Bail commercial de courte durée : l’application des règles dérogatoires

Lorsqu’un bail dérogatoire est conclu pour une durée d’un an mais précise qu’il est tacitement renouvelable dans la limite de 3 ans, la réglementation des baux dérogatoires s’applique pendant 3 ans et non pas pendant un an seulement.

Lorsqu’ils concluent un bail portant sur un local à usage commercial pour une durée inférieure ou égale à 3 ans, bailleur et locataire peuvent convenir que cette location ne sera pas soumise aux règles impératives régissant les baux commerciaux. Ils signent alors ce qu’on appelle un bail dérogatoire ou un bail précaire ou encore un bail de courte durée. Dans ce cas, le locataire ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement du bail (ni, en cas de refus de renouvellement, du paiement d’une indemnité d’éviction) ; mais, en contrepartie, il ne s’engage que pour une courte durée (ce qui lui permet, par exemple, de tester son activité…).

Précision : ce type de convention peut être utilisé pour la location de locaux provisoirement installés, appelés à disparaître ou à changer d’affectation à court ou moyen terme, ou tout simplement lorsque propriétaire et locataire souhaitent, pour diverses raisons, s’engager de façon temporaire.

Des règles dérogatoires applicables pendant 3 ans

Et, selon les juges, lorsqu’un bail dérogatoire est conclu pour une durée d’un an mais précise qu’il est tacitement renouvelable dans la limite de 3 ans, les règles applicables à ce bail sont celles des baux dérogatoires pendant 3 ans. Le congé envoyé par le bailleur au locataire avant l’expiration des 3 ans (en l’occurrence au bout de 2 ans) n’a donc pas à respecter la réglementation des baux commerciaux (obligation d’envoyer un congé par acte d’huissier de justice au moins 6 mois avant l’expiration du bail). Il peut donc valablement être envoyé au locataire quelques jours avant la fin du bail tacitement reconduit (en l’occurrence le 28 juin 2017 pour une fin de bail prévue le 30 juin 2017) dès lors qu’aucun délai de prévenance n’est prévu par le contrat.

Précision : le locataire prétendait qu’après l’expiration de la période d’un an, le bail reconduit était automatiquement devenu soumis à la réglementation des baux commerciaux. À tort donc.

Cassation civile 3e, 11 mai 2022, n° 21-15389

Article publié le 17 juin 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Droit de préemption du locataire commercial versus droit de préemption urbain

En cas de mise en vente du local loué par bail commercial, le locataire ne peut pas exercer son droit de préemption lorsqu’une collectivité locale utilise elle-même son droit de préemption pour acquérir ce local.

En principe, l’exploitant titulaire d’un bail commercial sur le local dans lequel il exerce son activité bénéficie d’un droit dit « de préemption » ou « de préférence » qui lui permet d’acquérir en priorité ce local lorsqu’il est mis en vente. Mais attention, il ne bénéficie pas de ce droit lorsque le local mis en vente fait l’objet d’une préemption par la commune sur le fondement du droit de préemption urbain ou par une collectivité publique en vertu du droit de préemption existant dans une zone d’aménagement différé (ZAD). C’est ce qu’une loi récente a précisé, mettant ainsi fin à l’incertitude qui existait en la matière. Autrement dit, lorsque le locataire et la commune sont en concurrence pour acquérir le local, le droit de préemption existant au profit de cette dernière l’emporte sur le droit de préemption dont est titulaire le locataire commercial.

Art. 118, loi n° 2022-217 du 21 février 2022, JO du 22

Article publié le 29 avril 2022 – © Les Echos Publishing 2022

La sous-location d’un bail commercial

Volonté de rentabiliser une partie des locaux loués non utilisés, souhait de domicilier plusieurs entreprises d’un même groupe au sein d’un même ensemble immobilier… Autant de raisons qui peuvent amener le titulaire d’un bail commercial à sous-louer une partie ou la totalité de son local. Sachant qu’en principe, la sous-location commerciale est interdite. Toutefois, par exception, il est possible d’y recourir.

Les conditions de validité d’une sous-location

Pour que la sous-location soit régulière, il faut qu’elle soit autorisée par le bailleur et que celui-ci ait été appelé à concourir à l’acte de sous-location.

En matière de bail commercial, la sous-location totale ou partielle du local loué est interdite, sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur. Ainsi, pour être valable, la sous-location de locaux commerciaux doit satisfaire à deux conditions cumulatives :- elle doit être préalablement autorisée par le bailleur ;- le bailleur doit être appelé à concourir à l’acte de sous-location.

