Reprise de terres agricoles données à bail par une société familiale

Si une société civile immobilière constituée entre membres d’une même famille peut exercer le droit de reprise sur des terres agricoles données à bail sans avoir à respecter la double condition d’ancienneté des apports et de détention des parts sociales par les associés, elle doit néanmoins avoir un objet agricole.

Une société est en droit d’exercer le droit de reprise sur des terres qu’elle a données à bail à un exploitant agricole à condition que ces terres lui aient été apportées, en propriété ou en jouissance, 9 ans au moins avant la date à laquelle elle délivre le congé au locataire. En outre, les associés qui ont vocation à exploiter ces terres doivent détenir des parts sociales dans cette société depuis au moins 9 ans lorsqu’ils les ont acquises à titre onéreux. Toutefois, ces deux conditions ne sont pas requises lorsque la reprise est exercée par une société constituée entre membres d’une même famille, plus précisément lorsqu’elle est constituée entre conjoints, partenaires d’un pacte civil de solidarité, parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus. C’est ce que la Cour de cassation a expressément affirmé à propos d’une société civile immobilière (SCI) constituée de membres d’une même famille dont le congé pour reprise avait été contesté, en vain, par le locataire.

Un objet agricole

Mais attention, la Cour de cassation a également posé la règle selon laquelle la société ne peut exercer le droit de reprise que si elle a un objet agricole, et ce dès la date de délivrance du congé. Ce qui était le cas en l’occurrence, la SCI ayant pour objet « la propriété, la jouissance et l’administration des immeubles et droits immobiliers à destination agricole dont elle a et aura la propriété aux fins de création et/ou de conservation d’une ou plusieurs exploitations » et « d’assurer la gestion des biens dont elle est propriétaire en les exploitant directement ou en les donnant à bail ».

Cassation civile 3e, 30 avril 2025, n° 23-22354

Article publié le 09 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Peter Garrard Beck

Un ancien associé peut-il engager la responsabilité d’un dirigeant ?

Un ancien associé peut valablement agir contre le dirigeant de la société dès lors qu’il était encore associé au moment où il a engagé l’action en justice.

Lorsqu’un dirigeant de société a commis une faute ayant causé un préjudice à la société, l’action en justice pour réparer ce préjudice peut être engagée par la société elle-même, par l’intermédiaire de ses représentants légaux, ou par un ou plusieurs des associés. À ce titre, dans ce dernier cas, la question s’est récemment posée en justice de savoir si une telle action pouvait être engagée par un ancien associé. Réponse de la Cour de cassation : la qualité d’associé nécessaire pour agir en responsabilité contre le dirigeant de la société s’apprécie au moment de la demande introductive d’instance. Il en résulte que la perte ultérieure de cette qualité est sans incidence sur la poursuite de l’action par celui qui l’a initiée.

Être associé au moment de l’engagement de l’action en justice

Dans cette affaire, en 2009, l’actionnaire d’une société anonyme avait agi en responsabilité (pour une raison que l’on ignore) contre plusieurs de ses dirigeants. 10 ans plus tard, en 2019, la société avait procédé à une réduction de son capital et, à cette occasion, avait racheté les titres de cet actionnaire. En 2022, la cour d’appel, lorsqu’elle avait (enfin) rendu sa décision, avait déclaré irrecevable la demande de l’actionnaire au motif qu’il avait perdu cette qualité en 2019.À tort, selon la Cour de cassation, qui a donc censuré la décision de la cour d’appel.

À noter : l’action en responsabilité qui serait engagée contre un dirigeant par un associé postérieurement à la cession de la totalité de ses titres serait, quant à elle, irrecevable puisque ce dernier n’aurait plus la qualité d’associé au moment de l’introduction de l’instance.

Cassation commerciale, 18 juin 2025, n° 22-16781

Article publié le 08 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : DR

Pas d’indemnités de rupture pour le salarié réintégré !

Le salarié réintégré dans l’entreprise à la suite de l’annulation de son licenciement par les tribunaux a droit à une indemnité d’éviction mais ne peut pas prétendre à des indemnités de rupture.

Le salarié licencié en raison d’une discrimination liée à ses origines, son âge ou encore son état de santé peut obtenir la nullité de la rupture de son contrat de travail en justice. Et il peut également demander à être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Dans cette situation, le salarié a alors droit à une indemnité dite « d’éviction » correspondant à la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre la rupture de son contrat et sa réintégration dans l’entreprise. En revanche, il ne peut pas prétendre à des indemnités de rupture, comme vient de le rappeler la Cour de cassation.

