Commerces fermés en raison du Covid et défaut de paiement des loyers

Un commerçant ne peut pas se dispenser de payer les loyers pendant les périodes de fermeture en raison du Covid-19 en invoquant une clause du bail prévoyant la suspension des loyers dans les seuls cas où le local est indisponible par la faute du bailleur ou lorsqu’une circonstance exceptionnelle affecte le local.

Pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, de nombreux commerces ont fait l’objet d’une mesure d’interdiction de recevoir du public, notamment lors du premier confinement au printemps 2020. Dans ce contexte, certains commerçants impactés se sont cru autorisés à cesser de payer leurs loyers pendant les périodes de fermeture. Des actions en justice ont alors été engagées par les bailleurs. Et dans plusieurs décisions du 30 juin 2022, les juges de la Cour de cassation ont estimé qu’aucun des arguments avancés par les locataires (la force majeure, la perte du local loué, le manquement du bailleur à son obligation de délivrance) ne justifiait un refus de paiement des loyers. À ce titre, dans deux affaires récentes, deux commerçants exploitant, chacun, une résidence de tourisme avaient invoqué en justice la clause de suspension des loyers présente dans leur bail commercial respectif pour justifier leur défaut de paiement des loyers au titre des périodes pendant lesquelles ils avaient dû fermer la résidence. Plus précisément, la clause prévue dans l’un des contrats stipulait « qu’en cas d’indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement des loyers serait suspendu ». La clause figurant dans l’autre contrat prévoyait, quant à elle, que « dans le cas où la non location du bien résulterait (…) de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles que l’incendie de l’immeuble, etc…) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, le loyer ne serait pas payé jusqu’au mois suivant la fin du trouble de jouissance ». Mais cette fois encore, la Cour de cassation n’a pas donné gain de cause aux commerçants. En effet, pour elle, les clauses invoquées par ces derniers ne pouvaient trouver application que si le local loué était indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou bien s’il était affecté par la survenance de circonstances exceptionnelles. Or ce n’était pas le cas en l’occurrence puisque les résidences avaient dû fermer pour des raisons qui ne dépendaient pas du bailleur et qui n’affectaient pas les locaux eux-mêmes.

Cassation civile 3e, 23 novembre 2022, n° 21-21867Cassation civile 3e, 23 novembre 2022, n° 22-12753

Article publié le 20 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Quand le bailleur s’oppose au renouvellement du bail rural sans délivrer de congé

Lorsque l’exploitant locataire n’est pas en règle avec le contrôle des structures, le bailleur est en droit de s’opposer au renouvellement du bail rural et ce, même sans délivrer un congé à cette fin.

Lorsqu’un bail rural arrive à expiration, l’exploitant locataire a droit, en principe, au renouvellement automatique de celui-ci. Toutefois, le bailleur peut, dans certains cas, s’opposer au renouvellement du bail. Tel est le cas : lorsque le locataire a atteint l’âge de la retraite ; lorsque le bailleur entend exercer son droit de reprise pour exploiter les terres louées ou pour les faire exploiter par un membre de sa famille ; lorsqu’il invoque un motif grave à l’encontre du locataire de la même nature que ceux pouvant justifier la résiliation du bail (défaut de paiement du fermage, agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds…). Et les juges considèrent également que le bailleur est en droit de faire obstacle au renouvellement du bail lorsque le locataire n’est pas en règle avec le contrôle des structures. C’est ce qu’ils viennent de réaffirmer dans l’affaire récente suivante, avec la particularité que le bailleur n’avait pas ici délivré de congé à cette fin au locataire. Dans cette affaire, quelques mois avant la fin du bail, un bailleur avait délivré à son locataire un congé pour reprise en vue d’exploiter personnellement le fonds loué. Ce dernier avait alors contesté la validité de ce congé car, selon lui, le bailleur ne remplissait pas les conditions requises pour exercer la reprise. En réplique, le bailleur avait fait valoir que le locataire n’était pas en règle au regard du contrôle des structures et qu’il ne pouvait donc pas prétendre au renouvellement du bail. La cour d’appel avait donné gain de cause au locataire : elle avait donc annulé le congé pour reprise et rejeté la demande du bailleur relative au non-renouvellement du bail. Saisie à son tour, la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. En effet, elle a reproché à cette dernière de ne pas avoir regardé si le locataire était ou non en règle avec le contrôle des structures (en l’occurrence, il était pluri-actif et pouvait, à ce titre, avoir besoin d’une autorisation d’exploiter) et s’il pouvait donc bénéficier du renouvellement de son bail. Et de préciser que la nullité du congé pour reprise envoyé par le bailleur n’entraîne pas automatiquement le renouvellement du bail.