À noter : ces deux conditions doivent être remplies, non seulement lors de la conclusion de la sous-location initiale, mais aussi à l’occasion de ses éventuels renouvellements.

S’agissant de l’autorisation du bailleur, la loi n’impose pas de formalisme particulier. Le bailleur peut donc parfaitement donner son accord par écrit ou oralement. Mais pour des raisons évidentes de preuves, il est conseillé au locataire de solliciter une autorisation écrite. Cette dernière peut résulter d’une clause du bail principal ou, à défaut d’une telle clause, de l’accord donné en cours de bail par le bailleur. À cette fin, la demande doit lui être faite par huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception afin de lui donner une date certaine.

Remarque : le droit du bailleur de refuser la sous-location est totalement discrétionnaire. Il n’appartient pas aux tribunaux, en cas de refus du bailleur, d’autoriser la sous-location, ni de rechercher ou de contrôler les motifs de ce refus.

L’autorisation peut également être tacite. Dans ce cas, elle doit résulter d’une attitude claire et non équivoque du bailleur. La simple connaissance de la sous-location et le fait de l’avoir tolérée n’impliquent pas, à eux seuls, que le bailleur a donné son autorisation. Deuxième condition, la loi impose au bailleur de concourir à l’acte de sous-location. En pratique, l’invitation qui lui est faite de concourir à l’acte doit lui être notifiée par le locataire principal par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Sachant qu’il n’est pas nécessaire, pour la validité de l’opération, que le bailleur soit effectivement présent lors de la signature de l’acte.

Attention : cette formalité est requise même si le bail autorise par avance la sous-location ou si le bailleur a eu connaissance de la sous-location et l’a tolérée.

Dans les 15 jours suivant la réception de cette notification, le bailleur doit indiquer s’il entend concourir à l’acte. En cas de silence de sa part ou de refus de participer à l’acte de sous-location, le locataire principal peut passer outre et conclure l’acte de sous-location (sous réserve que le bailleur ait donné l’autorisation de sous-louer).

Le régime juridique de la sous-location

Les rapports entre le locataire principal et le sous-locataire sont, pour l’essentiel, équivalents aux rapports qui existent entre un bailleur et son locataire.

La sous-location est un contrat de bail distinct du bail principal. Toutefois, les droits du sous-locataire sont limités à ceux que détient le locataire principal. En effet, ce dernier ne peut pas consentir plus de droits qu’il n’en possède lui-même. Ainsi, le sous-locataire doit notamment respecter la destination des lieux fixée dans le bail principal et, s’il souhaite la modifier, il doit recueillir l’accord exprès du bailleur. Comme en matière de location commerciale, la sous-location commerciale est soumise au statut des baux commerciaux dès lors que les conditions d’application en sont réunies. Le locataire principal prend donc, en quelque sorte, le rôle de bailleur vis-à-vis du sous-locataire : il doit permettre une jouissance paisible des lieux, les entretenir et les réparer au besoin. De son côté, le sous-locataire est, lui aussi, tenu d’entretenir les lieux loués. À cet égard, le locataire principal est responsable vis-à-vis du bailleur des agissements du sous-locataire qui seraient contraires au bail principal et au contrat de sous-location. Le contrat de sous-location doit prévoir les obligations réciproques du locataire et du sous-locataire sur la répartition des charges et travaux. Le sous-locataire est également tenu au paiement d’un loyer au titre de la sous-location. En principe, le locataire principal peut fixer le montant du loyer comme il le souhaite bien qu’en pratique le loyer est, sinon inférieur, au moins égal à ce que le locataire doit verser au bailleur. À cet égard, lorsque la sous-location est consentie pour un montant supérieur au loyer du bail principal, le bailleur bénéficie d’un droit de réajustement et peut augmenter le loyer que lui verse le locataire principal. S’agissant de la durée, il n’est pas nécessaire que la durée du bail principal et celle de la sous-location coïncident. Une sous-location peut donc être conclue pour une durée inférieure à celle du bail principal. Toutefois, le locataire ne peut évidemment consentir une sous-location pour une durée supérieure à la durée du bail principal. Si tel était néanmoins le cas, la sous-location prendrait alors fin en même temps que le bail principal lorsque celui-ci serait résilié ou ne serait pas renouvelé.

