Vente d’un local commercial : le locataire bénéficie-t-il toujours d’un droit de préemption ?

Lorsqu’un immeuble comprenant un local commercial est mis en vente, le locataire de ce local est privé de son droit de préemption.

En principe, le commerçant ou l’entreprise qui exerce son activité dans un local loué par bail commercial bénéficie d’un droit dit « de préemption » ou « de préférence » qui lui permet d’acquérir en priorité ce local lorsque le propriétaire décide de le mettre en vente.


En pratique : le propriétaire doit en informer le locataire par lettre recommandée AR, cette notification valant offre de vente. Ce dernier dispose alors d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre de vente pour se prononcer. Et s’il accepte d’acquérir le local, il a 2 mois à compter de la date d’envoi de sa réponse au propriétaire pour réaliser la vente. Ce délai étant porté à 4 mois lorsqu’il accepte l’offre de vente sous réserve d’obtenir un prêt.

Plusieurs locaux commerciaux…

Toutefois, le locataire ne bénéficie pas de ce droit notamment « en cas de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ». Ainsi, si plusieurs locaux commerciaux sont situés dans l’immeuble mis en vente, le droit de préférence des locataires ne s’applique pas.

… ou même un seul

Et il en est de même si l’immeuble mis en vente ne comprend qu’un seul local commercial. C’est ce que vient de préciser la Cour de cassation. Autrement dit, le locataire ne bénéficie pas d’un droit de préférence lorsque le local loué ne constitue qu’une partie de l’immeuble mis en vente, même si cet immeuble ne comprend qu’un seul local commercial.Cassation civile 3e, 19 juin 2025, n° 23-19292

Article publié le 18 juillet 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : uchar

Restitution tardive du dépôt de garantie après l’expiration d’un bail commercial

Le bailleur qui, six mois après que le locataire a quitté les lieux, ne lui a toujours pas remboursé le dépôt de garantie alors que le bail prévoyait un remboursement concomitant à la restitution des clés, commet un manquement contractuel engageant sa responsabilité.

Les règles régissant le bail commercial ne prévoient aucune disposition spécifique relative au délai de restitution du dépôt de garantie par le bailleur au locataire. Les parties au contrat peuvent donc définir librement les modalités de cette restitution. Et si le bailleur ne restitue pas le dépôt de garantie dans le délai prévu par le bail, il engage sa responsabilité contractuelle et peut être condamné à payer des dommages-intérêts au locataire. À ce titre, dans une affaire récente, un bail commercial prévoyait qu’à la restitution des locaux, le dépôt de garantie serait remboursé au locataire après remise des clés, déduction faite des sommes dont ce dernier pourrait être débiteur du fait de travaux de remise en état rendus nécessaires après état des lieux de sortie contradictoirement établi. Or, six mois après le départ du locataire, le bailleur ne lui avait toujours pas restitué le dépôt de garantie. Le locataire avait alors mis de demeure le bailleur de s’exécuter, puis, faute de remboursement de sa part, avait saisi la justice.

Une rétention injustifiée

Après avoir constaté qu’aucune observation ni réserve n’avait été formulée par le bailleur quant à l’état des locaux lors du départ du locataire, les juges ont estimé que la rétention du dépôt de garantie par le bailleur était injustifiée et que dernier avait commis un manquement à ses obligations contractuelles engageant sa responsabilité. Ils l’ont donc condamné à payer au locataire une somme correspondant au montant du dépôt de garantie, assortie des intérêts au taux légal calculés à compter de la mise en demeure ainsi que des dommages-intérêts à hauteur de 4 000 € au titre du préjudice subi par le locataire.

Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, n° 21-15834

Article publié le 16 juillet 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : andrei_r

À quel moment peut-on insérer une clause de reprise sexennale dans un bail rural ?

Le bailleur est en droit de demander l’insertion d’une clause de reprise sexennale à tout moment après le renouvellement du bail, et pas nécessairement à une date proche de celui-ci.