Commentaire : il convient de déduire de cette décision que le bailleur peut s’opposer au renouvellement du bail sans avoir besoin de formaliser un congé à cette fin lorsque le locataire n’est pas en règle avec le contrôle des structures (et, en extrapolant, lorsque le locataire ne remplit pas l’une des conditions exigées pour avoir droit au renouvellement, comme celle de disposer des moyens nécessaires, celle d’habiter non loin du fonds loué et, plus généralement, celle d’être mesure d’exploiter personnellement le fonds loué pendant les 9 années suivant le renouvellement). À confirmer toutefois…

Cassation civile 3e, 7 septembre 2022, n° 21-15027

Article publié le 20 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Les cessions de parts de sociétés agricoles détenant du foncier sous contrôle !

Instauré par une loi votée il y a un an, le contrôle administratif des cessions de parts ou d’actions de sociétés qui détiennent ou exploitent des terres agricoles va pouvoir bientôt s’appliquer.

Pour lutter contre la concentration excessive de foncier agricole entre les mains d’une même société, les pouvoirs publics ont instauré, par une loi datant du 23 décembre 2021 (la loi dite « Sempastous  »), un contrôle administratif des cessions de parts ou d’actions de sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles. Mais pour que ce contrôle puisse s’appliquer, un décret d’application de la loi était attendu. Avec un certain retard, ce décret vient d’être publié. Le dispositif va donc pouvoir bientôt entrer en vigueur. Explications.

Une autorisation préfectorale

Jusqu’alors, les transferts partiels de parts sociales ou d’actions de sociétés agricoles échappaient au regard de l’administration et au droit de préemption de la Safer. Ces opérations permettaient ainsi à certaines sociétés de prendre possession d’importantes surfaces agricoles en toute liberté. Avec l’entrée en application du nouveau dispositif, la prise de contrôle, via l’acquisition de parts sociales ou d’actions, d’une société possédant ou exploitant des terres à usage ou à vocation agricole par une personne physique ou par une autre société qui détient déjà des terres agricoles au-delà d’une certaine superficie sera désormais soumise à une autorisation préalable du préfet du département concerné. Il en sera de même lorsque la superficie totale détenue par cette personne ou par cette société viendra à excéder ce seuil à l’issue de la prise de contrôle. Le seuil (on parle de « seuil d’agrandissement significatif ») à partir duquel l’autorisation sera requise sera fixé, par région naturelle ou par territoire ayant une certaine cohérence agricole, par un arrêté pris par le préfet de région après avis de la chambre régionale d’agriculture. Il sera compris entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne (SAURM) fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) et sera réexaminé tous les 5 ans au plus tard. En pratique, les premiers contrôles s’appliqueront aux cessions de parts sociales (ayant pour conséquence une prise de contrôle de la société et le dépassement du seuil d’agrandissement significatif) qui seront réalisées à compter du délai d’un mois après la date d’entrée en vigueur de l’arrêté préfectoral. Cette date sera donc variable d’un territoire à un autre.

À noter : ne seront pas soumises à autorisation :

– les transmissions à titre gratuit (donation, succession) ;

– les cessions de parts ou d’actions au profit d’un conjoint (époux ou partenaire de Pacs) ou d’un parent à condition que ces personnes s’engagent à participer effectivement à l’exploitation des biens agricoles et à conserver les parts ou actions pendant 9 ans ou à les donner en location à un fermier qui s’engage à les exploiter pendant 9 ans ;

– les cessions réalisées entre associés exploitants qui détiennent des parts de la société depuis au moins 9 ans.

