Décès d’un exploitant agricole : à qui est transmis le bail rural ?

Au décès d’un exploitant agricole, le bail rural dont il était titulaire se poursuit au profit de son épouse qui a participé aux travaux de l’exploitation pendant au moins 5 ans, mais pas à un descendant qui ne remplit pas cette condition.

Au décès d’un exploitant agricole, le bail rural dont il était titulaire ne prend pas fin. En effet, il a vocation à se poursuivre au profit de son conjoint ou de son partenaire de Pacs, de ses ascendants et de ses descendants mais à condition que ces derniers participent à l’exploitation ou qu’ils y aient participé au cours des 5 années ayant précédé le décès.

Précision : si aucun d’entre eux ne remplit cette condition, le bailleur est alors en droit de faire résilier le bail en le demandant au juge dans les 6 mois qui suivent le décès.

Du coup, en présence d’un conjoint qui a participé à l’exploitation et d’un descendant qui, de son côté, ne remplit pas cette condition, le bail rural dont l’agriculteur décédé était titulaire est transmis au conjoint seulement. C’est ce que les juges ont décidé dans l’affaire récente suivante. Un exploitant locataire de terres agricoles était décédé, laissant pour lui succéder son épouse, qui avait participé avec lui à l’exploitation agricole, et un fils âgé de deux ans au moment du décès. Pendant les années qui ont suivi, la veuve avait continué à mettre en valeur les terres louées, puis elle les avait mises à la disposition d’une EARL dont son fils était gérant associé. Quelques années plus tard, le bailleur lui avait délivré congé et à elle seule. La veuve et son fils avaient alors contesté ce congé, faisant valoir qu’il aurait dû être délivré également à celui-ci. En effet, pour eux, dans la mesure où le bailleur n’avait pas, dans les 6 mois consécutifs au décès de l’exploitant locataire, demandé la résiliation du bail à l’égard du fils, celui-ci devait être considéré comme étant devenu colocataire avec sa mère. Mais les juges n’ont pas été de cet avis. Ils ont estimé que dans la mesure où, lors du décès de l’exploitant, seule son épouse remplissait la condition de participation à l’exploitation, le bail dont il était titulaire s’était poursuivi à son seul profit. Et que le fils, quant à lui, étant âgé de deux ans au moment du décès, ne remplissait pas cette condition et n’était donc pas devenu titulaire de ce bail. Le congé délivré à la seule veuve de l’exploitant décédé était donc valable.

Cassation civile 3e, 21 septembre 2023, n° 22-17908

Article publié le 28 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Copyright Maskot

Cession de fonds de commerce : les créances du vendeur sont-elles transmises à l’acquéreur ?

Sauf clause contraire, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la transmission à l’acquéreur des obligations auxquelles le vendeur était tenu ni celle des créances qu’il détenait avant la cession.

En l’absence de clause expresse, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la transmission à l’acquéreur des obligations dont le vendeur était tenu en vertu d’engagements qu’il avait souscrits auparavant ni celle des créances qu’il détenait avant la cession. Cette règle vient à nouveau d’être rappelée par les juges dans une affaire récente. Une société avait licencié un salarié pour faute lourde, lequel avait contesté ce licenciement en justice. Quelques années plus tard, cette société avait vendu son fonds de commerce à une autre société, laquelle était alors intervenue, devant la cour d’appel, à l’instance sur le licenciement pour réclamer au salarié licencié des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la faute de ce dernier. Cette action a été jugée irrecevable par la Cour de cassation, qui a donc rappelé le principe, exposé ci-dessus, de non-transmission automatique à l’acquéreur d’un fonds de commerce des droits et obligations détenus par le vendeur avant la cession et qui a constaté l’absence de clause contraire. En vertu de ce principe, la créance (en l’occurrence, les dommages-intérêts) que la société vendeuse du fonds de commerce détenait, le cas échéant, sur son ancien salarié n’avait pas été transmise à la société ayant acquis le fonds.

