Pour procéder à la mise à la retraite d’office d’un salarié

Dès lors qu’un salarié atteint l’âge de 70 ans, il peut, à condition d’avoir été recruté avant cet âge, être mis à la retraite d’office par son employeur.

Lorsqu’un salarié atteint l’âge de 67 ans, son employeur peut, avec son accord, envisager sa mise à la retraite. Mais une fois franchi l’âge de 70 ans, son employeur peut procéder, cette fois sans son accord, à sa mise à la retraite. Et une seule condition s’applique à cette mise à la retraite d’office : le salarié doit avoir été recruté avant ses 70 ans. Autrement dit, peu importe l’âge auquel il peut bénéficier d’une pension de retraite à taux plein, comme vient de le préciser la Cour de cassation. Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une association à l’âge de 63 ans. Son employeur avait procédé à sa mise à la retraite d’office lorsqu’il avait atteint l’âge de 70 ans. Une mesure que le salarié avait contesté en justice. Saisie du litige, la Cour d’appel de Bordeaux avait constaté qu’à la date d’embauche du salarié, celui-ci, alors âgé de 63 ans, pouvait prétendre à une pension de retraite à taux plein (et avait d’ailleurs fait valoir ses droits). Dès lors, pour elle, l’employeur n’était pas fondé à prononcer sa mise à la retraite d’office. Mais pour la Cour de cassation, peu importe l’âge auquel l’assuré peut faire valoir ses droits à retraite à taux plein (et qu’il demande ou non le bénéfice de sa pension). Dès lors qu’il est recruté avant l’âge de 70 ans, son employeur peut, une fois cet âge atteint, procéder à sa mise à la retraite d’office.

Important : lorsque la mise à la retraite d’office d’un salarié est injustifiée, la rupture du contrat de travail est requalifiée par les juges en licenciement sans cause réelle et sérieuse, donnant lieu au paiement de dommages-intérêts au salarié.

Cassation sociale, 27 novembre 2024, n° 22-13694

Article publié le 20 décembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : gilaxia / Getty Images

Intégration fiscale : quelle réclamation en cas de contrôle d’une société membre ?

La notification d’une proposition de redressement à une société membre d’un groupe fiscalement intégré ne permet pas à la société mère de se prévaloir du délai spécial de réclamation pour l’imposition correspondant aux résultats d’autres sociétés du groupe.

En matière d’impôt sur les sociétés, l’administration fiscale peut procéder à des redressements jusqu’au 31 décembre de la 3e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. Sachant toutefois qu’une proposition de redressement notifiée avant l’expiration de ce délai interrompt la prescription. L’entreprise bénéficie alors d’un délai spécial pour présenter ses réclamations, délai qui expire le 31 décembre de la 3e année suivant celle de la notification de la proposition de redressement.

À noter : de son côté, l’administration fiscale dispose de ce même délai pour mettre en recouvrement le redressement.

À ce titre, le Conseil d’État a jugé que la notification d’une proposition de redressement à une société membre d’un groupe fiscalement intégré interrompt la prescription à l’égard de la société mère pour les seules impositions correspondant au résultat individuel de cette société membre. En conséquence, les juges viennent de préciser que la société mère ne peut pas se prévaloir du délai spécial de réclamation pour solliciter la correction de l’impôt d’ensemble du groupe à raison d’éléments propres à l’activité ou aux résultats de sociétés membres autres que celle ayant fait l’objet de la procédure de redressement.

Précision : dans cette affaire, la demande de correction de la société mère avait porté sur des crédits d’impôt, imputables sur l’impôt d’ensemble du groupe, attachés aux produits reçus ou aux dépenses exposées par d’autres sociétés membres du groupe.

Conseil d’État, 9 octobre 2024, n° 490195

Article publié le 18 décembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Mkurtbas / Getty images

Comblement de passif : qui peut être condamné lorsque le dirigeant est une société ?

