Droit de préemption du locataire commercial : et les locaux industriels ?

Les locaux à usage industriel sont exclus du droit de préemption dont bénéficie l’exploitant d’un local loué par bail commercial en cas de vente de ce local.

En principe, l’exploitant titulaire d’un bail commercial sur le local dans lequel il exerce son activité bénéficie d’un droit dit « de préemption » ou « de préférence » qui lui permet d’acquérir en priorité ce local lorsqu’il est mis en vente. Mais ce droit de préemption n’existe pas lorsque le local loué est à usage industriel. C’est ce que les juges ont réaffirmé dans une affaire récente concernant un local loué par bail commercial à une société qui fabriquait des éléments de construction, en l’occurrence des agglomérés. Ce local ayant été mis en vente sans que le bailleur ait mis le locataire en mesure d’exercer le droit de préemption, ce dernier avait demandé l’annulation de la vente. Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause.

Pas de droit de préemption pour des locaux à usage industriel

En effet, ils ont rappelé que les locaux à usage industriel sont exclus du droit de préemption existant pour les baux commerciaux. Et ils ont donné une définition du local à usage industriel, à savoir « un local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant ».Pour les juges, les locaux considérés n’étaient pas à usage commercial mais à usage industriel car :
– d’une part, ils étaient notamment destinés à un usage de fabrication d’agglomérés ;
– d’autre part, l’extrait du registre du commerce et des sociétés de la société locataire mentionnait les activités de « préfabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite, plancher murs et autres » ainsi que de « fabrication de hourdis, blocs et pavés béton » ;
– et enfin, l’activité de négoce, également exercée sur le site et dont la société locataire se prévalait pour bénéficier du droit de préemption, n’était qu’accessoire.

Cassation civile 3e, 29 juin 2023, n° 22-16034

Article publié le 05 septembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Jung Getty

Incidences du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite sur la durée des baux ruraux

La réforme des retraites, qui relève l’âge légal de départ à la retraite, ne va-t-elle pas nécessairement avoir des incidences sur la durée des baux ruraux en cours des exploitants locataires âgés ?

Oui. Car lorsqu’il se trouve à moins de cinq ans de l’âge légal lui permettant de partir à la retraite ou de l’âge lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein, l’exploitant locataire peut s’opposer à la reprise des terres louées par son bailleur et bénéficier de plein droit d’une prorogation de son bail pour une durée lui permettant d’atteindre cet âge. Avec le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, cette prorogation peut donc, selon les cas, s’allonger.

Article publié le 31 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023

Agir en garantie des vices cachés : dans quel délai ?

L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de 20 ans à compter du jour de la vente.

Le vendeur d’un bien est tenu de garantir l’acheteur contre les vices cachés de ce bien. Le vice caché étant un défaut non visible mais existant au moment de l’achat et qui apparaît ensuite, rendant le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou l’aurait acquis à un prix moins élevé.

Précision : la garantie des vices cachés s’applique à tous les biens, mobiliers et immobiliers, neufs ou d’occasion, vendus par un professionnel ou par un particulier.

Ainsi, s’il s’avère que le bien vendu est atteint d’un vice caché, l’acheteur peut demander, si besoin au juge, l’annulation de la vente. Dans ce cas, il rend le bien au vendeur et celui-ci lui rembourse la totalité du prix. Mais plutôt que l’annulation de la vente, l’acheteur peut préférer demander une diminution du prix. Il garde alors la chose, mais le vendeur lui restitue une partie de la somme versée.

20 ans à compter de la vente

L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de 2 ans qui court à compter de la découverte du défaut. Mais attention, elle est également enfermée dans un délai de 20 ans qui court à compter du jour de la vente. C’est ce que la Cour de cassation a solennellement affirmé dans plusieurs arrêts en date du 21 juillet dernier, ce qui met fin à une certaine incertitude en la matière car des décisions contradictoires avaient été rendues par les juges au cours de ces dernières années.

À noter : dans un communiqué, la Cour de cassation explique qu’en consacrant un délai butoir de 20 ans pour encadrer l’action en garantie des vices cachés, elle établit « un équilibre entre la protection des droits des acheteurs, qui ne doivent pas perdre leur droit d’agir lorsqu’ils découvrent tardivement un vice caché » et « les impératifs de la vie économique, qui imposent que l’on ne puisse rechercher indéfiniment la garantie d’un vendeur ou d’un professionnel ».

Un délai qui peut être suspendu

Dans l’un des arrêts rendus le 21 juillet dernier, la Cour de cassation a également précisé que le délai de 2 ans pour agir en garantie des vices cachés est suspendu lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée par le juge, et ce jusqu’au jour où le rapport de l’expert est déposé.

