron (clarification et assouplissement des règles applicables en matière de sollicitation personnalisée, meilleure représentativité des notaires exerçant dans des offices créés au sein des instances de la profession…), tout en se félicitant des réformes importantes qui ont été engagées depuis plusieurs années, et répondant à ses recommandations précédentes (transparence accrue de la procédure de nomination dans les zones d’installation libre, mise en place d’un tirage au sort électronique…).

Autorité de la concurrence – Liberté d’installation des notaires : propositions de cartes pour 2023-2025

Article publié le 12 juillet 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : sylvain robin

Notaires : erreur dans la répartition des fonds entre les membres d’un couple en cours de séparation

La responsabilité d’un notaire qui commet une erreur dans la répartition, entre les deux membres d’un couple qui se sépare, de la somme issue du prix de vente de la résidence qu’ils possèdent en indivision ne peut être engagée qu’en cas de défaillance de la part de celui des deux qui a trop perçu.

Dans une affaire récente, un notaire avait commis une erreur sur la répartition, entre les deux membres d’un couple en instance de séparation, des fonds issus du prix de vente de la résidence principale qu’ils possédaient en indivision. Reprochant au notaire d’avoir commis une faute lors des opérations de partage, la femme avait alors agi contre lui pour qu’il lui reverse, sous forme de dommages-intérêts, la somme que le notaire avait versée en trop (environ 15 000 €) à son ex-compagnon. En réponse, le notaire avait fait valoir qu’elle devait d’abord réclamer la somme en cause à son ex-compagnon avant de s’adresser à lui. Les juges lui ont donné raison. Ils ont affirmé, d’une part, que la restitution entre indivisaires (en l’occurrence la femme et son compagnon, propriétaires indivis de la résidence vendue) d’une somme au titre de la répartition du prix de vente d’un bien indivis ne constitue pas, en elle-même, un préjudice indemnisable, et d’autre part, que la responsabilité du notaire ne pouvait être engagée qu’en cas de défaillance du débiteur de la restitution.

Cassation civile 1re, 1er mars 2023, n° 21-24047

Article publié le 04 juillet 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : fizkes

Commissaires de justice : une nouvelle application pour créer des jumeaux numériques

Les commissaires de justice de la Cour d’appel de Paris se dotent d’un nouvel outil judiciaire dématérialisé permettant de créer des jumeaux numériques pour les documents, actes ou objets mis en vente.

Les commissaires de justice de la Cour d’appel de Paris se dotent d’un nouvel outil qui permet de faire le lien entre un objet physique (documents, actes, biens mobiliers…) et son double numérique. Ce lien étant établi en marquant le bien à l’aide d’une encre invisible, indélébile et pourvue d’un ADN spécifique. Étant précisé que ce double numérique sera intégré au sein de la blockchain LEGIDE.Véritable passeport dématérialisé, le jumeau numérique (Unikbase) est un objet digital unique (NFT) qui contient deux types d’informations : des informations utiles se rapportant à un objet physique (rapport d’authenticité, certificat de propriété, photographies, rapport de condition, données historiques…) et la preuve de son lien unique et inaltérable avec l’objet physique auquel il se rattache (marquage).Parmi les applications concrètes de ce nouvel outil, citons les ventes aux enchères. Par exemple, dans ce cadre, un commissaire de justice pourra créer des jumeaux numériques pour chaque objet vendu. Ces doubles pourront être utilisés par leur propriétaire avec des tierces parties (assureurs, transporteurs, acheteurs…) tout au long de la vie de l’objet.

Article publié le 27 juin 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : copyright the_burtons 2019