Action en paiement d’une créance contre un client en redressement judiciaire

L’un de mes clients ne m’a pas informé de sa mise en redressement judiciaire et n’a pas porté à la connaissance du mandataire judiciaire la somme d’argent qu’il me doit. Du coup, je n’ai pas pu déclarer cette créance. Suis-je en droit d’agir contre lui pour en obtenir le paiement ?

Non. À partir du moment où une entreprise est placée en redressement judiciaire, ses créanciers ne peuvent plus agir individuellement contre elle pour obtenir le paiement d’une créance née avant l’ouverture du redressement. Et ce, même si vous n’avez pas été informé de sa mise en redressement judiciaire. En principe, vous auriez dû déclarer cette créance dans les 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Mais compte tenu des circonstances (omission du débiteur de déclarer votre créance lors de l’établissement de la liste de ses créanciers), vous pouvez demander au juge-commissaire d’être « relevé de forclusion », c’est-à-dire qu’il vous autorise à déclarer votre créance même si vous êtes hors délai.

Article publié le 25 juin 2024 – © Les Echos Publishing 2024

Gare au cautionnement consenti par le président du directoire d’une SA !

En l’absence d’une décision du directoire d’une société anonyme de consentir un cautionnement au nom de celle-ci, le président du directoire ne peut pas de lui-même décider de le faire sans avoir reçu délégation du directoire à cette fin.

Les cautions ou autres garanties consenties par une société anonyme (SA) à directoire doivent être autorisées par le conseil de surveillance. Et ce dernier, dans la limite qu’il fixe, peut autoriser le directoire à donner des cautions ou autres garanties au nom de la société, ce dernier pouvant lui-même déléguer ce pouvoir au président du directoire. Et attention, en l’absence d’une décision du directoire de consentir un cautionnement au nom de la société, le président du directoire ne peut pas décider par lui-même de prendre un tel engagement sans avoir reçu délégation du directoire pour le faire. Si tel était le cas, le cautionnement donné par le président du directoire pourrait être annulé. C’est ce que la Cour de cassation vient d’affirmer dans une affaire où un cautionnement avait été donné au nom d’une SA par le président du directoire, le conseil de surveillance ayant préalablement autorisé le directoire à engager la SA par un tel cautionnement. Mais comme le directoire n’avait pas pris la décision d’autoriser le cautionnement et qu’il n’avait pas délégué ce pouvoir à son président, le cautionnement consenti par ce dernier n’était pas valable.

Observations : le président du directoire a pour mission de représenter la société à l’égard des tiers (cats, fournisseurs, partenaires,, administrations…). Il a le pouvoir d’exécuter les décisions prises par le directoire, mais pas plus. Il ne peut donc pas valablement signer un cautionnement au nom de la société dès lors que le directoire n’a pas décidé d’un tel acte ou ne lui a pas consenti une délégation de pouvoir pour le faire.

Cassation commerciale, 10 mai 2024, n° 22-20439

Article publié le 06 juin 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Klaus Vedfelt / Getty images

Contrats d’assurance : de nouveaux droits pour les entreprises ?

À l’avenir, les entreprises pourraient résilier certains contrats d’assurance sans attendre la date anniversaire.

Un projet de loi visant à simplifier la vie des entreprises, notamment en allégeant les obligations qui leur incombent et en supprimant un certain nombre de formalités qu’elles doivent accomplir, a été récemment déposé par les pouvoirs publics et devrait être prochainement examiné par le Parlement. Le renforcement des droits des entreprises vis-à-vis de leurs assureurs figure parmi les nombreuses mesures envisagées.

Obligation pour l’assureur de motiver la résiliation d’un contrat

Actuellement, l’assureur qui entend résilier unilatéralement un contrat n’est tenu de motiver sa décision que s’il s’agit d’un contrat d’assurance couvrant une personne physique en dehors de son activité professionnelle. Le projet de loi de simplification étend cette obligation aux contrats d’assurance souscrits par les entreprises.

Résiliation d’un contrat à tout moment

Le projet de loi de simplification prévoit également la faculté pour les petites entreprises de résilier à tout moment, après un délai d’un an, sans frais ni pénalités, leurs contrats d’assurance tacitement reconductibles couvrant les dommages aux biens à usage professionnel, et non plus seulement à la date anniversaire du contrat. Sachant que certaines garanties, qui seraient précisées par décret, seraient exclues de ce nouveau droit.