Cassation ch. mixte, 21 juillet 2023, n° 21-17789Cassation ch. mixte, 21 juillet 2023, n° 21-15809Cassation ch. mixte, 21 juillet 2023, n° 20-10763Cassation ch. mixte, 21 juillet 2023, n° 21-19936

Article publié le 24 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Borys Shevchuk

Baux ruraux : nouvelle forte hausse du montant des fermages

L’indice national qui sert à actualiser le montant des fermages des terres et des bâtiments agricoles augmente de 5,63 % en 2023.

L’indice national des fermages, qui permet d’actualiser chaque année le montant du loyer des terres agricoles et des bâtiments d’exploitation, est en hausse de 5,63 % en 2023 par rapport à 2022 (116,46 contre 110,26), ce qui constitue un record depuis 2019 (date de la création de l’indice). Les sommes à verser aux propriétaires au titre des fermages vont donc encore augmenter cette année, et ce de manière très significative. En effet, cette hausse, très importante cette année, est la cinquième consécutive puisqu’elle fait suite à celle, déjà forte, de l’an dernier (+ 3,55 %), à celle de 2021 (+ 1,09 %), à celle de 2020 (+ 0,55 %) et à celle de 2019 (+ 1,66 %). Le montant du fermage pour la période allant du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024 sera donc égal à : loyer par hectare 2022 x 116,46/110,26.

Rappel : l’indice national des fermages est calculé en fonction de l’évolution du revenu brut d’entreprise agricole national à l’hectare sur 5 ans à hauteur de 60 % et de l’évolution, à hauteur de 40 %, du niveau général des prix de l’année précédente.

Arrêté du 18 juillet 2023, JO du 21

Article publié le 16 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : ahavelaar

L’entrée en vigueur de la facturation électronique est reportée sine die !

La généralisation de la facturation électronique dont l’entrée en vigueur était prévue le 1er juillet 2024 est reportée à une date qui sera fixée ultérieurement par la loi de finances pour 2024.

À la surprise générale, les pouvoirs publics ont annoncé, au cœur de l’été (le 28 juillet dernier), leur décision de reporter à une date ultérieure l’entrée en vigueur de la facturation électronique, et ce « afin de donner le temps nécessaire à la réussite de cette réforme structurante pour l’économie » et « de garantir aux 4 millions d’entreprises concernées un passage à la facturation électronique dans les meilleures conditions possibles ». La nouvelle date d’entrée en application du dispositif sera définie dans le cadre de la loi de finances pour 2024. Rappelons que cette réforme devait entrer progressivement en vigueur selon le calendrier suivant : réception de factures électroniques : obligatoire pour tous les assujettis, quelle que soit la taille de l’entreprise, à compter du 1er juillet 2024 ; émission de factures électroniques et e-reporting (transmission des données de transaction) : obligatoire à compter du 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises et les assujettis uniques (groupes TVA) ; obligatoire à compter du 1er janvier 2025 pour les ETI ; obligatoire à compter du 1er janvier 2026 pour les PME et les microentreprises. Selon les pouvoirs publics, la réforme a pour objectif de renforcer la compétitivité des entreprises grâce à l’allègement de la charge administrative et aux gains de productivité résultant de la dématérialisation, de simplifier, à terme, leurs obligations déclaratives en matière de TVA grâce au pré-remplissage des déclarations, de renforcer la lutte contre la fraude, au bénéfice des opérateurs économiques de bonne foi et d’une concurrence loyale, ainsi que d’améliorer la connaissance, en temps réel, de l’économie des entreprises. Mettant en avant le manque de préparation des entreprises, les organisations patronales ont donc réussi à retarder l’entrée en vigueur de cette importante réforme. Ainsi, les entreprises vont pouvoir disposer de plus de temps pour se préparer aux changements qu’elle introduit et aux nouvelles obligations qui leur incomberont en la matière, mais aussi pour comprendre ce qu’elles ont à y gagner.

DGFIP, Communiqué de presse du 28 juillet 2023, n° 1073

Article publié le 16 août 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Copyright (C) Andrey Popov

Résiliation d’un bail rural pour défaut de paiement du fermage : gare au formalisme !

Le bailleur qui entend résilier un bail rural pour défaut de paiement du fermage par le locataire doit respecter à la lettre le formalisme prévu par la loi, et notamment les mentions à faire figurer dans la mise en demeure.

Le défaut de paiement du fermage par un exploitant agricole constitue une cause de résiliation de son bail rural. Mais attention, le bailleur n’est en droit d’obtenir en justice la résiliation du bail pour ce motif que si, selon l’article L. 411-31-I du Code rural, « deux défauts de paiement du fermage ont persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance ». En outre, dans la mise en demeure, le bailleur doit mentionner précisément les termes de cet article L. 411-31-I du Code rural. À défaut, la mise en demeure serait nulle et sa demande de résiliation ne pourrait pas aboutir. Ainsi, dans une affaire récente, la mise en demeure de payer le fermage, envoyée par le bailleur à son locataire, avait été annulée par les juges car elle ne mentionnait pas le bon texte. En effet, elle faisait référence à l’article L. 411-31-I du Code rural, non pas dans sa version en vigueur à la date de sa délivrance (2018), mais dans une version antérieure, le texte ayant été réécrit en 2006. La procédure de résiliation était donc irrégulière.