Cassation commerciale, 25 octobre 2023, n° 21-20156

Article publié le 24 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : SARINYAPINNGAM

Suspension des actions en paiement contre une entreprise en liquidation judiciaire

L’action en paiement engagée par un créancier contre une entreprise après l’ouverture de la procédure collective dont elle fait l’objet est irrecevable en vertu du principe de la suspension des poursuites.

Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), ses créanciers ne peuvent plus, à compter du jugement d’ouverture de cette procédure, agir contre elle en vue d’obtenir le paiement d’une créance impayée née avant ce jugement. De même, les actions en justice qui sont en cours au moment de l’ouverture de la procédure collective sont suspendues. Application de ce principe, dit de l’arrêt des poursuites individuelles, vient d’être faite dans l’affaire récente suivante. Un particulier avait fait appel à une entreprise pour fournir et poser trois portes dans un logement lui appartenant. L’entreprise ayant été défaillante, il l’avait mise en demeure d’achever les travaux et de lui payer une pénalité de retard. Quelques mois plus tard, cette entreprise avait été mise en liquidation judiciaire. Le client lui avait alors réclamé en justice des dommages-intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles. Mais cette action a été déclarée irrecevable par les juges. En effet, ces derniers ont rappelé que lorsqu’il agit en paiement d’une créance impayée, non pas avant mais après l’ouverture de la procédure collective (en l’occurrence, la procédure de liquidation judiciaire) dont son débiteur fait l’objet, un créancier n’a pas d’autre choix que faire constater le principe de sa créance et en faire fixer le montant en la déclarant auprès des organes chargés de la procédure et en se soumettant à la procédure de vérification du passif.

Précision : sauf s’il s’agit d’un créancier prioritaire (administration fiscale, Urssaf…), les chances du créancier d’une entreprise en liquidation judiciaire d’être payé dans le cadre de cette procédure sont très minces…

Cassation commerciale, 18 octobre 2023, n° 22-18075

Article publié le 21 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : run inc

Quand un prêt à usage est requalifié en bail rural

Lorsqu’une convention de prêt à usage est requalifiée en bail rural, le bailleur est en droit de réclamer au locataire le paiement des fermages échus depuis la conclusion de cette convention et, à défaut de paiement, d’agir en résiliation du bail.

Parce qu’il ne donne lieu à aucune contrepartie financière, le prêt à usage de parcelles agricoles n’est pas soumis au statut du fermage. Mais attention, dès lors qu’une contrepartie est mise à la charge de l’occupant des parcelles, la convention risque d’être requalifiée en bail rural. Et si cette requalification emporte des conséquences bénéfiques pour ce dernier, qui acquiert alors la qualité de fermier et tous les droits et avantages qu’elle confère (droit au renouvellement du bail, droit de céder le bail, indemnité en fin de bail, etc.), elle peut également avoir des effets négatifs pour lui… Ainsi, dans une affaire récente, un prêt à usage portant sur des parcelles de terre avait été conclu entre leur propriétaire et un agriculteur. Ce contrat prévoyant qu’il devait assumer seul la charge des impôts fonciers sur ces parcelles, l’agriculteur avait obtenu en justice sa requalification en bail rural. Du coup, le bailleur avait délivré au locataire une mise en demeure de payer les fermages échus depuis la conclusion de la convention conclue avec lui. Le locataire n’ayant pas donné suite à cette mise en demeure dans le délai de 3 mois imparti par la loi, le bailleur avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’une action en résiliation du bail. Et il a obtenu gain de cause, les juges ayant condamné le locataire à payer les arriérés de fermages et prononcé la résiliation. Tel est pris qui croyait prendre…

Précision : dans le respect des règles de la prescription, le bailleur avait demandé le paiement des fermages dans les 5 ans qui avaient suivi la décision ayant requalifié la convention en bail rural.

Cassation civile 3e, 15 juin 2023, n° 21-14204

Article publié le 14 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : SolStock

Mise à disposition à une société de terres agricoles louées : il faut les exploiter !