Rappel : les particuliers peuvent résilier, après un an de contrat, sans frais ni pénalités, certains de leurs contrats d’assurance tacitement reconductibles, à savoir les contrats d’assurance concernant l’automobile, l’emprunteur, la santé et l’habitation.

Accélération des délais d’indemnisation

Enfin, le projet de loi impose un délai maximal de 6 mois en cas de recours à une expertise et de 2 mois en l’absence d’expertise pour le versement de l’indemnité d’assurance. Les entreprises et les particuliers victimes d’un sinistre seraient ainsi plus rapidement indemnisés. Sachant que, là aussi, certaines garanties, à préciser par décret, seraient exclues de cette mesure.

Rappel : actuellement, sauf quelques exceptions, le versement des indemnisations d’assurance n’est encadré par aucun délai.

Art. 14, Projet de loi de simplification de la vie économique, n° 550, déposé au Sénat le 24 avril 2024

Article publié le 03 juin 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : skynesher / Getty Images

Quand une mise en demeure de payer le fermage n’est pas retirée

Lorsqu’elle n’est pas retirée par son destinataire, une lettre recommandée avec accusé de réception portant mise en demeure de payer les fermages est dénuée d’efficacité. L’action en résiliation du bail rural intentée ensuite par le bailleur pour défaut de paiement des fermages n’est donc pas recevable.

Le bailleur qui entend recouvrer un impayé de fermage doit envoyer à l’exploitant locataire une mise en demeure de payer par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR). Et attention, car si elle n’est pas retirée par son destinataire, cette lettre recommandée est dépourvue d’efficacité juridique. C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Confronté à plusieurs impayés de fermage, un bailleur avait délivré à son locataire une mise en demeure de payer par LRAR. Cette lettre n’ayant pas été retirée par ce dernier, et les sommes dues n’ayant pas été payées, le bailleur avait, trois mois plus tard (conformément au délai légal), agi en justice afin d’obtenir la résiliation du bail. Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause car ils ont estimé que, n’ayant pas été retirée, la lettre ne valait pas mise en demeure. Or dans la mesure où la mise en demeure constitue un acte préalable obligatoire à l’exercice d’une action en résiliation du bail, la procédure de résiliation du bail engagée par le bailleur n’était pas valable. Sévère ! En pratique, lorsqu’une LRAR n’est pas retirée, le bailleur a donc tout intérêt à réitérer sa sommation de payer en envoyant une mise en demeure, cette fois, par acte de commissaire de justice.

Rappel : le défaut de paiement du fermage par un exploitant agricole constitue une cause de résiliation de son bail rural. Mais attention, le bailleur n’est en droit d’obtenir en justice la résiliation du bail pour ce motif que si « deux défauts de paiement du fermage ont persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance ».

Cassation civile 3e, 14 décembre 2023, n° 22-16751

Article publié le 28 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : YorVen / Getty images

Frais bancaires des très petites entreprises : vers plus de transparence

Dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique, les pouvoirs publics souhaitent renforcer les droits des petites entreprises à l’égard de leur banque.

Il y a quelques semaines, les pouvoirs publics ont déposé un projet de loi visant à simplifier la vie des entreprises, notamment en allégeant les obligations qui leur incombent et en supprimant un certain nombre de formalités qu’elles doivent accomplir.

Un relevé annuel des frais bancaires

Dans ce cadre, ils entendent renforcer les droits des très petites entreprises vis-à-vis de leur banque. Ainsi, le projet de loi prévoit d’imposer aux banques l’envoi gratuit aux très petites entreprises – comme elles le font pour les particuliers – d’un relevé annuel des frais bancaires qu’elles leur prélèvent au titre des services et des produits bancaires utilisés dans le cadre de la gestion de leur compte. Cette information devrait être fournie aux entreprises de moins de 10 salariés qui dégagent un chiffre d’affaires annuel ou qui ont un total de bilan n’excédant pas 2 M€. Elle leur permettra ainsi de comparer plus facilement les tarifs pratiqués par les différents établissements bancaires.