 

L’instruction des dossiers par la Safer

En pratique, les demandes d’autorisation devront être adressées à la Safer territorialement compétente qui sera chargée de les examiner au nom du préfet. Elle disposera d’un délai de 2 mois pour délivrer un avis et le transmettre au préfet. Et c’est ce dernier qui, ensuite, délivrera ou non l’autorisation requise. Sachant qu’il pourra autoriser l’opération à condition qu’une compensation soit fournie. Ainsi, le préfet pourra donner son autorisation sous réserve qu’une partie des terres que la société ou l’acquéreur des parts détient soit libérée au profit d’un agriculteur qui s’installe ou qui a besoin de consolider son exploitation.

Décret n° 2022-1515 du 2 décembre 2022, JO du 4

Article publié le 13 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Un nouveau dispositif d’assurance récolte en 2023

Le nouveau système d’indemnisation des pertes de récolte dues aux évènements climatiques (gel, grêle, tempêtes…) entrera en vigueur en 2023.

Les exploitants agricoles le savent sûrement : le système actuel d’indemnisation des pertes de récolte dues aux évènements climatiques (gel, grêle, tempêtes…) a été revu et corrigé. Cette importante réforme, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2023, instaure un régime universel d’indemnisation et met fin à l’actuel dispositif des calamités agricoles. Dans un contexte où les risques climatiques se multiplient, elle a pour objet de mieux indemniser les agriculteurs victimes de sinistres. Plus précisément, le nouveau système mis en place repose à la fois sur l’assurance récolte facultative nouvelle formule et subventionnée et sur une indemnisation par la solidarité nationale via le fonds de solidarité nationale (FSN).

Trois niveaux de risques

Ainsi, le nouveau dispositif distingue trois niveaux de risques : les pertes de faible ampleur, qui resteront assumées par l’exploitant agricole ; les pertes de moyenne ampleur, qui seront prises en charge, au-delà de la franchise, par l’assurance multirisques climatiques (ou assurance récolte) subventionnée, désormais ouverte à toutes les cultures, que l’exploitant agricole aura souscrite ; et les pertes exceptionnelles, qui seront indemnisées par l’État au titre de la solidarité nationale via le FSN, même au profit des agriculteurs non assurés.

Précision : les exploitants qui n’auront pas souscrit d’assurance-récolte seront moins bien indemnisés par l’État, au titre de la solidarité nationale, que les assurés car ils se verront appliquer une décote. Les pouvoirs publics misent d’ailleurs sur ce système de décote pour inciter les agriculteurs à souscrire une assurance.

Les seuils de pertes de récolte à partir desquels se déclencheront l’assurance récolte et la solidarité nationale, ainsi que les taux de subvention de la prime d’assurance, d’indemnisation et de décote pour les non-assurés, ont été fixés par décret, après avis de la commission chargée de l’orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes. Ainsi, en 2023, le seuil de déclenchement de l’assurance récolte est de 20 % de pertes, le taux de la subvention de la prime d’assurance étant de 70 %. Le seuil de déclenchement de l’indemnisation du FSN est, quant à lui, de 30 % (prairies, arboriculture, plantes à parfum aromatiques et médicinales, horticulture, maraîchage, pépinières, apiculture, aquaculture, héliciculture) ou de 50 % (grandes cultures, viticulture) de pertes. Et les taux d’indemnisation du FSN pour les assurés et les non-assurés sont respectivement de 90 % et de 45 % des pertes. Pour les non-assurés, ce taux sera ensuite de 40 % en 2024 et de 35 % en 2025 pour une grande partie des cultures.

Les surfaces minimales à assurer

Pour bénéficier de la subvention de 70 % de la prime d’assurance, le contrat d’assurance récolte devra être souscrit pour 95 % au moins de la superficie de la nature de récolte concernée (par exemple, pour une superficie de 100 hectares d’orge, un minimum de 95 hectares devra être assuré). Sachant que pour le groupe de cultures « grandes cultures, cultures industrielles et cultures légumières (hors maraîchage diversifié) », ce taux de couverture ne sera que de 70 %.