Lorsqu’un exploitant agricole qui a mis des terres dont il est locataire à la disposition d’une société cesse de participer aux travaux de l’exploitation, le bailleur est en droit d’obtenir la résiliation du bail pour cession illicite.

Très souvent, les exploitants agricoles qui exercent leur activité en société mettent à la disposition de celle-ci les terres et bâtiments dont ils sont locataires. Ce qui permet juridiquement à la société d’exploiter ces terres sans en devenir elle-même locataire, les associés concernés demeurant seuls titulaires des baux. Ces derniers doivent donc continuer à respecter leurs obligations de locataires à l’égard de leurs bailleurs respectifs. À ce titre, ils sont tenus d’exercer effectivement l’activité agricole au sein de la société et d’en être associés. À défaut, le bailleur concerné serait en droit de demander la résiliation du bail, et ce sans même que le manquement du locataire à cette obligation lui ait causé un préjudice. C’est ce que les juges ont réaffirmé dans une affaire où l’exploitant locataire de parcelles agricoles les avait mises à disposition d’une EARL dont il était l’un des associés avec sa fille. Ce dernier ayant pris sa retraite, le bailleur avait demandé en justice la résiliation du bail au motif qu’il ne participait plus aux travaux de l’exploitation, ce qui constituait une cession de bail illicite. Les juges ont donné gain de cause au bailleur. En effet, ils ont déclaré que le locataire qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participe plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, abandonne la jouissance du bien loué à cette société et procède ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. Et que dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sans être tenu de démontrer un préjudice.

Cassation civile 3e, 12 octobre 2023, n° 21-20212

Article publié le 07 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : John Scott

Mettre son fonds de commerce en location-gérance

Plutôt que l’exploiter lui-même, le propriétaire d’un fonds de commerce peut choisir de le mettre en location-gérance. Il en confie ainsi la gestion à une personne qui va l’exploiter à ses risques et périls moyennant paiement d’une redevance. Présentation du régime juridique de ce mode d’exploitation d’un fonds de commerce.

La conclusion du contrat de location-gérance

La mise d’un fonds de commerce en location-gérance est soumise à certaines conditions.

Pour consentir une location-gérance, le propriétaire du fonds de commerce, s’il est titulaire d’un bail commercial qui lui impose d’exploiter personnellement le fonds loué, doit demander au bailleur, propriétaire des murs, l’autorisation de conclure l’opération.

À noter : la condition selon laquelle le propriétaire, personne physique ou personne morale, devait avoir exploité le fonds de commerce pendant au moins 2 ans pour pouvoir le mettre en location-gérance a été supprimée en 2019. Le propriétaire d’un fonds de commerce peut donc désormais le donner en location-gérance quelle que soit la durée pendant laquelle il l’a exploité.

S’agissant des formalités de publicité, le contrat de location-gérance doit être publié dans les 15 jours qui suivent sa conclusion sous la forme d’un extrait ou d’un avis inséré dans un journal d’annonces légales.À noter que le locataire-gérant doit, s’il n’était pas déjà immatriculé, demander son immatriculation au registre du commerce et des sociétés dans les 15 jours qui suivent la date de début de son activité.

Attention : la location-gérance doit porter sur un fonds de commerce. Ainsi, il ne peut pas y avoir de location-gérance si l’un des éléments qui compose un fonds de commerce fait défaut, en particulier s’il n’existe pas de catèle.

Les effets du contrat de location-gérance

Par la location-gérance, le propriétaire d’un fonds de commerce en confie l’exploitation à un locataire-gérant qui va l’exploiter à ses risques et périls.

Propriétaire du fonds de commerce et locataire-gérant ont tous deux des droits et obligations l’un envers l’autre.