À noter : le projet de loi prévoit une entrée en application de cette obligation le 1er janvier 2025.

La clôture gratuite d’un compte bancaire

Autre mesure inscrite dans le projet de loi, la clôture des comptes bancaires devra être gratuite, que le compte appartienne à une personne physique (un particulier, une entreprise individuelle) ou à une personne morale (une société, notamment). Actuellement, force est de constater que des frais sont parfois prélevés lors de la clôture d’un compte bancaire appartenant à une entreprise.

Art. 13, Projet de loi de simplification de la vie économique, n° 550, déposé au Sénat le 24 avril 2024

Article publié le 28 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : fizkes / Getty Images

Existence d’un droit de rétractation en cas d’achat dans une foire ou un salon

Nous avons décidé de participer pour la première fois à une foire commerciale. Les consommateurs qui achèteront nos produits sur notre stand bénéficieront-ils d’un droit de rétractation ?

En principe, un consommateur qui achète un bien à distance (sur internet ou par téléphone), par correspondance ou en dehors d’un établissement commercial a le droit de se rétracter pendant un délai de 14 jours. Toutefois, il ne bénéficie pas de ce droit lorsque l’achat est réalisé dans une foire ou un salon. En effet, les stands des professionnels qui y sont installés sont considérés comme des établissements commerciaux.Mais attention, ces professionnels ont l’obligation d’en informer clairement leurs clients avant toute conclusion d’un contrat, à la fois par un affichage sur le stand et dans un encadré figurant en tête du contrat.

Article publié le 27 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024

Apport du bail rural à une société : gare à l’accord préalable du bailleur !

La clause d’un bail rural qui prévoit, par avance, l’accord du bailleur pour l’apport en société de ce bail par le locataire n’est pas valable car elle ne permet pas d’identifier la société qui sera bénéficiaire de cette autorisation.

Un exploitant agricole ne peut faire apport de son bail rural à une société d’exploitation agricole ou à un groupement d’exploitants ou de propriétaires qu’avec l’agrément personnel du bailleur. Ce dernier doit donc pouvoir identifier la société bénéficiaire de l’apport avant de donner son accord à l’opération. Selon les juges, il en résulte que la clause d’un bail rural par laquelle le bailleur donne, par avance et de manière générale, son accord pour un potentiel apport de ce bail par le locataire à une société n’est pas valable car elle ne permet pas d’identifier la société bénéficiaire de cet accord. De surcroît, les juges ont précisé que dans la mesure où une telle clause est contraire à une disposition légale dite « d’ordre public », l’action en justice du bailleur visant à la faire déclarer illicite n’est soumise à aucune prescription et peut donc être engagée à n’importe quel moment du bail.

À noter : la clause selon laquelle le bailleur autorise par avance l’apport du bail rural à une société est licite dès lors qu’elle précise d’emblée le nom de la société qui sera susceptible d’en bénéficier.

Cassation civile 3e, 8 février 2024, n° 22-16422

Article publié le 14 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Andy Sacks / Getty images

L’appréciation de la disproportion d’un cautionnement

Pour faire valoir qu’un cautionnement est proportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, une banque ne peut pas se prévaloir d’une fiche de renseignements patrimoniaux signée par l’intéressé après que le cautionnement a été souscrit.

Lorsqu’un cautionnement souscrit par une personne physique (par exemple, un dirigeant pour garantir un prêt contracté par sa société auprès d’une banque) était, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné par rapport à ses biens et à ses revenus, le créancier (la banque) ne peut pas s’en prévaloir en totalité. En effet, ce cautionnement est alors réduit au montant à hauteur duquel la caution (le dirigeant) pouvait s’engager à la date à laquelle il a été souscrit.

Précision : cette limite ne s’applique pas si le patrimoine de la caution (le dirigeant) lui permet, au moment où la banque lui demande de payer en lieu et place du débiteur (la société), de faire face à son obligation.