Un guichet unique

Autre nouveauté, les dossiers de demande d’indemnisation seront déposés auprès d’un guichet unique, ce qui facilitera les démarches des agriculteurs. Ce guichet unique sera tenu par les assureurs eux-mêmes, qui verseront à la fois les indemnités dues au titre de l’assurance récolte et celles dues au titre de la solidarité nationale. Pour les exploitants qui ne seront pas assurés, l’indemnité du FSN sera versée par l’État ou par un interlocuteur agréé par ce dernier et choisi par l’exploitant.

Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022, JO du 3Ordonnance n° 2022-1075 du 29 juillet 2022, JO du 30Décret n° 2022-1427 du 10 novembre 2022, JO du 13

Article publié le 06 décembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Renouvellement du bail rural au profit d’un seul des conjoints colocataires

L’exploitant qui n’a pas informé le bailleur de la cessation de son conjoint colocataire à la participation de l’exploitation n’encourt pas la résiliation du bail qui s’est renouvelé à son nom.

Lorsque deux époux sont cotitulaires d’un bail rural et que l’un d’eux cesse de participer à l’exploitation des terres louées, par exemple à la suite d’un divorce ou de son départ à la retraite, celui qui continue à exploiter dispose d’un délai de 3 mois pour demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom. Le bailleur ne peut alors s’y opposer qu’en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux dans les 2 mois qui suivent.

Précision : cette règle est applicable aux baux conclus depuis plus de 3 ans, sauf si la cessation d’activité de l’un des colocataires résulte d’un cas de force majeure. Si le bail rural a moins de 3 ans, la régularisation au profit de celui qui continue à exploiter n’est pas juridiquement prévue.

Et attention, si le locataire « restant » s’abstient d’accomplir cette formalité, le bailleur est alors en droit d’obtenir du juge qu’il prononce la résiliation du bail, et ce sans avoir à démontrer que le départ de l’autre colocataire lui a causé un préjudice. Toutefois, lorsque, postérieurement au départ de l’un des époux colocataires, le bail s’est renouvelé au profit de l’autre époux, le bailleur n’est alors plus en droit d’agir en résiliation. En effet, ce dernier n’est pas fondé à se prévaloir d’un manquement commis antérieurement au renouvellement du bail, c’est-à-dire au cours du bail précédent. C’est ce que les juges ont considéré dans une affaire récente. En l’espèce, l’épouse colocataire avait pris sa retraite en 2005, les différents baux s’étaient renouvelés au profit du seul mari, l’un en 2012 et l’autre en 2008 puis en 2017, et le bailleur n’avait saisi le tribunal d’une action en résiliation qu’en 2018.

Rappel : la loi prévoit qu’en cas de départ de l’un des époux (ou de l’un des partenaires de Pacs) cotitulaires du bail, le conjoint (ou le partenaire) qui poursuit l’exploitation a droit au renouvellement du bail.

Cassation civile 3e, 6 juillet 2022, n° 21-12833

Article publié le 15 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Les tickets de caisse papier, c’est bientôt fini !

À compter du 1er janvier 2023, l’impression et la distribution systématiques de tickets de caisse seront interdites dans les commerces.

Le 1er janvier prochain, la délivrance systématique de tickets de caisse papier dans les surfaces de vente et dans les établissements recevant du public sera interdite. Il en sera de même pour les tickets de carte bancaire, les bons d’achat et les tickets promotionnels. Les commerçants ne pourront donc les imprimer que si le client en fait la demande.

À noter : prévue par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage, cette mesure a également pour objet de préserver la santé des personnes car les tickets contiennent des substances dangereuses.

Par exception, les tickets de caisse relatifs à l’achat de biens « durables » (électroménager, téléphonie, informatique…) et les tickets de carte bancaire retraçant des opérations annulées ou faisant l’objet d’un crédit resteront autorisés au format papier. Les commerçants vont donc devoir s’adapter à ce changement. La transmission des tickets par SMS ou courriel constitue évidemment une alternative. Mais elle implique de disposer d’un logiciel de caisse adapté et de recueillir le consentement du client pour pouvoir utiliser son numéro de mobile ou son adresse électronique.