Insérée dans un bail rural, soit initialement soit, plus généralement, dans le bail renouvelé, une clause de reprise sexennale permet au bailleur de reprendre le fonds loué à la fin de la 6e année qui suit le renouvellement du bail ou passée une période de 9 ans en cas de bail à long terme (donc au bout de 15 ans de location), et ce au profit de son conjoint (ou de son partenaire de Pacs) ou de l’un de ses descendants (mais pas du bailleur lui-même). Grâce à cette clause, le bailleur gagne donc 3 ans pour pouvoir exercer son droit de reprise. Mais dans ce cas, il devra délivrer congé au locataire 2 ans (et non pas 18 mois) au moins avant l’échéance.

À noter : le locataire ne peut pas s’opposer à l’insertion d’une telle clause dans le bail.

À tout moment après le renouvellement du bail

À ce titre, les juges ont récemment précisé que le bailleur peut demander l’insertion d’une clause de reprise sexennale à tout moment après le renouvellement du bail, et pas nécessairement à une date proche de celui-ci. Dans cette affaire, un bailleur avait demandé en justice (même si, en principe, il pouvait l’imposer puisque le locataire ne peut pas refuser) l’insertion d’une clause de reprise sexennale près de 4 ans après le renouvellement du bail. Le locataire s’y était opposé, faisant valoir que la demande d’insertion d’une telle clause devait être formée à un moment proche du renouvellement. La loi (l’article L 411-6 du Code rural) prévoit d’ailleurs que l’insertion doit être demandée « au moment du renouvellement ». Mais cet argument n’a pas trouvé grâce aux yeux des juges, lesquels ont donné gain de cause au bailleur.

Cassation civile 3e, 10 avril 2025, n° 23-23382

Article publié le 08 juillet 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Mindful Media

Épargne des mineurs : une banque condamnée pour manquement à son devoir de vigilance

Un établissement bancaire a été condamné pour avoir permis à un père de disposer des économies de ses enfants mineurs sans l’autorisation de la mère.

Dans une affaire récente, un établissement bancaire a été condamné en justice pour avoir autorisé un père de famille à disposer des sommes d’argent, placées sur des livrets d’épargne, appartenant à ses enfants. Et ce, sans avoir recueilli préalablement l’autorisation de la mère. Une décision de la Cour de cassation qui vient donc protéger l’épargne des mineurs. Dans cette affaire, un père, administrateur légal des biens de ses trois enfants mineurs, avait fait procéder au virement de la somme de 5 000 € à partir de trois comptes d’épargne ouverts au nom de ses enfants vers un compte d’une entreprise dont il était le dirigeant. Puis il avait procédé à d’autres virements jusqu’au quasi épuisement du solde de ces comptes. Les fonds ayant été utilisés pour l’achat d’un véhicule de société. Sidérée par cette situation, la mère des enfants avait assigné en justice la banque pour avoir manqué à son obligation de vigilance. Condamnée devant le tribunal judiciaire et la cour d’appel, la banque avait alors porté l’affaire devant la Cour de cassation.

Un manquement au devoir de vigilance

La Cour de cassation a d’abord rappelé que, dans l’administration légale, les parents accomplissent ensemble les actes de disposition sur les biens des enfants mineurs. À défaut d’accord entre les parents, l’acte envisagé doit être autorisé par le juge des tutelles. Les juges ont également rappelé que la banque est tenue à un devoir de vigilance. Or, ils ont constaté que le père avait fait procéder, seul, à des virements sur chacun des trois comptes d’épargne ouverts au nom de ses enfants mineurs. Pour les juges, la banque, en ne sollicitant pas l’autorisation de l’autre parent pour accomplir ces actes de disposition, avait donc commis une faute engageant sa responsabilité.

Cassation commerciale, 12 juin 2025, n° 24-13604

Article publié le 04 juillet 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Hispanolistic

La modification d’une convention réglementée conclue par une SARL doit être approuvée

La conclusion d’un bail commercial par le gérant d’une SARL avec une SCI dont il est associé devant être approuvée par les associés au titre des conventions réglementées, les révisions du loyer de ce bail doivent l’être également.