Lorsqu’une société par actions simplifiée est en liquidation judiciaire et qu’elle est présidée par une autre société, seule la personne qui a été désignée comme représentant permanent au sein de la SAS peut voir sa responsabilité engagée pour insuffisance d’actif.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif (c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société. Sachant que lorsque le dirigeant de la société en liquidation judiciaire est elle-même une société, c’est le dirigeant de cette dernière qui peut voir sa responsabilité engagée à ce titre, mais à condition qu’il ait la qualité de représentant permanent de la société en liquidation judiciaire. Si ce dirigeant n’a pas été désigné comme représentant permanent, sa responsabilité pour insuffisance d’actif ne peut pas être engagée. C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Une société par actions simplifiée (SAS) dont le président était une société avait été placée en liquidation judiciaire. Conformément aux statuts, la société présidente avait désigné une personne en qualité de représentant permanent de la SAS. Face à une insuffisance d’actif de la SAS, le liquidateur judiciaire avait demandé en justice qu’une partie du passif soit mis à la charge du dirigeant, représentant légal de la société présidant la SAS, alors que ce dernier n’en était pas le représentant permanent. Condamné par la cour d’appel à payer une partie du passif, le dirigeant mis en cause avait contesté cette décision devant la Cour de cassation.

La responsabilité du représentant permanent de la société dirigeante

La Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. Pour elle, lorsqu’une SAS est présidée par une autre société et que, conformément aux statuts, un représentant permanent au sein de la SAS a été désigné, la responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS ne peut être engagée que contre la personne qui a la qualité de représentant permanent de la SAS, et non pas contre celle qui est le dirigeant de droit de la société dirigeante dès lors qu’elle n’a pas la qualité de représentant permanent.

Précision : si aucun représentant permanent au sein de la SAS n’a été désigné, la responsabilité pour insuffisance d’actif peut alors être engagée contre le représentant légal de la société présidente.

Cassation commerciale, 20 novembre 2024, n° 23-17842

Article publié le 17 décembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : sunyixun

Réservation d’hôtel non honorée : les sommes prélevées sont-elles soumises à la TVA ?

Le Conseil d’État a précisé que les sommes qu’un hôtelier est contractuellement en droit de conserver lorsqu’un client n’honore pas sa réservation constituent la contrepartie d’un service individualisable et sont donc soumises à la TVA.

Pour être imposées à la TVA, les indemnités doivent constituer la contrepartie d’un service individualisé rendu à celui qui les verse. À ce titre, le Conseil d’État a précisé que les sommes qu’un hôtelier est contractuellement en droit de débiter sur la carte bancaire donnée en garantie lorsqu’un client n’honore pas sa réservation constituent la contre-valeur de la prestation d’hébergement que le client s’était engagé à régler de manière ferme à la signature du contrat.

À noter : dans cette affaire, le montant susceptible d’être prélevé s’élevait au prix d’une nuitée lorsqu’il s’agissait d’un particulier et au prix de la totalité du séjour lorsqu’il s’agissait d’une entreprise.

En effet, dans ce cas, l’hôtelier réalise la prestation dès lors qu’il met le client en mesure d’en bénéficier, peu importe que ce dernier en fasse usage ou non. En conséquence, les sommes en cause constituent la contrepartie d’un service individualisable et sont donc soumises à la TVA.

Précision : les juges ont rappelé qu’il en va différemment lorsque les sommes conservées par le prestataire constituent des indemnités de résiliation ayant pour objet de réparer le préjudice subi à la suite de la défaillance du cat. Ces sommes n’ont alors pas à être soumises à la TVA dans la mesure où elles ne constituent pas la contrepartie d’un service.

Conseil d’État, 9 octobre 2024, n° 489947

Article publié le 12 décembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : ljubaphoto / Getty images

Cession de droits sociaux : la garantie d’éviction due par le cédant est limitée

L’interdiction faite au cédant de droits sociaux, en vertu de la garantie d’éviction à laquelle il est tenu, de concurrencer la société dont il a cédé les titres est limitée dans le temps, au regard de l’activité et du marché concernés.