À noter : une mise en demeure qui serait fondée sur l’article L. 411-53 du Code rural, lequel prévoit le non-renouvellement du bail notamment pour défaut de paiement du fermage, ne serait pas valable non plus.

Cassation civile 3e, 12 octobre 2022, n° 21-10091

Article publié le 11 juillet 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : SolStock

L’augmentation des loyers commerciaux restera bloquée à 3,5 % pendant un an

Mise en place l’an dernier, la mesure visant à limiter à 3,5 % l’augmentation des loyers commerciaux est reconduite pour un an.

Dans la mesure où l’inflation reste encore élevée, les pouvoirs publics ont décidé de prolonger pour une année supplémentaire la mesure, prise l’an dernier, consistant à plafonner l’augmentation des loyers des baux commerciaux à 3,5 %.

À noter : les loyers des baux commerciaux sont révisés, en principe, en fonction de l’évolution de l’indice des loyers commerciaux (ILC). Sans cette mesure spécifique de plafonnement à 3,5 %, l’augmentation des loyers commerciaux serait très forte. Ainsi, la dernière hausse en date de l’ILC, celle du 1er trimestre 2023, s’établit à 6,69 % sur un an. Et les précédentes se sont élevées à 6,29 % (4e trimestre 2022), à 5,37 % (3e trimestre 2022) et à 4,43 % (2e trimestre 2022) !

En pratique, les bailleurs pourront donc continuer d’augmenter les loyers commerciaux, mais sans que cette augmentation puisse excéder 3,5 %, et ce même si la variation de l’ILC est supérieure. Cette mesure s’appliquera donc pendant une année supplémentaire, soit jusqu’à la parution de l’indice du 1er trimestre 2024.

Attention : cette mesure ne s’applique qu’aux petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire aux entreprises qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros.

La mesure de blocage de l’augmentation des loyers des baux d’habitation à 3,5 % en métropole est également reconduite pour une année supplémentaire, soit jusqu’au 1er trimestre 2024.

Proposition de loi votée définitivement par l’Assemblée nationale, Texte adopté n° 145

Article publié le 05 juillet 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : nazphotos

Forte hausse du taux de l’intérêt légal pour le second semestre 2023

Au 2 semestre 2023, le taux de l’intérêt légal s’établit à 4,22 % pour les créances dues aux professionnels, contre 2,06 % au semestre précédent.

Pour le 2e semestre 2023, le taux de l’intérêt légal est fixé à :
– 6,82 % pour les créances dues aux particuliers ;
– 4,22 % pour les créances dues aux professionnels.Il est donc, encore une fois, en forte hausse par rapport au taux du 1er semestre 2023 (respectivement de 4,47 % et 2,06 %).


Rappel : depuis quelques années, deux taux de l’intérêt légal coexistent : l’un pour les créances dues à des particuliers (plus précisément à des personnes physiques qui n’agissent pas pour des besoins professionnels), l’autre pour tous les autres cas, donc pour les créances dues à des professionnels. En outre, ces taux sont désormais actualisés chaque semestre, et non plus chaque année.

Ce taux sert à calculer, en l’absence de stipulations conventionnelles, les intérêts de retard dus en cas d’impayé par un débiteur après qu’il a été mis en demeure.Il sert aussi à déterminer le taux minimal des pénalités applicables entre professionnels en cas de retard de paiement d’une facture. Ce dernier taux, qui doit être mentionné dans les conditions générales de vente, ne peut pas être inférieur à 3 fois le taux de l’intérêt légal, soit à 12,66 % à partir du 1er juillet 2023.Arrêté du 27 juin 2023, JO du 30

Article publié le 03 juillet 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : galina.legoschina – Fotolia

Droit de se rétracter en cas de signature d’une promesse unilatérale de vente

Lorsqu’une personne consent une promesse unilatérale de vente, peut-elle se rétracter tant que le bénéficiaire de cette promesse n’a pas manifesté son intention d’acquérir ?

Non. Sauf stipulation contraire prévue dans l’acte, celui qui consent une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre le bien considéré (un bien immobilier, des parts sociales…) dès la signature de cette promesse. Il ne peut donc pas se rétracter, même si le bénéficiaire de la promesse n’a pas encore déclaré son intention d’acheter (on dit « lever l’option »). Par conséquent, si le bénéficiaire de la promesse décide de lever l’option alors que le promettant s’est rétracté, le contrat de vente est néanmoins formé.

Article publié le 30 juin 2023 – © Les Echos Publishing 2023