Art. 49, loi n° 2020-105 du 10 février 2020, JO du 11

Article publié le 15 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

L’acceptation d’une clause figurant dans les conditions générales de vente d’une entreprise

Pour que les conditions générales de vente d’une entreprise puissent avoir des effets à l’égard d’un client, elles doivent avoir été portées à la connaissance de ce dernier et acceptées par celui-ci.

Une entreprise ne peut invoquer et faire respecter l’application de ses conditions générales de vente (CGV) par un client que si ce client en a eu connaissance et les a acceptées. En cas de litige avec un client en la matière, l’entreprise doit donc être en mesure de prouver non seulement que ses CGV ont été portées à sa connaissance, mais également qu’il en a accepté le contenu. Elle doit donc recueillir clairement l’accord du client sur ses CGV avant qu’il ne passe commande. En pratique, il convient donc de faire signer au client un document faisant expressément référence aux CGV. Ainsi, dans une affaire récente, dans le cadre de l’exécution d’un contrat, un sous-traitant avait commandé des menuiseries extérieures à un fournisseur. Plusieurs panneaux s’étant révélés défectueux, le sous-traitant avait demandé au fournisseur de les remplacer. Et, du coup, comme la réalisation des travaux avait pris du retard et que des pénalités de retard avaient été infligées au sous-traitant, il avait également demandé réparation de son préjudice au fournisseur. Ce dernier avait alors refusé en lui opposant une clause du contrat qui limitait sa responsabilité au seul remplacement des panneaux défectueux. Le sous-traitant a alors saisi la justice. Et les juges ont rejeté sa demande car ils ont estimé que le sous-traitant avait eu connaissance de la clause limitative de responsabilité et l’avait acceptée. En effet, l’offre du fournisseur comportait, au recto, une référence à ses conditions générales de vente figurant au verso, conditions générales dans lesquelles figurait une clause limitant sa responsabilité « au remplacement pur et simple de la marchandise à l’exception de tous autres frais et indemnités de quelque nature que ce soit ». Et c’est à la suite de cette offre que le sous-traitant avait commandé au fournisseur les panneaux litigieux. De surcroît, ce dernier n’expliquait aucunement pourquoi il n’aurait pas connu cette limitation de la responsabilité contractuelle du fournisseur.

Cassation commerciale, 14 septembre 2022, n° 20-20736

Article publié le 10 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

La reprise par le bailleur des terres louées après le décès du locataire

Le bailleur qui, à la suite du décès de l’exploitant locataire, reprend les terres louées sans respecter la procédure de résiliation du bail commet une faute à l’égard du conjoint survivant qui entendait poursuivre l’exploitation et doit donc l’indemniser.

Au décès d’un exploitant agricole, le bail rural dont il était titulaire a vocation à se poursuivre au profit de son conjoint ou de son partenaire de Pacs, de ses ascendants et de ses descendants qui participent à l’exploitation ou qui y ont participé au cours des 5 années précédant le décès. Sachant que si aucun d’entre eux ne remplit cette condition, le bailleur est alors en droit de faire résilier le bail en le demandant au juge dans les 6 mois qui suivent le décès. À ce titre, dans une affaire récente, au décès de son locataire, un bailleur avait repris possession des terres louées sans avoir respecté cette procédure de résiliation. L’épouse du défunt, qui entendait poursuivre l’exploitation, avait alors agi contre le bailleur en vue d’être indemnisée du préjudice ainsi subi. Et elle a obtenu gain de cause. En effet, les juges ont estimé qu’en ayant évincé l’épouse du locataire décédé sans avoir demandé en justice la résiliation du bail, le bailleur avait commis une faute à son égard ayant engagé sa responsabilité. Il devait donc indemniser l’intéressée, en l’occurrence, selon les juges, du préjudice représentant « pour chaque année culturale, les revenus qu’elle aurait pu retirer de l’exploitation des parcelles affermées ».

À noter : dans cette affaire, il y a lieu de penser que l’épouse du locataire décédé ne remplissait pas la condition de participation à l’exploitation des terres louées au cours des 5 années ayant précédé le décès. Sinon, elle aurait été en droit de faire valoir que le bail s’était poursuivi à son profit.