Le cédant de droits sociaux est tenu de garantir l’acquéreur de toute éviction qui serait de son fait, même si l’acte de cession ne le prévoit pas. Prévue par la loi, cette garantie interdit au cédant de commettre des actes qui seraient de nature à constituer des reprises ou des tentatives de reprise de la société vendue ou des atteintes à l’activité de la société telles qu’elles empêcheraient l’acquéreur de la poursuivre ou de réaliser l’objet social.

Rappel : le cédant de droits sociaux est également tenu de garantir l’acquéreur contre toute éviction émanant d’une tierce personne, sauf si une clause insérée dans l’acte de cession prévoit le contraire.

En vertu de cette garantie d’éviction, le cédant de droits sociaux s’interdit donc de se rétablir en concurrençant la société dont il a cédé les droits. Mais cette obligation est limitée dans le temps, au regard de l’activité et du marché concernés.

Un marché innovant et évolutif

Les juges ont réaffirmé cette règle dans l’affaire récente suivante. Quelque temps après avoir acquis les actions d’une société éditant des logiciels, son nouveau propriétaire avait agi en justice contre les cédants en invoquant la garantie d’éviction car il leur reprochait d’avoir créé une société dans le même domaine d’activité. Mais les juges ont estimé que ces derniers n’avaient pas méconnu leurs obligations résultant de la garantie d’éviction, et ce pour plusieurs raisons :
– la société concurrente avait été créée par l’un des cédants plus de trois ans après la cession, l’autre cédant l’ayant rejoint en tant que salarié plus de quatre ans après la cession ;
– la mise en ligne par la société concurrente de la première version d’un logiciel n’avait eu lieu que cinq ans après la cession ;
– la société dont les titres avaient été cédés intervenait sur un marché, en l’occurrence celui du développement des produits informatiques et des prestations de services correspondantes, où l’innovation technologique est rapide. Pour les juges, interdire pendant plusieurs années aux cédants d’une société œuvrant sur un tel marché innovant et évolutif de créer une société dans le même secteur serait disproportionné par rapport à la protection des intérêts de l’acquéreur.

Cassation commerciale, 6 novembre 2024, n° 23-11008

Article publié le 10 décembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Prapass Pulsub / Getty Images

Obligation de conseil du vendeur professionnel : à lui de prouver qu’il l’a bien remplie !

Le vendeur professionnel doit prouver qu’il a bien satisfait, lors de la vente, à son obligation de conseil à l’égard de l’acheteur.

Le vendeur professionnel est tenu à une obligation d’information et de conseil à l’égard de ses clients. Cette obligation lui impose notamment de se renseigner, avant la vente, sur les besoins de l’acheteur et de l’informer de l’aptitude ou de l’adéquation du bien proposé à l’utilisation qui en est prévue.

Précision : cette obligation d’information et de conseil pèse sur le vendeur lorsque l’acheteur est un profane, c’est-à-dire une personne qui ne dispose pas de la compétence lui permettant de juger par elle-même de la portée exacte des caractéristiques techniques du bien vendu et de son adaptation à l’usage auquel il est destiné. Cette personne peut donc être un particulier, mais aussi, le cas échéant, un professionnel.

En cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu’il a bien rempli son obligation de conseil lors de la vente. Ce principe a été rappelé par les juges dans l’affaire récente suivante. Un hôtel-bar-restaurant situé en bord de mer avait acheté du mobilier, notamment des parasols, pour sa terrasse extérieure. Ce mobilier s’étant rapidement dégradé, l’exploitant de l’hôtel avait agi en justice contre le vendeur pour obtenir l’annulation de la vente. La cour d’appel avait rejeté la demande de l’acheteur au motif que le vendeur soutenait l’avoir avisé oralement, lors de la vente, de la nécessité d’entretenir le matériel livré compte tenu de sa future exposition aux embruns. Cette affirmation étant d’ailleurs étayée par un constat d’huissier, établi quelques années après la vente, selon lequel l’exploitant de l’hôtel indiquait qu’il appliquait sur les parasols, toutes les semaines en saison, un produit spécifique ainsi qu’une graisse synthétique afin de les entretenir. En outre, la cour d’appel avait constaté qu’une nouvelle information sur ce point avait été donnée à l’acquéreur, par écrit, par le biais d’une mention figurant sur une facture émise postérieurement à la vente.