Pour apprécier si un cautionnement est disproportionné ou non, la banque doit s’enquérir de la situation financière et patrimoniale de la caution. En pratique, le plus souvent, les banques font remplir à la caution une fiche de renseignements patrimoniaux. À ce titre, les juges viennent d’affirmer qu’une banque ne peut pas se prévaloir d’une fiche de renseignements qui a été signée par la caution après que le cautionnement a été souscrit. Dans cette affaire, la caution avait remis la fiche de renseignements patrimoniaux à la banque un mois après la souscription du cautionnement. Cette dernière n’a donc pas été admise à se prévaloir de cette fiche pour s’opposer à la disproportion, invoquée par la caution, du cautionnement qu’elle avait souscrit.

Cassation commerciale, 13 mars 2024, n° 22-19900

Article publié le 13 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Bloom Productions

Peut-on réclamer les intérêts légaux en sus des pénalités de retard ?

Une entreprise n’est pas en droit de réclamer à un client professionnel qui n’a pas payé une facture dans les délais impartis à la fois les pénalités de retard prévues dans ses conditions générales de vente et les intérêts de retard au taux légal prévus par le Code civil.

La loi (le Code de commerce) impose aux entreprises de prévoir des pénalités de retard à l’encontre de leurs clients professionnels en cas de paiement de factures hors délai. Les modalités d’application et le taux de ces pénalités devant être précisés dans leurs conditions générales de vente (CGV). À noter que ces pénalités sont dues de plein droit dès que le paiement a lieu après la date mentionnée sur la facture, sans même qu’un rappel soit nécessaire.

Précision : les entreprises sont libres de fixer le taux des pénalités de retard. Seule obligation, ce taux ne peut pas être inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal, soit à 15,21 % pour le premier semestre 2024 (5,07 % x 3). Sachant que si l’entreprise n’a pas prévu de pénalités de retard dans ses CGV, le taux des pénalités de retard qui s’applique est alors le taux de refinancement de la Banque centrale européenne (taux « refi ») majoré de 10 points. Ce taux étant de 14,5 % pour le premier semestre 2024 puisque le taux de refinancement de la BCE était de 4,5 % au 1er janvier 2024.

À ce titre, la Cour de cassation a estimé récemment que les pénalités de retard prévues par le Code de commerce constituent un intérêt moratoire et qu’elles sont donc de même nature que l’intérêt légal prévu par le Code civil, à savoir réparer le préjudice subi par un créancier en cas de retard de paiement d’un débiteur. Il en résulte qu’une entreprise n’est pas en droit de réclamer, en plus des pénalités de retard prévues dans ses conditions générales de vente, les intérêts de retard au taux légal prévus par le Code civil.

Cassation commerciale, 24 avril 2024, n° 22-24275

Article publié le 10 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : erdikocak / Getty Images

Un entrepreneur peut-il réclamer le paiement du coût de travaux supplémentaires ?

Lorsqu’un entrepreneur réclame à un client le paiement du coût de travaux supplémentaires, il lui appartient de prouver que ce dernier a consenti à l’exécution de ces travaux et au prix demandé.

L’entrepreneur qui réclame le paiement du prix de travaux doit prouver le consentement de son client à l’exécution de ces travaux et au prix demandé. Application de ce principe vient d’être faite dans l’affaire récente suivante. Une société (le maître d’ouvrage) avait chargé une société de construction de réaliser certains travaux dans le cadre de l’édification d’un bâtiment. Des travaux supplémentaires de pose de pierres et de granit à vocation décorative, non prévus initialement, ayant été effectués, la société de construction avait réclamé au client le paiement du coût de ces travaux. Mais ce dernier avait refusé de les payer. L’entreprise de construction avait alors fait valoir que le client avait eu connaissance du prix des travaux supplémentaires, malgré l’absence de devis signé, compte des relations amicales qu’elle entretenait avec lui, et qu’en outre, il avait payé partiellement ce prix, ce qui démontrait son acceptation. Saisis du litige, les juges ont donné raison au maître d’ouvrage. En effet, après avoir rappelé le principe selon lequel celui qui réclame le paiement de travaux doit prouver le consentement de son client à l’exécution de ceux-ci au prix demandé, ils ont affirmé que la preuve de ce consentement ne peut pas résulter du seul silence gardé par le client à réception d’une facture ni du paiement partiel du prix. En conséquence, la société de construction n’était pas en droit de réclamer le coût des travaux supplémentaires à son client.

Cassation civile 3e, 18 janvier 2024, n° 22-14705

Article publié le 02 mai 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Skynesher / Getty images