Le droit du sous-locataire au renouvellement de son bail

Le sous-locataire a droit au renouvellement de son bail.

Le sous-locataire doit normalement demander le renouvellement de son bail au locataire principal. Ce qui n’est pas possible en cas de sous-location de la totalité des lieux loués. En effet, le locataire principal perd son droit au renouvellement du bail lorsqu’il a consenti une sous-location totale des locaux. Car le droit au renouvellement ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds de commerce exploité dans les locaux loués. Et dans le cas d’une sous-location totale, c’est le sous-locataire qui est devenu le propriétaire du fonds.

À noter : en cas de sous-location partielle, le locataire peut, en principe, demander le renouvellement du bail pour la seule partie des locaux dans lesquels il exploite son fonds. De même, en cas de refus de renouvellement, il n’a droit à une indemnité d’éviction que pour cette seule partie.

De plus, le sous-locataire ne peut invoquer un droit de renouvellement auprès du locataire principal que dans la limite des droits de ce dernier. Ainsi, le locataire principal peut refuser de renouveler la sous-location lorsqu’il a lui-même renoncé au renouvellement de son bail principal, et ce sans avoir à payer d’indemnité d’éviction, ni de dommages-intérêts au sous-locataire. De même, le locataire principal ne peut pas être condamné à verser au sous-locataire une indemnité d’éviction destinée à compenser le préjudice subi du fait d’un refus de renouvellement du sous-bail dès lors que, suite au congé qui lui a été notifié par le bailleur, il n’a plus lui-même de bail et n’a donc plus la qualité pour offrir ou refuser le renouvellement. À l’inverse, si le bail principal est renouvelé, le sous-locataire a droit au renouvellement. Si le locataire principal refuse le renouvellement, il doit payer une indemnité d’éviction au sous-locataire. En cas de renouvellement, la durée de la sous-location renouvelée dépend de la durée du bail principal restant à courir, le sous-locataire ayant droit au renouvellement seulement pour la durée du bail principal. Sachant que le sous-locataire a la possibilité, lorsque son bail est expiré et que le bail principal l’est également et qu’il n’est renouvelé ou a été résilié, de demander le renouvellement directement auprès du bailleur. Pour cela, trois conditions doivent être remplies :- le bail principal est expiré ;- le bailleur a expressément ou tacitement autorisé la sous-location ;- si la sous-location est partielle, les lieux sont matériellement divisibles de ceux occupés par le locataire principal.

Conséquences d’une sous-location irrégulière

En cas de sous-location consentie sans l’autorisation ni le concours du bailleur, celui-ci peut résilier ou refuser de renouveler le bail principal.

À défaut d’accord du bailleur, il est en principe interdit au locataire de consentir une sous-location commerciale. Une sous-location consentie sans l’accord du bailleur ou sans qu’il ait été appelé à concourir à l’acte est irrégulière. Ce dernier peut alors résilier le bail qu’il a signé avec le locataire principal, soit par une demande faite auprès d’un juge, soit en se prévalant de l’éventuelle clause résolutoire prévue au contrat. Le bailleur peut également refuser de renouveler le bail principal sans avoir à verser d’indemnité d’éviction au locataire. Toutefois, la sous-location n’est pas nulle et continue de produire ses effets entre le sous-locataire et le locataire principal (tant que le contrat de bail n’a pas été résilié). Mais le sous-locataire peut demander la résiliation de la sous-location si le locataire principal ne peut lui garantir le respect de ses droits par le bailleur. Et s’il est évincé suite à la résiliation du bail principal, il peut demander des indemnités au locataire principal.

Remarque : l’irrégularité de la sous-location est inopposable au bailleur. En effet, étant un tiers au contrat de sous-location, le bailleur ne peut pas en demander la résiliation, ni même l’expulsion du sous-locataire. S’il veut expulser le sous-locataire, le bailleur doit d’abord résilier le bail principal, ce qui aura pour effet d’éteindre les droits du sous-locataire.

Article publié le 25 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Baux commerciaux : vers des hausses de loyers moins fortes

Pour limiter les hausses des loyers des baux commerciaux, les pouvoirs publics viennent de modifier la formule de calcul de l’indice trimestriel des loyers commerciaux.