Réintégration vs indemnités de rupture

Dans une affaire récente, un responsable des ventes avait été licencié alors qu’il se trouvait en arrêt de travail à la suite d’un accident de trajet. Il avait saisi la justice afin d’obtenir l’annulation de son licenciement, intervenu, selon lui, en raison de son état de santé, et d’être réintégré au sein de l’entreprise. Les juges d’appel ont fait droit à ses demandes, condamnant l’employeur à lui régler une indemnité d’éviction d’environ 257 440 €. Mais l’employeur avait saisi la Cour de cassation afin de voir réduire le montant de cette indemnité. Il estimait que les indemnités de rupture versées au salarié (indemnité de licenciement et indemnité compensatrice de préavis), qui ne lui étaient pas (plus) dues en raison de l’annulation de son licenciement et de sa réintégration, devaient être déduites de ce montant. Une demande à laquelle les juges ont accédé, en rappelant que le salarié réintégré à la suite d’un licenciement nul ne peut pas prétendre à des indemnités de rupture. La Cour de cassation a donc abaissé le montant de l’indemnité d’éviction à environ 168 343 €.

En complément : les revenus de remplacement (comme des allocations chômage) perçus par le salarié entre la rupture de son contrat de travail et l’annulation de son licenciement ne sont pas déduits de la prime d’éviction qui lui est due. En revanche, l’employeur peut être contraint de rembourser à France Travail les allocations de chômage (dans la limite de 6 mois) versées au salarié, ce qui était le cas dans cette affaire.

Cassation sociale, 9 juillet 2025, n° 23-21863

Article publié le 05 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Klaus Vedfelt

Réduction d’impôts pour dons et levée de fonds

L’association dont l’activité principale consiste à lever des fonds destinés à financer des projets d’autres associations n’est pas éligible au régime de la réduction d’impôt pour dons.

Certaines associations peuvent délivrer des reçus fiscaux à leurs donateurs, particuliers et entreprises, afin que ceux-ci bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Ainsi en est-il notamment des associations d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises. Mais ce régime ne s’applique pas aux associations qui se contentent de lever des fonds pour d’autres organismes en matière de défense de l’environnement, comme vient de le rappeler la Cour administrative d’appel de Paris.

Une association qui collecte des fonds

Dans cette affaire, une association avait, dans le cadre d’un rescrit, demandé à l’administration fiscale de se prononcer sur son éligibilité à faire bénéficier ses donateurs de la réduction d’impôt pour dons. Ayant reçu une réponse négative de l’administration, elle s’était tournée vers les tribunaux pour faire trancher ce litige. Pour soutenir que ses donateurs avaient droit à une réduction d’impôt, l’association invoquait le fait qu’elle concourait à la défense de l’environnement naturel notamment en soutenant financièrement d’autres organismes, en participant aux frais exposés par des tiers au cours d’actions dans ce domaine, en conduisant des ateliers de formation et de sensibilisation aux questions environnementales et en créant des supports pour ces formations et des campagnes d’affichage. Mais cette argumentation n’a pas convaincu la Cour administrative d’appel de Paris qui a confirmé la position de l’administration fiscale. En effet, pour les juges, l’association avait pour activité principale la levée de fonds destinés à financer des projets de tiers et ne pouvait donc, à ce titre, bénéficier du régime du mécénat. Pour en arriver à cette conclusion, les juges ont constaté que l’association consacrait près de 70 % de ses ressources à soutenir financièrement d’autres organismes et qu’elle ne produisait aucun élément, outre des fiches d’ateliers de formation et de sensibilisation animés par des bénévoles, permettant d’établir le nombre et la fréquence de ces ateliers ou l’appartenance des animateurs à l’association, ni aucun élément justifiant qu’elle aurait créé des supports pour ces formations, organisé des campagnes d’affichage ou mené directement tout autre type d’opérations.

Cour administrative d’appel de Paris, 4 juin 2025, n° 24PA00841

Article publié le 04 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Elkhophoto

Quand un avis du jugement d’ouverture d’une procédure collective est incomplet

Lorsque les noms et coordonnées de l’administrateur judiciaire ne figurent pas dans l’avis de jugement d’ouverture d’une procédure collective publié au Bodacc, cet avis est irrégulier et est donc sans effet à l’égard des créanciers.