Hormis s’il s’agit d’opérations courantes et conclues à des conditions normales, les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre une SARL et l’un de ses gérants ou l’un de ses associés ne peuvent pas être conclues librement (contrat de travail, prêt de somme d’argent par un dirigeant à la société, conditions de départ à la retraite, etc.). Il en est de même pour les conventions qui sont passées par une SARL avec une société civile dont un associé ou un dirigeant est également gérant ou associé de la SARL. En effet, pour éviter qu’elles ne portent atteinte aux intérêts de la société, ces conventions sont soumises au contrôle des associés en vertu d’une procédure particulière. C’est la raison pour laquelle on parle de « conventions réglementées ».Ainsi, le gérant de la SARL ou, s’il en existe un, le commissaire aux comptes, doit présenter à l’assemblée, ou joindre aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur ces conventions. L’assemblée statue ensuite sur ce rapport, ce qui permet aux associés d’approuver ou de désapprouver les conventions réglementées.

À noter : lorsqu’elle n’est pas approuvée par les associés, une convention réglementée n’est pas nulle. Elle continue donc de s’appliquer. Mais dans ce cas, les conséquences préjudiciables qui peuvent en résulter pour la société sont à la charge du gérant ou de l’associé qui a conclu la convention.

Et la modification d’une convention réglementée ?

À ce titre, la Cour de cassation vient de préciser que la modification d’une convention réglementée doit, elle aussi, comme sa conclusion, être soumise à l’approbation des associés. Dans cette affaire, un bail commercial avait été conclu par le gérant associé d’une SARL avec une SCI dont il était également associé. Constituant une convention réglementée, ce bail avait été approuvé par les associés. Mais par la suite, les associés avaient reproché au gérant de ne pas leur avoir fait approuver les révisions du loyer de ce bail et demandé en justice la révocation du gérant pour ce motif. La cour d’appel avait rejeté leur demande, estimant que seule la conclusion du bail devait être approuvée par les associés. Mais la Cour de cassation n’a pas été de cet avis.

Précision : la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur la question de la révocation du gérant. Il appartiendra donc à la cour d’appel qui sera à nouveau saisie de cette affaire de dire si le gérant qui n’a pas soumis les révisions du loyer du bail à l’approbation des associés peut être révoqué pour ce motif.

Cassation commerciale, 28 mai 2025, n° 23-23536

Article publié le 02 juillet 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : David Oxberry

Décès d’un exploitant agricole : à qui est attribué le bail rural ?

Au décès d’un exploitant agricole, le bail rural dont il était titulaire se poursuit au profit de son conjoint ou de son partenaire de Pacs, de ses ascendants et de ses descendants qui ont participé à l’exploitation au cours des 5 années précédant le décès. Mais qu’en est-il si aucun d’entre eux ne remplit cette condition ?

Au décès d’un exploitant agricole, le bail rural dont il était titulaire a vocation à se poursuivre au profit de son conjoint ou de son partenaire de Pacs, de ses ascendants et de ses descendants qui participent à l’exploitation ou qui y ont participé au cours des 5 années précédant le décès. Si plusieurs d’entre eux sont en concurrence, le tribunal paritaire attribue le bail à l’un d’eux en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

Absence d’héritiers participant à l’exploitation

Mais lorsque aucun des intéressés ne remplit la condition de participation à l’exploitation, le bailleur est alors en droit de faire résilier le bail en le demandant au juge dans les 6 mois à compter du jour où il a eu connaissance du décès de son locataire. Sachant que s’il n’exerce pas ce droit de résiliation, le bail rural est alors dévolu aux héritiers du locataire selon les règles du droit commun des successions. Plusieurs héritiers du même rang (par exemple, les enfants du locataire) ont donc vocation à devenir colocataires. Précision récemment apportée par les juges, dans cette dernière hypothèse, si l’un ou plusieurs héritiers de même rang sont en conflit et revendiquent le bail chacun pour lui seul, le tribunal peut, là aussi, attribuer le bail, en considération des intérêts en présence, exclusivement à celui qui paraît le plus apte à gérer l’exploitation louée et à s’y maintenir. Ce qui permet d’éviter la situation dans laquelle des cohéritiers seraient colocataires sans l’avoir voulu ou sans avoir aucune légitimité.