Vous le savez : les loyers des baux commerciaux sont révisés, en principe, en fonction de l’évolution de l’indice des loyers commerciaux. Jusqu’alors, cet indice était composé pour 50 % de l’indice des prix à la consommation, pour 25 % de l’indice du coût de la construction et pour 25 % de l’indice du chiffre d’affaires du commerce de détail. Or, il apparaît qu’en raison de l’explosion du commerce en ligne (due, à la fois, à l’adoption de nouvelles pratiques d’achat et, bien entendu, aux mesures de confinement et de couvre-feux prises pendant la crise sanitaire), cette dernière composante (indice du chiffre d’affaires du commerce de détail) favorise nettement les hausses de l’indice, et donc les augmentations de loyers. Bonne nouvelle pour les locataires, en particulier pour les petits commerçants, qui ont particulièrement souffert de la crise du Covid-19 : les pouvoirs publics ont décidé de supprimer l’indice du chiffre d’affaires du commerce de détail de la formule de calcul. Une mesure qui était demandée par les principales associations de commerçants, mais aussi par les fédérations de bailleurs. Ainsi, désormais, l’indice des loyers commerciaux (ILC) sera calculé en prenant en compte l’indice des prix à la consommation à hauteur de 75 % et l’indice du coût de la construction à hauteur de 25 %.

En pratique : cette nouvelle formule de calcul s’applique dès la prochaine fixation de la valeur de l’indice, à savoir celle de l’indice du 4e trimestre 2021 publié fin mars 2022. Quant aux valeurs publiées avant cette date, elles ne sont pas révisées et restent donc les mêmes.

Selon le ministère de l’Économie et des Finances, la modification de la formule de calcul de l’ILC « va permettre de diviser par deux la revalorisation des loyers indexés sur l’ILC de mars 2022 et devrait modérer considérablement les revalorisations fondées sur les publications trimestrielles suivantes en 2022 et 2023 ». À suivre…

Décret n° 2022-357 du 14 mars 2022, JO du 15

Article publié le 17 mars 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Quand le commerçant exerce son droit de préférence lors de la vente du local loué

Le locataire commercial qui accepte l’offre du bailleur d’acquérir le local loué mis en vente dispose d’un délai de 2 ou de 4 mois, selon les cas, pour réaliser la vente.

Le commerçant ou l’entreprise qui exploite son fonds de commerce dans un local loué par bail commercial a le droit d’acquérir ce local en priorité lorsque le propriétaire décide de le mettre en vente. En pratique, ce dernier doit en informer le locataire par lettre recommandée AR, cette notification valant offre de vente. Le locataire dispose alors d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre de vente pour se prononcer. Et s’il accepte d’acquérir le local, il a 2 mois à compter de la date d’envoi de sa réponse au propriétaire pour réaliser la vente. Ce délai étant porté à 4 mois lorsque le locataire accepte l’offre de vente sous réserve d’obtenir un prêt. Si, à l’expiration de ce délai de 2 ou 4 mois, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet. C’est ce qu’il s’est passé dans l’affaire récente suivante. Un commerçant avait accepté l’offre de vente du local dans lequel il exerçait son activité en précisant son intention de souscrire un prêt. Le jour de l’expiration du délai de 4 mois, la vente n’était toujours pas signée. Il avait alors assigné le propriétaire en justice pour le forcer à réaliser la vente à son profit. Et il avait estimé que cette demande de réalisation forcée dans le délai de 4 mois suffisait à considérer qu’il remplissait les conditions requises pour que la vente puisse se réaliser et que le défaut de signature ne pouvait donc pas lui être imputable. Les juges n’ont pas été de cet avis. Car pour eux, lorsque le locataire commercial accepte l’offre de vente du bailleur, le défaut de réalisation de la vente dans le délai imparti, lorsqu’il est imputable au locataire, rend l’acceptation de l’offre sans effet. Et selon les juges, dans cette affaire, le défaut de signature de l’acte de vente dans le délai de 4 mois était imputable à la seule absence de diligence du locataire. Le fait qu’il ait assigné le bailleur le jour de l’expiration de ce délai ne permettait pas de pallier l’absence de signature de l’acte dans le délai. Il était donc trop tard pour que la vente puisse se réaliser à son profit.