Droits et obligations du propriétaire du fonds

On l’a dit, donner son fonds de commerce en location-gérance consiste à le faire exploiter par une autre personne tout en restant propriétaire de celui-ci. Avantage de l’opération : le propriétaire du fonds (le loueur) perçoit un revenu (la redevance) sans exercer l’activité. En revanche, il prend le risque de subir les conséquences d’une éventuelle mauvaise gestion du locataire (moins-value). Quoiqu’il en soit, le propriétaire du fonds de commerce ne doit pas s’immiscer dans la gestion de celui-ci, même si elle se révèle mauvaise. Il est également tenu de garantir la jouissance paisible du fonds et doit s’abstenir d’exercer une activité concurrente de celle du locataire. Et bien entendu, en amont, il doit remettre au locataire tous les biens qui sont visés dans le contrat, et en particulier ceux qui sont indispensables à l’exercice de l’activité (matériel, marques et brevets, savoir-faire…). Si le fonds de commerce est exploité dans des locaux loués, le propriétaire du fonds de commerce reste titulaire du bail commercial. C’est lui qui doit donc respecter les obligations nées du bail, en particulier le paiement du loyer. Il reste également tenu des obligations qu’il a contractées avant la conclusion du contrat de location-gérance. Quant à ses créanciers, ils sont en droit, s’ils estiment que la location-gérance risque d’entraîner une dépréciation du fonds, de demander au juge de déclarer leurs créances immédiatement exigibles, c’est-à-dire d’en réclamer le paiement immédiat. Cette demande devant être faite dans les 3 mois à compter de la publication du contrat de location-gérance dans un journal d’annonces légales.

À noter : autrefois, consentir une location-gérance présentait un gros inconvénient. En effet, le loueur du fonds de commerce était solidairement responsable du paiement des dettes contractées par le locataire-gérant pendant les 6 premiers mois de son activité. Une loi du 9 décembre 2016 a supprimé cette solidarité : désormais, à compter de la publication du contrat, le locataire-gérant est seul responsable du paiement des dettes qu’il contracte dans le cadre de l’exploitation du fonds.

Droits et obligations du locataire-gérant

De son côté, la location-gérance permet au locataire d’exploiter, à ses risques et périls, un fonds de commerce sans l’acheter, ou de tester la viabilité d’un fonds avant d’envisager de l’acquérir. Mais n’étant pas propriétaire, il ne profitera pas de la plus-value qu’il apportera au fonds grâce à son travail (sauf si le contrat prévoit le contraire). Au titre des obligations qui lui incombent, le locataire-gérant est tenu d’exploiter le fonds de commerce conformément à sa destination, sauf clause contraire. Le contrat peut même lui imposer de se consacrer exclusivement à l’exploitation du fonds et donc lui interdire d’exploiter un autre fonds. Le locataire-gérant doit évidemment verser un loyer, appelé redevance, au propriétaire. Son montant peut être fixe ou, au contraire, proportionnel au chiffre d’affaires ou aux bénéfices, ce qui est souvent le cas. Cette redevance étant payée selon la périodicité prévue par le contrat (mois, trimestre…). Le locataire-gérant peut également être tenu d’entretenir le fonds (bon état des locaux…) si le contrat met cette obligation à sa charge. Dans ses rapports avec ses créanciers, le locataire-gérant est, dès le début de son activité, seul responsable des dettes contractées à l’occasion de l’exploitation du fonds, la solidarité du loueur dans les 6 premiers mois ayant été supprimée par la loi (v. ci-dessus).

La fin de la location-gérance

À la fin du contrat, le locataire-gérant doit restituer le fonds de commerce à son propriétaire.

Le contrat de location-gérance peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Dans le premier cas, il prend fin à l’arrivée du terme prévu (sauf reconduction), étant précisé que le locataire-gérant ne bénéficie pas d’un droit de renouvellement. Dans le second cas, le contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties à tout moment, sous réserve que cette résiliation ne soit pas abusive. Le locataire-gérant ne pouvant, en principe, prétendre à aucune indemnité en fin de contrat.

À noter : le contrat de location-gérance peut également faire l’objet d’une résiliation judiciaire lorsque l’une ou l’autre des parties ne remplit pas ses obligations.