La preuve d’une information donnée au moment de la vente

Mais saisie à son tour, la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. Pour elle, il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue. À ses yeux, les motifs relevés par la cour d’appel n’étaient pas suffisants pour établir que le vendeur avait rempli cette obligation au moment de la vente.

Cassation commerciale, 16 octobre 2024, n° 23-15992

Article publié le 06 décembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : FG Trade Latin / Getty images

Rupture conventionnelle : convention modifiée = nouveau délai !

L’employeur qui modifie une convention de rupture conventionnelle après un refus d’homologation de l’administration doit respecter un nouveau délai de rétractation de 15 jours.

L’employeur et le salarié qui concluent une rupture conventionnelle doivent, avant d’adresser la convention de rupture à l’administration pour homologation, respecter un délai de rétractation de 15 jours calendaires. Un délai durant lequel chaque partie peut renoncer à la rupture conventionnelle. Et attention, comme vient de le rappeler la Cour de cassation, en cas de refus d’homologation de la convention de rupture conventionnelle, la nouvelle demande d’homologation transmise à l’administration implique une nouvelle procédure et donc un nouveau délai de rétractation…Dans cette affaire, un salarié avait signé avec son employeur une convention de rupture dont l’homologation avait été refusée par l’administration. L’employeur avait alors rectifié la convention en augmentant le montant de l’indemnité due au salarié (d’environ 60 €) et en décalant d’un jour la date de la rupture du contrat de travail. Des modifications qui avaient suffi à l’administration pour homologuer la rupture conventionnelle. Quelques jours après la rupture de son contrat de travail, le salarié avait saisi la justice afin d’obtenir, en particulier, la nullité de la rupture conventionnelle. Et pour cause, il reprochait à son employeur de ne pas l’avoir informé des modifications apportées à la convention de rupture et de ne pas avoir bénéficié d’un nouveau délai de rétractation de 15 jours. Saisie du litige, la Cour d’appel de Lyon n’avait pas fait droit aux demandes du salarié. Pour elle, les changements intervenus dans la convention n’étaient pas de nature à remettre en cause le consentement du salarié à la rupture conventionnelle. Ils ne pouvaient donc pas, à eux seuls, entraîner la nullité de la rupture. Mais pour la Cour de cassation, les modifications apportées par l’employeur, sans information du salarié et sans application d’un nouveau délai de rétractation de 15 jours, entraînent la nullité de la rupture conventionnelle.

À savoir : en cas de nullité de la rupture conventionnelle, la rupture du contrat de travail est requalifiée par les juges en licenciement sans cause réelle et sérieuse et donne lieu au paiement de dommages-intérêts au salarié.

Cassation sociale, 16 octobre 2024, n° 23-15752

Article publié le 05 décembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : AzmanL / Getty images

Insuffisance d’actif : quelles dettes peuvent être mises à la charge du dirigeant fautif ?

Dans le cadre d’une action en responsabilité contre le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, seules les dettes nées avant le jugement d’ouverture peuvent être prises en compte.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif (c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société. Sachant que seules les dettes nées avant le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire peuvent être prises en compte pour déterminer l’insuffisance d’actif. Les dettes qui naissent après le jugement n’ont donc pas à entrer dans le passif pris en compte pour calculer le montant de l’insuffisance d’actif. C’est ce que les juges ont rappelé récemment pour des sommes correspondant aux frais de recouvrement de comptes clients et de ventes aux enchères, ces frais étant nécessairement postérieurs au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire et ne pouvaient donc pas être pris en compte pour le calcul de l’insuffisance d’actif.

Rappel : une simple négligence ne peut pas être retenue à l’encontre d’un dirigeant pour mettre en jeu sa responsabilité et lui faire payer personnellement une partie des dettes de la société.