Cassation civile 3e, 9 janvier 2025, n° 23-13878

Article publié le 01 juillet 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Annette Birkenfeld

Déclaration de changement en préfecture par une association

Les acquisitions ou aliénations d’immeubles réalisées par une association sont opposables aux tiers à compter de leur déclaration en préfecture même si celle-ci a été effectuée après l’expiration du délai de 3 mois normalement applicable.

Les associations doivent, dans les 3 mois, déclarer à l’administration tous les changements survenus dans leur administration et, notamment, les acquisitions ou aliénations d’immeubles. Ces changements ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils sont déclarés.Dans une affaire récente, une association, qui avait, les 20 février 2001 et 4 août 2004, vendu plusieurs biens immobiliers à une autre association, n’avait déclaré ces transactions à la préfecture qu’en mai 2021. L’association acheteuse avait, quant à elle, déclaré ces acquisitions en janvier 2015.

Des actes opposables à compter de leur déclaration en préfecture

Dans le cadre d’une procédure judiciaire liée à la rupture de son contrat de travail, un ex-salarié de l’association vendeuse avait prétendu que ces ventes lui étaient inopposables car les déclarations en préfecture n’avaient pas été effectuées dans le délai de 3 mois.Mais, pour la Cour de cassation, les ventes sont opposables aux tiers à compter de leur déclaration en préfecture, même si celle-ci a été réalisée après l’expiration de ce délai de 3 mois.Cassation civile 3e, 26 juin 2025, n° 23-17936

Article publié le 30 juin 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : shapecharge

Privé d’activité et d’accès à l’entreprise, le salarié est licencié verbalement…

Le fait, pour un employeur, de demander à un salarié en arrêt de travail de lui restituer sa voiture de fonction, ses clés, ses badges et ses dossiers constitue un licenciement verbal.

L’employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer à un entretien préalable et, le cas échéant, lui adresser une notification de licenciement. Et attention, lorsque l’employeur ne suit pas ces règles, le licenciement peut être qualifié par les juges de « licenciement verbal » et être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.


Précision : un licenciement est qualifié de verbal lorsque, notamment, l’employeur en informe le salarié sans avoir respecté la procédure de licenciement ou avant l’envoi de la notification de la rupture du contrat de travail.

Restitution des clés, des dossiers… = licenciement verbal

Dans une affaire récente, un directeur d’exploitation en arrêt de travail avait, dès le début de cet arrêt et à la demande de son employeur, restitué son véhicule de fonction ainsi que ses clés et badges de l’entreprise. Mais ce n’est pas tout car il s’était également vu retirer ses dossiers de travail. Ainsi privé de toute activité et de tout moyen d’accès à l’entreprise, il avait considéré que son employeur l’avait licencié verbalement et avait saisi la justice afin d’obtenir diverses indemnités.Mais pour les juges d’appel, le salarié n’avait pas fait l’objet d’un licenciement verbal dans la mesure où il avait conservé ses accès informatiques. Ce qui lui avait notamment permis d’adresser plusieurs courriels, avec sa messagerie professionnelle, en se présentant comme « directeur d’exploitation encore à ce jour ».Ce raisonnement n’a pas été suivi par la Cour de cassation. Pour elle, l’employeur, qui avait demandé au salarié de restituer son véhicule de fonction, ses clés et ses badges, et qui l’avait privé de ses dossiers, avait manifesté sa décision irrévocable de rompre le contrat de travail. C’est pourquoi elle a renvoyé l’affaire devant les juges d’appel, lesquels sont désormais « invités » à requalifier la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse.Cassation sociale, 11 juin 2025, n° 23-21819

Article publié le 30 juin 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : Suwanb

L’action d’un gérant de SARL exerçant une activité libérale contre sa société

Le gérant d’une SARL exerçant une activité libérale qui agit en justice en contestation de sa révocation doit saisir le tribunal de commerce et non pas le tribunal judiciaire.