Lorsque le contrat prend fin, le locataire-gérant doit restituer le fonds de commerce à son propriétaire, avec tous les éléments dont il était composé avant la conclusion du contrat.La fin de la location-gérance doit donner lieu à publicité dans un journal d’annonces légales.

Article publié le 03 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Copyright Maskot

Quand le bailleur ne fournit pas l’état des risques naturels et technologiques

Le manquement du bailleur à son obligation de fournir au locataire commercial un état des risques naturels et technologiques datant de moins de 6 mois n’est pas une raison suffisante pour justifier la résiliation du bail.

Le bailleur qui loue un local situé dans une zone couverte par un plan de prévention des risques technologiques, par un plan de prévention des risques miniers ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles doit joindre au contrat de bail un état des risques naturels et technologiques établi depuis moins de 6 mois avant la date de conclusion du contrat. À défaut, le locataire peut demander la résiliation du contrat ou demander une diminution du loyer. Sachant que, selon une décision récente de la Cour de cassation concernant le bail de locaux commerciaux, la résiliation du bail n’est encourue que si le manquement du bailleur à cette obligation est « d’une gravité suffisante, dans les circonstances de l’espèce », ce qui n’avait pas été établi dans cette affaire. Autrement dit, le fait que le bailleur ne fournisse pas un état des risques naturels et technologiques établi depuis moins de 6 mois ne suffit pas à justifier la résiliation du bail ou une diminution du loyer.

Cassation civile 3e, 21 septembre 2023, n° 22-15850

Article publié le 02 novembre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Hispanolistic

Rupture d’une relation commerciale établie : quand s’apprécie le préavis à respecter ?

Lorsqu’ils sont appelés à apprécier la durée du préavis à respecter en cas de rupture d’une relation commerciale établie, les juges doivent tenir compte de la durée de cette relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture, mais pas d’éléments postérieurs à celle-ci.

Tout producteur, distributeur ou prestataire de services qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans donner à son partenaire un préavis écrit d’une durée suffisamment longue engage sa responsabilité et peut donc être condamné à verser des dommages-intérêts à ce dernier.

Précision : la durée minimale du préavis doit être fixée au regard notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou, s’ils existent, aux accords interprofessionnels. Sachant que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut pas être engagée pour cause de durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de 18 mois.

À ce titre, lorsqu’ils sont appelés à apprécier la durée du préavis qui doit ou aurait dû être respecté en cas de rupture d’une relation commerciale établie, les tribunaux doivent prendre en compte la durée de cette relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture, mais pas d’éléments postérieurs à celle-ci. Autrement dit, ils ne peuvent pas, par exemple, pour diminuer un délai de préavis, tenir compte du fait que l’entreprise victime de la rupture a rapidement rebondi après la rupture en trouvant de nouveaux marchés. C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans l’affaire récente suivante. Une société de transport express international, qui avait confié une partie de son marché à une autre entreprise de transport, avait résilié ce contrat lorsqu’elle avait été rachetée. S’estimant victime d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie, cette dernière avait alors agi en justice contre la société. Saisie du litige, la cour d’appel avait apprécié la durée du préavis qui devait être respecté par la société de transport express en tenant compte du fait que l’entreprise victime de la rupture avait su se réorganiser après la rupture et trouver d’autres débouchés, qu’elle exerçait désormais son activité sous une autre enseigne et qu’elle avait passé des accords tarifaires « négociés » avec des transporteurs concurrents de la société de transport express. La Cour de cassation a censuré la cour d’appel car elle s’était fondée sur des éléments postérieurs à la notification de la rupture.

Cassation commerciale, 17 mai 2023, n° 21-24809

Article publié le 30 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Unspecified

Quand la décision de préemption d’une Safer n’est pas justifiée

La décision par laquelle une Safer exerce son droit de préemption sur un terrain agricole doit être justifiée. A défaut, elle est susceptible d’être annulée.