Cassation civile 3e, 24 novembre 2021, n° 10-16238

Article publié le 11 février 2022 – © Les Echos Publishing 2022

Annulation d’un bail commercial pour cause de local inutilisable

Lorsqu’un bail commercial est annulé au motif que le local loué s’est révélé impropre à l’usage qui en était prévu, le locataire n’a pas à verser d’indemnité d’occupation au bailleur

Lorsqu’un locataire se maintient de façon abusive ou illicite dans le local commercial loué, il est redevable d’une indemnité d’occupation envers le bailleur. Cette indemnité d’occupation est également due lorsque le bail commercial est rétroactivement annulé. Comme son nom l’indique, elle a pour objet d’indemniser le bailleur pour le temps pendant lequel son local a été occupé par le locataire alors qu’il était dépourvu de tout titre en raison de l’annulation du bail. Mais attention, aucune d’indemnité d’occupation n’est due au bailleur lorsque le bail a été annulé au motif que le local s’est révélé inutilisable et que le locataire n’a donc pas pu bénéficier de la jouissance des lieux. C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Un bail commercial avait été consenti à une entreprise portant sur un local destiné à l’exercice d’une activité de bar-restaurant. Or il est apparu que ce local ne permettait pas l’évacuation des eaux usées de la cuisine du restaurant. Le commerçant avait alors obtenu en justice l’annulation du bail car il ne pouvait pas y exercer l’activité prévue au contrat. Par la suite, le propriétaire avait réclamé la condamnation du locataire à lui verser une indemnité d’occupation pour le temps pendant lequel ce dernier avait occupé le local jusqu’à la restitution des clés. Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause. En effet, l’indemnité d’occupation représente la contrepartie de la jouissance des lieux. Mais puisque le locataire n’avait pas pu bénéficier de la jouissance des locaux conformément à leur destination contractuelle, il n’avait pas à verser d’indemnité d’occupation.

Cassation commerciale, 3 novembre 2021, n° 20-16334

Article publié le 21 janvier 2022 – © Les Echos Publishing 2021

Non-renouvellement d’un bail commercial : comment est calculée l’indemnité d’éviction ?

L’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire en cas de non-renouvellement d’un bail commercial doit être fixée en tenant compte du droit au bail dont ce dernier est évincé car le droit au bail est un élément du fonds de commerce.

Lorsque le propriétaire d’un local loué à un commerçant refuse de renouveler le bail commercial, il doit verser à ce dernier une indemnité, dite d’éviction, destinée à le dédommager du préjudice qu’il subit en raison du défaut de renouvellement (sauf si ce refus est justifié par un motif grave et légitime). Cette indemnité comprend, notamment, la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée selon les usages de la profession, et augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation du locataire, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour racheter un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire apporte la preuve que le préjudice subi par le locataire est moindre. À ce titre, la valeur du droit au bail non renouvelé doit toujours être prise en compte dans le calcul de l’indemnité d’éviction. C’est ce que les juges ont réaffirmé dans une affaire où le bailleur avait considéré qu’il ne pouvait y avoir d’indemnisation au titre de la valeur du droit au bail sur l’ancien local car le locataire, après avoir été privé du renouvellement de son bail, s’était très vite réinstallé dans un nouveau local d’une superficie équivalente moyennant un loyer moins élevé, donc dans des conditions plus avantageuses. Mais selon les juges, cet argument n’est pas recevable car le droit au bail étant un élément du fonds de commerce, il convient nécessairement de fixer l’indemnité d’éviction en tenant compte de sa valeur.

Cassation civile 3e, 13 octobre 2021, n° 20-19340

Article publié le 09 décembre 2021 – © Les Echos Publishing 2021

L’aide « loyers » : un nouveau dispositif de soutien aux entreprises

Une aide destinée à compenser les dépenses de loyers payées par certains commerces qui ont été contraints de fermer leurs portes entre février et mai 2021 en raison de la crise sanitaire vient d’être instaurée. Elle devra être demandée d’ici le 28 février 2022.

Un nouveau dispositif de soutien aux entreprises impactées par la crise sanitaire du Covid-19 vient d’être mis en place. Il s’adresse à certains commerces de détail et de services qui ont été interdits d’accueil du public entre février et mai 2021 pour lutter contre la propagation du virus et qui n’ont pas pu bénéficier de l’aide du fonds de solidarité ni de celle relative à la prise en charge des coûts fixes. Sont concernées en particulier les entreprises qui disposent de plusieurs magasins dont certains ont dû fermer tandis que d’autres ont pu rester ouverts. Cette nouvelle aide dite « loyers » consiste à compenser les loyers dont ces commerces ont été redevables au titre de la période février-mai 2021.