Cassation commerciale, 23 octobre 2024, n° 23-15365

Article publié le 29 novembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : opolja / Getty Images

Échange de parcelles agricoles : les droits du locataire

En cas d’échange de parcelles agricoles, leurs propriétaires respectifs ne peuvent pas imposer à l’exploitant locataire de l’une des parcelles concernées de demeurer sur la parcelle d’origine

En cas d’échange de parcelles agricoles, l’exploitant locataire de l’une de ces parcelles a le droit de demander le report de son bail sur la parcelle attribuée à son bailleur en échange de celle que ce dernier a apportée à l’autre propriétaire. Cette règle s’applique en cas d’échange opéré tant dans le cadre d’une procédure d’aménagement foncier agricole et forestier qu’à l’amiable.

Précision : le locataire doit exprimer sa volonté de voir son bail reporté sur la parcelle reçue en échange par son bailleur dans un « délai raisonnable ». Et en cas de refus du report, le bail est automatiquement résilié.

Posé par la loi, ce principe a été appliqué par les juges dans une affaire où les deux propriétaires respectifs des deux parcelles agricoles échangées à l’amiable, dont l’une était louée, avaient convenu que le bail du locataire continuerait sur la parcelle d’origine. Mécontent de cet arrangement, ce dernier avait demandé en justice que son bail soit reporté sur la parcelle attribuée à son bailleur. Il a obtenu gain de cause, les juges ayant affirmé qu’il était fondé à exiger que son bail se poursuive sur la parcelle reçue en échange par son bailleur dans la mesure où l’échange ainsi intervenu lui imposait une substitution de bailleur à laquelle il n’avait pas consenti. Il convient d’en déduire que les propriétaires qui procèdent à un échange n’ont pas le pouvoir d’écarter l’application de cette règle légale, sauf accord du locataire.

Cassation civile 3e, 27 juin 2024, n° 22-23803

Article publié le 26 novembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : © Thomas Winz 2018

Adoption des décisions collectives dans les SAS : à quelle majorité ?

Dans les sociétés par actions simplifiées, une décision collective d’associés ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées. Les statuts ne peuvent donc pas prévoir que les décisions collectives soient adoptées par un vote minoritaire.

Dans les sociétés par actions simplifiées (SAS), les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient. Sachant que la loi impose que certaines décisions, comme l’augmentation du capital, soient prises collectivement par les associés dans les conditions prévues par les statuts. Mais les statuts peuvent-ils prévoir que les décisions collectives puissent être adoptées par une minorité d’associés ? À cette question, la Cour de cassation a répondu récemment par la négative. Dans cette affaire, les statuts d’une SAS prévoyaient que « les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés présents ou représentés ». Lors d’une assemblée générale, les associés avaient voté pour une augmentation de capital réservée au président, les votes « pour » ayant représenté 46 % des droits de vote (229 313 voix) et les votes « contre » 54 % (269 185 voix). Les votes « pour » étaient donc supérieurs au tiers requis mais inférieurs aux votes « contre ». Du coup, certains associés avaient demandé en justice l’annulation de cette décision.

La majorité des voix exprimées

Saisie du litige, la Cour de cassation leur a donné satisfaction et a donc annulé la décision en affirmant, d’une part, « qu’une décision collective d’associés, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix », d’autre part, que « toute autre règle conduirait à considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires », et enfin, que « la liberté contractuelle qui régit la SAS ne peut s’exercer que dans le respect de principe ». Il en résulte que, dans les SAS, une décision collective des associés ne peut valablement être adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause des statuts prévoyant le contraire étant considérée comme inexistante.

Précision : la nécessité d’une majorité des voix exprimées s’applique tant aux décisions collectives des associés qui relèvent de leur compétence obligatoire en vertu de la loi que de celles que les statuts leur attribuent.

Cassation assemblée plénière, 15 novembre 2024, n° 23-16670

Article publié le 26 novembre 2024 – © Les Echos Publishing 2024 – Crédit photo : Sam Edwards / Getty Images