Lorsqu’une procédure collective (procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) est ouverte à l’encontre d’une entreprise, le greffier du tribunal considéré procède aux mesures de publicité requises pour informer les créanciers, à savoir la mention du jugement d’ouverture de la procédure au registre auquel l’entreprise concernée est immatriculée et l’insertion d’un avis de ce jugement au Bodacc ainsi que dans un support d’annonces légales du lieu où cette entreprise a son siège. Sachant que l’avis inséré au Bodacc et dans un support d’annonces légales doit mentionner le nom de l’entreprise, la date du jugement ouvrant la procédure, le nom et les coordonnées du mandataire judiciaire et, s’il en a été désigné un, les noms et coordonnées de l’administrateur judiciaire avec indication des pouvoirs qui lui ont été conférés par le tribunal.

Avis incomplet = avis irrégulier

Et attention, si les noms et coordonnées de l’administrateur judiciaire ne figurent pas dans cet avis, ce dernier est irrégulier et est donc sans effet à l’égard des créanciers. C’est ce que la Cour de cassation a précisé dans l’affaire récente suivante. Une procédure de sauvegarde avait été ouverte à l’encontre d’une entreprise. Or l’avis, publié au Bodacc, du jugement d’ouverture de cette procédure ne mentionnait pas les nom et adresse de l’administrateur judiciaire qui avait été désigné par le tribunal. Du coup, l’Urssaf, dont la créance était contestée par le mandataire judiciaire qui lui reprochait de l’avoir déclarée hors délai (plus de deux mois après la publication de l’avis), avait fait valoir que cet avis était irrégulier, qu’il était donc inopposable aux créanciers et qu’il n’avait donc pas fait courir le délai imparti pour déclarer les créances. Les juges ont donné raison à l’Urssaf, ces derniers ayant affirmé que l’avis du jugement d’ouverture inséré au Bodacc doit préciser le nom et l’adresse non seulement du mandataire judiciaire mais également de l’administrateur judiciaire, s’il en a été désigné un, avec l’indication de ses pouvoirs, et que l’omission de l’un de ces éléments essentiels constitue une irrégularité privant l’avis de ses effets à l’égard des tiers (donc des créanciers).

Cassation commerciale, 2 juillet 2025, n° 24-11217

Article publié le 01 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Caption Photo Gallery

Le Conseil constitutionnel fait le point sur le congé de paternité

Si le Conseil constitutionnel valide le droit français actuel sur le congé de paternité, il apporte certaines précisions s’agissant des couples de femmes et des couples comportant une personne transgenre.

Lors de la naissance d’un enfant, il est accordé un congé de paternité à son père et, le cas échéant, quel que soit son sexe, au conjoint, concubin ou partenaire de Pacs de sa mère. Et ce, que ces bénéficiaires soient salariés ou travailleurs indépendants. Toutefois, en début d’année, l’association des parents et futurs parents gays et lesbiens a saisi le Conseil d’État afin de contester les règles françaises régissant le congé de paternité au regard de la Constitution qui garantit le principe d’égalité devant la loi.

Précision : concrètement, l’association contestait les articles L 1225-35 du Code du travail et L 623-1 du Code de la Sécurité sociale qui excluent du congé de paternité, notamment, le conjoint, concubin ou partenaire de Pacs du père de l’enfant (en particulier lorsqu’il s’agit d’un homme).

Aussi la question a-t-elle été posée, au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), au Conseil constitutionnel lequel a rendu sa décision le 8 août dernier.

Des règles conformes à la Constitution

Selon le Conseil constitutionnel, les règles françaises liées au congé de paternité ne remettent pas en cause le principe d’égalité devant la loi. En effet, le congé de paternité vise à « éviter que la mère reste isolée après l’accouchement afin de la soutenir et de protéger sa santé ». Et puisque le père de l’enfant, lui, n’est pas « exposé, après la naissance, aux mêmes risques que la mère qui a accouché », son conjoint, concubin ou partenaire de Pacs n’est pas dans une situation identique à celle du conjoint, concubin ou partenaire de Pacs de la mère. Dès lors, l’absence de congé de paternité accordé au conjoint, concubin ou partenaire de Pacs du père de l’enfant ne constitue pas une différence de traitement.

Des précisions apportées par les juges

Dans le cadre de cette QPC, le Conseil constitutionnel s’est également positionné quant à l’octroi du congé de paternité dans un couple de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation. Ainsi, la femme à l’égard de laquelle un lien de filiation avec l’enfant est établi par reconnaissance conjointe doit bénéficier du congé de paternité. Et ce, même si celle-ci est séparée de la mère de l’enfant. Autre précision concernant, cette fois, un couple dont l’un des membres est un homme transgenre. Dans cette situation, la personne transgenre qui a accouché d’un enfant bénéficie du congé de maternité et son conjoint, concubin ou partenaire de Pacs a droit, s’il justifie d’une communauté de vie avec elle (ou d’un lien de filiation avec l’enfant) au congé de paternité.