Les entreprises concernées

Pour bénéficier de cette nouvelle aide « loyers », les commerces doivent remplir les conditions suivantes : avoir été créés avant le 31 janvier 2021 ; exercer l’une des activités exigibles (la liste des activités éligibles figure en annexe du décret du 16 novembre 2021) ; avoir subi une interdiction d’accueil du public dans au moins un de leurs établissements ; ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté préfectoral ordonnant la fermeture pour cause de non-respect des obligations qui leur incombaient pour lutter contre l’épidémie ; ne pas se trouver en liquidation judiciaire au premier jour du mois éligible (février, mars, avril ou mai 2021) ; ne pas avoir obtenu l’aide du fonds de solidarité ni l’aide « coûts fixes » au titre du mois éligible (ou, pour les grandes entreprises, avoir atteint le plafond de 200 000 € d’aide au titre du fonds de solidarité ou le plafond de 10 M€ de l’aide relative aux coûts fixes).

À noter : aucune condition de perte de chiffre d’affaires n’est exigée.

Le montant de l’aide

Le montant de l’aide pour un mois éligible correspond à la somme des loyers ou redevances et charges que l’entreprise a déboursée, calculés au prorata des journées d’interdiction d’accueil du public intervenues dans ce mois. Sachant que sont déduits de cette somme le montant des éventuelles aides perçues par l’entreprise au titre du fonds de solidarité ou de la prise en charge des coûts fixes pour le mois éligible ainsi que les recettes liées aux activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison qu’elle a exercées. De même, est déduit le montant de l’éventuelle indemnisation que l’entreprise a perçue de son assurance couvrant le paiement des loyers.

Précision : dans certaines situations, le montant de l’aide fait l’objet d’un plafonnement.

La demande pour bénéficier de l’aide

Les entreprises éligibles à l’aide « loyers » doivent déposer leur demande en une seule fois sur le site www.impots.gouv.fr avant le 28 février 2022. La demande doit être accompagnée, pour chaque mois éligible, d’un certain nombre de justificatifs, notamment d’une déclaration sur l’honneur attestant que l’entreprise remplit bien les conditions d’exigibilité exigées, de la preuve de la facturation des loyers et d’une attestation de son expert-comptable faisant état du respect des conditions requises. La subvention sera versée en une seule fois sur le compte bancaire fourni par l’entreprise lors de sa demande. Elle ne sera versée que si son montant atteint 500 €.

Décret n° 2021-1488 du 16 novembre 2021, JO du 17

Article publié le 01 décembre 2021 – © Les Echos Publishing 2021

Vice de construction apparu en cours de bail : le bailleur doit en être informé !

La responsabilité du bailleur ne peut être engagée pour les vices apparus en cours de bail que si, alors qu’il a été informé de leur survenance par le locataire, il n’a pris aucune disposition pour y remédier.

Sauf clause contraire prévue dans le contrat, le propriétaire d’un local commercial donné à bail est tenu de le délivrer au locataire en bon état de réparation. Et pendant la durée du bail, il doit réaliser les travaux qui sont rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble. À défaut, sa responsabilité peut être engagée pour avoir manqué à son obligation de délivrance. Mais encore faut-il qu’il soit informé de l’existence du vice. En effet, sa responsabilité ne peut être engagée pour les vices apparus en cours de bail que si, alors qu’il a été informé de leur survenance par le locataire, il n’a pris aucune disposition pour y remédier. C’est ce que les juges ont affirmé dans une affaire où un local hébergeant un restaurant-dancing avait été administrativement fermé au public en raison d’un affaissement de la charpente. Le locataire avait alors demandé la résiliation du bail pour manquement du bailleur à son obligation de délivrance. Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause. En effet, ils ont constaté, d’une part, qu’il n’était pas établi que le désordre affectant la charpente existait avant la conclusion du bail. D’autre part, que le locataire avait informé le bailleur des problèmes liés à l’état de la charpente deux ans seulement après qu’il en avait eu connaissance. Et enfin, que ce dernier avait alors pris les dispositions nécessaires pour y remédier mais le locataire n’avait tenu aucun compte de son offre de travaux, lesquels auraient été de nature à mettre un terme au problème.

Conclusion : lorsqu’un vice apparaît en cours de bail, il revient au locataire d’en informer le bailleur, sinon il ne serait pas en droit de lui reprocher d’avoir manqué à son obligation de délivrance et d’entretien du local loué.

Cassation civile 3e, 13 octobre 2021, n° 20-19278

Article publié le 22 novembre 2021 – © Les Echos Publishing 2021