Cassation civile 3e, 13 avril 2022, n° 20-21997

Article publié le 08 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Bail rural verbal : l’application du bail-type départemental

Les baux ruraux conclus verbalement sont régis de plein droit par le bail-type départemental. Seul un bail écrit « complet » permettrait aux parties d’échapper totalement à son application.

Très fréquents, les baux ruraux qui sont conclus sans écrit sont régis de plein droit par les dispositions du bail-type arrêté par le préfet dans chaque département. Et attention, seul un bail écrit « complet » permet aux parties d’échapper totalement à l’application du bail-type départemental. C’est ce qu’il ressort d’une décision de justice récente. Dans cette affaire, un bailleur et un locataire étaient liés par un bail purement verbal. Au cours du bail, ils avaient conclu un avenant écrit portant sur le montant du fermage. Quelque temps plus tard, le bailleur avait délivré un congé au locataire en se fondant sur la clause de reprise prévue dans le bail-type départemental. Ce dernier avait alors contesté la validité de ce congé. En effet, il faisait valoir qu’en ayant signé un avenant écrit en cours de bail, le bailleur et lui avaient abandonné le bail verbal. Et donc que le bail-type départemental – et sa clause de reprise – n’avait plus à s’appliquer. Mais pour les juges, l’avenant signé par les parties, qui avait seulement pour objet d’apporter un ajustement au fermage, ne constituait pas en lui-même un bail écrit complet. Hormis cet ajustement, le bail-type départemental, avec sa clause de reprise, continuait donc à s’appliquer.

Cassation civile 3e, 24 novembre 2021, n° 20-20186

Article publié le 02 novembre 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Un droit de préemption sur des terrains agricoles pour préserver la ressource en eau

Instauré il y a quelques années, le droit de préemption portant sur les surfaces agricoles situées dans une aire de captage d’eau pour l’alimentation de la consommation humaine devient effectif.

On se souvient qu’un droit de préemption portant sur des surfaces agricoles situées, en tout ou partie, dans une aire d’alimentation de captage d’eau destinée à la consommation humaine avait été instauré par une loi de 2019 au profit des communes. L’objectif étant de préserver la qualité de la ressource en eau destinée à la consommation humaine. Mais pour que ce droit de préemption puisse effectivement s’appliquer, un décret précisant ses conditions d’application devait être pris. C’est désormais chose faite. Ainsi, ce droit de préemption peut être institué par le préfet, après avis de la chambre d’agriculture et de la Safer concernées, au profit d’une commune, d’un groupement de communes ou d’un syndicat mixte compétent pour la gestion de l’eau. Il pourra ensuite être exercé en cas de vente d’un terrain ou d’un bâtiment à usage agricole, de terrains nus à vocation agricole (y compris les friches) ou de bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole dès lors qu’ils seront situés dans la zone concernée. En pratique, ce droit de préemption est calqué, peu ou prou, sur celui des Safer. Ainsi, lorsqu’un terrain situé dans le périmètre du droit de préemption sera mis en vente, une déclaration d’intention d’aliéner devra être adressée au titulaire de ce droit (la commune, le groupement de communes, le syndicat mixte ou son délégataire). Ce dernier disposera ensuite d’un délai de 2 mois pour exercer son droit de préemption. Son silence à l’expiration de ce délai valant renonciation à préempter. S’ils sont préemptés, les terrains seront intégrés dans le domaine privé de la commune en vue d’une exploitation agricole compatible avec l’objectif de préservation de la ressource en eau. Ainsi, lorsqu’ils seront par la suite donnés à bail, cédés ou mis à disposition de la Safer, le contrat devra comporter des clauses ou des obligations environnementales permettant d’assurer cet objectif.

Précision : ce nouveau droit de préemption prime celui de la Safer dans la mesure où ses titulaires sont des collectivités publiques ou des établissements publics. En revanche, il ne prévaut pas sur le droit de préemption urbain ni sur celui applicable dans les espaces naturels sensibles.

Décret n° 2022-1223 du 10 septembre 2022, JO du 11

Article publié le 18 octobre 2022 – © Les Echos Publishing 2022