Les tribunaux de commerce sont compétents pour statuer sur les contestations relatives aux sociétés commerciales. Il en résulte, selon la Cour de cassation, que l’action du gérant d’une SARL, qui est une société commerciale, en contestation de sa révocation relève de la compétence du tribunal de commerce, peu important que l’activité exercée par la SARL soit une profession libérale. Dans cette affaire, la gérante d’une SARL de vétérinaires, qui avait été révoquée, avait contesté cette décision devant le tribunal judiciaire. La SARL avait alors soulevé l’incompétence du tribunal judiciaire au profit du tribunal de commerce. Mais la cour d’appel avait estimé que le tribunal judiciaire était bien compétent puisque l’activité de vétérinaire, exercée par la SARL, est de nature civile, peu important que cette dernière ait une forme commerciale.

Compétence exclusive du tribunal de commerce

Saisie à son tour du litige, la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel, rappelant la compétence exclusive des tribunaux de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales, et donc aux SARL, et ce quel que soit leur objet.

Précision : la Cour de cassation a précisé que dérogent à cette compétence exclusive du tribunal de commerce les contestations :- mettant en cause une personne non commerçante qui est extérieure à la société (donc ni associée ni dirigeante), auquel cas cette personne dispose du choix de saisir le tribunal judiciaire ou le tribunal de commerce (ce qui n’était pas le cas dans cette affaire puisqu’il s’agissait de la gérante de la société) ;- mettant en cause une société à responsabilité limitée constituée pour l’exercice d’une profession libérale réglementée, par exemple une Selarl (société d’exercice libéral à responsabilité limitée), auquel cas ces contestations relèvent de la compétence des seuls tribunaux judiciaires (ce qui n’était pas le cas non plus puisqu’il s’agissait d’une SARL et non d’une Selarl).

Cassation commerciale, 28 mai 2025, n° 24-14148

Article publié le 30 juin 2025 – © Les Echos Publishing 2025

Sectorisation des activités lucratives et non lucratives d’une association

Les associations ne peuvent sectoriser leurs activités lucratives et non lucratives que si ces deux activités sont dissociables l’une de l’autre et que les activités non lucratives demeurent significativement prépondérantes.

Les associations, du fait de leur caractère non lucratif, ne sont normalement pas imposables. Cependant, lorsqu’elles exercent des activités lucratives accessoires sans bénéficier de la franchise des impôts commerciaux, ni d’exonérations spécifiques, leurs recettes sont soumises à l’impôt sur les sociétés. Elles peuvent alors, si elles le souhaitent, regrouper, sous certaines conditions, leurs activités lucratives dans un « secteur » comptable distinct afin que seul ce dernier soit taxable.Dans une affaire récente, une association, qui avait pour activité la recherche et le développement pharmaceutique pour les maladies rares et la thérapie génique, avait sectorisé ses activités lucratives (développement pharmaceutique) et non lucratives (recherche médicale). Estimant qu’elle ne remplissait pas les conditions exigées pour cette sectorisation, l’administration fiscale l’avait, à la suite d’un contrôle, assujettie à l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble de son résultat.

Des conditions non remplies

Saisie du litige, les juges ont confirmé ce redressement. À ce titre, ils ont d’abord rappelé que le BOFiP impose deux conditions pour qu’une association puisse sectoriser ses activités et ainsi échapper à l’impôt sur les sociétés pour son secteur non lucratif :
– les activités lucratives doivent être dissociables des activités non lucratives ;
– les activités non lucratives doivent demeurer significativement prépondérantes. Ils ont ensuite constaté que :
– les charges d’exploitation du secteur lucratif de l’association représentaient 49,9 % du montant total de ses charges d’exploitation et, donc, que l’activité non lucrative de l’association n’était pas significativement prépondérante ;
– l’activité non lucrative de l’association (activité de recherche médicale correspondant à la première phase de conception de médicaments) et son activité lucrative (phases d’essais cliniques et études thérapeutiques nécessaires avant commercialisation des produits) n’étaient pas dissociables.Cour administrative d’appel de Versailles, 6 février 2024, n° 22VE00104Conseil d’État, 10 mars 2025, n° 493214 (non admis)

Article publié le 30 juin 2025 – © Les Echos Publishing 2025 – Crédit photo : PixeloneStocker