Lorsque la Safer exerce son droit de préemption, et donc qu’elle acquiert le bien agricole mis en vente en lieu et place de l’acquéreur initialement pressenti, elle doit justifier sa décision en faisant explicitement référence et de façon motivée à l’un ou à plusieurs des objectifs définis par la loi (installation ou maintien d’agriculteurs, consolidation d’une exploitation afin de lui permettre d’atteindre une dimension économique viable, sauvegarde du caractère familial d’une exploitation, lutte contre la spéculation foncière, etc.). Et attention, si tel n’est pas le cas, la décision de préemption encourt la nullité. Illustration avec l’affaire récente suivante. La vente d’une parcelle enclavée, située en bordure de mer, avait été prévue au profit d’une société ostréicole qui exploitait des parcelles contigües à celle-ci. Informée du projet, la Safer avait manifesté son intention d’exercer son droit de préemption sur cette parcelle. À l’appui de sa décision, elle avait fait valoir que plusieurs autres exploitants pouvaient être intéressés par cette parcelle et que le rétrocessionnaire potentiellement pressenti était spécialisé dans la production ostréicole.

Une motivation qui n’était pas réelle

Invoquant une motivation qui ne tenait pas la route, l’acquéreur évincé avait alors demandé en justice l’annulation de la décision de préemption. Et les juges lui ont donné gain de cause. En effet, ils ont estimé que la mention par la Safer, dans sa décision de préemption, de l’existence de plusieurs autres rétrocessionnaires potentiels était illusoire dans la mesure où, compte tenu de la configuration des lieux, seuls deux exploitants pouvaient être intéressés par l’acquisition de cette parcelle enclavée, à savoir l’acquéreur évincé et son seul concurrent local en la personne du rétrocessionnaire potentiellement pressenti. D’autre part, les juges ont constaté que la Safer avait faussement retenu, dans sa motivation, que ce rétrocessionnaire potentiel était spécialisé dans la production ostréicole alors qu’il ne disposait pas sur place de parc d’élevage. Les juges en ont déduit que la motivation développée par la Safer n’était pas réelle et ne visait qu’à dissimuler la perspective de privilégier un exploitant au détriment d’un autre. La décision de préemption a donc été annulée.

Cassation civile 3e, 7 septembre 2023, n° 21-21445

Article publié le 17 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : Andy Sacks

Bail de résidence de tourisme : peut-on le résilier tous les 3 ans ?

L’interdiction de résilier tous les 3 ans un bail commercial portant sur un logement situé dans une résidence de tourisme classée ne s’applique qu’au bail initial. Une fois le bail renouvelé, l’exploitant de la résidence retrouve la faculté de donner congé aux propriétaires à l’expiration de chaque période triennale.

En principe, le locataire titulaire d’un bail commercial a le droit d’y mettre fin tous les 3 ans. Toutefois, par exception, l’exploitant locataire d’une résidence de tourisme classée ne dispose pas de cette faculté. Les baux commerciaux conclus pour l’exploitation de tels biens ont donc nécessairement une durée de 9 ans minimum. Mais attention, cette interdiction légale de résilier tous les 3 ans le bail d’un logement situé dans une résidence de tourisme classée ne s’applique pas aux baux renouvelés. Autrement dit, une fois que le bail est renouvelé, l’exploitant locataire retrouve la faculté de donner congé aux propriétaires de la résidence à l’expiration de chaque période triennale. Cette précision vient d’être apportée par la Cour de cassation.

À noter : l’interdiction de résilier le bail de logement situé dans une résidence de tourisme tous les 3 ans a été édictée par la loi pour permettre aux propriétaires de ces locaux, souvent des particuliers qui ont investi, d’être assurés de louer leur bien pendant au moins 9 ans et de pouvoir ainsi bénéficier de la réduction d’impôt associée à ce type d’investissement. Rappelons, en effet, que le bénéfice de cette réduction d’impôt est subordonné au respect de l’engagement du propriétaire de louer son logement à l’exploitant de la résidence de tourisme pendant au moins 9 ans.

Cassation civile 3e, 7 septembre 2023, n° 21-14279

Article publié le 17 octobre 2023 – © Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : A. Martin UW Photography