Conseil constitutionnel, 8 août 2025, n° 2025-1155 QPC

Article publié le 01 septembre 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Olga Pankova

Deux CDI refusés après un CDD = allocations chômage supprimées !

Le Conseil d’État vient de valider la procédure visant à priver d’indemnisation chômage les salariés recrutés en contrat à durée déterminée qui, sur une période de 12 mois, refusent deux propositions de contrat à durée indéterminée

Depuis le 1er janvier 2024, les salariés en contrat à durée déterminée (CDD) qui, sur une période de 12 mois, refusent deux propositions de contrat à durée indéterminée (CDI) pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, peuvent se voir refuser le bénéfice des allocations d’assurance chômage. Cependant, les textes règlementaires qui fixent les modalités d’application de cette procédure avaient fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État porté par plusieurs syndicats. Et ce, au motif qu’ils introduiraient, notamment, un traitement discriminatoire dans l’accès aux droits à l’assurance chômage et une situation de travail forcé pour les salariés. Mais ces arguments viennent d’être écartés par les juges. L’occasion de rappeler les obligations qui incombent aux employeurs dans le cadre de ce dispositif qui continue donc de s’appliquer.

Précision : cette procédure concerne également les travailleurs intérimaires qui refusent deux propositions de CDI au cours d’une période de 12 mois.

Formuler une proposition écrite

L’employeur qui souhaite proposer un CDI à l’un de ses salariés en CDD doit l’en informer par écrit avant le terme de son contrat. Et ce, par lettre recommandée avec accusé de réception, par lettre remise en main propre contre décharge ou par tout autre moyen donnant date certaine à la réception de la proposition.

Important : cette proposition doit permettre au salarié d’occuper le même emploi (ou un emploi similaire), avec une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification, et sans changement du lieu de travail. Pour les travailleurs intérimaires, la proposition de CDI doit concerner le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail.

La proposition de CDI doit préciser le délai de réflexion qui est accordé au salarié pour se décider. Sachant qu’aucun délai minimal n’est exigé par la loi, si ce n’est qu’il doit s’agir d’un « délai raisonnable ». Le salarié doit, en outre, être informé qu’une absence de réponse de sa part dans le délai imparti équivaut à un refus de signer le CDI.

Effectuer une déclaration auprès de France Travail

Le refus du salarié de donner une suite favorable à la proposition de CDI, ou son absence de réponse dans le délai imparti, doit faire l’objet d’une information auprès de France Travail. Et il appartient à l’employeur d’effectuer cette formalité, par voie dématérialisée, via une plate-forme dédiée. Et ce, dans le mois qui suit le refus du salarié.

À noter : l’information ainsi transmise à France Travail doit comporter un descriptif de l’emploi proposé ainsi que des éléments permettant de s’assurer que cet emploi respecte les conditions requises, à savoir un emploi identique ou similaire, une rémunération au moins équivalente, etc. Et elle doit aussi mentionner le délai de réflexion accordé au salarié et la date de son refus de signer le CDI (ou la date d’expiration du délai de réflexion, en l’absence de réponse du salarié).

Conseil d’État, 18 juillet 2025, n° 492244

Article publié le 27 août 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : BernardaSv

Un contrat contraire à un code de déontologie professionnelle est-il nul ?

Lorsqu’un contrat est conclu par un professionnel en violation du code de déontologie, ce contrat ne peut pas être annulé au motif que son objet est illicite dès lors que ce code de déontologie ne résulte pas d’une loi ou d’une disposition réglementaire.

Lorsque la finalité (on parle « d’objet ») d’un contrat est illicite parce qu’elle est contraire à la loi ou à une règlementation, ce contrat est nul. Mais lorsqu’un contrat est conclu en violation d’un code de déontologie professionnelle qui ne résulte pas d’une loi ou d’une disposition réglementaire (un décret ou un arrêté), ce contrat ne peut pas être annulé au motif que son objet est illicite. C’est ce que la Cour de cassation a décidé dans l’affaire récente suivante. Un ostéopathe avait souscrit avec un prestataire un contrat portant sur la mise en place et la mise à jour d’un site internet. Dans le cadre d’un contentieux avec le prestataire, il avait invoqué la nullité de ce contrat. La cour d’appel lui avait donné gain de cause. Pour elle, le contrat était nul car son objet était illicite. En effet, il avait pour objet la conception d’un site internet qui poursuivait la publicité d’une activité d’ostéopathe alors que le code de déontologie des professionnels de l’ostéopathie interdit de recourir à des procédés directs ou indirects de publicité. Mais la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel. Car selon elle, ce contrat ne pouvait pas être annulé pour cause d’illicéité dans la mesure où le code de déontologie en cause ne résultait d’aucune disposition légale ou réglementaire.

Cassation commerciale, 25 juin 2025, n° 24-10862

Article publié le 25 août 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : LSOphoto

CDD et travail temporaire : pas pour l’exécution de travaux dangereux !

Les entreprises ne peuvent pas confier de travaux dangereux à un travailleur intérimaire ou à un salarié recruté en contrat à durée déterminée. Et en cas de litige en la matière, il appartient à l’employeur de prouver qu’il n’a pas bravé cette interdiction.

Si les employeurs ont la possibilité d’engager un travailleur intérimaire ou de recruter un salarié en contrat à durée déterminée (CDD) pour remplacer un salarié absent, faire face à un accroissement temporaire d’activité ou encore pourvoir un emploi saisonnier, il leur est strictement interdit, sauf autorisation de l’administration, de l’affecter à des travaux particulièrement dangereux.

Précision : sont concernés par cette interdiction les travaux, listés par le Code du travail, qui exposent les salariés à des agents chimiques dangereux (amiante, poussières de métaux durs, sulfure de carbone…) ou à des rayonnements ionisants.

L’employeur doit prouver qu’il respecte bien cette interdiction !

Dans une affaire récente, un travailleur temporaire avait demandé en justice la requalification de son contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée. En effet, il estimait que sa mission de soudeur-monteur au sein de l’entreprise utilisatrice, laquelle l’exposait à des poussières de métaux durs, faisait partie des travaux particulièrement dangereux listés par le Code du travail. Saisie du litige, la Cour de cassation a tout d’abord rappelé qu’il est interdit d’affecter un travailleur temporaire ou un salarié en CDD à des travaux particulièrement dangereux, comme ceux les exposant à des poussières de métaux durs. Elle a ensuite précisé qu’en cas de litige en la matière, il appartient à l’employeur de prouver que les travaux exécutés ne font pas partie de ceux considérés comme particulièrement dangereux par le Code du travail. Et elle a enfin constaté que l’employeur n’apportait aucune preuve de l’absence d’exposition du travailleur temporaire à des poussières de métaux durs (via une attestation établie par une personne habilitée). Aussi a-t-elle requalifié son contrat de mission en contrat à durée indéterminée auprès de l’entreprise utilisatrice.

Conséquences : dans cette affaire, la rupture de la relation de travail entre l’entreprise utilisatrice et l’intérimaire a produit les mêmes effets qu’un licenciement nul (l’intérimaire étant, lors du terme du contrat de mission, en arrêt de travail consécutif à un accident du travail). Plusieurs indemnités étaient donc dues à l’intérimaire, dont 10 500 € au titre du licenciement nul.

Cassation sociale, 9 juillet 2025, n° 24-16142

Article publié le 25 août 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Prapass Pulsub

Reprise d’un acte par une société en formation et changement de dénomination sociale

Le fait que la dénomination sociale d’une société soit différente de celle mentionnée dans un acte souscrit alors qu’elle était en formation n’invalide pas la reprise de cet acte par la société.

Lorsqu’elle est en cours de formation, une société n’a pas encore la personnalité morale car elle n’a pas encore d’existence juridique. Elle n’a donc pas la capacité juridique d’accomplir des actes tant qu’elle n’est pas immatriculée au Registre du commerce et des sociétés (RCS). Par conséquent, ce sont les futurs associés qui accomplissent les actes qui sont nécessaires à la création de la société et au démarrage de son activité (signature d’un bail, souscription d’un prêt…) pour le compte de celle-ci. Et ces actes doivent, une fois que la société est immatriculée au RCS, être repris par celle-ci. Ils sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.

En pratique : la reprise des actes intervient lors de la signature des statuts (pour les actes accomplis avant la signature des statuts et qui sont annexés aux statuts) ou s’opère par une décision des associés prise après l’immatriculation de la société (pour les actes accomplis avant l’immatriculation).

À ce titre, la Cour de cassation vient d’affirmer que la reprise d’un acte conclu pour le compte d’une société en formation est valable, sauf dol ou fraude, même si la société effectivement immatriculée ne revêt pas la même dénomination sociale que celle mentionnée dans cet acte. Dans cette affaire, la cour d’appel avait annulé un bail conclu pour le compte d’une société en formation au motif que la dénomination de la société ayant repris ce bail après son immatriculation (« Les Petits Lascards ») était différente de celle mentionnée dans celui-ci (« L.P.L. »). La Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel.

Cassation commerciale, 28 mai 2025, n° 24-13370

Article publié le 22 août 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : uchar